
H u i t ièm e p r in c ip e d e M . d e M o n t e f q u î e u ,
« Dans les républiques , les revenus de l’état
» font prefque toujours én régit. .L’établiffement-
30 contraire fut un grand vice du gouvernement
de Rome- Dans les états defpotiques où la régie
33 eft établie , les peuples font infiniment plus heu-
» reux , témoins la Perfe & la Chine. Les plus
» malheureux font ceux où le'prince donne à ferme
» fes ports de mer & fes villes de commerce.
» L ’hiftoire des monarchies eft pleine de maux
«a faits par les traitans. -
O b f e r v a t io n s ,
C e feroit un examen fort long , très-difficile,
■ & peut-être allez inutile à faire dans l’efpèce préfente
, que de difcuter & d’approfondir la queftion
defàvoirce qui convient le mieux, delà ferme ou de
la régie, relativement aux différentes fortes de gouvernement
Il eft certain qu’ en tout tems, en tous
lieux & chez toutes les nations , il faudra dans
rétabliffement des impofitions, fe tenir exaéte-
ment en réferve fur les nouveautés, & qu’il faudra
veiller dans la perception, à ce que tout rentre
exaétement dans le tréfor public, ou , fi l’on veut,
dans celui du fouverain.
Refte à favoir quel eft le moyen le plus convenable
de la ferme ou de la régie , de procurer le
plus fûrement & le plus doucement de l’argent.
C ’eft fur quoi l’on pourroit ajouter bien des. réflexions
à celles que l’on vient de faire, & c’ eft
auffi fur quoi les fentimens peuvent être partagés,
fans bleffer en aucune façon la gloire ou les intérêts
de l’ état.
Mais ce que l’on ne peut faire fans les compromettre
, ce feroit d’imaginer que l’on pût tirer
d ’une régie tous les avantages apparens qu’elle préfente
, fans la fûivre & la furveiller avec la plus
grande attention ; & certainement le même dégré
d’attention mis en ufage pour 1 es fermes 3 auroit la
même utilité préfente , fans compter pour certaines
conjonctures,■ la reffource toujours prête que
l ’on trouve, & fouvent à peu de frais, dans l’opulence
& le crédit des citoyens enrichis.
N e u v i è m e r é f le x io n d e M . d e M o n te fq u ie u .
« Né ron , indigné des vexations des publieains-,
» forma le projet impoffible & magnanime, d’a-
33 bolir les impôts. Il n’imagina point la régie : il
» fit quatre ordonnances'; que les loix faites contre
»3 les publicains, lefquelles avoient été jufques-là
o> tenues fecrettes, feroient publiées ; qu’ils ne
» pourroient plus exiger ce qu’ils avoient négligé
os de demander dans l’année ; qu’il y auroit un
»3 préteur établi pour juger leurs prétentions, fans
s» formalités ; que les marchands ne payeroient
» rien pour les navires : voilà les beaux jours de
o» cet empereur.
p Obfervations»
Il paroît, par ce trait de Né ron, que cet empereur
avoit dans fes beaux jours fe fanatifme des
vertus, comme il eft tombé depuis dans l’excès
des vices.
L’idée de l ’entière abolition des impôts n’a jamais
pu entrer dans une tête bien faine, dans quelque
circonftance qu’on la fuppofe , de tems ,
d’hommes & de lieux.
Les quatre ordonnances qu’ il fubftitua fagement
à cette magnanime extravagance , approchoient du
moins des bons principes de l’adminiftration. Nous
avons fur ler mêmes objets, plufieurs loix rendues
dans le mf .-.e efprit, & que l’on pourroit comparer
à c -cs-là. S’il arrive fouvent que les régle-
mens deviennent illufoires., & que les abus leur
réfiftent, c’eft que le fort cîe la fageffe humaine eft
de pécher par le principe, par le moyen, par l’o b - .
jet ou par l ’événement.
Tout ce morceau fait voir que l’auteur des obfervations
penfe très - différemment que M. de
Montefquieu. Il effaye par toutes fortes de raifon-
nemens, de faire prévaloir fon opinion, qui paroît
être que la ferme eft préférable à la régie, & qu’ elle
eft la meilleure chofe poflible. Il femble entendre
le doéteur -Panglofs prêcher & vouloir prouver
que tout eft au mieux dans le monde.
Sans difcuter plus long-.tems cette queftion ,
nous nous contenterons de dire que1 le confeil
paroît l’avoir pleinement décidée par le parti
qu’il a pris en 1780, de faire des aides & des domaines
deux régies combinées de façon à ne pas
craindre l’excès des dépenfes , & à intéreffer le
zèle & la vigilance des régiffeurs.
La réferve que le roi a faite également de la moitié
des bénéfices de la ferme générale, qui comprend
les gabelles , le tabac, les droits de traites
& ceux des entrées de Paris, elLauffi un moyen
mis en ufage depuis quelque tems , pour diminuer
les bénéfices que des événemens inattendus
, des circogitemces particulières , ou une
progreffion extraordinaire des confommations,
pouvoient opérer pendant un b a il, ou du moins
pour en faire tourner une bonne partie au profit
de l’Etat. ^
C e partage du roi dans les bénéfices fut ordonné
la première fois , par arrêt & lettres-patentes du
17 août 1759 , qui fupprimèrent tous intérêts i>
bénéfices & affociations au profit des perfonnes
non employées dans laferme générale, & obligèrent
les fermiers généraux à compter de la moitié, de
leurs bénéfices au roi.
On peut encore oppofer avec fuccès les arrêts
du confeil des 24 oétobre Ôc 9 novembre 1783 , à
M . PefTelier, comme reconnoiffant encore les avantages
d’une régie fur une ferme, en ce que laregie
Jaiffe plus de'facilité pour apporter des modifications
favorables au peuple dans les impôts & les
droits, que quand ils font mis en ferme.
Comme ces deux arrêts ont apporre des chan-
gemens dans la çonftitution de la ferme generale,
établie par les lettres-patentes du 27 mars 17S0,
rapportées fous le mot Ba il , nous allons les donner
ici Yan.Sc l’autre i mais le dernier fur-tout, en
mis pnrie.r . narce au i les chofes dans 1 état ou
jDu 2.4 octobre 1780.
ce Le roi s’étant fait repréfenter le réglement
arrêté en fon confeil le 9 janvier 1780, concernant
les fermes & les régies de fes droits , par lequel
fa majefté en a divifé la perception entre trois compagnies,
fous le nom dt ferme generale, de regie
générale & d'adminiftration générale , en déclarant
qu’elle ceffoit de réunir la perception de tous les
droits à une feule compagnie, & de fe lier par un
bail rigoureux, pour éviter de préparer elle-meme
des obftacles au deffein où elle étoit d ordonner,
dans plufieurs parties, les changemens que le retour
de la paix pourroit déterminer 5 & fa majefte C0IJ.
fidérant que les circonftances aétuelles juftinent fa
prévoyance, par les inconvéniens qui réfulteroient
pour le bien de l’état, d’ une plus longue_alienation
des droits qui font reftes dans^ la main de la
ferme générale, & par la néceflîté d’apporter, fur-
tout dans la perception des droits des traites , &
dans l ’exploitation de la vente exclufive du tabac
& du fe l, des modifications telles que , fans compromettre
les revenus de la finance, qui font lé
gage des créanciers de l’état, & fans toucher au
crédit des fermiers généraux, dont ils ont fait juf-
qu’ ici un ufage fi avantageux pour le bien du fer-
vice , on puiffe procurer au commerce intérieur
& extérieur de nouvelles facilites , fa majefte s eft
déterminée à réfilier le bail de la ferme générale
au premier janvier prochain , époque qui partagera
par moitié fa durée > & fon équité y a d autant
moins répugné, que fi elle fe ménage, par-là un des
plus grands moyens qui foient aujourd’hui en la
puiffan@e,pour faire recueillir à fes fujets les fruits
delà paix, ce fera en rendant la plus exaéte juftice
aux fermiers généraux : fa majefté étant difpofée à
leur confier la direétion des mêmes droits & à
leur affurer les mêmes profits , quoiqu’elles les décharge'de
la garantie à laquelle ils étoient fournis
C e t arrêt ayant produit une fenfation qui pou-
voit influer défavantageufement fur le crédit de la
ferme générale & des autres compagnies , & eau-
fer. beaucoup d’embarras à leurs membres,en autori-
fant les prêteurs d’argent à retirer leurs fonds, le
crédit de l’Etat n’eût pas manqué de s’ en reffentir,
& de multiplier les difficultés de trouverdes ref-
fources pour acquitter les dettes de la guerre qui
,venoit d’être terminée.
Cette confidération , jointe à la foumiffion que
ligna la plus grande partie des fermiers généraux ,
de fe prêter à tout ce qui paroîtroit utile au bien
public, & de régir pour le compte du roi les droits
de traites, détermina le confeil a rendre 1 arrêt du
9 novembre. Ses motifs font exprimés dans les
termes fuivans.
Le roi ne s’étoit porté à réfilier 8c. convertir en
régie le bail des fermes générales , a compter du
premier janvier prochain , que dans la vue de procurer
au commerce intérieur & extérieur , des facilités
toujours utiles à fes peuples'5 & parce que
la poffibilité d’ufer de ce moyen, lui avoit été
préfentée comme une fuite de ce qui avoit été
prévu & réfervé par le réglement arrêté en fon
confeil, le 9 janvier 1780 ; mais fa majefté étant
informée des inquiétudes que cette réfîliation a
produites , & s’ étant fait repréfenter le bail des
termes générales , paffé à Nicolas Salzard, par ré-
fultat du confeil, du 19 mars 1780, elle a reconnu
qu’ il ne contient aucune claufe , ni réferve qui le
rende moins obligatoire que les baux précédens :
elle a Vu en même tems avec fatisfaétion , qu’ au
moyen des offres & foumiffions que levs fermiers
généraux viennent de faire entre fes mains , la
continuation de ce bail n’apporteroit aucun obf-
tacle à l’exécution de fes vues bienfaifantes ; en
conféquence, fa majefté s’eft déterminée d’autant
plus volontiers à le laiffer fubfifter, qu’elle veut 8c:
entend manifefter de plus en plus , en toute occa-
fion , que tout engagement contracté ou reconnu
par elle’ Sc devenu te gage de la foi publique, fera
toujours à fes yeux inviolable 8c facré. A quoi
voulant pourvoir : Ouï le rapport du fleur de C a-
'lonne , confeiller ordinaire au confeil royal, contrôleur
général des finances : le roi étant en fon
confeil, a ordonné & ordonne que le bail -paffé
à Nicolas Salzard, par réfultat du confeil du 19
mars 1780 , continuera d’être exécuté félon fa
forme & teneur, jufqu’au terme de fa durée, fixé'
par ledit réfultat 5 l’arrêt du confeil du 24 oélobre
dernier, demeurant fans effet & comme non avenu;
fauf, que conformément aux offres, foumiffions &
: confentement volontaire dudit Nicolas Salzard, 8c
de fes cautions,defquels fa majefté leur a donné aéte,
les droits de traites feront déformais perçus par
eux , au profit de fa majefté, 8c régis pour fon
, compte, en faifant fur le prix dudit bail une diminution
équivalente à la partie qui s’en trouvera
diftraite : fa majefté fe réfervant auffi dérégler, en
conféquence defdites offres & foumiffions, les me-
fures à prendre, pour affurer la libre importation
des tabacs en feuilles venant de l ’étranger, & en
facilite; la vente, par la préférence qu ils doivent
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