
dife de France nous coûtera moins cher , parce
qu'elle ne paiera plus de droits de fortie du
royaume. L'auteur des lettres peut d'autant moins
fe refufcr à cet argument , qu’il prétend que la
Lorraine eft a&uellement inondée de marchan-
difes de France : fa prétention fur cela eft fauffe.
Mais fi j dans l’état aéhiel, la province ne gagnoit
pas beaucoup à recevoir libre de tous droits le
peu de marchandifes qu’ elle tire de France , il
n'en fera pas de même , quand la barrière qui
nous fépare des François fera tout-à-fait renver-
fé e , 8c l’exemption de tous droits fur ce que nous
tirerons de France , fera un dédommagement ,
«linon entier , au moins confidérable , pour ce
que nous paierons de droits à la frontière entre
l ’étranger & nous. L’auteur des Lettres n’ a pas
pu fe diffimuler cette confidération ; mais il n’en
■ a fait mention dans aucun endroit 3 parce q uil n efi
pas de bonne fo i3
5°. Dans la queftion que l’auteur traite ici , il
ne s’agit pas de comparer Amplement la quotité
du droit impofé par le nouveau tarif, avec la
quotité actuelle de ceux qu’impofe la foraine 3
mais avec ces droits de foraine & les inconvé-
niens 3 lés abus 3 les embarras de régie de cette
même foraine. En effet, le commerce peut gagner
à. payer un droit confidérable, fi ce droit eft
payé en une feule fois , & fi , ce droit une fois
acquitté, la marchandife eft exempte de toute
autre formalité. Or", pour faire juger combien
la foraine eft à charge au commerce de la province
, il nous fuffit de renvoyer au tableau que
l ’auteur des lettres trace lui-même , des abus &
des embarras de fa régie. Selon cet écrivain, p. 8i3
elle nefi point administrée dans des principes de
modération & de fageffe : elle préfente l'arbitraire
le minutieux , l'aggravant : elle efi contentieufe ■
on y porte toute La rigueur du droit , jufques dans
les détails les plus vils : les bureaux font multipliés
inutilement : une multitude de loix & de réglemens
follicités, apres les méditations les plus profondes
fur Us moyens d'augmenter les revenus de la ferme ,
jette dans la perception, des. incertitudes & des
difficultés , qui tournent toujours contre le peuple ,
qui ne . fait pas fe'défendre. Les peuples chargés
d'impoftions , de vingtièmes , de corvées , regardent
la foraine conme la plus grande de leurs charges j
fept cens vingt bureaux, pour la perception de la
feule foraine, alimentent un nombre infini de
commis, qui fe donnent la main pour nous envelopper
, & qui trouvent} dans l'abus qui les a raf-
femblés, les moyens d'infulter a notre misère, en
l ’augmentant : elle fa it perdre chaque jour à la
province, & fa it tranfmigrer un nombre effrayant
de citoyens, & c .
On n imagineront jamais la conféquence que
tire l’auteur des lettres de ce tableau. A la vue
de ces abus, d i t - i l 3 il n’eft pas .raifonnable
en conclure l’abolition d’un établiffementprécieux
d'ailleurs. Nous concluons , au contraire , 8t
tous les bons efprits concilieront avec nous ,
qu il ne faut pas balancer à abolir un établiffe-
ment qui entraîne tant d’abus. Mais , dit l’auteur
des lettres, c’ eft l’abolition des abus qu’il faut
travailler, fans toucher à la foraine : on fait bien
qu'on abufe de tout. C ’ eft vraiment une chofe
rifible, de voir la foraine devenir, aux yeux de
l auteur &• dë fes partifans , une loi infiniment ref-
peStable , ' précifément parce qu'il efi quefiion d'y
fubfiituer le nouveau tarif
On n’abufe de la foraine, félon e u x , que
parce qu’on abufe de tout ; mais la vérité eft
que les abus font ici prefque inféparables de la
ch ofe , parce que les abus ne font que les précautions
mêmes qu’on prend pour la confervation
de la chofe. Selon l’auteur, il n’y a rien de plus
aifé que de réformer les abus ; 8c il n’y a , dit-il,
qu’à donner fur la foraine un édit applicable a
tous les cas pojfiblçs. Si l’auteur étoit en état de
donner, en matière d’adminiftration , des principes
applicables ' à tous * les cas poflibles, il
feroit fans doute un grand homme d’Etat car
la difficulté de perfectionner la légiflation dans
tous, les genres, vient principalement de la difficulté
de prévoir & d'embrafler tous les cas
poflibles. Mais de ce que l ’auteur des lettres
juge qu’il n’y a rien de plus aifé que d’atteindre
à ce but 3 on eft en droit d’en conclure qu’il
eft très-mal inftruit fur les matières dont il décide
fi légèrement.
Il prétend qu’ au moyen de quatre ou cinq
difpofitions, on pourra adminiftrer la foraine
avec deux cens bureaux, & en retrancher par
conféquent cinq cens vingt. C e n’eft pas à nous
à jultifier cette multitude de bureaux répandus
dans la province, qui y font à: charge au* peuple ,
& fi nuifîbles au commerce ; mais il nous femble
que le premier intérêt des fermiers étant de
diminuer leurs frais de régie, ils* n’ont guère pu
établir des bureaux, que pour afîurerla perception
'dçs droits.
Au refte, cette réduction des bureaux eft précifément
un des avantages qu’on attend de l’éta-
bliflement du nouveau tarif : il eft vrai que nous
ne pouvons pas nous flatter que le retranchement
fera tout de fuite de cinq feptièmes j mais nous
foupçonnons que les réductions confîdérables que
propofe l’auteur , ne font pas plus praticables
que ce qu’ il propofe de donner fur la foraine ,
un édit applicable à tous les cas poflibles. D ’ailleurs
, quand on èntreprendroit aujourd’hui cette
réduction , elle rencontreroit trop d’obftacles ,
fans doute, ou de la part dés fermiers , ou de
la part de la chofe même, pour que nous puif-
fions efpérer une réforme prochaine & fuffifante,
tandis que le projet du tarif nous apporte tout**
à-coup l’avantage le plus précieux de cette
ïéforme, la liberté des communications 8c du
commerce dans l’intérieur.
Nous voici parvenus à la difeuflion de ce que
dit l’auteur des lettres, fur le commerce interlope
de la Lorraine 3 8c fur le tort que fera l’é-
. tabliflement du nouveau tarif à ce même com- ;
Cierce.
L ’auteur cherche à obfcurcir la queftion, en
préfentant enfemble à fes leCteurs , 8c comme
devant également fouffrir de 1 établiffement du
tar if, 8c le commerce d’entrepôt que fa it, ou
que peut faire la Lorraine, des denrées 8c des
marchandifes de France avec l’étranger , & le
commerce d’entrepôt que fait, ou que peut faire
la Lorraine des marchandifes des pays étrangers
avec la France. Cependant il eft évident qüe le
premier de ces commerces ne fauroit fouffrir du
tarif; que les marchandifes de France paient les
droits de fortie à des bureaux placés entre la
France 8c la Lorraine , ou à la frontière de la
Lorraine , en entrant dans le pays étranger; c’ eft
exactement la même chofe pour l’étranger qui
les achette, pourvu que le total des droits fup-
portés ne foit pas plus confidérable ; ce qui eft
l ’efprit du nouveau tarif.
'En ne parlant donc que des marchandifes étrangères
, dont les deux duchés faifoient le commerce
d’entrepôt avec la France, il en faut faire
deux claffes ; l’une , de celles qui font prohibées
en France ; 8c la deuxième, de celles qui ne le
font pas.
Quant aux marchandifes étrangères non prohibées
en France, & qui y entrent en acquittant
de certains droits , fi l’on demande à. l’auteur
des lettres en quoi 8c comment le verfement
que la Lorraine en fait 8c en peut faire en France|
fouffrira de .l’établiflement du nouveau tarif, il
lui fera impoflible de donner fur cela une explication
fatisfaifante. Si le tarif n’augmente pas la
quotité totale des droits que fupportent les marcfoan-
difes étrangères à leur entrée en France; que cés
droits foient acquittés à leur entrée dans les
provinces de France , ou à leur entrée en Lorraine,
pour circuler enfuite librement dans toute
l ’étendue de la France, fi l’on fuppofe que,
dans l’ un 8c l ’autre cas, les droits font payés;
c ’eft une chofe au moins indifférente aux habitans
des deux duchés.
Mais fi le tarif diminuoit la quotité totale du
droit que paie la marchandife, il fera manifef-
tement avantageux. Prenons pour exemple les
épiceries que nous tirons des Hollandois , pour
les porter dans les provinces de France qui nous
avoifinent; les François paient les droits établis
dans l’intérieur de notre province, & des droits
d’entrée confidérables à leur introduction en
France, Cette furcharge fait que l’habitant de la
Champagne paie ces denrées plus cher, en les
recevant des Hollandois par nos mains, qu’en
les tirant des extrémités de la France, malgré
les frais énormes de'tranfport.. Le tarif fuppri-
meroit abfolument les droits de foraine perçus
dans^ les deux duchés , 8c changeroit le droit
de vingt à vingt-cinq pour cent d’entrée, dans
les provinces de France , en un droit de fept
8c demi pour cent à l’entrée de la Lorraine.
Nous aurions donc beaucoup plus de facilité à
vendre ces denrées dans les provinces de France,
que noüs n en avons aujourd’hui; nous pourrions
foutenir la concurrence des marchands de Nantes
8c de Bordeaux , & c .
En prenant pour exemple les marchandifes qui
paieront un droit aflfez confidérable , nous raifon-
nons dans Je cas qui nous eft le moins favorable :
mais combien d’autres marchandifes fur lefquelles
notre avantage fera infiniment plus grand ; toutes
les matières premières , toutes les drogueries né-
ceflaires aux teintures ; en un mot , toutes les
marchandifes fur lefquelles les droits feront réduits
par Je nouveau tarif, nous fourniront l’objet
d’un commerce avantageux avec les provinces
de France , parce qu’en les tirant de Hollande &
de l’étranger , nous pourrons les vendre aux provinces
qui nous avoifinent, avec un grand avantage
, & en concurrence avec les négocians des
ports de mer du royaume.
Le nouveau tarif feroit donc favorable à notre
commerce d’entrepôt avec les provinces de
France.
Il ne refte donc plus de commerce d’entrepôt
en Lorraine 3 auquel l’établiffement du nouveau
tarif puiffe donner atteinte , que celui des marchandifes
non prohibées , mais qui payent des
droits en entrant en France , que les habitans des
deux duchés pourroient verfer dans le royaume,
en fraudant ces mêmes droits , & celui des marchandifes
prohibées que ces mêmes habitans peuvent
verfer en France en contrebande : voilà le
véritable commerce interlope , pour lequel l’auteur
des lettres eft férieufement allarm'é. C ’eft-là
le feul objet de. fes craintes , & de celles des
marchands dont il eft l’avocat. Pour s’expliquer
nettement , il auroit dû dire : Nous ne voûtons
point de tarif j parce qu'il nous fera perdre le commerce
lucratif que nous faifons 3 en verfant en France
les vmarchandifes prohibées , en contrebande 3 & les
marchandifes étrangères. non prohibées, en fraude
des droits.
La queftion réduite ainfi à fes termes les plus
Amples , nous combattons les prétentions de l’auteur
des lettres , 1 °. En lui faifant voir que la province
a déjà perdu une partie de ce commerce ,
& cela par des caufes abfolument différentes de
l’établiffement du tarif.
z°. Que quand cette perte feroit un effet de