
dans les mains des boulangers , depuis le premier
février jufqu'au premier juin j
A permettre , dans toutes les circonftances ,
l'exportation des bleds qui feroient venus de l'é tranger.
En ne permettant que la Sortie des farines , le
royaume gagneroit, outre le prix des grains, les
frais de mouture , & le bénéfice des divers agens
de ces opérations.
Outre cet avantage , l'exportation des farines
engage à une forte de mefure & de lenteur, qui
dans tous les teins pourroit être très-falutairej elle
confommeroit les bleds fu.perflus de toute efpèce,
au lieu que dans l'exportation de cette denrée en
nature, on n'expédie que les bleds de la première
forte , & fufceptibles du tranfport.
La fixation du prix du b led, à vingt livres le
feptier pendant deux marchés confécutifs, n'a pas
les mêmes inconvéniens que celle de trente livres,
établie par la loi de 1764 5 car en fuppofant quel?
ques manoeuvres pour faire bai fier le prix, & évaluant
leurs effets à vingt ou trente fols par feptier,
ce prix, fans ceffer d'être avantageux aux propriétaires
, n'auroit rien d'alhrmant pour les confomma-
teurs. Sans la chance inévitable de ces abus , on
auroit pu limiter la liberté de fortie, à vingt-une ou
vingt-deux livres, au lieu de vingt livres. Il femble
que dans les loix de cette nature, on doit toujours
prendre allez d'efpace pour qu’une obfervation ri-
goureufe ne foit pas effentielle à l'intérêt public,
afin de préferver, autant qu'il eft pofïîbIe,de toutes
les inquifitions minutieufes qui répandent de l'inquiétude.
D'ailleurs, en déterminant une limite pour l’exportation
, il vaut mieux rifquer qu'elle foit un peu
trop baffe que trop haute , parce qu'il n'y a nulle
proportion, entre les inconvéniens d'une prohibition
inutile & le danger d’une exportation imprudente.
Comme il eft impoflîble de prévenir Jçs
variations de prix , il vaut toujours mieux que les
mouvemens paffagers foient au profit du peuple,
qu'à l'avantage des propriétaires. Si vingt-quatre
livres étpit le prix defirgble pour laiffer exporter,
il feroit toujours plus conforme au bien public que
les écarts fuffent de vingt-quatre à vingt livres, que
de vingt-quatre à trentë, puifque dans cette dernière
fuppofîtion, c'eft l'homme qui vit du travail
de fes mains qui fupporte le poids de la variation ,
au lieu que dans la baiffe momentanée 4c vingt-
quatre à vingt livres, c'eft le propriétaire qui perd
quelques moyens de luxe ou de commodité.
En berçant la loi de l'exportation à dix ans ,
on penfe qu'il faut, à cette révolution, en examiner
de nouveau les limites , parce que dans cet efpace
de tems l'accroiffement de l'argent en Europe, oit
pss éyènemens im pré y us , peuvent changer d’une
manière fenfible les proportions qui fubfîftent aujourd'hui
, entre les différentes parties de l'ordre
focial.
;La provifîon.des boulangers feroit réglée à leur
débit d'un mois, à compter du premier février au
premier juin, & comme l'avance qu’exigeroit cette
provision, peut s'évaluer à un quatre cent quatre-
vingtième de leur vente annuelle, pendant l'année
ils en feroient dédommagés en renchéri (Tant la livre
de pain vendue deux fols , d’un foixantième de
liard j o u , ce qui revient au même^, en leur permettant
pendant fix jours de l’année, de vendre
le pain un liard au-deffus du prix courant de deux
fols.
Le moyen d'obtenir des fecours étrangers en
tout genre, c'eft de permettre la libre fortie de la
denrée ou marchandife qui a été importée} car,
laiffer l’entrée libre, & s'oppofer à la fortie par
autorité, c'eft éloigner, de nouvelles importations,
& fe nuire à foi-même. Cette vérité eft fi fenfible,
qu'elle n'a pas befoin d’un plus long développement.
Voyez ce fd i a déjà été dit fur ce fujet au
mot C u ir s»
Rappelions ici la conclufion de l’écrivain dont
nous avons taché de rendre l’efprit , les vues &
le plan 5 c'eft que prefque toutes les inftitùtions
civiles ont été faites pour les proprietaires. Il
femble qu'un petit nombre d'hommes, après s'être
partagé la terre, ont fait des loix d’union & de ga->
rantie contre la multitude, comme ils aüfoient fait
des retranchemens dans les bois, pour fe défendre
des bêtes fauvages. Cependant, après avoir établi
des loix de propriété, de jultice & de liberté, ori
n’a prefque rien fait encore pour la claffe la'plus
nombreufe des citoyens. Que nous importent vas
loix de propriété, pourroient-ils dire ? nous ne
pofféddns rien} vos loix de juftice ? nous n'avons
rien à défendre} vos loix de liberté ? fi nous ne.
travaillons pas, demain nous mourrons.
Les inftitùtions politiques, & les loix d’admi-
niftratiôn , font prefque les feules qui défendent
le peuple : une diftribijtion fage & paternelle des
impôts , des loix intelligentes fur la circulation
des grainsxlcs foins continuels qu'on prend de l'indigence
, les fecours plus étendus qu'on répand
dans les tems de difette, voilà les difpenfations
falutaires qui ont le plus d’influence fur Je fort
de la multitude Rajoutons enfin que la modération
eft la condition eifentielle de toute adininiftration
fage , comme de toute législation durable fur les
grains , & en matière de fubfiftances.
Le même écrivain, qui avoit ainfî publié le fruit
de fes méditations fur le commeroe des grains,
avant d'avoir eu aucune part aux affaires publiques,
a donné de nouvelles réflexions fur le même fujet,
après avoir adminiftré les finances du royaume peu?
daflt cinq ans, & s’être trouvé à portée de joindre
les leçons de l’expérience aux fpéculations de la
théorie. C e chapitre ne peut mieux être placé
quici , pour terminer cet article. C'eft l ’homme ■
d'Etat qui va parler lui-même.
« Une légiflatioti fage fur le commerce des j
grains y aura toujours un rapport intime av.eç le ;
fort du peuple j j'ai tâché de rendre çe.ttç vérité ■
fenfible, dans le livre ou j'ai traité les principales
queftions relatives à une fi importante 'matière >
ainfi je fuis difpenfé de les approfondir ici de nouveau.
J’obferverai feulement. que j'envifage aujourd’hui
comme foible & très-imparfaite , la partie
de cet ouvrage où j'indiquois > avec trop de
précifion, les précautions de détail qu'on devoit
prendre pour prévenir la trop grande cherté des
grains.
L ’expérience m'a appris .qu'il faut fur ce point
donner beaucoup à f§ fageffe de l'adminiftration,
& qu’on ne peut éviter de s'y confier. Le prix de
la denrée doit fervir, fans doute , à diftinguer les
mom.ens où il convient de s'oppofer à l'exportation
des grains , mais dans un royaume au fix étendu
que la France ,c e prix ne peut être déterminé par
une loi confiante' & générale, applicable à tous
les tems, à tous les lieux} car, félon la pofition
des provinces,, félon qu'elles font plus ou moins
adonnées aux manufactures, félon l’habitude encore
, le mot de cherté s’interprète d’une manière
abfolument différente : telle augmentation qui n’ef-
frayetoit, ni les Languedociens, ni lès Provençaux,
répandroit l’ allarme en Flandre, en Picardie, &
dans les lieux voifinsiÜe la capitale.
Je continué à penfer qu’il faut en France envi*
fager la liberté de l'exportation , comme l’état habituel
& fondamental} mais l’adminiftration doit
fufpendre cette liberté dans certains lieux, dans
certaines circonftances, ou même d’une manière
générale, lorfque les diverfes çonnoiffances qu’elle
eft feule en état de raffembler, l'invitent à cet aCte
de prudence} elle feule, en effet, a les moyens
de difcerner, ou de préfager ayee sûreté , ce que
peuvent exiger les befoins généraux du royaume,
la perfpectiv.e des récoltes , les prohibitions des
pays étrangers, les craintes de guerre, & tous
lès mouvemens politiques.
Le gouvernement doit avoir les yeux ouverts
fur ces diverfes circonftances î ok peut craindre
quelquefois fon inattention ou fon ignorance , mais
il n'y a pas de jolies motifs pour le foupçonner
de partialité } & s'il defire que l'abondance de la
denrée & la modération du.-prix préviennent le
défordre & les clameurs publiques, il lui convient
aufli que le prix foutenu des denrées rende plus
facile le paiement-des impofitions.
font les fyftêmçs : immodérés pour ou con- ;
Finances, Tome II,
tre la liberté de l'exportation , qui ont excité
des révolutions dangereufes ; mais comme pm#
fend que ce n'étoit point l’étendart de la vérité
que tenoient en leurs mains certains doctrinaires
exagérés, on a cefie de les fuivre, & l'on a renoncé
à ces idées extrêmes , qui ne s’allient prefque
jamais avec la mefure-& la mollèlfe des mouvemens,
qu'exige une adminift ration infiniment délicate^;
Vf!
On avoit prefque oublié ce grand objet pendant
Ja durée dè-mon miniftèce, & cependant il y a eu
plufieurs momens qui ont exigé de l'attention , &
qui m'ont obligé à demander les ordres du roi ,
non-feulement pour défendre momentanément la
fortie des grains dans quelques provinces , mais
encore pour y porter des fecours qui pouvoient
feuls prévenir de très-grands; malheurs.
Je ne m'arrête point fur la nécefïité; abfolue de
maintenir la libre circulation des grains dans l’intérieur
du royaume } il me femble qu'il n'y a pas
deux opinions à ce fujet. Le gouvernement encore,
doit voir avec plaifir, & les approvifionnemens ,
& les fpéculations de. commerce qui y déterminent,
puifque ce font autant de fecours donnés
aux fermiers & aux propriétaires de terres. Mais
lorfque ces fpéeulapions,faites en tems de difette,
dégénèrent eh ce qu'on appelle communément monopole,
c'eft-à dire, dans un trafic ou l'on n'a pour
but que d'accaparer momentanément les bleds,
pour impofer enfuite des conditions rigoureu’fes
aux confomipàteurs , il faut alors que l’adminiftration
arrête les effets de cette cupidité, & fou-
vent de fimples avertiffemens fuffifentj mais fi l'on
négligeoit cette police, on ne feroit que l ’abandonner,
en quelque manière, à l'impulfion incon»
fidérée des mouvemens populaires, & ce qu'une
adminift ration fage doit foigneufement prévenir,
c’eft de fe trouver jamais expofée à être, ou entraînée,
ou conduite, ou fi m pie ment avertie par
des démarches contraires à l'ordre & au refpeçt
dû à l'autorité.
Une loi pofitive fur cette matière, feroit i\écef~
fairement infuffifante } car la limite q.ui fépare une
fp.éculation utile d'un accaparement nuifible, ne.
peut jamais être défignée en termes exprès , & ce
feroit aller trop loin que de vouloir appliquer des
règles fixes à des objets mobiles, & de renoncer
avec affectation aux fecours de l'intelligence.
G R A T IF IC A T IO N , f. f. Mot très-en ufage,
dans toutes les parties de finance, & qui fignifie
une récompenfe, un don furérogatoire aux émo-
lumens ordinaires d'un emploi , pour un travail
extraordinaire, ou pour une million particulière..
On entend par gratification ordinaire, une femme
fixe .qui s’accorde aux employés de la ferme,
Ee e