
fait du prince, fe bientôt par une fîmple toléranc
e j après plusieurs mutations fucceffives , l'origine
en fut oubliée.
Les rois de la fécondé race fongèrent à faire
revivre l'ancienne inftitution des Francs, qui , di- |
vifés par centaine , avoient un chef choifi par les ;
loldats : cette inftitution militaire avoit fini avec
les conquêtes. Il fut ordonné que tout homme
libre s'attacherait à un c h e f , à un foldat plus âgé
que lu i , Jenior , qu'il fe lierait-par le noeud de la
recommandation , & qU'il-le fuivroit à la guerre.
C e nouveau lien fut d'abord purement perfonnelj
mais il dégénéra infenfiblement , & la fubordina-
tion devint dépendance & fervicude.
L'héritier du chef crut avoir un droit à fon titre
comme à fes biens 3 il compta le vaffal parmi
les biens de la fucceffion , & bientôt le vaffelage
fut regardé comme un rapport entre les poffef-
fions , & non plus entre les perfonnes. Les corn- ^
tes & les ducs s'emparèrent des terres domaniales
, y attachèrent les droits qui n'étoient attachés
qu'à leurs offices ; la puiffance publique s'afFoi-
blit , fe fon aâion fut interceptée. Le foible chercha
l'appui du plus fo r t , & acheta , par la perte.
de fa propriété , le droit d'ufurper celle des autres
: ainfr fe forma cette chaîne de prote&eurs &
de protégés, d'opprefleurs & d'opprimés, de tyrans
& d'efclaves , qui inondèrent la France.
» Ce- royaume fe trouva la proie d’une multitude
de feignéurs , qui tous regardoient comme
fai-fânt partie de leurs feigneuries , des droits &
des redevances q u i, autrefois, avoient appartenu
a-l’Etat. La lëigneurie devint une efpèce de def-
potifme , qui rendoit le propriétaire maître abfolu
de toute l ’étendue de fon territoire ; de-là la fer-
vitude devint prefque générale ; de-là les droits
de main-morte , qui en furent un fuite & un ef-
clavage modifié j de-là une foule de redevances &
d'autres droits, inconnus fous la féconde race. «
Au milieu de cette confufion générale , naquirent
une foule d'ufag.es & de coutumes abfurdes
& barbares 5 l'oppreffion multiplia fes caprices ,
& la fervitude fes hommages. Hugues C ap e t,
monté fur le trône * ne pouvant-rorripre la chaîne
féodale dont l'autorité étoit enveloppée , chercha
à en afFoiblir fucceffivement les anneaux.
Pour mieux cacher fes vues , l'autorité fe
déguifa fous la forme de fuzeraineté 5 on créa
une glèbe fidtive , dont releveroient tous les
autres fiefs 5 cette glèbe dominante , ce fief fu-
prême , ce fut la couronne qui devint le principe&
le noeud de toutes les feigneuries fu-
balrernes ; ce fil approcha & enchaîna les arrières
vaffaux j les affranchiffemens des ferfs &
& Fétabliffement des communes , donnèrent un
nouveau point d'appui à l'autorité royale , & un
nouvel ordre de citoyens à l'Etat. Les croifades
ayant dévoré une foule d'hommes inquiets 8c tur-
bulens , la police générale rentra dans les mains
du prince , & il ne relia de tout le fyftême féodal
que la directe.
Les feigneurs, qui voyoient échapper de leurs
majns le adroit de faire la guerre, 8c d’exiger la
tai)le de leurs vaffaux , remplacèrent ces droits par
d'autres auffi utiles, fe non moins onéreux} de-là
lé relief, le rachat, les lads & ventes, qui. s'in-
troduifîrent bientôt dans les domaines du roi.
Sans doute la nation pouvoit alors réclamer
contre ces abus , 8c demander la profeription de
toute direéle , qui n'auroit pas eu pour titre une.
c-onceffion primitive } elle auroit pu fe récrier
contre ces inféodations formées par une tradition
fi&ive de la part d'un particulier , & par la refti-
tution à titre de fief de la part du feigneur, & il
ne ferait relié aux feigneurs particuliers qu'un,
domaine direct, un cens , une redevance, fur les
feules terres qu'ils auroient originairement concédées
: mais cette profeription n'a pas eu lieu ;
les directes exiftent , les coutumes, les ont confa-
crées j des maximes générales , dans plufieurs-
pays, ont étendu leur empire , 8c empêchent que,
rien ne puiffe s'y fouflraire.
T e l eft le fommairede I'hiftoire du droit féodal ;
il eft né dans les champs , il s’eft développé dans
l'anarchie , il s'eft affermi par la tyrannie , & il a
fait taire les loix & l'autorité légitime qu'il avoit
ufurpée. En réclamant la liberté primitive des fonds,
il ne faut pas ceffer d'être j ufte 3 mais cette direére,
qui les grève', étant pafféë dans le commerce par
l’adoption qu'en, ont fait les loix , elle eft devenue
la propriété des feigneurs: il ferait nécèffaire de les
indemnifer, s'ils vouloient bien y renoncer.
Avant d'examiner comment on liquiderait leurs
intérêts, voyons quel intérêt l’Etat aurait à cette
opération , 8c fi elle ferait poffible pomTes mouvances
du domaine.
La profpérité des Etats eft , en raifon de la Ii^
berté des perfonnes , des chofes & des allions.
Ces trois genres de liberté rejettent l'efclavage
des perfonnes 5 les différentes fervitudes établies
fur ies fonds par le droit féodal, & les obftacles
qu'apportent au commerce les privilèges de vefite
& de fabrication , enfuite les péages , douanes &
prohibitions.
Nous ne dirons rien de la liberté du commerce,
qui eft celle des a étions 3 le miniftre éclairé y qui
le protège , lui affûtera tous les avantages qui
pourront le faire profpércr.
L'efclavSge des perfonnes fit régner avec lui l'ignorance
5 il bannit les arts , rendit la nature fa rivage
, & plongea la France dans lé çahos , d’où
elle n'a commencé à fortir qu'i l'époque des af-
franchiffemens : les affranchiffemens ont créé des
villes I;
%iile§ , les citoy ens, les arts , les lettres^ fe les
bonnes loi* 5 les fuccès des premiers en déterminèrent
d'autres, imités par les feigneurs, & bientôt
"libre 8c Francis furent fynonymes.
Le troifième genre de fervitude fubfifte encore
fur les fonds qui.font d’autant moins utiles à l'Etat
8 c aux particuliers, que la poffeffion en eft plus grevée
i on croit pouvoir affurer que la liberté des
fonds, produirait des avantages auffi cônfiderables,
qu'en a produit celle des perfonnes dont 1 affran-
chiffement a fait une fi heureufe révolution.
Les droits féodaux , pour de médiocres pro-
duits , préfentent mille embarras 8c difficultés ,
tant ail feigneur qu'au vaffal.
Le vaffal eft affujetti, fuivant la qualité du fonds,
à des foi & hommage, aveyx fe dénombremçns,
reconnoiffance au terrier, au cens , aux corvees,
îmx lods & ventes , au relief, à la bannalîte , a
l'affiftance aux plaids , aux amendes , à la faine
féodale , fec. 8cc. La plupart de ces droits font,
d ’un très-petit produit pour le feigneur 5 plufieurs
n'en apportent aucun , & font neanmoins une
charge confidérable pour le vaffal.
Le feigneur , pour recueillir 8c exercer ces-
droits, eft obligé à des frais cônfiderables : il lui-
faut des archives , des terriers immenfément coûteux
à former 8c à renouveller, des rôles , des
receveurs , des collecteurs , des fergens , & des
comptes très-étendus. Tantôt le d ro it, la quot
ité , ou la manière de le payer, font conteftes 3
tantôt la mouvance eft prétendue par d’autres feigneurs
5 les énormes procès qu'engendrent les
conteftations , paffant ae père én fils , dévorent
Jes feigneurs , les vaffaux , 8c les terres où ils fe
font élevés«
Les rois donnèrent les premiers l’exemple de
J'affranchiffement des perfonnes 3 ils éjevèrent
fous l'étendard de la liberté cette famille d'enfans 9
leur fujets , qui payèrent de leur fidèle amour, 8c
,cent fois de leur fang , le bienfait de la liberté.
Bientôt la nation , auparavant celle du fervage ,
fut celle de la liberté , de l'honneur, de la gloire
& des arts 5 & le droit honteux de propriété fur
les hommes , fut changé en prote&ion de la part
du fouverain , .& la fervitude en hommage du
coeur , de la part des fujets.
Il femble relier un avantage égal à recueillir par
l ’affranchiflèment des fonds. Quel rai 8c quels mi-
niftres eurent plus de droit , que ceux qui nous
gouvernent, de faire cette glorieufe moiffon ? Sa
majefté peut en donner l ’exemple dans fes domaines,
exemple q.ui fera fuîvi par les feigneurs 5 elle pourrait
même auffi l’ordonner généralement, en réglant
l’indemnité due aux feigneurs , qui, de leur c ô té ,
pourraient faite cçt affranchiffement du confepte-
du roi.
Finances, Tome II,
Voyons lî l'inaliénabilité du domaine peut mettre
un obftacleinvincible à cette opération , q u i,
cependant , réunit les avantages politiques 8c.
ceux des particuliers.
Une fimpie obfervation femble devoir écartée
rbbjeétion. La fervitude perfonnelle étoit auffi un
droit du domaine , il a cependant été aliéné fans
réclamation 3 il en feroit de même de Tétabliffë-
ment du franc-alleu univerfel fous le domaine.
Si les vaffaux étoient admis à fe rédimer de tous
cens & fervitudes, moyennant le capital au denier
trente ou quarante , les fommes reçues pour
cette libération feraient employées à l'acquifition
de forêts & autres fends , par forme de remplacement
pour le domaine, ou à l'acquittement des
charges les plus onéreufes de l'Etat. Il ne s'y
rencontrerait donc aucune des raifons qui ont déterminé
la révocation des différentes aliénations
des domaines 3 favoir, qu'ils ont été pour un prix
au deffousde leur valeur,> que le prix ira pas été
réellement délivré i que les fommes n'ont point
tourné au profit de l'Etat.
Il paroît également aifé de détruire, parce principe
, le fantôme de l’inaliénabilité. Le domaine
p’avoit ce caractère .qu'.en faveur de la nation au
profit de laquelle il étoit établi, & par fon utilité
& par fa fuffifance aux dépenfes publiques ; il a
perdu ce caràélère en tombant dans un état te l,
que le revenu fe réduit prefque à rien , fe qu’il
eft impoffible ni de le rétablir , parce qu'une réformation
tournerait en vexation fur tous les vaffaux
, ni de garantir ce revenu des ufurpations 5
il y auroitblus de dépenfes que de produits, parce
que les inféodations & les fondations l ’ont d.éna-'
turé, 8c rendent la rentrée impoffible.
Au refte , on fait et> quoi confifte le domaine.
Indépendamment des fonds 5 ce font des rentés »
des cens , fe autres droits féodaux & cafuels
qui le conftituent. Le roi tireroit un très-bon parti
de ces cens-'y rentes & devoirs , en admettant les
vaffaux à les racheter, fe en les confacrant , par
cette voie , à la liberté. On anéantirait ces
droits de la manière qu'ont été anéantis les devoirs
de fervice militaire , fe l’efclavage des p.er-
fonnes. Chaque fonds étant affranchi en particu-
• lier , moyennant un prix ? il deviendrait impoffible
de recompofer un corps de mouvance 3 la
mouvance ferait perdue fans retour 5 il n'exifte-
roit plus aucun corps de fief que l'on put être
tenté de reffufeiter 3 l’affranchiffement faifant des
progrès , il n’y auroit plus de moyen de recon-
noitre ce qui fut mouvance du domaine, pas plus
qu'on pourroit aujourd'hui retrouver les defcçn-
dans de fes anciens efclaves. Cette opération obtiendrait
une entière confiance, & feroit accueillie
comme l’ont été celles des affranchiffemens des
perfonnes 3 les vaffaux ne pourraient jamais être
inquiétés, îii mçme en concevoir la eraintg.