
l'affranchiffement des droits feigneuriaux de leurs
direétes & feigneuries.
C e s grandes confédérations font def nature à
toucher le coeur des feigneurs également citoyens
& hommes d’état 5 je ne doute pas qu’eljçs n’a-
grffent autant fur eux que celles de leurs intérêts ,
en leur expofant combien ces charges féodales
fenblent peu profitables : on doit obferver encore
combien il réfulteroit d’avantages pour eux, pour
l ’Etat & pour les vaffaux, d’être admis au rachat
de ces droits.
Remarquons encore que les droits dont on pro-
pofe l’extin&îon , ne produisent rien au roi : Sully
l ’avoit déjà remarqué. Il dit : » qu’ ayant vérifié ,
en faifant de dix années une commune , tant def-
dîts revenus que des frais & dépenfes faites pour
lés faire valoir ', qu’il s’en faut d’un cinquième
que le roi en tire aucune chofe , defquels néan-
moins , en les vendant , l ’on pourroit faire un
fonds de plufîeurs millions, pour racheter toutes
les bonnes rentes conftituées au denier dix 5 ce
qui apporteroit une grande décharge aux finances
du roi. «
Au refte 3 pour mettre à portée de juger fi l’af-
frânchiffement des fonds eft plus difficile à opérer
que l’affranchiffement des perfonnes, on va rapporter
l’extrait dè quelques ordonnances rendues
dans ce dernier cas.
V o ic i comment s’explique celle de Louis X . du
3 juillet 131 y.
Louis , par la grâce de Dieu, & c . Comme , félon
le droit de nature, chacun doit être franc, &
par aucuns ufages & coutumes. . . . moult deper-
fonnes de notre commun peuple foit enchue en
lieu de fervitude. . . qui moult nous déplaît : nous,
eonfidérant que notre royaume eft dit & nommé
le royaume des Francs , & voulant que la vérité
foit accordante au nom , & que la condition des
gens amende de nous en la venue de notre nouvel
gouvernement, par délibération de notre confeil,
avons ordonné & ordonnons’ que , généralement
par-tout notre royaume, . . . . . telles fervitudes
îoient ramenées à franchife,... franchife foit donnée
à bonnes & valables conditions,.. . & pour
que les autres feigneurs qui ont homme de corps,
prennent exemple à nous, de eux ramener à franchife.
i py
S’il falloit des preuves des mauvais effets que
produifeflt toutes les efpèces de gênes & fervitudes
féodales & autres , on les trouverbit dans
l’ordonnance de Philippe-le-bon } duc de Bourgogn
e , de feptembre 1424, portant affranchiffement
de la terre de Faucognèy 5 en voici lès principaux
traits :
Philippe , par la grâce de Dieu , due de Bourgogne
, & c . Savoir faifons que, comme nos bien
amés les habitan$ des villes , de notre terre , eh3*
tellenie & feigneurie de Faucognèy , nos homme*
main-mortables de condition ferve, nous ayant par
plufieurs fois humblement fait expofer la grande
diminution & petit nombre de peuple étant de
préfent efdites villes.. . qu’anciennement fouloienç
être bien peuplées, & ainfi la grande défolation ,
& en quoi eft & vient de jour en jour, notredite
terre, châtellenie & feigneurie de Faucognèy pour
caufc de ladite main-morte , pour occafion de laquelle
plufîeurs habitans defdites’ villes s’en font
allés demeurer & marier leurs enfans autre part en
lieu franc, . . . & n’y veuillent venir demeurer aucuns
étrangers j pourquoi icelles villes font en
voie de venir en totale dépopulation , fi par nous
n’ étoit pourvu en affranchiffement de ladite mainmorte
&: ferve condition defdits habitans & leurs
fucceffeurs.. . Pour ce eft-il qûe n ou s... avons
pour nous , nos hoirs & fucceffeurs , de notre
certaine fcience & grâce fpéciale , nofdits hommes
& habitans en nofdites villes, & tous autres
qui pour le tems advenir y réfideront & habiteront
, & chacun d’iceux affranchis & affranchit*
fons par ces préfentes , à toujours perpétuellement
de ladite main-morte, & icelle ôtant & annullant,
& mettant du tout à néant.
On voit que l’intérêt du fouverain à diété cette
lo i , autant que celui des peuples.
Léopold , duc de Lorraine , dont la mémoire
fera toujours glorieufe & toujours chère à la nation
qu’il a gouvernée , comptoit parmi les plus
confolantes de fes loix , celle qui avoit aboli la
main morte , tant dans fes directes , que dans
celles des feigneurs particuliers 3 il ufa de l’autorité
fouveraine pour tout affranchir , & régler
en même tems fon indemnité & celle des
feigneurs. On doit joindre ce monument de fageffe
& de bienfaifance, aux précédens.
Léopold -, par la grâce de Dieu , duc de Lorraine,
& c : Comme nous n’eftimons rien de plus
digne dè notre attention, que de conferver la liberté
des peuples que Dieu a fournis à notre obéif-
fance , & de la rendre égale entr’eu x , en fuppri-
mant les fervitudes trop odieufes , auxquelles
quelques-uns d’entr’eux fe trouvent fujets par
rapport & par raifon du lieu de leur domicile , &
des feigneuries fous lefquelles ils réfident ; ayant
été informé qti’èn plufieurs-eontrées de nos états...
nous jouiffons, dans les terres dépendantes de no-
tre domaine, & nos vaffaux jouiflenc, dans l’étendue
de leurs fiefs & feigneuries , d’un droit de
main-morte, qui nous attribue , & à nofdits vaffaux
, celui de recueillir leurs fucceffions »nobiliair
e s , . . . ce qui les retenoit dans des gênes très-fa-*
cheufes, . . . & ne laiffoit pas de retenir encore
quelques marques d’une efpèce d’ancien efcla-
vage, qui rendoit les peuples , qui y font fujets
, méptifabtes chez leurs voifins $ & qui d’aijr
leufs les troubloit & gênoit dans leur cottfciencc,
par les moyens qu’ ils cherchoient pour frauder les
feigneurs qui jouiifoient de ce droit fur eux.. . .
Nous avons éteint & fupprimé , dans tous nos
états, terres & feigneuries de notre obemance , le
droit de main-morte perfonnelle, de meme que le
droit de pourfnite... Faifons très-expreffes inhibitions
& défenfes à nos procureurs-géneraux,leurs
fubftituts & fermiers de nos domaines , & a tous
nofdits vaifaux eccléfialriques & fecuuers, de lever
, à l’avenir, ledit droit de main-morte.. . . bt
parce que ce droit de main-morte, dans les lieux
où il étoit légitimement établi au profit de notre
domaine ou de nofdits vafljiux, faifoit Une partie
confidérable des terres , feigneuries & fiefs auxquels
il étoit annexé , & qu’ il ne feroit pas juite
de les en dépouiller, fans leur en accorder une indemnité
raifonnable , nous voulons & ordonnqns
que les habitans & réfidens dans 1 etendue des
feigneuries où ce droit étoit établi & en ufage fur
e u x , payent à l’avenir annuellement, foit a notre
domaine, foit à celui de nofdits vaffaux, par chacun
ménage, un bichet de feigle... Permettons a
tous ceux qui font nés ou réfidens dans, les terres
& feigneuries où le droit de main-morte croit ci-
devant établi , d’en fortir librement pour s’habi-
?fv? Knn leur femblera. Donné a Lunéville le
On n’ ajoutera rien aux différentes confidera-
tions que l’on vient de préfenter fur l ’utilité que
pourroit avoir la fuppreflîon des droits féodaux,
La propriété en feroit plus franche pour les roturiers
, & moins litigieufe pour tout le monde ;
mais il eft à craindre que la vanité & l’interet per-
fonnel, ne foient deux grands obftacles qui s’y op-
poferont long-tems.
F E RM E , f. f. Une ferme, en général, eft un
bail ou louage , que l ’on fait d’un fonds , d un
héritage 3 d’un droit quelconque, moyennant un
certain prix. C ’eft une redevance que l’on paye
tous les ans au propriétaire, qui , pour éviter le
danger de recevoir moins , abandonne l’efperance.
de toucher davantage 3 préférant , par une com-
penfation qui s’accorde avec la juftice , une fom-
me fixe & bornée , mais dégagée de tout embarras
, à des fommes plus confidérables , achetées
Depuis que les impôts mis pour contribuer à U
rançon du roi Jean , furent devenus permanens ,
ainfi qu’on l’a vu dans le difeours préliminaire,
l ’ufage de les donner à ferme s’introduifi tdans le
même tems. Mais alors ils etoient affermés par
v ille , par diocèfe , par province. Dans la fuite,
les grands feigneurs s’érant emparés de la perception
par les foins de la manutention & par l’incertitude
des évènemens. Une ferme générale eft un bail
qui comprend tous les biens d’ un propriétaire
quelconque.
des droits qui avoient lieu dans l’étendue de
leur gouvernement , où , l’ayant obtenue à titre
d’alienation ou d’engagement, ils la faifoient faire
à leur profit.
Ces abus fubfiftoient, lorfque Sully fut appelle
à la furintendance générale des finances 5 & une
de fes premières opérations fut de retirer tous fes
droits, & de les rendre au domaine. Le droit de
la patente de Languedoc étoit entre les mains du
connétable de Montmorency, qui en retiroit neuf
mille écus. Il fut affermé cinquante mille écus en
fa préfence.
La ferme générale des droits du roi ne commença
véritablement à mériter ce nom qu’en 1680, ’
quelle comprit les aides , les gabelles, & tous les
droits qui jufques-là avoient compofé des traités
particuliers. On peut voir au mot A d ju d ic a t
a ir e , la fucceffion chronologique des fermes
pendant un fiècle 5 mais on doit remarquer que
les droits de la ferme générale proprement dite , ne
confiftoient d’abord que dans ceux de gabelles , de
traites & des entrées de Paris. Le privilège du tabac
n’y fut réuni qu’en 1730.
Les droits de domaine & des aides, ceux de la
marque des fers , de la marque d’or & d’argent,
étoient alors donnés en fous-fermes par généralités
à des compagnies chargées de les régir.
Le bail pafféen 1 y$6 , réunit toutes cés portions
de revenus en un feul corps de ferme , pour
être régies par une feule compagnie , q u i, de quarante
membres dont elle étoit compofée, fut portée
à foixante.
La queftion de favoir s’ il eft préférable de mettre
en ferme les revenus publics , plutôt que de
les faire régir , ayant été traitée dans La bibliothèque
de l'homme d 'E ta t, par M . Robinet , 19e vol.
pag. 81. on va en emprunter tout ce qui s’y rapporte,
en y joignant le projet d’impofition imaginé
par l’auteur, &dont il penfe qu’on pourroit former
une ferme générale, d’une efpèce différente de
celle qui exifte.
En appliquant cette définition à la ferme générale
du roi , la feule dont il doive être queftion ,
on peut dire qu’ elle eft la jouiffance , pour lix années
, d’une partie des droits du roi. Les charges ,
claufes & conditions de cette jouiffance , font fti-
pulées dans un arrêt du confeil , & dans des lettres
patentes enregiftrées dans les cours. Voye^ les
mots Adjudicataire, Bail.
' On prétend que dans les Etats qui perçoivent
les impofitions par une régie , les peuples
n’éprouvent pas les mêmes calamités que dans
ceux où elles font affermées. Cela peut être 3
mais on doute que dans un royaume où les fermes
font en ufage depuis long-tems , la régie fût
capable de procurer un foulagemens digne d’attention.
««