
méèhans ,' St la bafe du corps immenfe qü’on appelle
Térat. Heureufement ce nombre de faux zélés
dont je viens de dévoiler les motifs , n’eft pas le
plus, confidérable.
Mais il y a quelques hommes doux qui -, con-
tens de leur fort préfent , & craignant que toute
oppofition de détail ne vienne à le troubler , fe
déchaînent contre de prétendus novateurs j tout
préoccupés des fermentations dont l’hiftoire con- -
icrve le fouvenir, croyant voir dans nos’voifîns
mêmes , une agitation contraire au bon ordre à
quelques égards, & fujets à fe porter à des extrémités
dangereufes , ils redoutent de bonne-foi de
femblables •orages. D'autres en bien plus grand
nombre , quoique moins autorifés 3 citent tout
devant leur propre tribunal, qu'ils hériffent de
recherches fur le droit public j de prétentions en
prétentions , ils en viendraient à vouloir rendre
la royauté auflî limitée dans les lieux où elle a
tout Fait, tout établi, tout maintenu, où elle eft
entrée dans les coeurs & dans les efprits j ils voudraient
, dis-je , la reftreindre autant en ces lieux-
là qu’en dçs climats où elle n’eft foufferte que par
néceflité , & toujours regardée comme ennemie.
C ’eft à ces deux fortes d’illufîons, que je crois
devoir une énonciation clairè de mes idées, fur
ce qui elt l’objet de leurs débats ? il m'a paru que
quand j’ai pu développer ma penfée vis-à-vis des
tins & des autres, ils l'ont tous regardée comme
un jufte milieu.
L'état a , félon m o i, des loix fondamentales.
Quelles font ces loix , me dit-on ? les- privilèges ?
A ce mot,.tous les gens que j'ai déduits ci-deffus
fe récrient à la fois : Les privilèges , difent-ils ,
font des concédions des rois , ou'de toute autre'
autorité fouveraine à laquelle les rois ont fuçcédé :
ils ne peuvent avoir* eu que deux objets , ou la
néceflité, ou futilité publique :.la néceflité porte
avec elle fa proteftation v& fa nullité ; l’utilité peut
ceffer , & faire place à une utilité contraire qui
exige des arrangemens contraires auflî j & tout ce
qu’ un roi a donné, l’autre le peut retirer, & la
parole du Touverain ne peut tout au plus engager
que fa perfonne. Voilà » je crois , leurs argumens
dans tout leur jour ? voilà par quels dégrés on ôte
aux princes la faculté de tefter, de vendre, de
donner , & même toute efpèce d’ufufruit réel.
Je ne demande pas fi le ferment du prince à fon
lhcre ne le rend pas exécuteur de toutes les paroles
de fes prédéceffeurs , contre lefquelles il n’a
pas protefté ; c ’e ft, à Dieu à faire rendre compte
aux rois , & jamais au peuple à le leur demander.
Mais pour répondre aux obje&ions précédentes ,
qui font queftions 4c raifonnemens , entrons
dans le détail, & voyons quels font les privilèges
que je prétends êtreloixfondamèntales du royaume.
i Q. Privilèges du roi , 29. ceux du fang royal?
privilèges de fucceflion, privilèges de rang & de
diftin&ion reconnus même chez les étrangers Si
dans toute la terre. $°. Privilèges de différens ordres
de l ’état*, ou fondés en.même tems que la
monarchie , ou établis par l’ordre du prince, aveo
l’acceflion des autres corps affemblés. 4 ° , Privilèges
de différentes provinces, fceau de leur réunion
au corps de l’état, prix de leur fang verfé depuis,
& de leurs richenes employées pour fà dé-
fenfe. Privilèges des villes particulières, concédions
des rois , foit pour les encourager, foit
pour reconnoître leur zèle & leur fidélité j mais
toujours monumens précieux & propres à reproduire
le même effet. 6°. Loix civiles & particulières
de chaque pays , telles qu’ elles font avouées
par les tribunaux & autorifées par l’ufage.
Ces différentes parties , compofées d’une infinité
de rameaux, forment un tout qui eft le corps
de l’état ? la royauté en eft la pierre angulaire , qui
feule foutient tout cet édifice 5 mais fans cet édi-
fice elle ferait cachée fous l’herbe & les épines.
Penfe-t-ôn aux affreufes conféquences que peuvent
avoir la liberté de penfer & les principes def-
tru&eurs fur la moindre de ces parties? Qu’eft-ce,
vous dira-t-on , qui doit rendre une de ces loix
plus refpeétable dans l’opinion que les autres ? La
royauté, par exemple, eft-ce l’émanation de la
Divinité ? Sans doute, la royauté en eft l’image ?
mais tout pouvoir établi peut fe dire auflî la re-
préfentation de la Divinité, & le moindre ordre
municipal, fe fera de cet avantage un bouclier contre
le prince. Eft-ce la fouveraineté ? elle confifte
bien à n’avoir rien au-deffus de fo i, mais’non à
pouvoir tout confondre au defifous ? fans cette restriction
, elle cafterait d’être l’image de la Divinité.
Eft-ce l’ancienneté ? certains privilèges font
auflî anciens qu’elle dans l’état ? c’eft une queftion
de fait. Eft-ce enfin l’utilité publique ? je le crois?
mais fi l’on accoutume les hommes à ne calculer
tout droit que d’après leur utilité ? fi vous leur
en donnez l’exemple , quels progrès dangereux
cela ne peut-il. pas faire dans les efprits ? dès-lors
craignons l’obéiffance forcée Scies devoirs éludés j
il en faudra venir à ces deux cens mille hommes ,
dont nous avons tantôt marqué le véritable & le
plus digne ufage. Et qu’eft ce qu’un prince qui n’a
plus .d’appui que la force ? un conquérant de fort
patrimoine , un général qui bientôt aura de dangereux
lieutenans, un homme armé près de fon
foyer , &-qui dort avec despiftolets fous fon chevet.
Un fouveiain n’eft-il pas dans une pofition
préférable , quand il peut dire , je fuis tout 5 tout
réfide en moi 5.tout l’état intéreffé à ma confer-
vation , veille pour moi, combat pour m o i, agît
pour moi, parce que chaque corps fait en partir
culier que fes immunités ,. fon état, fon repos,
dépendent de ma confervation , de celle de mon
pouvoir , de celle de ma famille ; ce tout enfem-
ble fait un corps indiffoluble qui tient à des loix
qui font tqutes à mon avantage : je règnç, je fai«
des
des heureux jk je le fuis ; tel eft l ’état de nos rois
dans leur pofition adtuelle ; tel eft l’état heureux
dont on voudroit les faire décheoir en les pouffant'au
delà.
Je crois donc que les fujets ne fauroient trop
regarder dans la royauté leur fauve-garde, leur
appui, leur force, leur exiftence. Penfer qu’elle
ne fauroit être limitée, que la fureté intérieure &
la confidération extérieure n’en Souffrent ? confî-
dérer dans le roi la fortereffe qui couvre’leurs
frontières, le navire qui défend leurs côtes; ou
qui leur apporte les richeffes, la juftice qui règle
leurs différends, la police qui veille à la fureté
publique , la main qui fème Sz qui recueille, qui
produit & vivifie j fentir enfin qu’en bornant l’autorité
royale on diminue, on arrête tous fes bien-*
faits ; & comment pourrait-on oublier que les
bienfaits dè la royauté étoient tous interceptés
dans ces tems malheureux où les factions s’oppo-
foient à fa puiffance.
Mais je crois en même tems que le prince ne
fauroit trop conferver , refpeéter, établir même
d’ordres & de loix fondamentales dans l’E ta t,
puifqu’elles tendent toutes au maintien de fa grandeur
& de fon patrimoine j & quoi ! tandis qu’ un
père de famille eft attentif à lier par des loix particulières
, les fondemens de fa maifon, qu’il établit
des fùbftitutions, qu’il règle tout par des
aétes *authentiques , dans la crainte qu’une mau-
vaife adminiftration venant à fuccéder à la fienne ,
fon héritage ne foit diflipé ? lui cependant, que le
poids des loix civiles met à couvert de toute révolution
trop Subite , peut on confeiller à Un
prince d’annuller les règles établies dans fon E tat,
pour en ramener toute adminiftration à fa volonté
? & quelle eft-elle cette volonté ? Les rois
font hommes, & font comme nous fujets à des
paflions & à des variations : les idées même les
plus fixes font entièrement différentes dans trois
âges de la vie : à vipgt ans, à quarante & à fpi-
xante. L’Etat aura donc fes fougues, fes infirmités,
les peuples demanderont chaque jour dans leurs
prières, de le Voir tomber en décrépitude. N on, un
prince'fage ne Saurait avoir de femblables penfées:
c’eft peu à peu ,• c’eft dans des cas particuliers
qu’on le pouffe 4e ce çôté-Ià , fans que la rapidité
des affaires liîi permette d?entrevoir les conféquences
de la moindre inncfvation.
C ’eft d’après Ces principes , qui me juftifient à
moi-même i’entreprife d’h traiter des matières auxquelles
je ne fuis point appellé, que je veux ha-
farder un tableau de mes idées fur l’avantage des
Etats provinciaux.
Je les confidère d’abord relativement à l’autorité
royale, que je regarde comme la bafe de la
monarchie j. enfuite relativement aux finances &
au crédit j & enfin relativement au bonheur & à
1 avantage des peuples. Je n’entre point dans des
Finances. Tome. II,
difcuflîons de droit ; c'eft l’intérêt de tous uni"
quement que j’envifagè.
Utilité des Etats provinciaux relativement
à l ’autorité royale.
Je fuppofe qu’un miniftre voulut donner au
prince des impreflîons contre les Etats provin-
ciaux : il les lui repréfenteroit, fans doute, comme
des affemblées qui veulent fe mettre fans ceffe
entre lui & fon peuple 5 qui maintiennent les provinces
dans l ’idée que leur confentement eft né-
ceffaire pour la .levée des deniers de l’état j qui
fouples dans les tems d’autorité, peuvent, dans
des tems calamiteux ou foibles, s’arroger des prérogatives
, blâmer la conduite de la cou r , & donner
enfin le fîgnal de la défobéiffance. Il ne manquerait
pas' de lui fair eobferver que l’adminiftra-
tion qui en réfulte , donne à certains fujets des
prééminertfces dangereufes dans leur propre pays *
& borne beaucoup l’autorité des prépofés du roi ?
que fa forme de compofer en bloc avec le maître
eft indécente , & que la répartition qui s’enfuit
eft un fecret qui tend à foulager les adminiftra-
teurs & à charger le peuple , tandis qu’on fruftre
l ’état de fes véritables droits ; que ces fortes d’ af-
femblees enfin, font coûteufes par elles mêmes, &:
ordonnent encore des dépenfes plus relatives à
l’avantage de quelques particuliers , qu’à celui du
public.
Voilà , je penfer tout ce qu’on peut obje&er
en général contre les pîfys d’Etats; car s’il y a des
défauts particuliers d’adminiftration , ce font'des
objets de détail que je n’entreprends point de défendre.
De toutes les objeétions ci-deffus , je ne
répondrai dans cet article, qu’à celles qui font relatives
à l’autorité ? celles qui regardent le peuple
viendront à leur tour.
Le pouvoir des Etats eft-il purement c iv il, ou
ne i’eft-il pas ? Les vit-on jamais fe mêler de la
guerre ou de la paix, de la Içgiflation , du commerce
, de la levée ou réforme des troupes , des
détails du miniftère ou du gouvernement ? C e
feroit-là ce qu’on pourrait appelier fe mettre entre
le roi & le peuple, & c’eft peut-être ce
qu’ont fait les états généraux : il ferait cependant
fort aifé de prouver, que ceux-ci n’ont prefque
jamais été affemblés , que pour ajouter de nouveaux
droits à la couronne ? mais cela n’ çft pas
de mon fujet.
Les Etats provinciaux qui jouiffoient autrefois
des mêmes droits, auprès de leurs fouverains particuliers
, ont fenti dans la fuite combien l’éloignement
& l’élévation 4u trône, les mettoient hors de
portée d’avoir de femblables prétentions. Ils ne fe
mêlent donc abfolument que de la levée des impôts
& de certains détails de police intérieure. Eft-ce-là
fe mettre entre le prince Sc fes fujetsi1 Convoqués,,
approuvés par le fouveram ? dirigés dans toutes