
03 A la v érité, le premier moyen que Ton a
» propofe , femble former quelques difficultés :
w elles regardent le commerce de Hollande, qui
33 jufqu’à préfent a fi fort enrichi les marchands
Lorrains. L'interruption de ce commerce ne
** deviendra-t-elle pas préjudiciable au pays ?
33 *-a réponfe à cela a déjà été prévenue par
» ce qui a été dit ci-devant. L'argent confervë
33 nans le pays , le plus grand débit de draperies
39 uans la Lorraine même * 8c fon commerce ouvert
» 8c etendu dans tout le royaume, bien au-delà
03 ^es trois évêchés , formeront pour elle une
» avantageufe indemnité.
33 effet , il faudra raifonner de la Lorraine
“ ^ incorporée dans le royaume de France,
** différemment de la Lorraine prife dans fa fitua-
M t^on prêfente. Jufqu'à préfent il falloit que,
33 pour le foutien & l'embelliffement de fon
33 commerce, elle eût des reffources hors d’elle-
33 ™eme ; mais les grands événemens auxquels on
33 s attend , lui en procureront avec fon union
*» avec le grand tout dont elle fera partie ».
Voila les principes qui étoient umverfellemënt
adoptes dans la province , au moment de fa
reunion a la France > & on voit que ce font
precifément les nôtres. Cette conformité nous
juftifie.
Apres avoir prouvé directement Futilité du
nouveau tarif relativement à la Lorraine 3 nous
allons refoudre les objections de l'auteur des
Lettres,
Vous pourrez être étonné, Morifeigneur, que
nous nous flattions de réfuter un ouvrage auffi
volumineux que celui de l'auteur des lettres ,
dans un mémoire auffi court que celui que nous
avons l'honneur de vous préfenter. Mais en biffant
de côté les déclamations de cet écrivain les
injures q u il dit aux fermiers 3 & les raifons futiles
ne meritcnt pas d être difcutées 3 nous pouvons
n etre pas longs, 8c remplir notre objet. '
On peut réduire aux articles fuivans toutes les
oojecuons que fait 1 auteur des lettres contre le
tarit.
î^L'établiffement des bureaux entre les deux
duchés & les pays étrangers, fera perdre à la
Lorraine tout le commerce aétif qu'elle fait avec
ces pays.
a . C e t établiflement entraînera I'aviliffement
du produit des terres , que les étrangers ne viendront
plus acheter concurremment avec les François
& les. nationaux.
L - Le tarlf fera perdre au Lorrains 1 avantage
qu ils trouvent dans la liberté de leur communication
avec les etrangers, de recevoir des majore
s premières, des denrées & des mw haudifes
de toutes erpèce, à un ptix plus modique
& plus proportionné à leurs facultés, que ne
les reçoivent les François fournis aux droits im-
pofes par le tarif.
4°. La Lorraine perdra tout le commerce d'économie
8c d’entrepôt qui l'enrichiffoit.
.5 . • nouveau tarif n'eft pas une loi d'a<L*
mmiftration , mais feulement une loi burfale ,
inventee par les traitans 8c les travailleurs en
finances. .
v Une remarque générale fuffira pour répondre
a la première de ces objections. Le tarif ne peut
etre funeftc au commertè aétif de la Lorraine,
que parce qu'il augmenteroit pour l'étranger,
ou le prix des denrées, ou celui des matières
premières, ou çfilui de nos ouvrages manufactures,
en leur fanant fupporter un droit de-fortie
qu'elles ne paient point aujourd’hui.
Quant aux matières premières , fi les droits
qu’elles feront obligés de payer à la fortie, en
diminuant le prix pour les Lorrains , favorifent
le progrès de leur induftrie 3c TétablilTement des
manufactures , la province ne peut que gagner
beaucoup a 1 etablinement du tarif, puifque c'eft
un principe de commerce, qu’ il eft plus avantageux
à une nation de mettre elle-même en
oeuvre fes matières premières , que de les vendre
brutes.
, . c? aroirs cie tortie payes par ies marchan-
difes manufacturées , ne peuvent pas détruire
cette partie de notre commerce aCtir. Ces droits,
qui ne^ font pas fixés, ne le feront fans doute
que d’une manière qui permettra encore aux
productions de notre induftrie, de foutenir la
concurrence des productions des manufactures
étrangères dans le pays que nous approvifionnonS
aujourd hui j nous devons en être d’autant plus
perfuadés, que c’eft fur la fixation même de ces
droits que nous fommes confultés. Le miniftère ,
qui a pour objet de rendre plus florifîant le
commerce du royaume, 8c par confçquent celui
de la Lorraine, qui en fait éventuellement partie,
manqueroit fon b u t, fi des droits exceffifs nuir
foienrà nos exportations : il n’ eft pas raifonnable
de lui fuppofer le projet infenfé 8c contraire à
fes propres intérêts, d'anéantir le commerce de
la Lorraine 3 fans aucun fruit pour les anciens
fujets de la couronne. A la vérité, l'auteur des
Lettres p art, dans tout fon ouvrage , d'après
cette fuppofition j mais elle n'en e ft, ni plus
équitable, ni plus vraifemblable. Si donc on
impofe des droits fur nos marchandifes, on les
déterminera fans doute à une quotité telle, qu'en
fourniffant à l'Etat le fecours donc il a befoin ,
elle ne nuira pas à notre commerce au-dehors ,
fans lequel ‘TEtat entier perdroit de fa richeffc
8c de fa force. L'intérêt de la France même,
fe trouvant indiviûblemenc lié avec le nôtre I
fcet égard, c’en eft allez pour raffurer fur les
fuites du tarif, relativement aux exportations de
nos ouvrages manufacturés.
Enfin , le commerce des denrées de la province
ne fouffrira pas davantage de TétablifTement du
tar if, par la raifon générale que ces denrées, étant
prefque toutes foumifes à des droits modiques ,
fe trouveront également convenir aux étrangers
qui les achetoient. L'auteur des lettres n'apporte
aucune raifon du contraire, qui mérite la peine
d'être réfutée.
Un feul article de nos denrées peut faire ici
quelque difficulté $ les droits impofés fur les vins
à leur fortie, pourront en diminuer l’exportation..
Mais n’avons-nous pas lieu d’efpérer que ces
droits, qui ne font pas encore fixés , ne feront
pas portés à une quotité trop confidérable , pour
nuire à cette partie intérefiante du commerce de
notre province ? L’auteur des lettres, au lieu de
fe livrera des déclamations, n’auroit-il pas mieux
fait d’examiner foigneufement quels droits peut
fupporter cette denrée , qui n’ étant pas , après
tout, de première néceffité, comme les grains, ni
d’une auffi grande importance pour l’E ta t , 8c relativement
à d’autres circonftances , peut être
foumife à certaines iinpofitions plutôt que d’autres
denrées ?
N ’auroit-il pas mieux fait de propofer les raifons
qui nous /ont defirer que le droit propofé
dans le projet de tarif, foit diminué , 8c de déterminer
jufqu’à quel point il doit 1 être ? mais il
étoit incapable de cette difeuffion modérée. Quoi
qu’ il en fo it , nous avouons que cet article doit
etre examiné avec foin , 8c nous efpérons que le
miniftère aura égard fur cela aux repréfentatiôns
de la province , foit en diminuant généralement
les droits fur les vins, foit en mettant à couvert,
à ce egard , par quelqu’autre moyen , les intérêts
de la Lorraine 3 qui font indivifîblement liés avec
ceux du royaume entier.
Mais quel eft donc , après tou t, ce commerce
étranger , pour lequel l ’auteur des lettres paroît f i
allarmé? A l’entendre, il eft confidérable5 il enfle
prodigieufement notre commerce aCtif avec les
étrangers , avec Francfort, 8c avec les SuifTes en
particulier , 8c réduit prefque à rien les marchandifes
que nous en recevons. Sur l’un 8c fur l’autre
de ces objets , i l en impofe a fes lecteurs.
Nous achetons à Francfort des indiennes 8c des
toiles blanches, des draps d’Angleterre , appelles
vulgairement draps du N o rd , 8c une infinitéd’é-
toffes , à l’inftar de celles qui fe fabriquent dans
les manufactures de France , 8c qu’on pourroit
imiter facilement en Lorraine. D ’un autre côté , fi
nous en croyons des marchands mêmes , nous
n’envoyons rien, ou prefque rien, à Francfort, fi
Ten en excepte les dentelles de Mirecourt., 8c
quelques autres objets d'une très-petite importance.
L'auteur des lettres fait mention d’huile
de navette 8c d'eau-de-vie. Ces huiles de navette
reviennent fou vent dans fon ouvrage ; à l’eti
croire , nous en faifons des envois en SuifTe,
dans le pays de Luxembourg , dans le comté de
Chiny , 8c dans toutes les autres principautés qui
nous avoifinent. Pour fournir à tant d'exportations
, il faudroit qu'une grande partie du territoire
de la province fût occupée par cette culture,
8c le fait eft , qu'elle n’eft pas auffi confidérable
qu’il veut le faire entendre.
L'auteur des lettres nous trace un tableau tout
auffi infidèle du commerce de la Lorraine avec la
SuifTe} fi nous l'en croyons, les emplettes que
nous faifons chez les SuifTes fe bornent à bien
peu de chofes, à des toiles peintes 8c ^ blanches ,
à quelques rubans 8c quelques merceries , 8c nous
leur donnons en échange des Tels, des bleds, des
eaux-de-vie , des huiles de navette, des v ins ,
des chandelles, des laines, des drogues, des
teintures, 8cc.
Tout ceci n'eft pas exact.
Parmi les objets de notre commerce aétif avec
les SuifTes , l ’auteur des lettres parle de v in s, 8c
il ne s'en exporte prefque'point en SuifTe , ni de
bleds ; 8c il eft prouvé , par.le relevé des bureaux
de 1 intendance , que les Suifïes n'en tirent que
fort peu 8c fort rarement, 8c cela feulement lorf-
que cette denrée eft rare ou chère chez leurs autres
voifins. On doit dire la même chofe de nos eaux-
de-vie 8c de nos huiles: Pour les huiles en particulier,
depuis deux ans ils les ont fort négligées
, 8c généralement ils n’en prennent que lorsqu'elles
font à très-bas prix. Les chandelles dont
parle l’auteur des lettres, font auffi un très-petit
objet, 8c ce commerce fe réduit à quelques caif-
fes de peu de valeur.
Le feul commerce aétif de notre province avec
les SuifTes, qui mérite quelque confîdération,
eft celui de nos laines 8c celui de nos Tels j mais
il y a quelques obfcrvations à faire, qui rédui-
fent à leur jufte valeur les exagérations de l'auteur
des lettres fur cette matière, 8c qui détruifent les
conféquences qu'il veut en tirer.
c wr Pienjlere 3 eft que la vente de nos laines aux
SuifTes, n eft pas un bien pour la province , puifque
c ’eft une matière première qu’il nous feroit
plus avantageux de fabriquer, que de vendre brute
pour la racheter enfuite manufacturée.
La fécondé, que nos Tels font pour les Suif-
fes une denree de neceffité, qu’ils achèteront
toujours chez nous , parce que nous fommes
leurs plus proches voifins, 8c qu’ils les achete-
rôient plus chers chez les autres. Ajourons que
ce fel étant entre les mains des fermiers du roi
ne peut être regardé comme un objet de coin