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les chapeaux, les gants, les éventails, les modes,
les parures, les tapi (Ter ies , les montres , les bijoux
, la vaiflelle fculptée, les ouvrages d'acier ou
d'autre métal, les papiers, les livres , les tableaux,
les (avons , les bougies, les glaces , les meubles
recherchés , & d'autres produits encore de l'in-
duftrie nationale.
Soixante & dix à foixante & quinze millions
en denrées des ifles de l'Amérique, telles que les
fucres, les cafés, l'indigo, le rocou, les confitures
, liqueurs , & c .
On a toujours exagéré l’étendue de cette bran-
< che d'exportation, dans les tableaux de la balance
du commerce , parce qu'on ne l’a jamais évaluée
qu'en diftrayant des quantités de fucre & de café
'introduites en France , celles qui payoientle droit
de confommation ; mais il eft de notoriété certaine
, qu'on échappe fouvent à ce droit, en déclarant
comrre deftinées pour l'étranger, plufieurs
parties des denrées des colonies , qui font rever-
iees clandeftinement dans l'intérieur du royaume.
Trente-cinq à quarante millions en vins, eaux-
de-vie & autres liqueurs.
Dix-huit millions pour les thés , les étoffes &
les foies de la Chine ; les cafés de l'ifle de Bourbon
& de Moka, les poivres de la côte de Malabar,
les toiles.de celle de Coromandel, les mouf-
felines du Bengale , les productions des échelles
du Levant , & quelques autres marchandifes
étrangères faifant partie des importations.
Seize millions pour les bleds, année commune ,
les beurres & les fromages de certaines provinces
; les fels, le fafran, le miel, les citrons , les
légumes , les fruits fées , les huiles de Provence,
quelques productions de pêcheries.
Sept millions, environ en divers objets, tels que
les cuirs, car.la France en reçoit de l'étranger, &
y en envoie j les bois propres à la menuiferie, tires
principalement des montagnes des Vofges , &
-envoyés en Hollande ; les bois à brûler fortint en
-fraude pour l'Angleterre , & plufieurs autres petits
articles , -qui nç peuvent entrer dans les clafles
-généffdes.
C e n'eft donc qu'en vendant au-dehors pour
'deux cens vingt ou deux cens trente millions eje
marchandifes , ou manufacturées ou apportées
des colonies , que la France obtient une balance
de commerce de foixante & dix ou foixante &
quinze millions , fomme qui furpaflè la moitié de
l’or & de l ’argent que l ’Europe reçoit chaque
annéç.
La certitude que la bafe d'une créance aufïi
■ confidérable repofe fur le double commerce des
manufactures & des denrées de l’Amérique, ne
doit pourtant pas être exempte d'inquiétudes ; çar
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J*1® ^ l*autre de ces commerces font fufceptibles
d evènemens. Le débit immenfe des manufactures,
quoique favorifé par la perfection de l’induftrie
Françoife , & par l'habitude des autres nations ,
n eft pas moins expofé à des diminutions imprévues.
Les productions de la main-d'oeuvre ne ref*
femblent pas aux dons privilégiés du fol & du
climat ; les hommes font par-tout capables d un
travail intelligent ; on peut dans les différentes
contrées de l'Europe apprendre à fabriquer tout
ce qu'on va chercher dans un pays étranger ; on
peut apprendre à s’en paffer. Enfin , l'induftrie
qui s'élève & fe fortifie au milieu de la liberté
politique & de la fertilité territoriale , fera des
progrès, avec le tems, dans cette vafte république,
formée fur le continent de l'Amérique , & cette
nouvelle puifîance prendra part un jour ,• de quelque
manière, aux approvifîonnemens des Illes occidentales
& des Indes Efpagnoles.
C 'e fl à l’adminiftration Françoife à veiller fur
la grande fomme de profpérité qu'elle pofîedé î
c’eft à elle à s'inquiéter des traités de commerce
& de navigation, encore plus que de l'extenfion
du territoire 5 c'efl: à elle à maintenir une liberté
raifonnable parmi les fabricans , (ans mettre au
hafard cependant , par une trop grande licence-,
la réputation d'intelligence & de bonne-foi , qui
font le plus fur appui de tous les commerces 5
c’eft à elle enfin , à. détourner un peu le cours de
ces idées de vanité , qui'font des occupations les
plus utiles , un état paffager, & qu’on quitte avec
la fortune.
Il faut encore, par le ménagement du crédit &
par la fage adminiftration des finances , concourir
efficacement à la baiflé de l ’intérêt , .ce grand
moyen d’encouragement pour les "diverfes fortes
d’entreprifes.
Il faut auffi prévenir les convulfions dans le prix
des fubfiftances , qui dérangent: les rapports éta?-
blis entre les falaires & la valeur courante des
denrées les plus néceflaires Ù la vie.
Enfin , il faut , fur tout , empêcher que l ac-
croiffement fucceffif des impôts ne renchérilfe
fenfiblement le prix de la main -d’oeuvre ; & quand
les circonftances exigent des fecours extraordinaires,
on doit s'appliquer à concilier les intérêts du
tréfo.r royal aVecfcepx du commerce: à bien plus
forte raifon ne faut-il pas jamais mettre en oppofi-
tion ces intérêts , & brouiller ainfi l'enfant aveclfa
nourrice.
Le fécond article d'exportations; c ’eft-à-dire .
celui des denrées de l'Amérique, eft également digne
de la plus grande attention. Ces difeours , lî
légèrement hafardés fur l'inutilité des colonies ,
méritent-ils une réponfe ? Ce-qu'on leur vend»
dît-on tranquillement, on le vendroit aux nations
étrangères, & le royaume ne perdrojt rien à cetw
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révolution* Mais crée-t-on ainfi des acheteurs à
fon gré ? C e n'eft pas faute d'une quantité fuf-
fifante de toiles, de draps d'étoffes , ou de foie ,
qu'on n’en vend pas davantage aux autres nations,
ce font les limites de leurs befoins qui circonfcri-
vent leurs demandes , & non l'impuiflance d'y
fatisfaire.
D'ailleurs , les marchandifes des colonies ne
font pas feulement le prix des productions nationales
que la France y envoie , foit directement,
foit indirectement par fes échanges ■, à la côte
d ’Afrique. Toutes les exportations équivalent à
peine lamoitiédes retours de l’Amérique; le fur-
plus eft la repréfentation & des frais de navigation
, & des bénéfices du commerce , & des revenus
que les colons dépenfent dans le royaume.
Que feroit-ce, fi, en négligeant des poffeffions
fi précieufes, ou fi en les perdant jamais , la France
fe trouvoit privée de la créance de commerce
qu'elle acquiert annuellement par l’exportation
des denrées de fes colonies ? Que feroit-ce , fi
elle avoir encore à acheter, des étrangers même,
la partie de ces denrées qui eft aujourd'hui nécef-
faire à fa propre confommation ? Une pareille ré volution
fuffiroit pour faire fortir de France, annuellement
, beaucoup plus d'argent qu'il n’y en
entre. C'eft donc une propriété magnifique que,,
celle des colonies d’Amérique ; la grandeur de la
puiflance do la France femble en aflurer la longue
polfeffion ; mais les autres nations peuvent augmenter
leur culture ; mais les Etats-Unis, fi voi-
fins du riche fol qui produit le fucre & le café,
ne viendront pas chercher ces denrées en Europe;
■ & félon l ’açcès plus ou moins libre qu'on fera
forcé de leur ouvrir un jour dans les. colonies,
comment défigner la part qu'ils prendront aux
échanges qui enrichiffent la France ?
Des perfonnes difpofées à arrêter leur attention
jufques fur les évènemens invraifemblables , demanderont
, peut-être , qu'arriveroit-il , ou que
faudroit-il faire, fi , par une révolution extraordi-
re, ce double commerce d'exportation venoit à défaillir
ou à diminuer confidérablement ? On peut
bien apperceyoir vaguement l'étendue d'un pareil
defaftre, mais on en décriroit difficilement toutes
les conféquences.
Le befoin des matières premières qu’on tire de
J’étranger , diminueroit , fans doute , à mefure
qu'on vendroit moins d'ouvrages manufacturés
aux autres nations , &: l ’on tâcheioit d’alimenter
les fabriques néceflaires à la confbmmation nationale,
en augmentant de tout fon pouvoir , au fein
de la France , la production des foies , des laines
& des chanvres.
On repoufleroit plus rigoureufement que jamais
, l'introduCtion de toutes les productions
de rinduftrie étrangère 5 ©n multiplieroit les for-
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ges & les ùfines , afin de fe pafler des fers étrangers
; on viendroit à bout de perfectionner fes fa-
lajfons, afin de n'avoir plus befoin de celles que
fourniflent actuellement l'Irlande & d’autres pays;
enfin , la France ne pouvant plus vendre beaucoup
aux étrangers, fe défendroit tant qu’ elle pourroit
d’acheter d'eux , & elle fe gouverneroit iniénfi-
blementen nation bornée dans fes reflources , au
lieu de conferver la marche d ?une nation riche.
Mais malgré tant de foins , elle ne pourroit jamais
réparer le préjudice immenfe que porteroitla fa
richeffe & à fa population la perte qu’elle auroit
éprouvée. Heureufement que de pareilles révolutions
font loin d'être, probables ; mais auffi . n'en
. faudroit-il pas tant pour entraîner de grands effets.
On doit meme obferver à cette occafion, que il le
royaume jou it, dans fon état aCtuel , de moyens
incomparables de richefles , fon adminiftration
auffi eft conforme à cet état d’aifance , enforte que
les revers du commerce & de fortune y feraient
d’autant plus fenfibles , qu'on y eft peu préparé.
On a vil que la folde du commerce eft d’environ
foixante & dix ou foixante & quinze millions à
l’avantage du royaume ; il s’agit de développer
cette opération.
Une balance de commerce doit fe payer d’une
manière ou d'une autre. Un royaume , comme un
particulier , eefleroit bientôt de vendre plus qu’il
n'achète, fi l'on ne lui payo.it pas la folde qui lui
eft due. Si donc il étoit poffibie d'affifter au paiement
qui s'en fait , ou d'acquérir , à cet égard ,
une connoiflance exaCte , on feroît plus (ûr , par
cette voie que par toute autre , de la différence
qui exifte entre la fomme des importations & celle
des exportations.
Le plus ' diftinét de tousJes paiemens qui ont
été faits à la France pour acquitrer la créance de
commerce fur les autres nations , c'eft d'abord
les quarante cinq millions qu’on a portés annuellement
aux hôtels des monnoies du royaume pendant
le cours de la dernière paix , & qui ont été
employés à l'accroiflement du numéraire national.
Suppofant maintenant qu'il s’en foit diffipé
quatre à cinq millions chaque année , foit par des
fontes accidentelles , foit par les remifes faites en
louis-d'or à Genève & en Suifle , dont la totalité
n’eft pas revenue , il refteroit toujours , comme
une acquifîtion annuelle & pofitive pour le royaume,
une fomme de quarante à quarante-un millions.
Avant la guerre , on pouvoit évaluer de huit à
dix millions les fubfides payés par la France aux
puifîances étrangères , les dépenfes de fes am-
bafladeurs, & les annates dues à la cour de Rome
par les nouveaux bénéficiers , & les penfions
accordées à des perfonnes qui vivent hors du
royaume.