
fil r s r,
Le chevalier Robert W alpole’3 minière d’Angleterre
en 17 4 1, répondoit à ceux qui lui propo-
foient de mettre un impôt fur les colonies : «-Je
veux laifler ce foin là à quelqu'un qui aura plus de
■ *> courage que moi, & qui fera peut-être moins ami
*> du commerce.Depuis que je fuis miniftre, jéme
•» fuis toujours-attaché à encourager le commerce
'*> des coloniesjj'ai éprouvé même qu’ il étoitnécef-
faire de tolérer quelques irrégularités qui fètn-
» bloient préjudiciables à la métropole 5 & je ne
crois pas qu’ elle s’en foit trouvée plus mal 5 car
33 quand il arrive que ces colonies gagnent cinq cens
33 mille livres fterlings,par un grandaccroiflement dé
» leur commerce étranger , il eft inconteftable qu’a-
» vaut que deux ans foient écoulés , il en rentré
» deux cens cinquante mille livres dans l’échiquier
du ro i, par l’augmentation conféqüente du dé*-
»bouché de notre main-d’oeuvre & de nos pro-
,*» dudtiôns : nos colonies ne pouvant fe pafler dé
•» tirer une prodigieufe quantité de nos manufac-
*> tures. »
Mais ces confidérations exigent-elles absolument
l ’admiffion des étrangers dans nos colonies; quelles
font les conféquences de cette admiffion ? Ne fe
préfente-il pas des moyens de concilier les principes
de la fondation de ces établiflemens, avec
la néceffité de leur procurer des relations directes
avec l’étranger , fi ces relations font utiles ou même
îndifpenfables en beaucoup de circonftances. 11 s’agit
d’ examiner ces différens points, & de terminer
en fuite cet article , par le chapitre 13 du Traité
de Tadminifiration des finances', qui parle des im-
ôts & de la population des ifies colonies de la
rance.
. Les importations des produétions des ifies de
l’Amérique, en France, peuvent être évaluées à
cent vingt millions ......................... 120,cfoo,ooo /.
Les exportations de France, tant
aux ifies qu’én Afrique , pour la
traite des noirs , à quatre - vingt
millions, c i...................................... 8o,o®o,ooo
C ’eft donc un bénéfice de quarante
milllions ........................... '40,000,000
Dans ce bénéfice, entrent pour un huitième0',
©u un dixième, les frais de tranfport, le prix
de fre t, & les Salaires d’üne multitude d’hommes
de toutes les clafles , employés dans ce commerce,
& dans celui qui fe fait des denrées coloniales
avec les nations du nord. Celles-ci fournilTent en
échange, des matières premières, comme bois,
chanvres, lins, goudrons, fe rs , cuivres, & c .;
& comme ces objets font infuffifans pour former
eompenfation de la valeur des fucres , cafés, 8cc. ,
la folde de ce commerce concourt annuellement
à l’augmentation du numéraire 3 avantage précieux
pour les .fabriques & pour l’agriculrure, qui eft
la fouxce de toute population, fans compter le
ï s t
bien qui en réfulte pour notre navîgatiofi , &C pouf
la multiplication des matelots.
En admettant les étrangers dâns nos zfies, il
eft difficile de fe perfuader qu ils fe renferment
dans les bornes qui leur font prefcrites. La facilité
d’y aborder enflammera naturellement leur
amour pour les profits. Ils en trouveront, d’ un
c o té , de plus sûrs 8c de plus conftdéràbles dans
l’ introduétion ' des farines-' & des marchandifes
sèches , de toute efpèce- Qui! fait même fi les Américains
, qui ont envoyé direéVemént à la Chine',
n’ont pas fpéculé fur l’introdu'ârion dans nos colonies
, des marchandifes & étoffes qu’ ils en ràp-
porteront avec des thés , & dont le prix eft peut-
être encore trop haut pour un état naiflant, d’où
la fimplicité républicaine n'a pas encore été,bannie
par lé luxe &? lacorrupiion. De l’autre cô té , l ’exportation
des fucres, des-cafés, de l’indigOy préfente
tant de bénéfices 8c ,de .moyens pour étendre
leur commerce !
Au refte , fi cette admiffion indéfinie des
étrangers , donne lieu , comme on peut le préfumer
, à des importations de la valeur de vingt-
cinq ou trente millions 5 pourront-elles, être
payées emfyrôps & tàffias , quand il ne s’en fait
que pour dix à onze millions ? Comment émoufler
ce double aiguillon de la cupidité, acompagnéé
de largefles & de féduûion ? Croira-t-on que la
vigilance ou la févérité d’une régie tranquille &
peu nombreufe, puifife avoir de grands effets, quand
on voit dans la mère-patrie, la contre-bande & la
fraude triompher de tous les obftacles , franchir
les barrières que leur oppofe l’intérêt perfonnel
d’un fermier, éclairé par l’expérience de fès^jré-
décefleurs , 8c foutenu par une légion d’employés
qui, comme une chaîne mobile, embraflfe incef-
fanfent. l’extrémité des frontières du royaume , 8c
forme encore dans l ’intérieur des patrouilles ambulantes,
toujours en activité & en mouvement?
Concluons donc i ° . -qu’il eft à craindre que les
exportations du royaume ne diminuent en proportions
des importations des étrangers dans nos colonies
, & qu’il ne s’enfuive une perte ineftimable
pour les revenus d e l’Etat5 celle du fret à l ’exportation
du royaume 5 à l’importation des retours & à la
réexportation des denrées coloniales dans le nord ;
la perte que fera l’agriculture par une diminution de
confommations 3 & enfin celle qu’éprouveront les
fabriques , pour lefquelles ce préjudice ne fera pas
moindre.
Si l’intérêt des colonies pour leurs belbihj &
pour l’extraélion des fyrops, mélafles & taffias ,
exige des relations avec l’ étranger , on conviendra
que ce ne peut être,fur le premier article,que relativement
aux bois de toute forte, aux riz , aux
légumes , beftiaux vivans , aux cuirs vërds, aux
morues & autres poifîobs fâlés, & aux charbons
de terre que Je-royaume, ne fournirait diiç&e-
I S L
■ fcnenï qu*aveé difficultés ; car pour Us boeufs falés
& les beurres , ces denrées étant exemptes de
tous droits à leur importation dans le rqyatime ,
peuvent en être réexportées aux colonies fans recevoir
une augmentation de prix bien fenfible ;
8c d’ailleurs, il eft. important d’attirer les bâtimens
qui les importent, dans nos ports, puifqu’ ils
chargent en retour des vins, des huiles 8c des
eaux-de-vie 5 8c encore plus intéreffant d’encourager
la multiplication dés beftiaux, 8c d’exciter
à en faire des falaifons.
Quant aux fyrops , mélafles & taflias, on eft
d’accord fur la double utilité de leur exportation
dire&e des ifies ï l’étranger, & de leur éloignement
de la métropole, où il feroit très-dangereux
de les laifler entrer en concurrence avec
les eaux-de-vie de vin.
Mais pour entretenir & favorifer ces relations
dire&es de nos colonies avec l’étranger , n’y au-
roit-il pas d’autres moyens que leur admiffion libre
& indéfinie.? Obfervons bien qu’il ne s’agit que
d'un commerce d’échange de dix à onze millions 5
valeur des fyrops & tàffias que ces ifies. peuvent
fournir
Dans ce cas , il femble aife de calculer lé nombre
de bâtimens & de tonneaux néceflaires pour cette
exportation de le fixer annuellement en chaque
colonie, & d’en charger des navires françpis , qui
fe rendroient directement dans les Etats-unis „pour
en rapporter uniquement les marchandifes dénommées
dans l’ arrêt du 3.0. ao ût, à l'exception de
celles quon jugeroit pouvoir être fournies par
le royaume.
D ’ après ces difpofitions, les colonies feroient
approvifionnées des chofes dont elles ont le befoin
le plus prefiant, 8c débarraflees de celles qu’il
leur eft important d’envoyer au dehors 3-mais les
maux inféparables de l’admiffion des étrangers feroient
prévenus, puifque leurs bâtimens n’auroient
plus de prétextes pour fréquenter les côtes de ces
ifies y & que dès-lors, il y auroit plus de facilités
pour écarter & réprimer la contrebande.
Chacun des navires deftinés à cette traite étrangère
, prendroit fes expéditions au bureau du domaine
d’Occident, & à l’amirauté, après avoir
obtenu la permiffion néceflaire des adminiftrateurs
de la colonie , & qui feroit numérotée de façon
que le nombre des bâtimens fixé par le confeil
du roi ne fût jamais excédé.
Dans des circonftançes fâche.ufes, fuite d’acci-
dens & de défaftres, comme ouragans , tremble-
I S L 6 5 9
mens de terfe, inondations, où il faut des fecours
preflans, on pourroit, fans doute, s’écarter des
loix prohibitives 3 mais cette exception momentanée
, 8c mefurée fur l’étendue des befoins , n’ au-
roit lieu qu’ à défaut de bâtimens françois 3 ellfc
ne laifleroit point de crainte fur les abus, & ne
porteroit aucun préjudice à l’importation direéte
dans les ports de France.
Le tems de guerre étant un état violent &
contre nature, c’eft le cas de ne plus tenir la
marche ordinaire. Manquer de fubfiftances eft le
plus grand des maux : pour le prévenir, c’eft à la
prudence & à la fagefle des adminiftrateurs à ne
pas perdre de vue que, même dans ces cas calamiteux,
l’habileté de l’homme d’Etat eft de cou«
cilier les moyens de fubvenir à la néceffité im-
périeufe du moment, avec les droits impreferip-
tibles de la mère-patrie.
Impôts & population des colonies de la.
France : chapitre X I I I . du Traite de
VAdmimjlration des Finances.
Je ne puis présenter, fur ce fujet que des notions
acquifes indirectement, parce que les colonies
& les impôts qu’on y perçoit , ne font
point fous l’ infpeéïion du miniftre des finances.
Voici donc ce que je retrouve dans les notes que
j’avois recueillies fur toutes les parties de l ’admi-
niftra.tion du royaume. .-
S A I N} T - D O M I N G U E.
Recenfement de 1 7 7 9 .
Trente-deux mille fix cens cinquante blancs ,
de tout fexe 8c de tout âge.
Sept mille cinquante-cinq gens de couleur (* ).
Deux cens quarante-neuf mille quatre-vingt-dix-
huit efclaves.
Les impofitions levées dans la colonie, fe moa-
toient à plus de cinq millions , argent de France.
L ’étendue des colonies n’a point encore été déterminée
par lieues quarrées j ce feroit cependant
un travail intéreflant.
L a M a r t i n i q u e .
Recenfement de 1 7 7 6 .
Onze mille fix cens dix-r\euf blancs.
Deux mille huit cens quatre-vingt-douze gens
de couleur.
(*) On entend par gens de couleur en France, les métis &*leurs defeendans, tant que des fignes extérieurs annoncent leur
première origine ; & comme pendant tout.ee tems ils ne fout point admis aux emplois civils & militaires , deftinés aux blanc«
Csuls dans (es colonies , on en fait aifémçnçun recenfement particulier.
O o o o ij