
LO TE R IE > f. f . , qui fignifie en general , un
jeu de hafard , dans lequel différents lots de mar-
chandiles , ou differentes fommes d'argent, font
dépofées pour en former des prix & des bénéfices
à ceux qui font favorifés par le fort j c'eft-à-dire,
à qui il échoit des lots gagnans.
Mais pour ne nous arrêter qu'aux loteries adoptées
par l’E ta t , & dans lefquelles il cherche des
reffources de finance , nous en diftinguerons trois
fortes 3 qui, en variant par les formes 3 fe reflem-
blent néanmoins par le fond puifque par tout *
c'eft le hafard qui décide, du gain ou de la perte.
i ° . Celle qui confifte dans un jeu. public d'argent
fur un nombre déterminé detium’éros, comme
la loterie royale de France.
Les loteries 3 comme celles de Piété &
des Enfans trouvés , qui font compôfëés d’un
nombre indéterminé de numéros ou billets d'un
prix modique. Au jour fixé pour le tirage , on
prend un billet dans unq grande roue de,fortune 3
en même-tems que d’autres numéros également
tirés d'une fécondé .roue 3 indiquent les lots qui
s'appliquent aux nombrès fortis de la première.
C e s lots font plus ou moins nombreux , & forts
en raifon de la mife des-fommes > on prélève cinq
vingt-quatrièmes pour les frais & les bénéfices 3
& les dix-neuf autres fervent à compofer des lots
gradués 3 .depuis cent livres jufqu'à mille 3 fix
mille 3 dix mille & vingt mille livres.
3®. -Les loteries qui font un véritable emprunt.,
vers lequel on eft attiré par l'appât d’ un lot con-
fidérable , fans expofer foïi ’capital', qui e'ftTetn-
bourfé dans un tems limité, & dont on touche
les intérêts, un peu au - deffous du taux légal 3
ces emprunts n'ont même qu’un t rapport éloigne
avec les autres loteries , où l'on rifque le capital
en entier ; le gouvernement répartit en chances
le fuperflu d'intérêt., & répand àiftfi les plaifirs
ide réfpérance.
Les deux premières fortes de loteries, peuvent
être regardées comme la ruine du peuple., ou un
piège tendu à la cupidité. C'eft comme nous
l'avons dit dans hotte difcou-rs .préliminaire 3 p .5 7,
un impôt deféduélion , quinous.paroit aufiî funefte
aux moeurs , que nuifible aux finances.--
L'origine dés loteries en général, eft très ancienne
, puifqu'on en voit chez les Romains j
mais l'hiftoire ne nous apprend pas s'ils les reçurent
d'une autre nation, où fi l'invention leur
eu elt due. On eft sûr que les Grecs ne connoif-
foient pas les loteries, & qu'elles ne commencèrent
à être en ufage à Rome , que l'orfqu'on voulut
remplacer les fuffrages du peuple , par les coups
du for t, & tirer par la yoie du hafard, le département
des provinces.
Les Romains imaginèrent enfuite, pendant les &-
turnales , des efpèçes de loteries , dont tous les billets
qui étoient diftribués gratis aux convives ,
gagnoient quelque prix. C e qui étoit écrit fur
les billets , fe nommoic apophoreta. Cetre invention'
étoit une adreffe galante de marquer fa libéralité
& de rendre la fête plus intérefiante,
en mettant d'abord tout le monde de bonne humeur.
Augufte goûta beaucoup l ’idée des loteries, &
quoiqu'elles ne fufient compofées que de bagatelles
, elles procùroient béauconp d'amufement.
Néron, dans les jeux que l’on célébroit pourl’é-
ternité de l’Empire^ étala la. plus grande magnificence
en ce genre. Il fit jetter au peuple jufqu'à
mille billets par jou r5. quelques-uns fuÉfoient
pour faire la fortune de ceux entre les mainsde
qui Je hafard lesfaifoit tomber j les uns donnoient
des e fc la v e sd e s navires , les autres des terres,
des maifons.
.Suivant Lampride, Héliogabale trouva plain
t de compofer des loteries 3 moitié de billets
1 utiles , & moitié de billets de chofès rifibles &
de nti.lle valeur. Il y avoit * par exemple , un
billet de fix efclaves, un autre de fix mouches j
un billet d'un vafe de grand prix , un autre d'un
vafe de terre , ai-nfi du refie.. ..
On trouve'une ’grande lacune dans fhifto-ire des
loteries, puifque depuis l'année 222 de notre ère,
dans laquelle mourut Héliogabale, jiifqu'ati quinzième
fiecle 5 on ne fait pas fi 1.'ufage en fut .per-,
du j il n'en eft plus fait mention qu'à cette derrière
'époque , ‘ comme d'un étabüfiemet très-
cheri à Venife & à (jènes. Gregorio L é t i, qui
a donné un traité critique, hiftoirique & moral
,d çs . loteries , rapporte que les Vénitiens furent
tellement épris de ces nouveaux jeux , qu’ils s’en
remirent au fort des. poteries,, pour trafiquer de
leurs terres, de leurs meubles & de leurs bijoux.
La république s’appropria bientôt, le droit ex-
clufif de former une Loterie d’argent, pouf .y, chercher
des rofi’ourçes j elle eut des imitateurs dan$
plufieurs princes d'Europe. Chriftophe de Lon-
-gueil, écrivain Flamand , qui avoit beaucoup
voyagé en Italie.,,, & qui mourut en 1522 , dit
que la Manque étoit connue de fon tems fous le
Îiom à t lo'tenhe. ^-oye\ le Dictionnaire du Commercea
au mot B l a n q u e .
Sous François I , le goût de la loterie paffa d'Italie
en France^ C e fouverain donna en 1 y 3 9 ,
des lettres - patentes à un particulier, pour l'an»
torifer à établir une loterie ou Manque 5 mais
elles n’eurent point d’exécution , faute d’enrc-
giftrement. Le. peuple, obferve M. Dufaulx, n'é-
toit pas encore afiéz joueur pour fe laifler pren*
dre à cet appât.
C ’eft
C eft de cet eftimable écrivain, que nous al*
emprunter une partie des détails qui vont
/ r‘VTCJ 1 s ^ont ^on ouvrage, intitulé, De
t “ Jtu’ ouvrage plein d'érudition. &
“ icte par 1 amour du bien.
danc* f oav^n*r j® la loterie échouée en i j r o , refta
„ , a metuoire de ceux qui ne vivoient alors
ma^ ? urs publics. Des partifans échauf-
rerent les efprits par le récit de ce qui fe paffoit à
vaenes & a Vemfe. Sous les règnes fuivans, on fit différentes
tentatives. Un particulier obtint, pendant
la minorité de Charles IX , des lettres-patentes,
portant permtifion d ouvrir une blanque ou lote-
■ ÿ > T n.“ ?ujet n'étoit pas de conféquence ; car
il ne s agmeit que d'une montre d’or. Cependant.
particulier fut traduit au Châtelet, & enfuite
au parlement. L avocat-général Dumefnilsy tou-
rit e gloire, tant par la force de fes raifons , !
I, / Par. a^ret profcription qu'il obtint contre i
l i loterie, le 23 mars 1563.
Le parlement de Paris, tandis que la fureur
de Ja Loterie s'autorifoit de l'exemple de la cou r,
renaît fous Henri I V , un nouvel arrêt le y décembre
1 ^98 , contre ceux qui tenoient des blan-
r°i!rrLl*nes * ® annulla tous les privilèges
qui lubliltQient, comme ayant été furpris ou extorqués.
Six ans apres, le procureur-général fut chargé
de faire faifir une blanque permife & ouverte dans
Ja ville de Solfions, à la ruine des habitans d'i-
c e ile , ce font les termes du réquifitoire.
L'année fuivante il y eut plufieurs blanques ou
loteries dans la ville d'Amiens j elles furent traitées
comme à SoiiTons.
Toutes ces loteries privées en préparèrent d'autres
qui ne tardèrent pas à s'établir en France
des que les eurent été adoptées en Angleterre &
en Hollande.
Ces jeux d’Etat fi redoutables, & que l'on regarde
maintenant avec tant de complaifancé , ne
paflerent chez nos voifins , que vers la fin du dix-
m g m ” ec e* ^urent propofés au parlement
d Angleterre , dans les feflions du mois de jan-
vrer 1694. On fut long-tems à s'accorder, & même
il y eut de grands* débats j mais enfin ,1'établifie-
mentd.es loteries fut permis. L'état avoit befoin
d ’argent pour faire la guerre : on vota une loterie
de douze cens mille livres fterlings, qui fut
remplie en moins de fix mois 5 amis, ennemis ,
tout y porta j les vrais patriotes murmurèrent \
taifez-yous , leur difoit-on , cette loterie eft la
reine des loteries 3 c'eft-elle qui vient de prendre
iNàmur.
de faire rapidement fortune. Bien-tôt on ne vit
plus que des chances dans les chofes pofitives ,
dans celles qui tiennent à la prudence & à l ’honneur.
La politique marchande des Hollandois, ne
devoit pas dédaigner cette nouvelle fource de bénéfices
j aufiî la ville d'Amersfort, à l'exemple
de celle de Lopdres, vit former la première loterie
qui ait été tirée en Hollande. Quelques uns
^des-lots promettoient des fermes & des terres lei-
gneuriaies que 1 on pouvoit fe faire payer en argent
comptant. La folie des Hollandois ne le
p • , P°’nt celle des Vénitiens} on éta-
blit des loteries dans la plûpart des v illes} on
s étouffa pour avoir des billets. On en prit pour
les revendre & gagner. Les trois quarts de ceux
quel on rencontroit dans les rues & fur les chemins
, ne couraient, fi l'on en croit L e ti, qu'a-
près ce fantôme qui les détournoit de leurs pro-
feflions : c'en étoit fait de la Hollande, fi cette
ardeur ne s'étoit pas un peu calmée.
.L e s loteries furent adoptées de proche en proche
par la plupart des nations Européenes , & pat
celles même qui d'abord les avoient rejettées.
On perfuada aux princes , que les loteries pourraient
fufipléer les impôts, les emprunts, & fer-
vir pour éteindre les dettes nationales. On ne les
avertit pas qu'il s'établirait entre les gouverne-
mens, une concurrence dont l'effet leur ferait i
tous également préjudiciable ; comme celle qui
prefentoit le plus d'appâts, faifoitles plus grands
gains, les loteries fe multiplièrent en peu de tems
On s'embarraffa fort peu des conféquences qu'el-
les enttaînoient, pourvu qu’il en réfultât de l'argent.
Plufieurs caufes retardèrent chex nous rétablir
fement des loteries projettées fous François I
Apres les guerres civiles &: les troubles inteftins *
il falloir, rétablit l’ordre, réprimer les nobles &
affermir l'autorité fouveraine ; ce fut l'ouvrage du
cardinal de Richelieu. Les inftigateurs des loteries
& des blanques, déjà multipliés en France, depuis
que Catherine de Médicis étoit venu partager
lé trône de Henri II , firent peu de tematives
fous Richelieu; mais ils s'enhardirent fous fon
fuccefleur.
P I P S on accorda des lettres-patentes pour
1 etabhlîement u une loterie propofée par l'Italien
T o n t i, à qui eft dfie l'origine des tontines. Son
produit devoir erre appliqué à la conttruction
dun pont de pierres, entre les galeries du lou-
vre & le fauxbourg Saint* Germain ; mais ce*te
loterie n eut pas lieu.
A commencer de cette époque, tout fut fournis
au calcul en Angleterre ; chacun n’étudioit
plus que fur dés tables de probabilités, les moyens
finances. Tome IJ.
Deux années-après, fut expédié le privilège
d une loterie de marchandifes , q u i, de même
refta fans exécution, en conféquence d'un'arrêt
C c c c c