
* que du nombre de gardes & d'employés an-
00 nuelleraent ftipendiés pour veiller fur cette feule
* contrebande. Enfin , fa majefté a jugé encore à
» propos qu’on tranfmît à fes commiflaires un ta-
33 bleau comparatif de la vente du fel'dans les par-
*> ties de fon royaume limitrophes de la Bretagne,
» & de la confommarion de cette denrée dans les
» autres diftri&s des grandes gabelles,
*> Le ro i, en faifant remettre entre les mains
de fes commiflaires toutes ces ^Férentes in-
33 formations,, les autorife à en d^JÆr connoif-
*> fance aux États , afin que les membres de cet
» affemblée foient inftrnits de la manière la plus
tc évidente, & du trouble qu’occafionne dans le
33 royaume ladiverfité du prix du fel ^ & des pu-
» nitions affligeantes qui en font la fuite , &:
33 du préjudice que porte au revenu du roi la
33 contrebande qui s’exerce annuellement fur les
?3 feules frontières de la Bretagne. Sa majefté a
» particulièrement à coeur de convaincre les Etats
33 de cette province , que c’eft par la néceflité ab-
33 folue d’apporter un remede efficace à des abus
33 intolérables , qu’elle s’eft déterminée à s’occu-
33 per férieufement de cet important objet.
» Sans doute , entre tous les moyens propres
39 à remédier aux maux dont fa majefté eft vive-,
>3 ment frappée, celui qu’elle auroit préféré, c’eût
33 été d’accorder au refte de fon royaume les mêmes
33 avantages dont jouit la Bretagne j mais cette
33 franchife générale priveroit le roi d’ un revenu
33 qui s’élève aujourd’hui à près de foixante mil-
» lions s & en même tems que l ’état de fes finances
33 lui ôte abfolument la faculté de faire un pa-
33 reil facrifice, elle fent également que le rempla-
33 cément d’un pareil revenu par une fomme équi-
» valente d’autres impôts , feroit une charge pref-
33 qu’impoflible à diftribuer, fur-tout fi elle devoit
*> être uniquement fupportée par les provinces i
33 foumifes à la gabelle, où les impôts fur les ter-
« res font déjà portés à un très-haut degré. C e
« remplacementfur-tout feroit pénible dans les pro-
33 vinces de grancks gabelles, égales feulement au
» tiers du royame, & ou l’impôt du fel forme un
» revenu pour le roi de près de quarante millions.
» Sa majefté confidère d’ailleurs , que fi par un
» nouvel ordre de chofes, on n’avoit plus befoin
33 de recourir aux précautions multipliées, qui
33 font aujourd’hui nécéfîaires pour veiller fur la
33 contrebande, le recouvrement de l’impôt fur le
*> fel devièndroit fi peu difpendieux , que le roi
33 ne pourroit renoncer , avec prudence , à un
» genre de rèvenutrès-confidérable en mafîe,mais
*> qui fe leveroit cependant d’une manière infen-
» fible pour les contribuables, & fans occafionner
» aucune des contraintes & des févérités, qui font
» l ’effet inféparable du recouvrement des tailles,
*> même dans les provinces où cette impofition eft
» répartie d’après des principes pofitifs. ,
33 Mais fi fa majefté eft occupée du ménagement
33 qu’elle doit aux généralités de fon royaume ÿ
» foumifes indiftin&ement à tous les impôts, 8c
33 neceflairement les plus chargées, elle veut aufli
33 refpeéler les privilèges dont jouiflent quelques-
33 unes de fes provinces, & les droits de la Bre-
33 tagne en particulier. Et f i , fans aucun facrifice
33 réel, les états peuvent concourir au but inté-
33 relfant que fa majefté fe propofe , elle attend
33 avec confiance de leur rai fon , de leur patrio-
33 tifme & de leur foumiffion , qu’ils fe plairont à
33 féconder les vues bienfaifantes de fa majefté.
33 Le roi s’eft fait rendre compte des diverfes
33 difpofitions q u i, fans porter aucun préjudicè à
33 fa province de Bretagne , arrêteroient le cours
33 de la contrebande & tous les malheurs qu’elle
33 entraîne. Sa majefté a voulu que toutes ces
33 idées fuflent développées dans un mémoire
» qu’elle fait pafler à fes commiflaires , en leur
33 enjoignant d’en donner connoiflance aux Etats.
33 Le roi n’a plus aucune incertitude fur la nécef-
33 fité abfolue d’un changement quelconquevdans
33 l’ordre aétuel des chofes j mais avant de fe dé-
33 terminer fur le choix dès moyens les plus pro-
33 près à remplir fes vues , elle veut être éclairée
33 par les obfervations des Etats de Bretagne. Cette
33 confiance de la part de fa majefté , Ta circonf-
33 pedïion qu’elle apporte dans une affaire où elle
33 fe fent animée par les plus grands motifs , &
33 fon defir inquiet de parvenir à concilier les con-
33 venances particulières de fa province de Breta-
33 gne , avec l’intérêt général de fon royaume ,
33 tous ces fentimens , dont fa majefté donne aux
33 Etats les preuves les moins équivoques , excite-
33 ron t, fans doute, leur reconnoifîance & leur
» fenfibilité.
33 La Bretagne jouiflant, . pour le commerce du
33 fe l, d’une franchife qui ne lui laifie rien à defi-
33 rer, ce n’ eft que par des compenfations raifon-.
33 nables qu’elle peut être dédommagée d’unchan-
33 gement de pofition. Sa majefté même ne fe difii-
» mule point, qu’en s’aftréignant, à cet égard, aux
33 principes de la plus exa&e juftice , & en re-
» cherchant avec foin les modifications les plus
» douces, & les plus adaptées à l’état adluel des
» chofes, ce ne fera jamais cependant par le
33 feul effet d’un calcul , que les Etats pourront
33 être intéreffés aux-vues générales de réforme
» dont fa majefté eft occupée. Mais pourroient-
33 ils être infenfibles aux maux dont ils font les
» témoins ? Pourroient-ils ne pas defirer eux mê-
33 mes qu’il foit mis une fin à ce commerce de
33 fraude , qui dévoie fans cefîe une partie des ha-
33 bitans de la Bretagne , des occupations d’ou
» naiflent les véritables richefles , & qui leur fait
» abandonner les'fruits certains d’une induftrie
» honnête, pour les profits hazardeux d’une con-
33 trebande criminelle ? Les Etats, encore, pour-
» roient-ils ne pas mettre un prix infini à la deffc
» truélîon de cette école de dépravation a où les
33 jeunes gens apprennent de bonne heure à fecouer
33 le joug du d e v o ir , & à fe jouer des principes
« qui font le plus ferme foutien de l’ordre pu-
33 blic ?
33 Enfin , fi la Bretagne, déjà favorifée par fes
as privilèges conftitutionnels , ne peut , en effet,
33 participer aux adouciffemens que fa majefté fe
33 propoferoit d’accorder à celles d’entre fes provin-
33 c e s , qui fontaujourd’hui chargées d un impôt
33 de gabelle trop confidérable , ce motif ne rendra
33 point les Etats de Bretagne indifférens aux vues
33 bienfaifantes de fa majefté j-& ils fentiront plu-
33. tô t , que les diverfes parties d’un royaume jouif-
33 fant en commun de tous les avantages civils &
33 politiques, qui font l’effet de la ptofperite de
33 l ’Etat, elles ne peuvent jamais, niNavec juftice,
33 ni avec fageffe, s’ifoler entièrement dans h dif-
33 cuflion de leurs intérêts : aufli , fa majefte per-
33 fuadée de la nobleffe desjfentimens des Etats de
33 Bretagne | , fera connoître aux commiflaires
33 qu’ils auront choifîs , fes vues générales pour
33 l’uniformité du prix du fel , & pour la modera-
33 tion des gabelles, dans les provinces où cet im-
33 pôt fe trouve porté à un degré exceflif.
33 Q u e fi les états confidéroient le maintien ab-
33 folu & rigoureux de la franchife aéhielle du
33 fel eh Bre ta gn e, comme une condition eflen-
« tielle des loix conftitutives de la p ro v in c e , les
« commiflaires du roi leur feront aifément fentir
33 que les formes employées par fa majefté étant
33 un témoignage de fa confiance, tout change-
33 ment qui feroit l’effet d’ une pareille négocia-
33 tion , n’affoibliroit aucunement les droits de
33 la Bre tagne, & que ces droits acque rroient,
»>' s’il eft poflible , une nouvelle force , par leur
» accord avec le bien général du royaume. L e roi
* fe livre avec afîurance à l’efpoir de vo ir remé-
9? dier fous fon règne , à un défordre d’admi-
33 niftration dont il a reconnu toutes les malbeu-
« reufes conféquences. L a fatisfaclion de fa ma.
33 jefté feroit troublée , fi elle n’ éprouvoit pas
33 de la part des états de Bretagne ce zè le & cet
» empreffement, que des projets diétés par l’a-
*> mour du bien public , doivent inlpirer à tous
les principaux corps de fon royaume j mais le
v roi ne doute point que les états de Bretagne ,
» touchés des motifs qui l’animent, ne s’empref-
» fent de féconder des vues fi dignes de leur ref-
» peéfc, & qui intéreflent à la fois les moeurs ,
» l’ordre public , & le bien général de l’ Etat.
T e lle eft à-peu-près l’idée que je puis donner
de l’ inftruétion qui devroit accompagner l’envoi
d’ un mémoire , où les diverfes propofitions dont
j’ai rendu c om p te , feroient«développées. Je ne
fais fi je me trompe } anais il me femble que
cette pleine ouverture de la part du roi , ou
toute autre revêtue du même cara&ère , produiroit
une impreflion efficace : c eft Iorfque les
hommes font alTemblés , cju iis refiftenc moins a
l’empire des idées grandes & honnêtes i leurs premiers
mouvemens influent alors fur leurs opinions ;
& dans toutes les affaires où les idees de morale
fe lient aux calculs de l’intérêt 3 ces premiers
mouvemens font toujours de nous ce q u il y a
de mieux.
On pourroit mettre en queftion , fi au lieu
de développer pleinement aux Etats de Bretagne
'les vues de.fa majefté. il ne feroit pas plus (âge
de fe borner, à faire nommer une cômmiffion dans
les. Etats, dont les membres , ou les députés ,
feroient chargés de conférer avec les miniftres du
r o i , fut les changemens en général qu’exigeroit
l’état a élue! des gabelles dans le royaume.
Je ne verroîs pas de motifs affez décififs pour
écarter abfolument cette forme ; mais j’obferverai
que dans les affaires d’un intérêt général, & fur
lefquelles un voeu public eft rapidement formé ,
on ne tire prefque aucun parti de l’ opinion de
quelques particuliers i ils font à l’inftant contenus
par la crainte de paroître gagnés par le mi-
niftère, ■ & le moindre foupçon qu’on répand contre
eux les rend fufpeéts. Il n’ en feroit pas de
même de cômmiffaires nommés , après que le roi
auroit fait connoître aux Etats fes différentes vues;
les fauffes alarmes une fois écartées 3 il y auroit
au moins un partage d’opinions, & ces mêmes
commiflaires oferoient fuivre alors leurs propres
fentimens , & ne craindroient plus de faire valoir
librement les raifons dont ils auroient été frappés.
Lé roi ayant toujours eu lieu- de fe louer du
zèle & des fentimens généreux 8c patriotiques
des États de fa province d’Artois ; & l’expérience
ayant fait connoître qu’il y règne un efprit fage
& réfléchi, je ferois d’avis qu’on f ît à ces Etats
les mêmes ouvertures que je viens d’indiquer.
Le prix du fel en Artois eft à huit livres environ
le quintal ; ainfi les changemens projetés y feroient
moins confidérables qu’en Bretagne , &
les moyens de conciliation plus aifés.
Ces premières communications, foit aux Etats
de Bretagne , foit à ceux de l’Artois & de la
Flandre > répandroient sûrement un grand jour
fur le choix des tempéramenî les plus convenables
pour remplir fans commotion les vues bienfaifantes
de fa majefté ; & comme le refte du
royaume , fortement intéreffé à l’exécution d’un
projet fi falutaire , concourroit au fuccès par la
force de fon opinion , le gouvernement 3 dès les
premiers pas, fe trouveroit encouragé'dans fa
route , & la îéforme des gabelles cefleroit bientôt
de paroître une entreprife effrayante. La raifon
a une telle pufffance, qu’il faut bien peu de fageffe
ou de courage de la part de ceux qui gou