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v 11.
Il commettra un des -confeillers du confeil
general , pour recevoir deux fois la femaine , à
Tiflue dudit confeil, avec deux maîtres des requêtes
de notre hôtel , qui feront a&uellement
d eferv ice en notre confeil , tous les placets qui
feront portés dans une des falles du pslais, où
nous faifons notre demeure, & feront lefdits placées
remis entre les mains defdits maîtres des requêtes,
pour en faire l'extrait*& ledit confeiller
en rendra compte en leur préfence à notre très-
cher oncle le duc d’Orléans , régent du royaume,
qui les renverra enfuite aux préfidens des confeils
ou aux officiers des compagnies, ou autres que
chaque placet pourra regarder.
Le V i lle , article, règle ce qui concerne l’ad-
miniftration de la juftice & les règlemens généraux
qu’elle pourra exiger, & laifle le chancelier
le maître de choifîr les magiftrats avec lefquels
il voudra procéder à la réda&ion de ces règle-
mens.
Le IXe. & dernier, fe rapporte aux affaires
du domaine, & aux droits de la couronne qui
feront communiqués aux avocats & procureurs-
généraux du parlement de Paris , avant qu'elles
foient jugées.
G O U V E R N EU R , f. m. titre par lequel on
défîgne , dans les falines de Lorraine , le premier
des quatre juges qui forment la jurifdiélion de la
faline. Les fondions de cet officier , font de veiller
à la confervation des droits du roi , & à la
bonne formation des fels ; de conftater l’état des
bâtimens appartenans à la faline , & de vérifier
fréquemment le degré de falure des fources falées,
pour en connoître les variations, & les établir par
procès-'verbal. * *
G R A IN S . Nous avons annoncé au mot Bleds,
que nous nous propofîons de traiter ici des précautions
& des moyens propres à procurer le.
repos & le bonheur de la fociété , en affurant
fa fubfîftance , & en conciliant à la fois les droits
delà propriété, avec ceux de la liberté & de l’humanité.
Pour remplir ces vues , nous n’avons rien de
mieux à faire que de donner une courte analyfe d’un
ouvrage publié en 177J fous ce titre : fur la lé-
gïjlation & le commerce des grains, ouvrage profondément
penfé , & dont on a vu l’auteur déployer
les talens d’un véritable homme d’Etat
dans l ’adminiftration générale des finances.
C e t écrivain célèbre , procédant avep méthode
à la difçuffion de Ton fujet, examine l’exportation
des grains dans fes rapports avec la profpérité
de l’Etat. Il fait voir que cette profpérité vconfifte
dans la réunion du bonheur & de la force ; réu-
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ftion fans laquelle toute adminiftration n’eft qu’er*
reur.
Le miniftre du defpote, eft-il d i t , ne penle
qu a la force j Tardent ami de l'humanité ne fait
des plans que pour Je bonheur. L’ un ne demande
que des foldats , 1 autre veut renverfer toutes les
barrières j 1 un meconnoît que la force cft un
fléau quand elle ne garde que l'infortune, l’autre
oublie qu au milieu des pallions des hommes, le
bonheur fans défenfe eft un fouffle palfager dont
on ne jouit quelques inllans, que pour apprendre,
a le regretter.
L adminiftrateur éclairé fe garantit de ces er-
reurs funeftes, il etaye par la force, l’édifice qu’il
^eleve pour le bonheur , il gémit de ces précautions
politiques qui attellent à l ’univers l’inquiétude
ambitieule des fouverains, comme les -loix
civiles annoncent les prétentions ‘injuftes des
Par^lcullers î mais il foumet fes deffeins aux citr
confiances qu’il ne peut vaincre.
Toutes les inftitutions fociales concourent fans
doute a la force & . au.bonheur des nations, mais
dans ce nombre, il en eft qui tendent à ce but
plus direélement, plus sûrement j ce font celles
qui tiennent à l’économie politique. Cette fcience
peut auffi profiter des améliorations que procurent
les loix d ordre & d ’équité, les loix qui excitent
1 honneur & le courage ; celles qui développent
& perfectionnent les talens militaire j mais elle
embrafîe tout TEtat dans fes vues générales : elle
fonde fa puiffance fur la grandeur de Tes ri-
cheffes , & plus encore- fur Je nombre de fes habitans.
Et Ji ce nombre ne peut s'accroître que par
l ’effet d’une heureufe harmonie entre les différentes
claffes de la fociété , la population devient , en économie
politique , le gage le plus certain de l’union -
du bonheur & de la force.
La richeffe & la population font deux fources
de puiffance, mais la population eft une force
bien plus certaine $ car la richeffe, c’eft-à-dire,
celle qui n eft formée que par Ieiréfultat des biens
furabondans de toute efpèce, & peut s’échanger
contre d autres biens au gré des "défirs, ne fait
pas feule la force, au lieu qu’elle fe trouve dans
Ja population qui , elle-mêiite, annonce la prof-
perité de l’Etat.
La population , dans un grand Etat comme la
France, ne peut s’étendre & fe perpétuer qu’en
raifon des fubfïfiances produites par Je pays
même , & que lorfqu’elles font toutes employées
à la nourriture des habitans; l’agriculture eft donc
la première fource de la population , mais nul
pays au monde ne paroït avoir moins befoin de
vendre des bleds aux étrangers pour encourager
fou agriculture.
C eft aux habitans d’un pays contrarié par la
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nature, a délirer conftamment ce commerce. Auffi
en jettant un coup d’oeil fur les diverfes contrées
de l’Europe , : on verra que e^eft la Pologne,
abâtardie par le gouvernement féodal, qui vend
continuellement fes grains à l’induftrieufe Hollande
; que c’eft: l’Afrique ignorante & barbare
qui cède les fiens aux habitans de Marfeille ; que
c ’eft l’Amérique naiffante qui vend Tés bleds à
l ’Europe perfectionnée ; que c’eft la France enfin
abattue & dévaftée par les guerres civiles, qui
nourriffoit de fes grains les étrangers, & que
c ’eft la France éclairée par le fiècle de Louis X I V ,
& par le génie de Colbert , qui maintenant les
confomme elle-même , qui n’a plus befoin de
les vendre pour acquérir de l’argent ou d’autres
productions étrangères , mais qui eft fûre d’obtenir
tous ces biens, par l’ échange des fruits de fon
induftrie : véritable commerce d’un Etat dans fa
perfection , & le feul qui entretienne fa profpérité
en accroiffant à la fois fa population 8^ fa
richeffe.
Il fuffit en effet que les grands propriétaires de
terres puiffent faire l’échange de leurs bleds fu-
perflus, contre des jouiffinces agréables, pour
qu’ils foient encouragés à faire valoir leurs fonds,
& que l’agriculture fleuriffe. O r , cet échange
contre Tinduftrie nationale, contre le produit des
arts & des manufactures qui font établis près
d’eu x , eft plus commode & plus avantageux que
celui qu’ils pourroient faire contre les productions
des autres pays , renchéries par le double transport
des objets échangés. D ’ailleurs , cet échange
de bleds hors du royaume ne peut fe faire qu’au-
tant qu’il y auroit difette , dès-lors ce commerce
Teroit incertain, au lieu que l’échange de
ces denrées eft conftamment affuré lorfque le
royaume qui les a produites abonde en ouvriers,
artifans & fabriquans de toute efpèce.
Ainfi l’ étendue & la variété de Tinduftrie, la
multitude des ar-tiftes , loin de nuire , comme
on le dit communément, à l’ agriculture , en lui
enlevant des bras par l’attrait de travaux moins
rudes & plus lucratifs , font des moyens d’encouragement
en multipliant les confommateurs.
A quoi ferviroit aux propriétaires la plus grande
fécondité de leurs terres , s’ils ne pouvoient l’employer
à leur g oû t, & pour leur bonheur? Tef-
prit de propriété n’eft-il pas de jouir ? plus la
culture fera perfectionnée, plus elle donnera de
bleds ^ > plus les propriétaires en recueilleront,
plus ils en auront de fuperflus , & plus ils
nourriront d’hommes deftinés à leur luxe & à
leurs plaifirs.
Il n’eft point de fouverain qui ne doive gémir
lorfque les grains | qui forment la principale fubfif-
tance, fortent habituellement de fon royaume ;
ce font des hommes qui s’en vont ; c ’eft une portion
de la force publique qui s’évanouit : fa douleur
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doit ê.tre encore plus grande, s’il réfléchit que
Thomme qui feroit nourri par ces grains exportés,
ne dèmanderoit pas fa fubfîftance pour rien ,
mais qu’il offriroit fon travail en échange , &
qu’ ainfî la propriété trouveroit également, dans
cet emploi >.e fes fubfiftances "fuperflues , un
accroiflement de jouiffances.
Il fuit de. ces réflexions que les établiffemens
d’induftrie font un moyen plus fur , qu’une libre
& confiante exportation d’élever la çpnfommation
au niveau de la plus grande culture , & que ce
moyen produit le bien général, en augmentant la
population , fans contrarier la richeffe, ni le bonheur
des propriétaires.
Si Ton examine à préfent quels font les effets
d’ une libre exportation , on reconnoîtra qu’ils
peuvent être très-funeftes.
La liberté en matière de commerce eft la per-
miffion abfolue, laiffée à chaque membre de la
fociété de faire, avec fon argent , avec fes
marchandifes- & fon induftrie , tout ce qui lui
convient Je mieux, fans défobéir aux loix.
Ainfi , dans le fyftême de la liberté abfolue >
on ne pourroit être à l’abri d’une exportation
nuifible au bien général , qu’autant quelle feroit
contraire à l’intérêt de l’acheteur & du vendeur
de grains. Si les convenances particulières de
ces contraélans n’ont nul rapport avec l’intérêt
public, dès-lors elles ne peuvent plus devenir fa
fauve-garde.
Les vendeurs de bled font les propriétaires ,
leurs fermiers , les marchands qui fe fubftituent
momentanément à leur place; tous ces vendeurs
ne font certainement aucune diftinétion de per-
fonnes lorfqu’ils débitent leurs denrées : le prix
feul les détermine. Le commiffionnaire françois
qui achète pour le pays étranger, le marchand
qui veut débiter ces grains dans l’intérieur du
royaume , ell également bien reçu ; la chofé
publique n’entre point dans les calculs de l ’intérêt
particulier, c ’eft aux loix feules à lui apprendre
les facrifices qu’il doit faire.
L’ abus d’une exportation libre peut donc s’opérer
facilement du côté des vendeurs.
11 n’eft pas.moins poflîble du côté des acheteurs
pour l’ étranger. On a beau dire que les
étrangers n’ achèteront pas en France lorfque les
bleds y feront chers. Cette objection fuffit déjà
pour infpirer de l ’inquiétude j car fi les incon-
véniens de la liberté n’étoient prévenus que par
la convenance des autres nations , lorfque leur
politique les porteroit à faire ce que leur intérêt
pécuniaire ne leur confeilleroit pas , le repos de
la France feroit entre leurs mains.
C e n’eft pas tout encore. Le feul intérêt mar