den t, 8c ce commerce eft abfolument indépendant
des contre-voitures. Ajoutons-^ qu il eft ab-
furde.de fuppofer que les voitures foient un objet
de quelque importance dans un commerce de
dentelles.
z ° . Pour qu’on puifle craindre raifonnablement'
la diminution de notre commerce adtif avec franc-
fo r t , à raifon du défaut de contre - voitures , il
faudroit que le nouveau tarif diminuât les importations
des marchandifes qui nous viennent
de Francfort aflez confidérablement, pour que la
quantité des voitures employées,» cette impor-,
tation chez nous, ne pût pas fuffire à exporter
ce que nous envoyons nous-mêmes aétuelle-
ment à Francfort. O r , en accordant à_ l’auteur
des lettres, que l’établiffement du tarif diminuera
les importations, étrangères, s'il eft de bonne
f o i , il doit convenir que ces importations demeureront
toujours aflez confidérables pour nous
procurer le peu de contre - voitures dont nous
avons befoin pour nos propres exportations,
puifqu’après tout , l’importation des etrangers
furpafle de beaucop notre exportation aftuelle,
& qu’ à peine la dixième partie des voitures de
Francfort fert elle de contre - voitures pour nos
denrées dans l’état aétuel des chofes 5 que f i ,
comme cela doit arriver, nos exportations augmentent
, cette augmentation même nous mettra
en état de fupporter les frais de voitures ,
même fans avoir des retours..
3°. Quoique en matière de commerce , il faille
caculer les plus petites économies , il eft cependant
déraifonnable de fuppofer qu'un commerce
fondé fur des befoins , tel que celui que les ba-
bitans de Francfort, ou plutôt les marchands de
diverfes nations qui fe raflemblent à ces foires,
ont avec nous, qu’ un commerce, ^ dis- je , de
cette nature foit anéanti, parce qu il fe fera ^fur
les frais de tranfport une augmentation prefqu'in-
fenfible. Or l’augmentation réfultante du défaut
de contre-voitures ne fauroit être confidérable ;
un voiturier qui retourne, ne donne pas fa voiture
pour rien au négociant qui. veut lui faire un
chargement.,
4». L'auteur des lettres, qui fait valoir fi fort
l ’avantage des contre-voitures, n'a pas fait atten-
tion que cet avantage tourne entièrement au profit
de nos rivaux ; car , au moyen de ce que nous
ne commerçons avec eux que par dçscontre-voi*
tures1, ce font eux qui retirent tout le bénéfice de
la voiture. C e font les Liégeois qui viennent en
Lorraine , 8c qui y font d’abord fur leurs cuirs ,
& enfuite fur nos vins , le bénéfice du tranfport.
Çroira-t-on que la petite diminution de prix que
peut nous faire un voiturier Liégeois Y dédommage
la province de ce qu elle ne tranfporte pas
elle-même fçs denrççs avec fçs hommes & fes
chevaux?
Nous ne nous étendrons pas davantage fur
cette réflexion , qui doit fe préfenter à toutes les
perfonnes un peu inftruites en matière de commerce
, & qui eft échappée à l’auteur des lettres.
y°. C et écrivain a - t - i l calculé avec préci-
fion ce qu’il en coûtera de plus ? E f t - i l sûr
que les denrées & les marchandifes que nous envoyons
à Francfort , ne peuvent fupporter aucune
augmentation de prix chez l’étranger,, fans
être entièrement abandonnées ? Que ce commerce
tient abfolument à tel & tel prix des voitures ?
Que nos négocians même, en les fuppofant obligés
d’envoyer à droiture, né trouvent pas des
reftources d’économie qui les dédommageront du
défaut de contre-voitures ? &c.
On voit par ces détails, que nous pourrions
pouffer plus loin , avec quelle affectation l’auteur
des lettres groflit de petits objets , pour en faire
des monftres , & avec quelle légèreté il décide par
des affertions vagues , une queftion de commerce
qui demanderoit une grande connoifîançe des détails.
Pour terminer ce que nous avons à dire du
commerce aCtif des deux duchés avec les pays
étrangers , nous remarquerons qu’outre Francfort
& les Suififes, dont nous avons parlé dans ce
qu’on vient de lire , le peu de commerce aCtif que
nous avons 3 fe fait avec le pays de Luxembourg
& le comté de Chiny la principauté de Salin ,
le duché des Deux-Ponts j le comté de la Leyne
& de la Hollande.
Les pays de Luxembourg & le comté de Chinjr
reçoivent de nous 3 des bleds, des vins, des papiers
& des huiles. La principauté de Salm les
Deux-Ponts, les comtés de la Leyne 3 des étoffes
, des cuirs tannés, des peaux apprêtées*
des bleds , des vins , des eaux-de-vie , des hui-
. les , des fers , des chandelles , des crins , &c.
la Hollande , des aciers & des bois. Ces objets
de commerce font ou des matières qui
ont reçu une nouvelle valeur dans nos manufactures
, qui ne payeront que des droits de fortie
modérés , avec lefquels elles pourront encore le
difputer aux productions des manufactures étrangères
, ou des denrées de néceflité, comme des
bleds, des grains, des. huiles, dont les droits
de fortie font ou nuis , ou modiques Pour la
Hollande en particulier , le droit’ de fortie^fur
les matières qu’elle prend de nous, ne peut être
& ne fera que modique -, & un droit modique
ne rebutera pas. des confommateurs, fur - tout
pour des marchandifes qui font pour eux d une
grande néceffité. Les Hollandois peuvent diffici*
lement fe paflfer de nos fers , de nos. aciers & de
nos bois > ces mêmes marchandifes ont été conf-
tamment plus chères dans la guerre préfente , de
plus de trente pour cent , fans que les^ exporta-
. fions çn foiçnt- diminuées. On vpit par-là combien
les craintes qu’il veut infpirer, feroient frivoles
& mal fondées.
Enfin, une dernière réflexion de Fauteur des
lettres, contre le projet de fermer l ’entrée de la
Lorraine aux productions des manufactures étrangères
, eft que les habîtans des deux duchés
S,expatrieront ; parce quils ne pourront plus ufer de
telles & telles étoffes , dont leur goût & leur économie
leur faifoient defirer l'ufage , 6* parce qu ils les envieront
a leurs voifins étrangers H qui , a quatre pas
d'eux , ignorent cette efpece d’entraves :■ & ' quelles
considérations pourraient les retenir ?
Nous pouvons dire d’abord que le defîr de fe
vêtir d’une certaine efpèce d’étoffe plutôt que d’une
autre, ne peut jamais être une raifon fuffifante de
s’expatrier, & qu’il ne faut pas de grandes considérations,
pour retenir des gens qui n’auroient
pas de plus puiflans motifs. Nous n’ avons point
vu d’émigrations des habitans de la Champagne
en Lorraine , quoiqu’on ait-pu fe vêtir en Lorraine
de toiles étrangères & de draps anglois ; ce que
ne pouvoient pas les Champenois. Les émigrations
paflees , . dont Fauteur des lettres parle,
n’ont rien de commun avec le tarif, qui n’étoit
pas encore établi Iorfque la province en a fouffert.
On doit en conclure, au contraire, que, puifque
cos émigrations ont eu lieu dans un tems où la
province jouifîoit des privilèges pour lefquels
Fauteur des lettres combat avec tant de chaleur j
ces privilèges , cette liberté •, qu’ il vante tant,
ne fuffifent donc pas pour maintenir la Lorraine
dans un état heureux. Il n’eût pas été difficile ,
dit Fauteur des lettres , de retenir les familles
fugitives, elles ne demandoienr que du pain. Ces
familles manquoient donc de pain, quoique la
province ne fût pas accablée fous le joug du
tarif5 elles manquoient de pain, quoique le commerce
d’entrepôt, fource féconde de richefles &
d’aifance pour la Lorraine , fi l’on en croit Fauteur
, quoique ce commerce fût abfolument libre : -
elles manquoient,de pain $ mais c’eft précifément
pour leur en procurer , qu’il faut travailler à ranimer
l ’induftrie nationale, fans laquelle il n’y a
jamais d’aifance pour le peuple-
Ainfi l ’auteur des Lettres efi bien mal-adroit de
citer ces émigrations & cet état fâcheux de la Lorraine
, en combattant l'établiffement du nouveau
tarif - car i l fortifie par-la nôtre grand argument.
Si la province eft malheureufe, lui dirons-nous ,
c ’eft que le commerce d’entrepôt, à plus forte
raifon le commerce de contrebande , auxquels la
Lorraine eft réduite, ne fuffifent pas pour y répandre
l’aifapcej enrichiflent quelques particuliers,
fans fournir au peuple des moyens fuffi-
fans de fubfiftance, & que le commerce fondé
fur les productions du fol 8ç fur les travaux des
manufactures , eft le feul qui puifle entretenir
l’abondance & la population qui en eft la fuite.
finances. Tome II.
A in fl, le tranfport des bureaux entre F étranger
Sc la Lorraine y eft le feul moyen de favorifer Fé-.
tabliflement des manufactures, & , par contre-
. coup , l’agriculture même, en répandant Fai fan ca
chez les habitans de la campagne. L’auteur des
lettres devoit donc toujours dire-que la Lorraine
étoit dans un état très-floriflant, comme il le dit
en quelques endroits ; mais la vérité e ft, que la
Lorraine fouffre infiniment de cette liberté que
l’auteur des lettres préconife, & la -vérité eft
plus forte que la mauvaife foi.
Paflons à la fécondé objection de Fauteur des
lettres. L ’établiflemeiit des bureaux entre Fétranger
& nous, entraînera l’aviliflement du produit
des terres, que les étrangers ne viendront plus
acheter concurremment avec les François. Ce tte
objection fait la matière de la douzième lettre ;
& c ’eft fans difficulté celle qui eft la plus plau-
■ fible. Nous allons cependant faire voir qu’elle v
plus d’apparence que de folidité»
Nous convenons d’abord, avec Fauteur des
lettres ,, que ce n efi pas toujours une mal-adreffô
de vendre fes matières premières, au rifque de les-
racheter manufacturées. Mais cette conduite n&
peut être bonne en économie politique que dans
certains cas , avec certaines conditions ; & nous
avançons que la Lorraine n’eft point dans ce cas ,
& que l’exportation des matières premières e ft,
pour cette province, dans les circonftances où
elle fe trouve, un vice deftru&ifde tout commerce.
Si l’on fuppofe un pays où les befoins des habitans
foient remplis à-peu-près aiifli abondamment
que dans les autres fociétés policées &
voifînes, où la richefle & la population foient ,
relativement à l’étendue & à la fécondité du fo l ,
aufli grandes que dans les pays voifins 5 que ces
avantages foient, dans une pareille nation , ou
l’effet de l’agriculture & du commerce des denrées
que la terre produit, vendues brutes aux
étrangers , ou celui dés travaux des manufactures ;,
c’eft une chofe indifférente à ce pays &r à cette
nation.
La fociété y eft nombreufe, forte 8c riche ; par
quelque route qu’elle foit arrivée à ce but, l’objet
de la légiflation eft rempli.
Mais fi un pays eft pauvre & mal peuplé ,
moins riche, moins heureux Sc moins floriflant
que les pays qui l’environnent, & qu’on recherche
les caufes du mal, on ne pourra les trouver
que dans le négligement des travaux de l’agriculture
& de ceux de l’induftrie. T e l eft l ’état de la
Lorraine; elle n’eft ni aufli riche, ni aufli peuplée
qu’elle pburroit & qu’elle devroit l ’être.
L’auteur des lettres le dit luUmême en plus d’un,
endroit j de quand il n’ en conviendroit pas, le faiç.
A a a a a