
en partie cconomifé , & en partie appliqué à
l'augmentation des forces navales, deftiné à l'encouragement
des nouvelles branches d’induftrie
qui s'éleveroient pour remplacer les marchandifes
cîe Y Inde. La prohibition de ces marchandifes fe-
roit un double gain pour- le royaume , puifquë
l'argent qui pafle ou en Angleterre , ou en A fie ,
pour fe les procurer, circuleroit dans nos provins
ces , & ferviroit à la profpérité de l'agriculture
8e de nos fabriques d’une façon plus fûre & plus
étendue que le commerce de Y Inde dans fa fplendeur.
D ’un autre côté lë commerce de la Chine con-
tinueroit à fe faire librement par la voie des
particuliers qui feroient chargés en tqême tems
de pourvoir aux befoins des Mes de France &
de Bourbon; & de nous apporter en retour les productions
de ces deux Mes.
C e projet fi fîmple, en apparence, rencontre-
roit,fans doute de grands obltacles dans fon exécution
i car comment empêcher l’ introduCtion
frauduleufe des marchandifes de Y Inde ; comment
triompher du goût national 8c des habitudes du
Cède , qui ont rangé ces fortes de fuperfluités
dans la claffe des befoins.
II faut pourtant être de bonne foi. Indépendamment
des objets qui peuvent être confidérés comme
de pure fantaifie, tels que les mouchoirs fuperfins,
les calfes , les mouffelines de première claffe , il
en eft d’autres dont il eft très-difficile que le
royaume puifte fe paffer. De ce nombre font lès
toiles blanches qui forment la matière première des.
toiles peintes que l'on apprête dans le royaume.
Un grand nombre de fabriques de ce genre s’ eft
élevé de toute parts, & il eft très-intéreffant de
les alimenter & de les foutenir.
Il faut encore ajouter à ces fortes de marchandifes
j les diverfes efpèces de toiles de couleur
& les cauris qui fervent à la traite des noirs. Ces
deux articles font un objet de deux millions ; le
poivre dont on confomme annnellemerit en France
quinze à feize cens milliers^ eftimés deux millions
quatre à cinq cens mille livres.
Différens ingrédient propres à la teinture , des
drogues médicinales, le, blpétre , enfin lès mouffelines
communes entrent encore dans les car-
gaifons des navires qui viennent des Indes , &
font pour nous d’une néceffité prefque indifpen-
fable.
L’ importation de tous ces objets, foit par la
compagnie des Indes , foit par le commerce particulier
, montoit, année commune, de dix à onze
millions. Si au lieu de les aller chercher directe-
ment, nous fommes réduits à les acheter en Aur
gleterre ou en Hollande , au lieu de fix millions
que l'on porte aux Indes , il en coûtera dix ou
douze i on p erd ïa, de p lu s , une branche de
navigation qui' confomme des bois dé conftrùc*
bons y du fer,, du chanvre, des farines , du vin
& des eaux-de-vie., qui emploie trois mille
matelots , & occafîonne une exportation d'environ
deux millions des productions de notre fol
8c de notre induftrie.
A ces confédérations fans doute importantes , il
s’en réunit d’autres- encore , prifes dans, l’ordre
politique & qui font du plus /grand intérêt.
On ne peut contempler fans effroi la puiffance
exceffive des Anglois en Afie> l’accroiffement de
richeftes, de commerce 8c de navigation que cette
fituation leur a procuré en Europe, a de quoi
allarmer cette partie du monde. La perte de l’A mérique
eft.pour eux un nouveau motif de porter
toute leur attention , de fonder toutes leurs efpé-
rances fur leurs poffeffions en Afie. C 'eft de la
que font venues , en grande partie , les reffources
qui ont foutenu leur crédit pendant la guerre >
c'eft de-là qu'ils tireront les moyens de réparer
leurs finances pendant la paix j & c'eft-là enfin
ou ils trouveront toujours des forces nouvelles
& menaçantes.
Dans cette fituation des chofes , laiffera-t-oa
les Anglois s’emparer exclufîvement du commerce
de Y Inde j les biffera-t-on s’étendre à leur gré
fans contradiction & fans bornes j ira-t on jusqu'à
leur abandonner tous nos comptoirs comme
inutiles, en renonçant à en faire ufage ? En achetant
par des facrifices la reftitution de ces établif-
femens, neft-ce pas avoir pris , en quelque forte
avec la nation 8c aux yeux de l'Europe entière,
l'engagement de les rendre utiles ? Se déterminera
t-on à l’aiffer tomber l’Ifle de France qui^
ne fera rien pendant la paix, 8c ne fervirà à rien
pendant la guerre, fî elle n’eft foutenue par Lac-
tivité du commercé ? Enfin , renoncera-t-on à l’efi-
pérance & aux moyens d'opérer une diverfîon
puiffante dans cette partie, du monde qui eft
celle où maintenant les Anglois ont le plus a
perdre ?
D ’ un autre cô té , quel nom donner au parti
qu'on prendroit d'abattre tout-d’un-coup une
branche de commerce pour laquelle l'Etat a fait,
depuis un fiècle , de fi grands, efforts & de fî
grandes dépenfes * une branche de commerce à
laquelle fe trouve lié lë fort dés Mes de France
& de Bourbon j poffeffions fî enviées par nos
rivaux & qui ont toujours été regardées & traitées
comme extrêmement importantes j une branche
de commerce enfin, que les plus grandes nations
de l'Europe fe font difputées avec acharnement,
& dont l'abandon a toujours été un ligne de décadence
pour celles qui ont été forcées' d?’y< tenon*
cer. D ’ailleurs, de quel oeil l’univers entier verfoitr-
il, que tandis que toutes les nations policées & commerçantes
cherchent à étendre leurs relations> %c
& s^uvrîr de nouveaux débouchés dans des mers
inconnues , les vaiffeaux françois ne peuvent ,
ou n’ofent plus fe montrer dans les mers de
Y Afie? .
Si ces différentes confédérations font déterminantes
fous tous leurs rapports , il faut donc
conferver nos établiffemens dans VInde, 8c maintenir
les Mes de France 8c de Bourbon dans un
état- de force qui puiffe les rendre redoutables.
Mais vainement y entretiendroit-on une garnifon
nombreufe, fi l’activité du commerce 8c des relations
, multipliées avec la métropole, n’y accroif-
fent point la population , &,fî cet accroiffement
ne fert point à diriger la culture 8c l’induftrie
de cette colonie vers l’objet effentiel de fa defti-
nition * celui de fournir des fecours & des vivres
à nos armées navales. Il faut qu’une efcadre y
trouve , en tous tems , ce qui lui eft néceffaire,
pour, fe préparer à une expédition , ou pour fe
réparer après un combat malheureux.
Il en eft de même des établiffemens de Y Inde ;
à quoi ferviront des fortifications 8c des fol-
dats à Pondichéry, fî le commerce ne prend
pas de l’étendue & de la folidité dans cette
partie de Y Inde , s’il ne met, par des relations
nombreufes 8c faifîesà propos, fur-tout dans
le Bengale, a portée d’étudier 8c connoître les intérêts
du pays des princes, defuivre la marche 8c les
révolutions de la politique indienne, & de former
des liaifons. dont on puiffe tirer parti fuivant
les conjonctures.
Tous ces avantages ne peuvent fe rencontrer que
dans un commerce permanent. Doit-il fe faire
par uqe compagnie , fous un privilège exclufif,
ou faut-il le biffer libre ? C ’eft par cette dernière
queftion que nous nous fommes propofés de terminer
cet article.
Qn a vu ci-devant que la compagnie des Indes,
avec fon privilège exclufif , avec fes poffeffions,
& les dépenfes que leur entretien exigeoit, a coûté
cent millions à l’Etat en quarante années* une compagnie
nouvelle , formée fur le même modèle ,
coûteroit bien davantage encore , dans la fituation
aCtuelle des chofes, & ne pourroit faire qu’ un commerce
ruineux & précaire.
D ’ailleurs, il femble qu’une compagnie deftinée
a repréfenter une grande nation , ne doive repa-
■ roître dans Y Inde qu'avec l’appareil impofant du
pouvoir 8c de l'indépendance. Quelle idée pren-
droient en effet les Indiens de 1a nation Françoife,
dont b puiffance, la gloire- & les triomphes du
tems des Dumas 8c des Dupleix font encore
préfens à leur fouvenir, s'ils 1a voyoient recevoir
humblement de la nation Angloife , ce quelle
voudroit bien lui céder, & fubir dans fes marchés
toutes les conditions qu’il plairoit à celle-ci d'im-
pofer ? N ’en induiroient-ils pas , avec raifon ,
que ce degré d’humiliation en Afie eft la fuite
d’un fort femblable en Europe , 8c que le tribut
payé par l ’une , eft le ligne de la fupériorité de
• l’autre ? Que pour jamais tout bon françois renonce
à l’ ufage des marchandifes de YIn d e , plutôt
que-de les.avoir au prix de cet aviliffement !
Qu’à .jamais périffe ce commerce, plutôt que de
voir une compagnie françoife fervir à relever
l’orgueil de b compagnie angloife, toute-puiffante
à préfent dans les contrées , & qui fera toujours
difpofée. à écrafer une rivale, avant qu’elle ait eu
le tems de fe fortifier 8c de s’aggrandir !
Il eft encore une obfervation à faire fur cé
fujet. Les Anglois ont , comme on l ’a dit précédemment,
un revenu de quarante a cinquante millions
à faire paffer annuellement de Y Inde en
Europe. Pour réalifer cette fomme , qu’ils con-
yertiffent ces quarante millions en marchandifes 5
ils en tireront - aifément en Europe foixante à
foixante-dix millions, fuivant le cours ordinaire de
ce commerce. S’ils veulent écarter toute concurrence
des autres compagnies, le léger facrifice de
vingt-cinq-à trente pour cent fuffira pendant deux
ou trois années. Us n’auront pas moins retiré
de l’Inde, par an, cinquante ou foixante millions
fans avoir débourfé un fol. Ainfî en manquant
feulement à gagner plus , ils forceront leurs con-
concurrens à des pertes certaines , dont l’effet
fera de les mettre dans l’ïmpuiffance abfolue de
faire le commerce de Y Inde.
Ces réflexions paroiffent donc devoir écarter toute
idée de rétabli ffempnt d’une compagnie 5 mais il
femble qu’on peut cependant continuer ce commerce
en- lelaiffant libre, en le favorifant 8c l’encourageant
par une foible partie des dépenfes néceffaires
au foutien d’une compagnie. Sans privilège exclufif,
que le gouvernement protège une affociation de marchands
honnêtes réunis pour faire le commerce de
VInde y 8c qu’il leur accorde des immunités , on la
verra profpérer. Car qu’on ne s’y méprenne pas ,
l’hydre de la fifcalité a caufé en grande partie la
perte qu’on a vue dans les arméniens particuliers.
Elle feroit aifément balancée & même réparée ,
par un affranchiffement abfolu , au retour, comme
au départ.
Le droit d’induit, qui eft de cinq pourcent
& que les négocians ont eu a payer depuis 1769,
s’eft fucceffivement accru par l’addition des huit
& dix fols pour livre mis en 1771 8c 1781. Les
droits des fermes ont reçu 1a même augmentation
, enforte que ces deux droits réunis forment
un objet de quinze pour cent. Pour peu
que le commerce particulier reçût, avec Laffran-
chiffement entier de ces droits, des primes tant
à l’exportation qu’ à ^importation, mefurées fut
l’intérêt des chofes exportées & importées, il
eft fur qu’il ne feroit plus défavantagenx , 8c