
fi’en levant nï plus ni moins, tout l'Etat devient
folidaire.
Pour foulager un village qui payé mal , on
charge de la dette, un autre village qui paye mieux 5
on ne rétablit point le premier, on détruit le
fécond; le peuple eft défefpéré, entre la néceflité de
payer por/.éviter des.exécurions qui fuivent prom-,
tement, & le danger de payer crainte de fur-
charge*
On a ofé avancer que la folidité des habitans
d'un m.ême village étoit raifonnable, parce qu'on
pouvoit fuppofer un complot frauduleux de leur
part; mais oùa-t’on pris que fur des fuppofîtions
on doive établir une chofe injufte par elle-même
& ruineufe pour l'Etat ? Il faut bien dit- on ,
que la perception des impôts foit fixée , pour répondre
aux dépenfes qui le font j o u i, la perception
des impôts qui ne feront pas injuftes & rui-
«eux. Remettez , fans hélîter, de tels impôts ,*
ils fructifieront immanquablement. Cependant ne
peut-on pas faire des retranchemens fur plufieurs
de ces dépenfes qu'on nomme fixes ? ce que
l'entente peut dans la maifon d'un particulier ,
ne le pourroit elle pas dans l'adminiftration d'un
Etat ? n'a-t-il point de reffources pour économi-
fer dans le tems de paix ? pour fe libérer s'il eft end
e tté , former mêmes des épargnes pour les cas
fort uits , lesconfacrer au bien.public, & en attendant,
les faire toujours circuler entre les mains des
tréforiers , en prêts à des compagnies folides qui
établiraient des cailfes d'efcompte , ou par d'autres
emplois?
Il y a cent projets pour rendre l'Etat riche,
contre un feul, dont l'objet foit de faire jouir
chaque particulier de la richeffe de l'état. Gloire ,
grandeur , puifiance d'un royaume ! Que ces mots
font vains & vides de fens , auprès de ceux de
liberté, aifance & bonheur des fujets ! Quoi donc,
ne feroit-ce pas rendre une nation riche & puif-
fante , que de faire participer chacun de fes membres
aux richeffes de l'Etat? Voulez-vous y parvenir
en France ? les moyens s'offrent en foule à
l'efprit j on va citer les principaux.
i ° . Il s'agit de favorifer puiflamment l’agriculture
, la population & le commerce, fources des
ficheffes du fujet & fouverain.
1 a°- - Proportionner le bénéfice "des affaires de
finance, à celui que donne le négoce & le défrichement
des terres en général 5 car alors les entre-
prifes de finance feront encore les meilleures,
puifqu’elles font fans.rifqu^, outre qu'il ne faut
jamais oublier que le prôfit des financiers eft tou.-
jonrs une diminution des revenus jjfi peuple &
du roi.
3 Reftreindre l ’ufàge immodéré des richeffes
f>L des charges inutiles.
4e- Abolir les monopoles, les péages, les privilèges
exclufifs , les lettres de maîtrife , le droit
d aubaine, tous les droits qui pèfent fur la culture
& le cultivateur, & qui donnent lieu à des recherches
& des vexations qui tourmentent le
peuple.
f° . S abftenir de traités ou d'affaires extraordinaires
avec les gens à argent.
6°. Corriger les abus & les gênes de la taille,
de la milice & de Y impôt du fel.
7 . Se garder de toucher aux monnoies pour
en augmenter la valeur ou l'affoiblir.
8°. Permettre le tranfport & l'exportation des
efpèces , parce que c'eft une chofe jufte & avantage
ufe.
9°. Tenir l’inte'rêt de l'argent aufli bas que le
permet le nombre combiné des prêteurs &. des
emprunteurs dans l'Etat.
, ^o°. Enfin alléger les impôts & les répartir,
fuivantles principes delà jufticediftributive.
La France feroit trop puiffante & les françois
feraient trop heureux , • fi ces divers moyens
etoient mis en ufage.
Tout ce qu'on vient de voir , eft tiré de la
première édition de l'Encyclopédie, & paroît emprunte
de 1 Efprit des Loix de Montefquieu, &
des recherches & confidérations fur les financés
de M. de Forbonnais.
On ajoutera ici, pour l'édification des perfonnes
pieufes qui font attachées aux finances, ce que
l'on trouve au mot Im pô t dans le Dictionnaire des
Finances , édition in~n de 1727.
L'ufage de lever des impôts a été pratiqué
95 de tout tems, & nous liions même dans PE-
» criture-fainte, que faint Matthieu étoit commis
» au bureau des impôts, & que notre Seigneur
■ *> paffant devant le bureau lui dit: Matthieu jui-
*> vei-moL Auffi-tôt faint Matthieu le leva &
» le fuivit- En faint Matthieu, ckep.. 9. v. g.
Saint Marc, chap. 11. v. 14.
» C e t exemple doit être confolant pour ceux
■ »s qui font employés dans les bureaux où fe per-
93 çoivent les impôts, & l’aVantage qu'il y a d'oc-
93 cuper un pofte qui a été rempli par un faint ,
**» en doit rendre non-feulement 1 exercice bien
-33 glorieux, mais doit encore fervir de modèle à
33 tous les employés, pour fuivre l'exemple d'un
33 fi illuftre prédéceffeur.
Ce.feroit ici le lieu de faire voir comment les
impôts ont pris naiffance' avec les fociétés;; combien,
& fous quelle multitude de noms, on en a établi
dans tous les gouvernemens , à mefure. que. les
fociétés ont fait des progrès dans les arts, & à
mefure que l'autorité a fu s'arroger le droit & le
pouvoir de foüler les peuples pour fatisfaire fes
vues particulières, bien plus que pour opérer la
félicité publique. Mais l’introduélion , ou l’effai
hiftorique Tur les finances qui eft la tête .du premier
volume de cet ouvrage *, a eu pour objet
de confidérer rapidement, à la vérité, les diverfes
fortes d’impôts dans les républiques de la Grece,
dans l'empire Romain & dans les Gaules, tant
avant qu’après la formation de notre monarchie.
L'hiftoire nous a fourni tous les détails que nous
avons, donnés à cet égard ; nous penfons qu'il
feroit fuperflu de les étendre davantage. On en
a affez dit pour faire voir, que de tout tems &
partout, l'autorité a fu combiner adroitement les
moyens d'arracher’ aux peuples une partie de leurs
' revenus , mais qu'il étoit réfervé aux tems modernes
de trouver l'heureufe invention du crédit
& des emprunts, & de partager ainfi le poids
d'une dette accablante, çntre les générations actuelles
& les générations futures.
On peut voir au mot G én é r a l it é qu'elle^ft
la fournie des impôts qui fe perçoivent en France,
& leur répartition par province & par tête d’habitant
j il convient de préfenter ici les réflexions
générales que fait l'homme d'état qui a tracé ce
tableau , fur l’étendue de ces impôts ; ce chapitre
appartient tout entier à une Encyclopédie des
Finances.
Rappelions d'abord qu’on trouve^ que fans y
comprendre rafîujettiflèmcnt à la foilice & au
fcrvice de mer, les impôts ou contributions s'élèvent
à cinq cens quatre-vingt cinq millions.
Les hommes indifférens, les froids politiques,
n'appercevronc peut être dans cette immenfité
d impôts, que les grandes reffources de la France.
Sans doute on en peut tirer cette indu&ion ; mais
je voudrois que le premier mouvement fût un
autre fentiment, une autre penfée.” Je voudrois
que l'adminiftration ne vît pas feulement, dans un
pareil tableau, la puifiance politique du monarque ,
mais qu elle y lût encore , en lettres de feu, l'effrayante
étendue des ^ facrifices qui font exigés
des peuples : je voudrois que, tournant fes regards
vers l'etat malheureux des habitans des camnagnes,
fa eompaffion s'éveillât s Se que, fe livrant à une
émotion falutaire , elle çonfidérât l’immenfité des
charges publiques^comme un noble & vafte champ,
où la fageiTe & la bienfaifance du fouverain peuvent
s’exercer fans cefle.
C ’eft en vain qu’ on veut s’étourdir fur la gran.
dent des impôts ; c’eft en vain qu’on prête l’or-
reille aux infinuations de cette clafle d’hommes
qui ont uni i.interet de leur amour-propre & de
leur fortune a l'étendue des recouvremens & à
la fcience fifcale $ c eft en vain qu'on va cher-
..fhcj’ j dans 1 excès des tributs de quelqu'autre pays,
l'apologie de fa propre adminiftration ; c'eft en
vain qu'on écoute avec complaifance les difeours
dangereux de ceux q u i, par des fubtilités ou par
une indifférence raifonnée, effayent de jetter des
doutes fur les idées les plus communes du 'bien
& du mal publics. Il eft des vérités qui s’élèvent,
en furnageant, au-deftus des erreurs & des parlions
des hommes : effayons de les défendre,. ces
vérités , & ne craignons point de les rapprocher
des attaques de leurs ennemis.
Les impôts fe payent très-bien , difent quelquefois
les premiers agens du fife , quand on les
confulte j & ce difeours lignifie feulement que
l'argent arrive dans leurs cailles, aux époques des
engagerions qu’ ils ont pris avec le tréfor royal.
Cependant, lî la poflibilité des recouvrement
de voit être l'unique règle des contributions , le
dernier des éxa&eurs & les fergens qu'il emploie ,
deviendroient la lumière de l ’adminiftration ; car
ils feroient* les premiers inftruits du terme extrême
de l'impuiftance : mais c ’eft l’état dans
lequel fe trouvent les contribuables après avoir
acquitté les impôts, qui doit fixer les regards du
gouvernement, & cette connoilfance , ce ne. font
point les agens du fife qui la donnent} l’inquié*^
tude même ne leur en appartient pas.
Il eft d’autres perfonnes dont les principes
feroient plus dangereux que les encotiragemens
obfcurs de quelques receveurs des importions ;
car dans ceux ci , du moins, l’on peut d é c o u vrir
l’intérêt qui les lie à l'étendue des recou-
vremens j l'on eft averti de fe tenir en défiance ;
mais il eft plus difficile de réfîfter à l'impreflîoii
que font les difeours de ces prétendus publicifles
en finance, q u i, en généralifant quelques idées ,
femblent avoir découvert des rapports que les
efprits vulgaires n'apperçoivent point.
La grandeur des impôts , difent-ils, eft indifférente
; c’eft, en dernière analyfe, une difpois-
tion de la propriété des uns, qui tourne , par
les dépenfes , au profit de la propriété des
autres ;. & pourvu que ces dépenfes aient lieu,
dans l'intérieur du "royaume , tout demeure en
fon entier :. la fora nié des jouiflances eft la même,
& la profpérité de l'Etat n'en reçoit aucune
atteinte. Cette dodlrine étrange a. gagné des par-
tifans : mais qu’il faut fe défier des propofitions
où l'oij attaque les principes d’ordre public que
le tems a confacrés ! On elTtenté de croire que
ces principes font ifolés , & comme fans défen-
fe , parce que les premières notions qui les ont
fondés, fefont éloignée s delà mémoire deshommes},
mais, ce qui paroît alors un fimple préjugé, eft;
plutôt une opinion tellement affermie par lefen-^
riment général, qu'on y tient fans réflexion , &
fans être préparé contre les raifonnemens ou les
fubtilités de l’efprit.
Croit-on donc avoir découvert une idée nou?
Y y y i j