
fang ennemi qu’ il a fait répandre ? Ce fait-il rapporter
les trophées où il pourroit reconnoître les
traces des pleurs qui les ont arrofés ? Non , toutes
ces idées l'effraient, & tous ces fouvenirs
l'importunent.
T ai trop aimé la guerre ! voilà le dernier mot du
plus puiffant des ' rois , voilà les paroles qu'il,
adrefle à fon petit-fils. Regrets tardifs , 8c qui ne
fuffifoient pas , fans doute , pour répandre le calme
dans fon ame ! Ah ! qu'il eût été plus heureux ,
lî 3 après un règne tel que ceux des Titus & des
Antonins , il eut pu dire au jeune prince : J’ai
éprouvé tous les plaifirs 3 j’ai connu tous les génies
de gloire j croyez en un roi mourant ; je n'ai
goûté de véritables fatisfa&ions que dans le bien
que j'ai pu faire 5 fuivez mes traces 5 ayez pour vos
peuples la tendre affe&ion que j’ai fentie pour
eux : loin de détruire les établiffemens que j'ai
formés pour la profpérité de l’Etat > loin de rejet-
ter mes principes d ’ordre & d'économie 5 loin
«l'abolir les loix que j'ai rendues pour le foulage-
ment du peuple 8c le fecours djs malheureux , faites
davantage encore , 8c que nos noms confondus
foient bénis enfemble. Mais dès lès premiers jours
de votre règne 3 quand vous entendrez les acclamations
tumffitueufes qui s'adrefferont à vous, ne
croyez pas avoir obtenu déjà Tamour de vos fuje
t s , ni qu'il foit fi facile de mériter ce fèntimentj
fongez que ces premières clameurs font des cris
d ’efpérance : le peuple a tant de befoins 3 il dif-
tingue lï peu la mefure de ce que le meilleur des
lois peut faire en fa faveur , que celui dont il rie
connoît encore , ni les qualités., ni les vertus,
laiffanterrer librement les voeux 8c les efpérances,
excite 8c fatisfait toujours l ’imagination. Que
cette idée augmente votre compafiion pour ceux
qui , en fi grand nombre , croient , dans leur
abandon 8c leur touchante {implicite, que les rois
peuvent remédier à tous leurs maux * 8c que cette
même idée vous préferve d'un orgueil prématuré.
L a feule opinion jufte, eft celle qui nous, fu it, la
feule gloire réelle , eft celle qui s'attache à notre
mémoire. Aujourd'hui ma tâche eft finie, & vous
allez commencer la vôtre > o u i, dans, un moment
cette cour qui m'environne va vous fervir de cortège
5 dans un moment le tambour de la garde va
fe faire entendre pour vous , 8c tout l'appareil du
trône fe déploiera devant vos yeux. N e vous
iaiftez point éblouir par ces brillantes féduétions
du rang fuprême , 8c défendez vous , fur tou t,
des fauffes idées qu'on voudra vous donner de la
•grandeur des rois ; on vous rendra jaloux de la
puiffance des autres nations, avant que vous ayez
eu le tems de connoître la vôtre 5 on vous preffera
de porter atteinte à leur félicité , avant que vous
ayez eu le tems de réfléchir fur le bien que vous
pouvez faire à vos propres fujets ; on vous parlera
de troubler la paix du monde, avant que vous
ayez alluré l’ordre au-dedans de votre royaume 5
& T0!1’ vous occupera de l'aggtandiffement de vos
poffeffions, avant que vous ayez feulement étudié
ce qu il faut de foins 8c de connoiffances pour
gouverner fagement la plus petite de vos provinces.
Ah ! defiezvous de tant de projets , avec
lefquels on cherche à féduire l'ambition 8c la. vanité
des princes, ou à faire naître en eux ces pallions
: défiez-vous de tant de projets avec lefquels
on cherche a leur faire oublier , 8c les bornes de
leurs facultés , & la brièveté de leur v ie , 8c tout
ce qu ils ont de commun avec les autres hommes.
Reftez près de m o i, mon fils , afin H'apprendre
que le fouverain du plus puiffant empire , difpa-
roit de la terre avec moins de b ruit, qu'une feuille
qui tombe ou qu'une lueur qui s'éteint.
G U I N E E , contrée d’Afrique, où fe fait la
traite des noirs. C e commerce étant en quelque
forte la bafe de la profpérité de nos colonies d 'A mérique
, dont les plantations ne font cultivées
que par des nègres, il a été néceffaire de lier le
commerce des denrées des colonies avec le commerce
de ces efclaves, par des privilèges très-étendus,
8c par des faveurs encourageantes- Comme les
uns 8c lés autres concernent les droits des fermes,
c'eft par ce motif qu’il convient d’en traiter dans
le Dictionnaire des finances.
Après avoir fait connoître rapidement l’origine
de nos établiffemens dans cette partie de l’Afrique
, & les différentes mains entre lefquelles ils
ont fucceflivement paffé , on donnera la notice
des loix qui fervent aujourd'hui de règle au Commerce
de cette contrée , en rapportant les principales.'
Une fociété de marchands de Dieppe 8c de
Rouen avoient établi, dès le quatorzième fiècle,
fur les rivières du Niger , de Gambie 8c de Serre-
Lionne , un commerce floriffant. Les guerres civiles
, commencées avec le fiècle fuivant, en amenèrent
la décadence.
C e commerce languit ainfi deux fiècles, avec
le commerce général de la France, qui fans ceffe
déchirée par des troubles intérieurs, ou par des
guerres au-dehors, n'avoit encore pû prendre part
au nouveau commerce que venoit d'ouvrir la découverte
de l'Amérique.
Cependant la fociété normande conferva toujours
en Afrique quelques comptoirs, 8c elle les
vendit en 1664 à la compagnie des indes occidentales
, qui venoit d'être créée. Mais comme
l'objet principal de cette compagnie étoit le commerce
de l'Amérique ,-ell'e ne put donner fes foins
à celui d'Afrique.
Pour prévenir la ruine totale de fes établiffemens
dans cette dernière contrée , elle prit le
parti de vendre ceux qu'elle poffédoit au Sénégal
jufqu'à la rivière de Serre-Lionne 3 à dif-r
fèrens particuliers, qui reçurent de l’autorité fou-
veraine, tous les fecours propres à favorifer leurs
entreprifes.
On ne fait pas bien quelles en furent les fuites y
mais l’année 1681 vit former une nouvelle affo-
ciation , fous le nom de compagnie royale du Sénégal,
pour commercer exclufivement dans tous
le- pays renfermé entre le Cap Blanc , 8c la rivière
de Serre-Lionne, 8c elle fubfifta juiqu'au-
mois de décembre 1718.
Une autre compagnie exerçoit depuis le commencement
de 1685 lé même privilège fur la côte
de Guinée. Quoique les poffeflions de cette fociété
compriffént l’immenfe étendue de côtes, com-
prife entre la rivière de Serre-Lionne 8c le Cap
de Bonne Efpérance, & qu'en 1701 le traité d'Af-
fiento , lui eût procuré de grands profits fur les
nègres quelle avoit fournis aux colonies Efpagno-
les j cependant les révolutions fréquentes^ qu’elle
avoit éprouvées dans fa compofition , avoient
affoiblie au point que fon commerce étoit fans
aérivité. , >;\ ;
Le gouvernement profita de cette circonftance
pour rendre libre le commerce de Guinée par les
lettres-patentes du mois de janvier 1716. Il im~
pofa feulement une taxe de vingt livres par tête
de noir débarqué aux ifles, 8c de trois livres par
tonneau de chaque navire ; mais il accorda de
grandes faveurs, tant aux marchandifes néceffaires
pour le commerce de Guinée, qu'à-celles qui
proviendroient des retours.
A u refte, comme cette loi fert encore de règle
pour le commerce de toute la côte d'Afrique ,
n'ont fait qu'être interprétées, étendues, ou modifiées
, par tous les règlemens qui font intervenus
poftérieurement.
Louis, par la grâce de D ieu , roi de France 8c
de Navarre : à tous préfens 8c à venir, falut. Par
les lettres-patentes du feu roi notre très-honoré
feigheur 8c bifayeul, du mois de janvier 1685, il
auroit été établi une compagnie, fous le titre de
compagnie de Guinée., pour faire, pendant l'efpace
de vingt années , à l'exclufion de tous autres,
le commerce des nègres, de la poudre d 'o r , 8c
de toutes les autres marchandifes qu’elle pourroit
traiter ès côtes d'Afrique,depuis la rivière de Serre-
Lionne incluftvement, jufqu’au Cap de Bonne-
Efpérance, 8c il auroit été attribué à cette compagnie
plufieurs privilèges 8c exemptions, 8c en-
tr'autres celle de la moitié des droits d’entrée
fur les marchandifes de toutes fortes qu’elle feroit
apporter -des pays de fa conceffion , & des ifles
de l'Amérique pour fon compte. Quoique le terme
fixé par ces lettres-patentes fût expiré, le feu roi
»otre jtrè$-honoré feigneur auroit trouvé bpn, à
caufe des engagemens où cette compagnie étoit
pour la fourniture des nègres aux Indes Efpagnoles,
qu'elle continuât de jouir des mêmes privilèges
8c exemptions , fous le nom du traité de l’A f-
fiente, jufqu'au mois de novembre .1713 , 8c les
négocians de notre royaume ayant alors repréfenté
qu’il convenoit au bien du commerce en général,
& en particulier , à l’augmentation des ifles françoifes
de l'Amérique, que le commerce de la côte
de Guinée fût libre, le feu roi ne jugea pas à
propos de former une nouvelle compagnie , quoique
plufieurs perfonnes fe fulfent offertes pour la
compofer. Et comme nous voulons affurer la liberté
à ce commerce, 8c traiter favorablement les
négocians & marchands qui l'entreprendront, pour
leur donner moyen de le rendre plus confidérable
qu’il n'a été par le paffé, & procurer par là à nos
fujets des ifles Françoifes de l'Amérique le nombre
des nègres néceffaires pour entretenir 8c augmenter
la culture de leurs terres. A^ces caufes, & autres
à ce nous mouvant, 8cc. Voulons 8c nous plaît
ce qui enfuit :
A r t i c l e p r e m i e r .
Nous avons permis 8c permettons à tous les
négocians, de notre royaume de faire librement
à l'avenir le commerce des nègres, de la poudre
d’or , 8c de toutes les autres marchandifes qu'ils
pourront tirer des côtes d'Afrique, depuis la rivière
de Serre-Lionne inclufivement, jufqu’au Cap
de Bonne-Efpérance , à condition qu'ils ne pourront
armer ni équiper leurs vaiffeaux, que dans
les ports dé Rouen, la Rochelle , Bordeaux, 8ç
Nantes.
I I.
Les maîtres 8c.capitaines de vaiffeaux qui voudront
faire le commerce de la côte de Guinée y
feront tenus d'en faire la-déclaration au greffe de
l'amirauté , établi dans’ le lieu de leur départ, &
de donner au bureau des fermes une foumiflion,
par laquelle ils s'obligeront de faire leur retour
dans l’un des ports de Rouen , la Rochelle, Bordeaux
8ç Nantes, fans néanmoins que les vaiffeaux
qui feront partis de Rouen, la Rochelle,
8c Bordeaux, puiffent faire leur retour à Nantes
8c Saint-Malo.
I I I.
Les négocians dont les vaiffeaux tranfporteronc
aux ifles Françoifes de l’Amérique , des nègres
provenant de là traite qu’ils auront faite à la côté
de Guinée, feront tenus de payer, après le retour
de leurs vaiffeaux dans l'un des ports de Rouen,
la Rochelle, Bordeaux 8c Nantes, entre les mains
du tréforier-général de la marine en exercice, la
fomme de vingt livres par chaque nègre qui aura
été débarqué auxdites ifles, dont ils donneront
leurs foumiffions au greffe de l'amirauté, en pre-
1 nant les congés de notre très-cher 8c très amé pnclg
M m m ij