velle , en difant que le produit des impôts retourne
en d'autres mains par les dépenfes publiques ?
& a-t-on jamais imaginé qu'aucun Etat, qu'aucun
ordre de foc iété, euflent pu fubfifter, ii les Tac rinces
des peuples avoient difparu de la terre ?
Sans doute, c’ eft parce que le produit des impôts
eft remis en d’autres mains par les dépenfes du
fouverain, qu’on peut, chaque année, renou-
veller ces levées ; mais ces notions , auffi vieilles
que le monde , & à la portée des efprits les
plus bornés , n'altèrent point la vérité des idées
que toutes les nations fe font faites de la grandeur
des impôts ; & de telles notions n'empêchent
point que leur étendue immodérée ne foit un malheur
public.
Les perfonnes qui répandent ou qui appuient
le raifonnement que je viens de développer, &
qui rendent ainfî les fondions de l’adminiftration
fi faciles-, que perîferoient-elles' fi quelques-uns
de leurs concitoyens venoient exiger , de force, la
moitié de leur fortune , & fi , remplifiant'alors
la fociété de leurs cris , ils entendoient chacun
dire froidement : l’argent qiron vous a pris ,
d’autres le depenfëront ; les- richeffes de l ’Etat
n'e font point changées? lailfez-nous erï paix,
& ne nous importunez plus de vos plaintes ?'
Quelle comparaifbn ,. dira-t-on -!-. Ici ce font des
hommes.qui, fans aucun droit légitime , viennent
enlever ce qui ne leur appartient pas j là , c’eft
le. fouverain qui lève , par des impôts , la fubven-
tion que le bien de l’Etat exige.
C e que le bien de l’Etat exige j voilà la décifipn
8c le trait de lumière : les impôts proportionnés à
ce bien public , dont le fouverain eft le juge & le
gardien , font un a&e de juftice'j ce qui excède
cette mefure , ceffe d’être légitime. 11 n’y a donc
d’autre différence entre les ufurpations particulières
& celles du fouverain , fi ce n’eftjque l ’injuf-
tiee des unes tient à des idées. firhples’, & que
chacun peut aifément diftinguer , tandis que les
autres étant liées à'des combinaifons-, dont l'étendue
eft auffi vafte que compliquée , perfonne ne
peut en juger autrement que par des conjectures.
Parce que dans un Etat monarchique , le fouverain
eft le lien des intérêts politiques , & parce
que dans une telle conllitution il détermine feul.
les facrifices des citoyens 5 que feul il eft l’interprète
des befoins de l’ Etat $ que feul il v e u t } que
feul il ordonne j que feul il a le pouvoir de contraindre
à l’obéiffance les principes de juftice ne
font point changés , & les devoirs du repréfen-
tant de l’Etat n’exiftent pas moins dans toute leur
force.
On voit fortir de ces réflexions une vérité effrayante
pour la confcience des rois ; ç’eft qu’en
confiant aux tribunaux la décifion dés différends !
qui s’élèvent entre leurs fujets, ils font demeurés i;
feuls arbitres de la plus grande caufe qui exifte
dans 1 ordre fociâl , de celle qui doit fixer la mefure
des droits & des prétentions du tréfor public
3 fur la propriété de tous les membres de la
fociete ; & que pour la décider & la connoître,
cette caufe, dans toutes fes parties , il faut non-*
feulement un coeur d ro it, mais encore de l’étude
& de la fcience. En effet, fi les facrifices que le
fouverain exige des peuples prennent un caraCfère
d’injuftice, au moment où ces facrifices font étrangers
au bien de j'Etat , quelles connoiffances ,
quelle attention n’exige pas cette importante délibération’
! Il faut , pour-ainfi dire , avoir parcouru
tous les abus , avoir apprécié toutes les
dépenfes , avant de pouvoir dire avec fécurité :
C e nouvel impôt qu’on me propofe d’ajouter aux
charges publiques , c’eft un aéte-d’adminiftration
que la juftice avoue.
Cependant , & je m’empreffe de Je dire pour
l’encouragement des princes , des miniftres-
vertueux qui les aident dans leurs travaux , les
mêmes principes que je viens de développer, répandent
une vive lumière fur tous les devoirs du
gouvernement $ la mefure dans les récompenfes,
l’abflinence des grâces inutiles , la réforme dés
abus , le retranchement des dépenfes fuperiîues ,
tout s’enchaîne à'une feule & même idée ; idée
vafte , mais fimple, qui fuffit pour guider les-pas
d’un adminiftrateur qui peut fixer à finftant fa détermination,'^
qui attache fon coeur à tout , en
rapprochant l ’intérêt public des détails en apparence
les plus ifolés. Oui , j’oferois le dire , les
plus petites économies prennent un caractère de
grandeur prefque de majefté, Iorfqu’ on en lié les
effets à ce paéte focial , dont la juftice eft le premier
fondement.
Enfin , c’eft cette même idée qui fert encore à
éclairèr la bienfaifance. Comment, ai-je fouvent
entendu dire , comment pouvez-vous votfs refufer
à demander mille écus' au roi pour une perfonne
dont l’infortuné vous éft connue ! le tréfor royal
en féra-t-ii appauvri ? Oubliez un moment ce
tréfor royal , répondois-je , puîfque vous n’y
voyez qu’ une accumulation d’argent dont vous
n’examinez point la fource : mille écus font la
taille de deux villages 5 jugez vous-même fi la perfonne
pour qui vous foliieitez, a droit à cette
contribution. J’ai vu fouvent que des rapproche-
mens de ce genre , étonnoienc & faifoient im-
preflîôn. Queferoit-çe donc, fil’onavoità comparer
des facrifices bien plus confidérables , non
pas à des befoins réels, non pas à l’intérêt qu’inf-
pire toujours l’ infortune 5 mais aux prétentions
dérégléès de la cupidité j mais à des abus tellement
contraires à l’ordre delà fociété , qu’il vau-,
droit mieux faire ces mêmes dépenfes, pour prévenir
de femblables excès , que pour y fatisfaire !
C ’ eft pour éviter les conféqtiences qui réfultent
de ces vérités , qu’on aimeroit Couvent à ne voir
dans le fouverain , qu’ un propriétaire d’une ri-
cheffe immenfe , qiii difpofe à fon gré de fes revenus,
tandis qu’il n’eft ou ne doit être , en tout
tems , qu’un difpenfateur fcrupuleux de la fortune
publique 5 & ,c’eft peut-être une violation du plus
faint des dépôts , que d’employer les facrifices des
peuples à der largeffes ineonfidérées , à des dépenfes
inutiles , & à des entreprifes étrangères au
bien de l’Etat.
Je n’ai confidéré , jufques àpréfent, l’étendue
déraifonnable des impôts , que fous des rapports
qui tiennent à la juftice > on peut appercevoir encore
dans cette étendue , une Comme confiante
de maux & de vexations. En e ffet, tant que la
fomme des impôts eft modérée , il eft au pouvoir
de l’ïdminiftration d’en régler les difpofitions avec
fageffe , la répartition avec équité , le recouvrement
avec douceur 5 on peut établir des proportions
où la différence des fortunes eft exactement
obfervée j on peut Cuivre de près tous les a'gens
du fife ? on peut , en un m o t , borner le mal de
Y impôt à Y impôt même. Mais quand les tributs
font exceflifs , quand ils paffent feulement une
certaine limite , la nécefïité des rigueurs s’accroît
, avec la difficulté des perceptions 5 il faut laiffer
plus d’autorité aux exaéleurs 5 il faut s’endurcir
aux plaintes j il faut encenfer , avant tout , la
fcience fifcale , & honorer indiftinélement tous
ceux qui la profeffent 5 il faut fouvent négliger
Tufqués aux fources de la profpérité publique, en
s’expofant à gêner par des droits mal-habiles , &
l ’encouragement de l’agriculture , & l’action du
commerce, & l’effor de finduftrie.
Enfin , Iorfqu’une malle immenfe de dettes, ou
d’anciennes libéralités converties en penfions ,
viennent s’unir à toutes les dépenfes injuftes ,
inutiles, ou exagérées du tems préfent, là nation
n’apperçoit plus alors de proportion entre les facrifices
qu’on exige d’elle & les dépenfes qui
femblenr néceffaires au bien de l’Etat ; & la dé-
, fiance & la haine du fife, font perdre abfolument
de vue les auguftes rapports qui devroient exifter
entre le tréfor public & l’intérêt commun de la
fociete.’ Qu on ne dife donc point que l’excès
des impôts ne foit un grand malheur ; c ’en eft un
trop réel j & pour les peuples. & pour l'E tat, &
pour le fouverain : aux peuples , on enlève, ainft
l’un des plus grands biens de la fociété, la faculté
de jouir à fon gré des fruits de fon travail ; à
l’Etat j on ôte une partie de fes moyens de profpérité
; aux princes, on ravit quelquefois cette
fleur d’amour & de confiance de la part de leurs
fujets, dont la jouiflance eft une des grandes confortions
des peines du gouvernement.
Quel jugement faudroit-il donc porter des
hommes , qui 3 appelles , parhafard ou par quelques
talens , à gouverner les finances d’un grand
Etat , feroient les premiers à diftraire le fouve-
rain de cette touchante inquiétude , fi nécelïaire
au bonheur public ; & qui , lui parlant de l’ac-
croiflement des impôts avec indifférence fe feroient
un mérite d'une invehtion fifcale ƒ y lie-
rôient dans l’exécution, l’idée féduftrice de l’autorité
, & honoreroient du nom de vigueur, la ré-
fiftance complette à toute efpèce de réclamations !
Que faudroit-il penfer encore des miniftres , qui ,
fans jouir de la confiance publique , & fans la
mériter 3 feroient hardiment les honneurs des facrifices
de la nation, vanteraient fon zèle & fon
obéiftance, & fe tairaient fur le poids du fardeau
dont elle eftehargée ! Quelle opinion , fur to u t,
devroit-on avoir de ceux qui fe ferviroient des
vertus du prince , non pour adoucir le fort de fes
fujets , mais pour abufer des fentimens publics
que l’eftime de ces mêmes vertus infpire !
Ici j’ entends, un difeours trop commun. Les
peuples, dit-on j pour fentir leur bonheur / n ’ont
qu’ à tourner leurs regards Vers l’Angleterre ; l’on
y paye autant d’impôts qu’en France ( i ) 3 & il n'ÿ
a. cependant nulle efpèce de proportion entre ces
deux royaumes , foit qu’on fixe fon attention fur
le nombre des habitans , foit qu’on fe borne à
comparer la fomme du numéraire en circulation.
Mais ce rapprochement avec leauel on fe tran-
quillife , combien n’exigeroit i f pas d’obferva-
tions ? l’étendue de la population , celle du numéraire
, font fans doute des indices de richeffe
& de profpérité ; mais ces avantages ne peuvent
pas cependant fervir d’unique règle dans les juge-
- ^es conjcibucions de l’Angleterre & de I'Ecoffe j inférieures rie cent foixante millions i
je halarderai de communiquer le calcul fuccinc que j’en ai faic.
l a taxe des terres, & celle de la d rech e ............................
Les autres taxes établies avant la gu er re .........................
Celles impofées pendant la guerre, 8c en 1 7 S } ..............
Les frais de recouvrement | joints aux revenus énoncés ci-defTus .
La taxe en faveur des pauvres............................
La contribution pour les chemins , les droirs cédés à des villes ou à des articuliers , Sec
Total ,
celles de la France 5 &c
5^,000,000
180,000,000
80.000. 000
10.000. 000
50,000,000
. 15,000,000
417,000^000 .
y u3vm WmattX imp°‘ s danS le C0UrS i c la F,éfc" te . « 17S4 i mais on p u * encore avec