eft fous les yeux de tout le monde. C ’eft donc
en partie dans le défaut de manufactures que
le mal prend fa fource : la défenfe d’exporter les
matières premières peut donc être un bien relativement
à la LorraineJ3 quoiqu’Nabfolument , 8c
dans des cireonftances différentes , ce ne foit pas
toujours une mal-adrejfe de vendre /es matières
premières , pour Les racheter enfuice manufiSiurées.
C e n’eft pas toujours une mal-adreffe pour une
nation, de vendre une partie de fes matières premières
brutes, lorfqu’ une autre partie de ces matières
premières mifes en valeur par les travaux de
l'indultrie, fournit à cette nation des profits
plus grands, que ceux qu'elle auroit fait en travaillant
toutes fes matières premières.
Si les Lyonnois recueillent des chanvres, il
peut être de leur intérêt de les vendre bruts,
& d’acheter des toiles toutes faites, pour appliquer
tous les bras de la province à fabriquer des.
étoffes de foie, dont la vente fournira à la province
des profits plus grands que la fabrication
de quelques toiles. Mais fi après - avoir appliqué
aux manufactures de foie autant d’hommes que
l’état du commerce en demande, il refte des
bras oifift, il fera plus avantageux aux Lyonnois
de fabriquer des toiles , que de vendre leurs
chanvres aux étrangers : les Lorrains font afïuré-
ment dans ce dernier cas.
Defcendons dans quelques détails.
i®. La concurrence des étrangers eft bien une
des caufes qui foutiennent le prix des matières $
mais ce n’eft pas la feule. Dans un pays fermé
aux étrangers , mais riche erj manufactures de
toile, la culture du chanvre peut être plus encouragée
par la concurrence des feuls nationaux
entr’eux , que par celle des étrangers avec les
nationaux. Que fera-ce, fi les nationaux ne les
difputent pas aux étrangers ? croit - on que les
cultivateurs y gagneroient ? c’eft-Jà cependant ce
qui arrive en Lorraine. L ’auteur des lettres dit
que les laines s’aviliront, fi les étrangers n’entrent
pas en concurrence avec les nationaux j 8c
nous difons qu’elles s’aviliront davantage, fi les
nationaux n’entrent pas en concurrence avec les
étrangers.
z ° . Indépendamment de la concurrence des
nationaux, l’établiffement des manufactures, fa-
vorifé par la prohibition de la fortie des matières
premières , dédommagera avec ufure le cultivateur
de ce défaut de concurrence des étrangers.
Quand ces laines fe vendroient un peu moins
chèrement, fi la population & l’aifance, fuite
néceffaire de l’établiffement des manufactures
lui font vendre fes autres denrées à meilleur prix *
il gagnera encore à la prohibition de la fortie des
laines.
3 °* Si i aujourd’hui que le tarif n’a pas lieti^
& que la fortie des laines de Lorraine eft entié-»
rement libre, la culture de cette matière première
etoit dans un état florilfant, ©n.pourroit attribuer
à bon effet la concurrence des étrangers, 8c
craindre que le tarif ne fût funefte à la Lorraine 9
en détruifant cette concurrence ; mais dans le
fa it, 8c par l’aveu meme de l'auteur, cette concurrence
n’a ni encouragé la multiplication des
beftiaux, ni perfectionné les laines. C a r , dans
la même lettre, il d i t , que nos laines font fort
médiocres., qu’elles ne conviennent aux étrangers
que quand la récolte eft abondante , c’eft-à-dire,
quand elles font à bas prix 5 que l’émulation des
cultivateurs fur cet objet de commerce, a befoin
d’être aiguillonné $ que nous avons des villages
entiers dépourvus aujourd’hui de troupeaux, & c .
Où font donc les beaux effets de cette concurrence
des étrangers ? Qu’avons-nous d.onc à craindre
de la prohibition de la fortie des laines,
puifque la liberté n’a produit aucun bien? Voilà
encore, un exemple des contradictions familières
à l’auteur des lettres.
Mais , dit cet écrivain , f i on livre les bergeries
de Lorraine a- nos fabricans , exclufivement aux
étrangers , on rendra l ’Etat fabriquant d’ étoffes de
laine , tandis que 3 par fa conflit ut ion 3 il doit être
laboureur & pafteur. C’eft méconnoître les droits du
plus grand nombre, contre une poignée d’hommes
qui font les apôtres de la liberté du commerce , quand
elle les fert mais qui en deviendraient les deflruc—
teurs & les tyrans , quand elle contrarie leurs intérêts
perfonnels.
Voilà des idées fauffes, des contradictions &
des injures.
En nous livrant les laines de la province, en
encourageant nos fabriques, les manufactures de
laine pourront profpérer J mais l'Etat n’en deviendra
pas pour cela fabriquant d étoffes de
laine. L’aggrandiffement des manufactures a des
bornes néceffaires, déterminées par l’étendue de
la confommation, tant intérieure qu’extérieure ,
par la néceffité des autres genres d’induftrie &
de. travaux , pour fatisfaire aux autres befoiôs ,
8c par une infinité d’autres cireonftances.
D ’ailleurs, quel inconvénient l’auteur trouve-
roit-il à ce qu’ un pays entier fût principalement
appliqué à la fabrique des étoffes de laine ?
N ’y a-t-il pas des. provinces de France 8c des
autres Etats de l’Europe , dont les habitans font
principalement appliqués à un feul genre d’in-
duftrie , pourvu que ce genre d’ induftrie leur
fourniffe par le commerce toutes les chofes dont
ils ont befoin ?.Quel mal y a-t-il, que ce pays ne
foit ni agriculteur, ni pafteur ? Mais il fera l’un
& l’autre à la fois.
II eft telle province dont les productions du
fol font au moins au (fi variées que celles de la
Lorraine, 8c très-riches en fabriques de laine :
ces deux chofes ne s’excluent pas 1 u je l’autre,
8c peuvent fe réunir.
Pour les injures que l’auteur des lettres nous
adreffe, elles ne valent pas la peine d’ être relevées.
Nous n’avons ni le pouvoir , ni le defir
de tyrannifer la liberté de commercé, fans laquelle
aucun genre d’induftrie ne peut profpérer.
Nous ne recueillons ce que dit l’auteur des lettres,
que pour faire remarquer le peu d’équité 8c de
modération de cet écrivain.
La troifième objection de l’auteur des lettres
contre le tarif, eft que l’établiffement des bureaux
entre la Lorraine & les pays étrangers, nous
fera perdre l ’avantage d’acheter des étrangers
dès denrées,.& toutes fortes de marchandifes, à
un prix beaucoup plus modique que les habitant
du royaume fournis au tarif.
Pour appuyer fon raifonnement, l’ auteur donne
pour exemple , dans fa quatrième lettre, les lucres
de Hollande , dont le tonneau paiera, dit-il,
cinq cens livres d'entrée en Lorraine, félon le
tarif, tandis qu’ il ne paie aujourd’hui aux fermiers •
de la foraine, tout au plus que vingt fols ; les
toiles, dont la pièce de trente fix aunes fuppor- '
liera, félon lu i , un droit équivalent à la valeur
de deux çhemifes , c’eft-à-dire, d’ un feptième de
la valeur, 8c plufieurs autres marchandifes fur
lefquelles on paiera au fermier, félon le nouveau
ta r if, le fixièrae ou le cinquième de ce qu’elles
coûteront.
i° . L’auteur des lettres préfente ici l’état de
la queflion avec une màuvaife fo i inexcufable. Les
droits exprimés dans la lettre qui nous a été
communiquée par le miniftre, ne font propofés
que comme des exemples, & non comme une
quotité déterminée fans retour, puifque c’eft fur
cette même.quotité qu’on nous confulte. D ’ailleurs
, ces mêmes droits font plus confidérables
fur les marchandifes étrangères qui peuvent nuire
aux manufactures de la province, que fur celles
qui font d’un ufage néceffaire , 8c qu’on eft ob-
bligé de tirer de ^étranger.
On ne fauroit voir fans étonnement cet écrivain
en impofer a fes lecteurs fur ces cireonftances ,
dont il étoit cependant très-bien inftruit. Il repréfente
le droit de vingt pour cent, comme fixé
fans retour, 5 c même comme fufceptible d’augmentation
, fans l ’êtrè de diminution > 8c il
donne ce même droit de vingt pour cen t, comme
univerfel , 8c affrétant toutes les marchandifes
étrangères, fans aucune diftinCion de celles dont
la province ou le royaume auroient des équi-
Valens, d’avefc celles dont on ne peut fe pourvoir
que chez les étrangers.
Rien ne peut exeufer cette infidélité de l ’auteur
des lettres dans la manière de-préfènrer les objets,
8c de traiter une queftion qui intéreffe auffi fortement
le bien de la province.
2°. L’exagération , & la faujfeté des calculs de
l ’auteur font manifefles.
Les droits fur les épiceries , par exemple , ne
font que de fept 8c demi, 8c non pas de vingt
pour'cent. Comme ils ne font préfentés que fur
ce pied, on n'a sûrement pas envie de les augmenter.
Si les rédacteurs du nouveau tarif fe
font réfervés quelques changemens à faire par
le miniftère, ce fera plutôt pour accorder des
grâces, que pour augmenter les charges.
30. Les droits impofés par le nouveau tarif
peuvent être plus confidérables, fans être plus à
charge à la province. En effet,
Pour eftimer fî, ces droits font plus ou moins
à charge , il rrê fliffit pas d’en faire le calcul
abfolu, il faut le comparer aux facultés de ceux
qui les paient. Il y a tel pays & telle province
qui ne paient que des droits modiques à leur
fouverain , & qui fouffrent plus de- ces droits
modiques, que tel autre qui paie des impôts
beaucoup plus confidérables. C e principe ne peut
pas être contefté 5 8c il nous femble qu’on peut
en faire à la Lorraine une application très-jufte.
La culture y eft négligée, les manufactures y
font languiflàntes j cette province eft mife à contribution
par tous les pays voifins, qui lui four-
niffent des marchandifes de toutes efpèces,
qu’elle pourroit elle-même fe procurer. La nature
.de fon commerce , beaucoup plus paflif qu’aCtif,
lui fait perdre continuellement des fommes confidérables
j la population y diminue. Voilà des
faits qui font fous nos yeux i voilà la fubftance
des plaintes que fo n t , depuis plus de vingt ans*
la province & la cour fouveraine.
Dans cet éta t, le fardeau le plus léger peut
être encore trop pefant : mais détruifons les caufes
de cette foiblefte 5 rendons aux manufactures 8c
à l’agriculture leur activité ; changeons la nature
de ce commerce ruineux j élevons entre les étrangers
8c laprovin.ee, une barrière, q u i, en empêchant
le verfement de leurs productions chez
nous , encourage notre induftrie. En retenant ainlî
l’argent dans la province, 8c en augmentant fa
circulation, nous pourront payer des droits plus
confidérables 5 8c les payer plus aifément que
ceux auxquels nous fommes fournis aujourd’hui.
40. Nous pouvons dire à l ’auteur des lettres
que l’exemption de tous droits fur les marchandifes
de France , dédommagera la Lorraine de
ceux qu’elle paiera fur les marchandifes étrangères:
la circulation intérieure de toutes les denrées
8c marchandifes du royaume , qui fera la fuite
du tar if, fera, que telle denrée 8c telle marchany
A a a a a ij