
On a vu au mot C omptablie en quoi con-
jfiftent les privilèges de la ville de Bordeaux, qui
eft la capitale de la Guyenne, 8c le centre ainfi que
le moyen de tout le commerce de la province. On
ajoutera ici que le commerce s’ étend principalement
fur les vins 8c les eaux de-vies qui s’enlèvent
de Bordeaux pour la Bretagne, la Normandie 8c
la Picardie.
Il s’en charge auflî des quantités, confidérables.
pour les ifles Françoifes de 1 Amérique , envoyées
en grande partie par Bordeaux , 8c le relie par
les autres ports du royaume qui font le même
commerce.
Les HoIIandois 8c les Anglois , indépendamment
des vins , vinaigres 8c e aux-de-vie, qu’ils
tirent beaucoup de Bordeaux, y prennent aufli
des prunes, du miel, des châtaignes, de la réfine
, du liège, & plusieurs marchandifes du crû:
des colonies, telles que des indigos , des cafés
8c des fucres, qu’ils portent dans le nord 8c le
midi de l’Europe.
Les Danois , les Suédois, 8c les villes Anféa-
tiques , y chargent les mêmes efpèces de marchandifes,
8c importent des planches de fapin ,
des mats de navire, des chanvres, du goudron,
des fuifs, des fers, des cuivres, des fromages,
de la quincaillerie , de la mercerie , de la fayan-
cerie , 8c principalement beaucoup de-bois ni.er-
rains 8c de bourdillons , propres à faire des barriques.
Les Anglois apportent des laines d’Irlande, des
cuirs, du plomb , 8c de l’étain en- malle , des
charbons de terre, des beurres , des fuifs, des
boeufs 8c faumons falés, qui font néceffaires pour
le commerce des ifles.
Quoique la Guyenne 8c Bordeaux forent plus
•à portée de l’Efpagne 8c du Portugal, que la
plus grande partie des autres provinces du royaume
, elles font peu de commerce avec ces Etats.
L ’objet principal des expéditions, Iorfque l’exportation
des grains eft permife, çonfifte en bled ,
en fèves, 8c en mahis ou bled de Turquie. Les
retours font en fers plats 8c quarrés, en ancres
pour les navires , en meules, en laines , en oranges
, citrons, 8c vins de liqueur.
C e qui occupe le plus en Guyenne, .c’eft le
commerce des ifles. En 1770, tems où l ’oii jouif-
foit de la paix depuis huit années, on comptoit
à Bordeaux cent vingt à cent trente navires en
armement pour l’Amérique. En 178 4 , on en
compte près de quatre cens. Quoique Bordeaux
ait perdu beaucoup de bâtimens dans la guerre
tei minée par la paix de 1783 -, cependant leur
nombre s’eft multiplié dans le même tems , au
point que Bordeaux peut être regardé comme faisant
feul un tiers du commerce de la Métropole
avec fes colonies.
La raifon de ce commerce immenfe tient à
deux caufes.
i° . Parce que ce port a de la première main
les trois chofes qui font le plus néceffaires aux
colonies3 les vins, les eau x -d e -v ie , 8c les farines.
2°. Parce que la quantité de bâtimens étrangers
qui viennent chaque année de toute l’Europe
à Bordeaux , pour y enlever dès vins , 8c
qu’on porte à deux mille , procurent en même
tems des débouchés aufli sûrs que faciles aux marchandifes
des ifles , dont elle a toujours fes entrepôts
très - abondamment pourvus.
Au refte, pour donner une idée des fecoiirs
que les finances de l’Etat reçoivent du commerce
de la baflfe Guyenne 8c de Bordeaux, on doit
obferver que la recette générale qui y eft établie
, compte de près de trois millions à la Caille
générale des fermes , pour ce qui concerne les
droits levés fur le commerce , tant intérieur ,
qu’ étranger.
Quant à la haute Guyenne, tout fon commerce
confifte dans l'agriculture, & dans les arts qui efl
dépendent. Lôrfque les. récoltes manquent, ils
font dans l’impuiflance de payer leurs impoli-
lions.
Cette partie a l’avantage, depuis 1779, d’avoir
yne adminiftration provinciale, qui s’ eft conftam-
ment occupée de tous les objets relatifs au bien
de la province. F'oyq; à l’article G én éra lité de
M ontaxjban. Il eft vrai que le règlement du con-
feil du 8 feptembre 1781, a fait quelques changemens
dans la conftitution de cette alfemblée, en accordant
à l’intendant une plus grande influence qu'il n’en
avoit .primitivement, 8c en le chargeant de délivrer
fes ordonnances, pour le paiement des honoraires
des membres de la commilfion.
Une partie des travaux les plus elfentiels a été
tracée par la main de l’homme d’Etat qui a pofé
les fondemens de cette adminiftration provinciale.
L'intérêt de ce tableau, ne peut manquer de le
rendre agréable dans fon entier.
Les chemins, dans la haute Guyenne, n’étoient
pas exécutés par corvées 5 mais on fe plaignoic
dé la diftribution inégale des contributions exigées
pour leur confection, Sc du peu de foin en
général qui régnoit dans cette partie de l’admi-
niftrarion, dès la première alfemblée provinciale
on voit un rapport fles plus inftruétifs fur cette
m.atière 5 une expofition fage des routes les plus
utiles à la communication intérieure, un plan
équitable pour dédommager les propriétaires qu’on
priveroit d’une partie de leur terrein, une jufte
diftribution de l’impôt nécelfaire pour l’exécution
de ces différens travaux. On met la dépenfe de
toutes les grandes toutes, de toutes celles où là
pofte peut être établie, à la charge^ de la province
entière , mais on ne l’ oblige à contribuer
que que pour trois quarts , aux chemins dont la
éonftru&ion n’a pour but qu’une communication
entre deux villes de l’intérieur, 8c l ’on fait fup-
porter l’autre quart, par les élections que ces
routes traverfent ; enfin les frais d un chemin
qui doit feulement lier , quelques communautés
entr’ elles, doivent être payés, un quart par les
communautés mêmes , un quart par 1 élection où
elles font fituées, 8c moitié par la province.
Cette adminiftration prend connoiflance des
abus qui ont été commis dans la confection
des chemins à prix d’argent, 8c s’attache a les
corriger.........
Comme dans les pays appellés de taille réelle,
tels que la haute Guyenne, toutes les terres font
diftinguées en biens nobles 8c biens ruraux, 8c
que ces derniers feuls paient la taille, tandis que
les autres en font affranchis, quel que foit l’état
civil des polfeffeurs, il réfultoit de cette difpo-
fition, que l’impofition des chemins , additionnelle
à la taille, n’étoit point fupportée par les
biens nobles. On en a fait le rapport à l’ aflem-
b lée, 8c la nobleffe, ainfi que le clergé, entraînés
par le zèle qu’infpire la nouvelle adminiftration,
offrent pour la confection des chemins , une contribution
volontaire au foulagement des biens ruraux
; ils fixent cette contribution au quinzième
du vingtième que payent les biens nobles 3 8c le
tiers- Etat qui en poffède une. partie, fuit le même
exemple.
En même tems , l’adminiftration provinciale ,
qui fent l’utilité d’ une règle dans toutes les en-
treprifes, afin d’être certaine de proportionner
en tout tems les travaux publics aux moyens des
contribuables, fixa au onzième de la taille , la
fomme des autres contributions , applicables à la
-confection des routes.
Elle s’eft occupée avec le même foin , de là
taille 8c de la .perfection de fa répartition. Cette
impofition fe lève dans là haute Guyenne, d’après
un ancien cadaftre qui remonte à l’ année 1669.
Le peu de tems qu’on 'mit à fa confection, puif-
qu’il fût achevé en moins de trois ans, ne permit
pas fans doute d’y apporter l’exaCtitude né-
ceffaire ; mais peut-être auflî que le,cadaftre le
plus imparfait vaut mieux encore que la juftice
diftributive des hommes, telle qu’on peut l'attendre
en général des erreurs 8c des paflions auxquels
ils font fournis. Cependant, il réfulte auflî
de grands maux d’un Cadaftre irrégulier , fur - tout
Iorfque l’accroiffement fucceflif des impofitions,
8c les effets naturels du tems, ont rendu lès dif-
proportions plus fenfibles. C ’étoit pour remédier
en partie à celles qu’on avoit remarquées dans
'le cadaftre de la haute Guyenne, qu’on avoit ordonné
en 1727 une augmentation de taille fur
toute la province, dont le produit devoit être
appliqué par l’intendant au foulagement des communautés
trop allivrées 3 mais ce fecours retom-
boit né ce flaire ment dans une forte d’abi traire, 8c
quelquefois' il avoit été confondu avec les fonds
qu’on accorde pour fubvenir à des accidens particuliers.
D ’ailleurs, lors même que cette augmentation
d’impofition eût été conftamment employée à fa
deftination 3 lors même que le coup d’oeil éclairé,
8c la plus parfaite impartialité eulfent toujours
dirigé fa répartition, la fomme modique de cette
impofition, qui le montoit à cent-vingt mille livres
, ne pouvoit remédiér aux grandes inégalités
du cadaftre, fur-tout à l'époque où, comme aujourd’h
u i, la caiffe de cette généralité fe monte
à trois millions quatre cens mille livres.
L ’adminiftration provinciale frappée de cet inconvénient,
8c considérant que la confection d’ un
nouveau cadaftre occafionneroit une trop grande
dépenfe , s’eft attachée à un plan fucceflif d’amélioration
qui réunit tous les fuffrages. Elle réfout
de chercher d’abord à fe former un tarif raifon-
nable, en prenant pour règle les proportions de
la taille dans quelques paroifles fituées en différentes
élections , 8c q u i, de notoriété publique,
étoient le plus équitablement allivrées 3 elle ordonne
enfuite le cadaftre de ces mêmes paroifles ,
afin de connoître. exactement leur étendue, Sc la
diverfité des terreins qu’elles renferment. Elle fe
compofe ainfi,. 8c à peu de. frais, un tarif qui
doit fervir de point de comparaifon, 8c elle procède
de la manière fuivante à l’établiffement d’une
règle uniforme de répartition.
On autorife d’abord toutes les communautés
qui fe croiroient trop allivrées d’un tiers, â demander
un nouvel arpentement, lequel doit être
fait à leurs frais, 8c fous l’infpeéïion d'un délégué
de l’adminiftation provinciale, 8c par des experts
de fon choix. On s’engage enfuite à comparer
l’impofition de la communauté plaignante,
avec le tarif que l ’on a pris pour mefure , 8c
s’il fe trouve que cette communauté foit allivrée ,
dans une difproportion pareille à-peu-près à celle
qu’elle avoit annoncé , on doit la décharger de
çet excédent, 8c en faire la répartition fur l’uni-
verfalité des contribuables.
La diftribution du moins impofé de la taille,
a fixé aufli l’attention de l’adminiftration provinciale.
On entend par ces mots de moins impofé,
i la partie de la taille qui eft répartie annuellement
dans chaque généralité, aux communautés, ou
aux particuliers qui ont éprouvé des malheurs,
foit par des incendies, foit par des inondations,
par la grêle, ou d'autres accidens On prend toutes
les précautions convenables, afin qu’aucune hiv eut
ne nuife à la diftribution jufte 8c fage de ce petk
fonds.