
‘ L'cçonpmîe de trente trois'millibns de frais que
je viens d’ indîquër coixime. ’praticable fi' tous
les impôts étoient établis furies revenus des terres,
eft fans doute de la plus "grande' ihip'ôr tance >
niais y fans une pareille convullion, les dépenfes
de recouvrement peuvent .être diminuées de feize
«fil lions. , • ■ •
On ne doit point ‘cependant chercher à fe diffi-
'rouler les inconvéniens , qui font inféparablës
des droits fur les conïommatiô ns j Taccroïffemènt
de dépenfe qu’exige leur recouvrement, forme
Tobjeérion principale : mais il faut confidérer
encore que les droits fur les confommations font
■ devenus le principe de la contrebande ; & quoique
la mefure de cet abus dépende, en grande partie,
des eombinaifons plus ou moins iàges de Tadminif-
trarion , il n’eft pas moins vrai que par-tout où
le prix de certaines marchandifès fera augmenté
par des droits ou par Uexerçiçe d'un privilège,
il y aura aufli des gens qui chercheront, les uns
à échapper à Yùmpôt par des introdurions furtives,
ou par de fauffes déclarations , les autres à vendre
clandeftinemen t , •& en concurrence avec lé gouvernement
, lçs denrées dont il s’ eftréfeTYé Iç,débit
exclufif.
Mais en même tems qu’on apperçoit ces fâcheux
effets, il ne faut point détourner fon attention
des inconvéniens qui font attachés aux importions
territoriales : alors on verra qu’en fuppo-
fant même Tétabliflèment préalable d ’un cadaftre
dans tout le royaume , qu’en fuppofant encore
les diverfes difpofitions néceffaires pour corriger
les inégalités , à mefure que le tems auroit rendu
la première bafe de répartition défeétueufe, tous
les inconvéniens ne feroient pas prévenus ; & il
exifteroit encore la néceflité trop fréquente de
recourir à des contraintes & à des faifies , pour
affurer le payement exact d’une nature d‘impôt ,
qui ne porte point fur les dépenfes, mais fur
un revenu dont chaque propriétaire a la difpofition
dans fès mains,
La claffe la plus nombreufe des contribuables
eft ignorante, bornée dansTes reffources, dominée,
par Tinftant préfent 5 & , au milieu des befoins
qui l’environnent, elle.manque tellement de prévoyance,
q u e , fi les colie&eurs de la taille &
des vingtièmes- rf’avoient pas* Loin de veiller fut
les momens où là plupart des habitaris • fde leur
paroiffe viennent de faire une vente , & ont reçu
quelque argent, ils ne parviendroient jamais à Te
faire payer. 11 n’en eft pas de même des droits
fur les confommations 5 ce n’eft point à un jour
défigné qu’on y eft fournis , ç’eft pour ainfi dire
la volonté du contribuable qui Tapproche du
fiîc , & au1 moment où ii paie fa part dans cette
efpèce- de tribut, il fe croit déterminé librement
par fes befoins & fès convenances.
Cette obfervation fur l'imprévoyance de la plus
grande’ partie des1 cohtiibuables, eft peut-être
un ’des.prinèip.fux obftacles à T'étendue exagérée
des impôts fur le revenu des propriétaires ; &
fi , au ’milieu des richeffes ou de Taifance , tant
d’hommes éclairés par*l'éducation, dépenfent plus
que leurs revenus , doit-on s'étonner que Thabi-
tant groffier des campagnes,ne fqit pas' toujours
capable de fefufer à Turgence de fes befoins,
cette part de fon étroite fortune , qiie le col-
leéteur des impôts svienldra demander en peu de
tems |
Qu’on réfléchiffe encore fut les confidératiôns
lui vantes.
Les impôts fur ies produérionsfont une avance
demandée aux propriétaire^. Les droits fur les
confommations font une refiriélion ordonnée dans
les dépenfes.
La richefiè de ceux qui paient les impôts fur
les produirions, n’ eft compofée que des revenu^
dés propriétaires’ de terré. La ricH'effe de ceux
qui paient les droits fur les confommations, eft
compofée des revenus 'de tous les habitans d’ un
royaume , &: même des revenus des étrangers qui
y féjournent.
On doit fentir combien , pour la levée des
tributs, ces circonftances & ces polirions font
différentes.
La divifîon des contributions , partie en impôts '
fur- les produirions , partie en droitsfur les confommations
, rend aufli les recouvremens moins
dépendans du fuccès des récoltes. L ’année eft-ellç
affez abondante pour faire baifler fenfiblement
le prix ydes denrées ? les impôts fur les dépenfes
font d’autant plus aifés à recueillir : les récoltes,
au contraire ., font-elles dans cette mefure qui
permet de tirer lé plus grand parti dès fruits, dé
la terre ? les impôts fur les revenus :des biens-
fonds deviennent les plus convenables. ‘ Mais
comme i f s gouvernemens ne peuvent pas recourir
alternativement à ces deux fortes de tributs , ils
fuppléent imparfaitement à une femblable di.fpo-
fition , -en divifant habituellemeht les impofitions
en' deux clafles, dont Tune atteint les revenus A
& l’autre les dépenfes.
Tous çes ménage mens ; deviendroient moins
eflfntiejs ' fi , çn. .proportion'des richeffes. d’un
pays , les impôts Vÿrtrouvorent dans des bornes
raifonnables 5 mais quand les malheurs des tems
ont obligé d’étendre fi loin les charges publiq
u e s , c’eft à pouvoir recueillir ce s tributs dans
les bonnes comme: dans les mauvaifes années 1,
c ’eût ,1 pouvoir y compter en .tems de. guerre
comme en tems de p aix , que Tadminiftratjon
s’eft trouvée contrainte d’ appiiqijpr, une partie de
(ps foins , & de fon intelligence. Triftf étude, &
fatale fcience ! mais il n’eft plus tems aç renoncer
aux connoiffances & aux inventions fiscales,, Iorf-
que' toutes les nations en font également ufage :
d’ailleurs , peut-on douter que l'autorité , T ambition
, le befoin de puiffançe n’euffent trouvé,
s’il l’eût fallu , des reffources encore plus à crain-;
dre ?
Je connois bien cette propofition , qu’en dernière
ânalyfe tous les impôts, de quelque manière
dont on les modifie, retombent fur les productions
de la terre 3 cette origine première de tous les
biens ; qu’ainfi rien ne doit empêcher de préférer
le genre de recouvremens le moins difpendieux,
en fupprimaht les droits fur les confommations ,
& en tranfportant tous Jes impôts fur les propriétaires
fonciers. ; que ceux-ci ne perdroient
rien à cette difpofition , Toit parce qu’ils hauffe-
roient en proportion le prix des fruits de leur
terre, foit parce que les hommes de travail, rédui-
roient leurs falaires , dans une proportion équivalente
aux droits fur les confommations dont ils
feroient déchargés.
C e raifonnement, confidéré comme une fim-
ple abftraérion , préfente une vérité fort fihiple $
c’eft que le prix du travail & celui des productions
de la terre, ont un rapport enfemble 5
qu’ ainfi Ton ne peut accroître ou diminuer Tune
de ces deux valeurs fans que l’autre né s’en ref-
ferite y mais il y a loin de cette vérité aux con-
féquences qu’on en veut tirer.
Une fociété politique n’eft pas uniquement
compofée de deux parties contractantes y les propriétaires
de terres & les'hommes d’induftrie ; il
y a encore les poffeffeurs des richeffes mobiliai-
res ; il y a lès repréfentans du commerce avec
l ’étranger 5 & comme le prix des chofes n’ eft
pas différent felon, les perfonnes , on pourroit
accorder enfemble les propriétaires de terre &
les hommes de travail , fans que les autres
clafles de la fociété participaient à cette harmonie.'
Les créanciers de l’Etat jouiffent déjà, par leurs
hypothèques , d’une partie du revenu des biens
fonds , fans courir les|hafards de la produôrion5
ainfi ce feroit un défaut de politique que de les
affranchir , ne fût-ce que pour un tems , des
droits fur les'confommations^, pour tranfporter
ces mêmes droits à la charge d’une claffe de
propriétaires , dont Taiftmce & l’encouragement
importent fi. fort aux progrès & à Taérivité de
Tagriculture. Enfin, les échangés avec les étrangers
repofent fur de certaines conditions , & u n
.grand changement, même paffager, dans le prix
des produirions ou de Tinduftrie , fuffiroit pour
détourner le cours du commerce.
Le.tems, la circulation > les loix de l’équilibre
remédièroient à tout 5 voilà ce qu’on annonce 5
mais peut-on imaginer que , fur la foi d’ une pareille
théorie , les gouvernemens veuillent jamais
courir les hafards d’une convulfion dange-
reufe ?
Il ne fuflît pas d’ailleurs , qu’il y ait une égalité
arithmétique entre deux fortes de tributs, pour
qu’on puiffe indifféremment doubler Tune & Supprimer
l ’autre 5 il exifte encore une égalité morale
qu’il eft important de confidérer & d’apprécier.
Qu’on changeât, par exemple, Yimpôt du tabae
contre une augmentation * de trente millions fut
la taille ou fur les vingtièmes, la contribution
du royaume refteroitla même, mais l’effet, dans
l’opinion , feroit bien différent 5 & les propriétaires
de terre ou leurs fermiers, auroientde la
peine à croire que la maffe des ouvriers, ayant
égard à l ’épargne qu’on leur procure fur un objet
de fanraifie, diminueroient d’autant le prix de
leurs "journées. C ’eft l’affranchiffement des impôts
fur les denrées d’une néceflité abfolue, qui influe
fur' le prix du travail, encore n’eft-ce jamais
qu’infenfiblement 5 mais il eft tel droit de con-
fommation qui échappe en partie à la réflexion :
lé prix d’une chofe , Y impôt qui s’y mêle , n’affrètent
véritablement qu’au moment où l’on veut
acheter j Je refte du tems cette idée s’éloigne ,
& la liberté qu’on a de régler & de diriger fes
dépenfes félon fon gré 3 aide encore à vous en
diftraire. 11 n’en eft pas de même d’un prélèvement
quelconque fur les revenus; non-feulement
une telle privation ne peut point être diflimulée
mais le fentiment s’en renouvelle à chaque instant
, parce que fans ceffe on a des defirs , on
projette, 011 jouit en efpérance.
Et peut-être feroit-ce l’ occafion dVoferver ici
qu’il y a ce grand vice dans les abftractions en
économie politique 5 c’eft que les effets de l’opinion
& de l’imagination n’y font jamais pris en
confidération , & qu’on y voit encore du même
oeil le préfent & l’avenir. On prend un royaume
. en maffe , & dans Tefpace vague des tems : fi
la durée d’une génération ne fuffit pas à l’exécution
de ces idées, on porte fes vues plus lo in,
& c’eft la poftérité entière qu’on embraffe dans
fes projets : fi les loix , fi la politique des autres
nations viennent gêner les eombinaifons chimériques
auxquelles on s’abandonne , on affocie ces
mêmes nations au fyftéme qu’on a conçu , &:
l’on étend fon humanité , Ton aggrandit fa bien-
faifance de tout Tefpace dont on a befoin pour
faciliter le jeu de fes propofitions.
Mais à des idées générales qui en impofènc
fi facilement, on en pourroit oppofer une qui
peut mériter aufli quelque attention : c’eft que
toutes les fois qu’on fe permettra de retrancher
des eombinaifons de Tadrainiftration , ces deux
I ^grandes confîdérations, le moral & le tems , tons
i les devoirs difpàroîtront. Qu’importeroient en
effet à un gouvernement la'grandeur des impôts