
puifqu une partie des travaux devroit être appliquée
vers cet objet utile.
Il refteroit cependant encore à difpofer d'une
fomme de trois millions % cens mille livres , &
1 on pourroit l'employer à l'extinétion de la capitation
, impofition onéreufe à caiife de l'arbitraire
qui 1 accompagne ; & cette charge , en Bretagne,
porte prefqu'en entier fur le tiers-état , puifque la
nobleflfe , a peu de chofe près , n'y contribué
qu en raifon du trentième. Que fi l'on ne mettoit
pas quelqu'importance à l'abolitiorw,entière d elà
capitation , on pourroit la diminuer féulement
des deux tiers 3 & fupprimer les fouages 3 petit
impôt par feu 3 qui reflemble à la taille des autres
provinces.
Enfin 3 fi les frais^confidérables qu'occafionne la
levee des droits d'aides en Bretagne 3 connus fous
le nom de devoirs 3 engageoient les Etats à préférer
la fuppreflion de cet im p ô t, le gouvernement
ne devroit pas s'y oppofer, puifqu'une femblable
charge 3 a caufe des privilèges de la nobleffe 3 retombe
aufli principalement fur le peuple & le
tiers-etat en général ; mais comme le revenu de la
ferme des devoirs 3 furpaffe aujourd'hui trois millions
fix cens mille livres 3 il faudroit balancer le
furplus de quelqu'autre manière.
Enfin | on pourroit prendre des partis mixtes,
& répartir le revenu de l'impôt fur le fel , d’après
des fubdivifions différentes j mais les particularités
qu on vient d'expofer 3 fuffifent pour guider la réflexion
j & Ton doit obferver que les commutations
d’impôt dont on a donné l'idée 3 mérite-
roient la plus grande attention de la part de la
Bretagne , lors même que cette province fe con-
centreroit uniquement dans l'examen de fes propres
convenances.
- ,Pen.^ant , comme l'élévation du prix du fèl
jufqu'à vingt francs 3 dans une province où cette
denrée ne vaut aujourd'hui que deux à trois livres,
pourroit occafîor.ner une grande fenfation , quel
que fût le dédommagement', dont 1 etabliffement
d un pareil impôt feroit accompagné , il conviendrait
d'offrir encore à la délibération des Etats, une
difpofition d'un genre différent, & c'eft la fécondé
ouverture qu’il faudroit leur faire.
On doit remarquer d'abord, que, dans les vu^s
du gouvernement, pour l'abolition de la contrebande
, ce qui lui importeroit , ce «e feroit pas
que tout le fel confommé par les Bretons fe vendit
a un prix proportionné au cours qui feroit éta-
b li, pour la vente de cette, denrée, dans les généralités
limitrophes de leur province j il fuffiroit
q-U1 r?pç,0rt exlflât Pour l'excédent des befoins
reels delà Bretagne , puifque c'eft uniquement cet
excédent qui devient l'aliment du commerce de fraude.
O n pourroit d o n c , d'après ce principe , borner
le droit d'extraéfcion , ou la vente exclufive , aux
quantités qui furpafferoient la cpnfommation ordinaire}
& pour exécuter ce pl?n , il faudroit dif*
tribuer annuellement , à‘ toutes les communautés
de Bretagne , une certaine mefure de fel , foit
au prix aéluel , foit même gratuitement j & cet
approvifionnement feroit réparti par les maires 8c
échevins des v ille s , ou pa rles fyndics de paroiffe,
en raifon de tant par feux ou par tête , & d’après
des principes fixes dont on conviendroit. I l y a
déjà plufieurs exemples d’une pareille inftitution
dans plufieurs lieux privilègiés du royaume , &
même dans une province entière } car c'eft ainfi
que fe fait la diftribution du fel ordinaire dans
toute l'étendue d e là Franche-Comté.
C e tte dé livra ifon , pour arrêter les fources de la
contrebande, devroit être un peu au-deffous de la
confommation commune 5 & comme la répartition
feroit égale entre tous les habitans de Bretag
n e , fans égard à la différence des fa cu lté s , il réfu
te r a it néceffairement d’une femblable difpofition
, qu'il y auroit toujours dans la province, une
confommation fupérieure aux quantités délivrées »
& c'eft uniquement à cette confommation, que le
nouvel impôt feroit applicable.
Le roi devroit préférer que la délivraifon aux
communautés de Bretagne fût gratuite : cette douc
e u r , quoique foible , eu égard au très-bas prix.du
fel en Bretagne , feroit déjà pour les confomma-
teurs un léger dédommagement de l'obligation ou
ils fe trouveroient d'acheter à vingt livres le quintal
le fel dont ils pourroient avoir befoin au-de là
des quantités délivrées. Et* comme le bénéfice fur
cette partie de la confommation , devroit tourner
de quelque maniéré au foulagement des contribu
ables, on v o it que dans c e plan-ci, comme dans
les précédens, les charges actuelles de la B retagne
ne feraient point augmentées.
O n pourroit encore , fans inconvénient, adopter
une mefure de diftribution un peu plus forte
pour les communautés les plus éloignées des provinces
de gabelles } & cette petite faveur, qui ne
contrarieroit point les vues générales du gouvern
em en t, s'accorderoit encore avec l'é q u ité , puifque
ces communautés étant aufli les plus voifines
des marais falans, elles femblent avoir plus de droits
à jouir , avec moins de réferve , d'une denrée
formée près d'elles.
O n obfervera fans doute q u e , fi Je nouvel impôt
du fel en Bretagne ne portoit que fur les quantités
confommées au delà des diftributions fixes ,
le produit de cet impôt feroit infiniment ré d u it }
& qu’ainfi les autres contributions de la province
ne pourroient plus ê tiç diminuées dans la proportion
que j'ai ind iqu ée, cela eft v r a i} majs aulfi il
y auroit d'autant moins d'altération dans l'état ac*
tuel des chofes . Cependant il y a lieu de préfumer
qu'on trouveroit encore en réfultat un fond fuffi-
fant pour fatisfaire à la dépenfe des ch emins, 8c
pour abolir les corvées 5 & alors le peuple ga-
gneroit.sûrement à ces arrangemens.
I l eft une objeélion géné rale, que la Bretagne
& les autres provinces privilégiées pourroient
faire : c ’eft que toute impofition nouvelle fur le fel
ne feroit jamais à leur .egard exactement balancée
par un foulagement équivalent au produit de cette
même imp ofition, puifque ce produit de van tn éceffairement
être proportionné à la confommation,
telle qu’elle feroit après l’établifiëment de l’imp
ô t , les provinces privilégiées n'auroient aucun
dédommagement de l’obligation où elles fe trou veroient
j de confommer moins de fel en raifon
du renchériffement de la denrée. C e t te objection
auroit beaucoup moins de f o r c e , fi l’on prenoit
le parti de taire des diftributions par communaut
é s , foit gratuites, foit aux prix aétuels : cependant
comme ces diftributions devroient être un
peu au-deflbus de la confommation ordinaire , l’ argument
fuivi dans fa rigueur fubfifteroit en c o r e }
mais il feroit cependant extrêmement atténué. Les
Frovinces de grandes gabelles, ainfi que j ’en ai fait
obfe rva tion, fe trouveroient dans une pofition
absolument contraire , puifque la réduction du
prix augmenteroit leur confommation } mais ce
fon t ces différences qui rétabliroient, du moins en
un p o in t , la parité entre lesdiverfes provinces.
T o u te s les idées que j'ai développées relativement
à la Bretagne , dévoient compofer l’objet
d'un mémoire inllruCîif, & j'aurais propofé à fa
majefté de le faire communiquer aux états , dès la
première affemblée qui fe feroit tenue après la fi-
gnature des préliminaires. C ’étoit une démarche
néceffaire pour ouvrir une conférence fur cette
matière : je crois q u'il eût fallu joindre à ce mémoire,
une inftruCtion p our les commiffaires du ro i,
& une inftruCtion telle que ces commiffaires euf-
fent pu être autorifésà la communiquer aux Etats}
car plus les efprits peuvent concevoir aifément
des craintes ou des fou p çon s , plus il faut fe montrer
à découvert : c'eft en biffant errer l’ imagination
qu'on fait naître les difficu lté s , c'eft avec
l ’art de la diffimulation qu’on les perpétue.
Je vais effayer de donner une idée de cette
inftruCtion, telle à-peu-près que je l’avois conçue.
C #eft à l'efprit de l ’adminiftration des finances
en ce tems-là , que j'ai dû néceffairement l'adapter
} & l'on ne do it point oublier que ce t efprit
confîftoit dans une grande ouverture , & dans
une forte de fécurité , fondée fur l ’impreffion que
doivent produire le fimple développement de la
raifon , & la recherche férieufe du bien public.
O n ne do it po in t oublier encore que la nation
paroiffoit avoir confiance dans cette maniéré de
diriger les affaires. Le* ménagement qu'on avoit
eu pour fesjrâ térê ts, la fidélité confiante à tous
les en g a g e ia p s , avoient donné à toutes les paroles
de l’adminiftration des finances une grande
fanCtion dans l’opinion : heureux & puiffant
moyen,qui prêtoitde la confiftance aux promeffes,
& qui fembloit ôter au langage miniftérie l, fo a
illufîon & fa frivolité 1 Je ne faurois donner des
confeils applicables à un efprit différent } ainfi
fi l'on en revêtiffoit jamais un , qui ne fû t pas
conforme aux principes que je viens de rappet-
l e r , il faudroit fans doute développer d’ une autre
maniéré les volontés du fou v e rain } ou peut-
être ne faudroit-il entreprendre aucune des opérations
qui exigent une véritable confiance.
P r o j e t d ’ in jlru c lion p o u r le s commiffaire s d u
■ ro i a u x E ta t s de B r e ta g n e .
*> L e r o i , après avoir rendu à fes peuples les
» douceurs de la p a ix , n'a rien plus à coe u r que
33 de les faire jouir de tous les avantages que peut
33 leur procurer une#adminiftration tranquille. S a
33 majefté, en arrêtant fes regards fur les parties
»3 les plus importantes de l’ordre public , avoit
33 été f ra p p é e , depuis longtems , des maux atta-
33 chés à la légiflation des g ab e lles} & s'étant fait
33 rendre un compte èxaCt 8c circonftancié de la
33 répartition de ce t impôt dans fon ro yaume, elle
33 n'a pu voir fans une véritable douleur tous les
33 maux qui font l’ effet inévitable de la diverfité
33 prodigieufe du prix de cette denrée. L e ro i, pour
33 rendre cette diverfité plus p a lp ab le , en a fait
33 dreffer une cafte exa&e , & il a voulu qu’elle
33 fût envoyée à fes commiffaires aux Etats. Son
33 miniftre des finances- leur tranfmet au fli, par
33 fes o rd re s , un relevé de la quantité des faines
33 que la fraude du fel occafîonne ; il eft égale-
à ment chargé de leur adreffer .un état , tant
33 du nombre des perfonnes arrêtées , année
! 33 commune, fur les frontières de la Bretagne ( 0 ,
(«) D’après les dépouillemcns qui ont été faits,' en vertu des ordres que j’avois donnés de là part du roi , il paroîtroit que le
faux -faunage auroit occafionné , année commune, par-tout !e royaume , trois mille fept cens failles dans l’intérieur des maifops.
L’on voit , de plus-, qu’on a arrêté , année commune , fur les grands chemins ou dans les lieux de partage , principalement
dans les direûions de Laval 8c d’Angers, frontières de Bretagne, deux mille trois cens hommes , dix huit cens femmes, fix mille
fix cens’enfans , onze cens chevaux , cinquante voitures.
Mais il eft jufte d’obferver que le plus grand nombre des femmes & des enfans qui compofent cette lifte , font relâchés promptement,
la punition , à leur égard , fe bornant , dans les cas ordinaires, à la connfeation 8c à une courte détention : cependant
comme ces femmes 8c ces enfans retournent à leur habitude , il arrive que les mêmes individus font arrêtés 8c relâchés à plufieurs
reprifes dans la même année.
Le nombre d’hommes envoyés annuellement aux galères, pour la contrebande d» fel 8c du tabac , pafte trois cens, 8c le nombre
habituel des captifs , eft de dix-fept à dix-huit cens.
C’eft à-peu-près le ’ tiers des forçats ; Voye-^ ci-d evant Fa u x -s a u n a g e , pag. i i o .
T t ij