
■ L argent, par lui-même , ne produit rien. Le
.Commerce, I’induftrie & les terres payent , par
leur rapport , l’argent qu’on emprunte : ainfî les
rentes de l'argent font une charge établie fur les
terres , fur le commerce, & fur i’induftrie.
Une des premières & des plus utiles opérations
de Sully, fut de réduire en 1601, au denier feize,
Y in té r ê t de l'argent qui étoit au denier douze.
Voici comment elle eft rapportée dans les Recherches
& confédérations fur les Finances , imprimées
en ï 754 , in-11. tome I. pag. 95.
M Les raifons èxpofées dans Ledit qui ordon-.
*> noie cette réduction d'intérêt 3 renfermant tout
33 IfÜ clu*on peut penfer de mieux fur cette ma-
tiere*, les plus habiles écrivains parmi les An-
» glois, le propofèrent depuis comme un modèle
« a imiter chez eux. Aujourd’h u i, quoique nous
03 nous prétendions plus éclairés quoique la né-
ceflité d’une réduction d'intérêt foit encore plus
ec évidente , puifque tous nos' voifîns le payent
» moins cher que nous , & que la politique de
39 l’Europe s’étant tournée vers le commerce ,
” nous foyons forcés de nous procurer les mêmes
35 facilites} aujourd’hui, dis^je, nous fommes ré-
» duits Remprunter, en faveur du bien de l’Etat,
** l’autorité de ces mêmes étrangers, qui ont pro-
3î fité de notre exemple.
« Du tems de Henri-le-Grand, ce n’étoit point
» une maxime politique de dire , que le haut in~
» térêt de l’argent étoit nécelfaire à la conferva-
tion des familles de robe. Ainfî, foit qu’on fût
plus tranquille alors fur cet objet , foit qu’on
*> fe fût fait moins de befoins frivoles, l'édit n’é-
33 prouva aucune contradi&ion. Le bénéfice de la
33 réduction étoit d’autant plus grand pour nous ,
3» que nos yoifîns payoient Y intérêt plus çherf
” Voilà de ces faits qui aident à rendre compte
33 de l’aifance d’un Etat, dans des tems où les arts
» étaient peu avancés. Les piftoles d’Efpagne,
« comme le difoit le roi , étoient plus coramu-
» nés en France qu’en Efpagne , parce que nous
» vendions librement nos grains, nos vins & nos
” eaux-de-vie, & parce que Y intérêt de notre ar-
33 gent étoit plus bas que dans les autres Etats.
33 Réciproquement l'intérêt avoit baiffé , parce
que le commerce libre des grains attirojt l ’ar-
33 gent.
» Henri, Séc.^ Après avoir, par. Tafliftance de
33 la divine bonté , pacifié de toutes parts notre
33 royaume, & fait rendre à chacun de nos fujets
» ce qui leur appartenoit , & avoit été ravi par
33 la licence d.es guerres pafféçs a en telle forte que
w chacun à préfent jouit paifiblement du lien 5
» npus avons jugé être auffi important, & non de
* mpindre ^Ioirç à notre Etat royal , 4’apportç*
m pareil foin & diligence à la confervation de
33 leurs poffeiTions, que nous avions foutenu de
33 travaux & de fatigues à leur acquérir. E t , pour
33 cet effet, ayant recherché de plus près les cau-
» les qui , plus ordinairement, appauvriffent &
33 travaillent nofdits fujets en la jouiflànce de leurs
» biens , & fur-tout de notre nobleffe , de la-
:» quelle , comme du plus fort appui de notre
33 couronne , nous & nos prédéceffeurs avons
" toujours reçu de fîgnalés fervices } nous avons
33 reconnu au doigt & à l’oeil , que les rentes
33 conftituées à prix d’argent au denier dix ou
3? douze, qui ont eu cours principalement depuis
33 quarante ans en çà , & intérêts provenans tant
33 des changes & rechanges *, que des condamna-
33 tions qui s ordonnent par nos juges à faute de
33 payement des dettes , ont été en partie caufe ,
33 tant de la ruine de plufîeurs bonnes & anciennes
33 familles, foit pour avoir été accablées d'intê-
33 rêts , 8c fouffert la vente de tous leurs biens à
33 perfonnes qui s’en font trouvées infolvables,
33 que empêché le trafic & commerce de la mar-
33 chandife q u i, auparavant, avoit plus de vogue
»3 en notre royaume qu’en aucun autre de l’Eu-
>» rope , & fait négliger l’agriculture & manufac-
33 ture , aimais mieux plufîeurs dé nos fujets,
33 fous la facilite d un gain à la fin trompeur , vi-
» vre de leurs rentes en oifiveté parmi les villes ,
j» qu’employer leurinduftrie, avec quelque peine,
33 aux arts liberaux , ou a cultiver & approprier
>3 leurs héritages } ce qui pourroit, à la longue,
33 auffi-bien occafîonner quelques remuemens en
33 cet Etat & monarchie, que les ufures & gran-
33 des dettes- ont fait par le pafle en plufîeurs rc-
33 publiques.
>3 Four à quoi remédier à l ’avenir , par le re-
* tranchement du profit exceffif defdites rentes
33 & intérêts réprouvés des changes & rechanges ,
33 qui rendent ingrate la fertilité des terres } con-
33 vier nos fujets à s’enrichir de gains plus conve-
33 nables , o\i fe contentçr de profits modérés ;
33 même faciliter les moyens à riotredite nobleffe
33 de rétablir en leurs maifons, les dégâts, ruines
33 8ç défordrçs qui leqr ont été caufés par les
33 troubles , afin qu’elle puifle ci-après nous ren-
33 drç les fervices gu’ellç npus 4 o i t , çs occafîons
3? qpi pourront fe préfenter.
v Confidérant, d’ ailleurs , que lefdites rentes
3» conftituées en deniers comptans, fous les noms
3» déguifés de ventes ou achats , le profit n’en a
33 certainement été limité par aucune an c^ n e or-
3? donnance , ni même aittorifé par aucune confr
» tirution de l’Eglife , finon fuivant l’ufage &
>? coutume des pays qui a changé & varié felog
3» h péçeffité & exigence des térçis , fuivant la-
33 quelle , par édit du mois de jpin 1572 , vérifiç
33 en notre cour de parlement de Paris , a été in-
33 hibé & défendu de conAituer à plus haut prj*
» quç de 4ix pour cçqç.
• Savoir faifons ,, qu’ayant mis en délibération
» cette affaire en notre confeil ^ -où étoient les
3> princes de notre fang , les officiers de notre
»» couronne , & plufîeurs grands & notables per-
» fonnages de notre confeil d’Etat, étant près de
*3 notre perfonne.
33 Nous avons d it, ftatué & ordonné, difons,
33 ftatuons & ordonnons , par édit perpétuel &
33 irrévocable , qu’en tous lieux , terres & fei-
33 gneuries de notre royaume, ne feront ci-après,
33 par aucunes perfonnes, de quelqu’éta t, qualité
33 & condition qu’elles foient,coBftituées rentes à
33 plus haut prix qu’à la raifon du denier fe ize ,
33 revenant à fix cens quinze fols pour cent écus ,
33 par chacun an 5 & c e , par contrats paffés par-
33 devant tabellions ou notaires^, auxquels nous
33 faifons très-expreffes inhibitions & défenfes
33 d’en pafler à autre raifon , à peine de fufpenfîon
33 & privation de leurs offices , & à tous nos ju-
33 ges d’y avoir aucun égard, ni donner aucun ju-
33 gement contenant condamnation déplus grands
33 intérêts.
33 Cette réduéfion d'intérêt , obferve l’auteur
» des Recherches & confidéraiions fur Les Finances ,
» ne s’étendoit pas fur les anciens contrats, ce
»a qui n’eût été ni jufte , ni convenable ; car pour
33 réfîlier un contrat , il faut remettre les parties
33 dans le.même état où elles étoient.
33 Outre qu’il n’eût pas été de l'intérêt public
*> de diminuer les revenus d’ un rentier, en lui in-
33 terdifant les moyens de profiter de la nouvelle
33 facilité accordée, foit au commerce , foit à la
33 culture des terres , ç’eût été introduire le dif-
»> crédit & la défiance entre les citoyens. C'eft
33 toujours une grande faute en politique , parce
33 que l’ ufure imagine alors de nouvelles rufes ,
a», q u i, pour être plus cachées, n’en font que plus
33 dangereufes } de-là la multiplicité des lo ix ,
33 toujours-défavorables à la circulation des den-
33 rées & des efpèces , fans compter le danger
33 d’expofer les réglemens à l’inobfervation. «
Obfervons que le préambule de l’édit porteroit
à croire que l'intérêt avoit hauffé depuis 1550}
c’eft-à-dire , depuis que l’Etat empruntoit par
conliitution de rente , ou par aliénation de domaines
& droits domaniaux. En effet , l'intérêt
fut réglé en 1541 , à huit Un tiers pour c en t, &
Lédit parle de rentes au denier dix, ou à dix pour
cenr. | ’/X ~
* Le même écrivain nous apprend que Y intérêt de
l’argent fut encore réduit fous le règne fuivant,
dans l’année 1654.
On s’êtoit fi bien trouvé de cette rédu&ion,
que le cardinal de Hichelieu fit rendre un édit
pour le réduire au denier dix huit, ou cinq & cinq
neuvièmes pour cent. Il mérite d'être rapporté.
33 Louis, 8:c. Le feu roi , notre très-honoré
3? feigneur & père , ayant reconnu que le profit
33 exceffif que tiroient les particuliers des rentes
33 & conftitutions de rentes , auroit fait négliger
33 le trafic & commerce, & attiré la ruine de fa
33 nobleffe , par fon édit du mois de juillet 1601 ,
33 a réduit & réglé lefdites rentes & conftitutions
» de rentes à raifon du denier feize ,, le mal ne.
33 pouvant fouffrir un plus grand remède, à caufe
33 des ufures que le malheur des guerres paffées
33 avoit, comme autorifées , & du peu d’ argent.
33 qui étoit lors dans le royaume ; duquel retran-
33 chement néanmoins , cet Etat a reçu grande
33 utilité.
33 Mais à préfent, par le bénéfice d’une longue
33 paix , nos fujets fe font rendus fi puiff.uis , &
33 cet Etat fi abondant, que la rédu&ion ci devant
33 faite , ne produit plus l’effet pour lequel elle
33 avoit été ordonnée , d’autant que les particu-
33, fiers trouvent tant de profit & de facilité au re-
33 venu defdites conftitutions , qu’ils négligent-
33 celui du commerce , dont le rétabliffement tou-
33 tefois eft fi important & néceffaire pour la fub-
33 fiftance de cette monarchie , que nous ne fau-
33 rions y contribuer avec affez de foin , ni nous*
» fervir de meilleurs moyens , & plus propres
33 pour y parvenir , que de ceux dont s’eft fervi
30 notre très-honoré feigneur & père , en mode-'
33 rant, à fon exemple , le revenu.defdites confti--
33 tutions à un pied fi légitime , que ceux qu i, par
3* leurinduftrie, pourront rétablir ledit commerce
33 & l’agriculture , ne foient plus retenus dans
33 l ’oifiveté par l’avantage qu’ils tirent defdites
33 conftitutions de rentés, & les autres en puiflent
33 tirer un profit fi modéré, qu’ ils foient obligés ,
»3 par la diminution de leurs revenus , de retrati-
33 cher le luxé qui à cours.
33 A ces caufçs, &c. Nous avons par notre pré-
33 fent éd it, perpéruel & irrévocable , d i t , ftatué
» .& ordonné , difons, & c . & nous p la ît, que
33 dorénavant les conftitutions de rentes qui fe fe-
33 ront par nos fujets , de quelqu’é ta t, qualité 8c
33 condition qu’ils foient , ne puiffent excéder le
33 denier dix-huit par an , à quoi nous avons ré-
m glé , réduit & modéré le pied defdites conftitu-
33 tions, dans toutes les provinces, fénéchauflees
33 & bailliages de notre royaume, nonobftant les
33 ordonnances us & coutumes des fieux , lef-
33 quelles nous avons révoquées & révoquons par
33 ces préfentes.
33 Défendons tres-expreflement à tous notaires,
» & tabellions., de pafler les contrats qu’ils en*
» feront , à plus haute raifon , à peine de priva-
39 tion de leurs offices , & de pure perte des fom-
» mes principales contre les créanciers au profit
33 des conftituans , & à tous juges d’y avoir égard,
33 ni de rendre aucuns jugemens , fentences &
33 condamnations de plus grands intérêts, à peine