
E A U E A U
E a u x DE MER. On ne fera pas étonné de
trouver cet article dans un di&ionnaire de finance,
quand on faura que, pour l’intérêt du privilège èx-
clufif de la vente du fe l, le légiflateur a ete oblige
de défendre de puifer de l’eau à la mer. Telles font
les fuîtes d’un impôt, vicieux par fa nature , que
tout ce qui eft ordonné pour le conferver & 1 e-
tendre, devient aulfi contraire à l’exercice de la
liberté, qu'aux confeils delà raifon.
L ’article LV II. du titre 14« de l’ordonnance des
gabelles,, du mois de mai 1680, a défendu de faire
commerce, même d’employer à quelques falaifons
que ce fû t , non-feulement dans les- villes, bourgs
& paroilfes mentionnés en ce titre , mais encore
dans toute l’étendue du pays de gabelles , & des
dépôts, des eaux de la mer , ou de celles des^ four-
ç e s , puits & fontaines falées , à peine de mille livres
d’amende contre chaque contrevenant, & de
confîcation, tant des vaiflfeaux & inftrumens propres
à les puifer, que des chevaux ou voitures qui
auroient fervi à leur tranfport.
On trouve les motifs d’une partie de ces difpo-
fîtions, dans l’art. X X V II . de l’ordonnance rendue
fu r ie fait des gabelles, au mois de janvier 1639.
Suivant cet article , quelques perfonnes alloient
chercher de l’eau de mer, en formoient des maga-
fins, & la vendoient aux gens du peuple, en les affu-
rant qu’ ils pouvoient s’en fervir pour faler leurs
potages. C e t ufage portoit un grand préjudice aux
droit de gabelles , & d’ailleurs occafionnoit très-
fouvent des maladies dangereufes. Le motif de la
fûreté des peuples , autant que de la confervation
des droits du roi , diéta donc cette difpofition. Il
iu t fait défenfe à toutes perfonnes d’aller chercher
de l’eau de mer , d’en vendre , d’en acheter , ou
d’en ufer , à peine contre les vendeurs d’être punis
comme faux-fauniers , & de cent livres d’amende
tant contre ceux qui en auroient acheté
que contre ceux qui en auroient fait ufage.
. Le même article enjoignit aux officiers des greniers
, de faire faire perquifitions & recherches des
contrevenans à ces défenfes , & aux employés,
d'arrêter ceux qui tranfporteroient de l’eau de mer
avec des chevaux. 11 ordonna enfin à l'égard de
ceux qui en porteroient dans des vafes de terre ou
de bois , que ces vafes feroient cafles 5 &.que
lorfqu’ils feroient de métal, ils feroient repréfentés
aux officiers des greniers , pour en être par eux la
confifeation prononcée, en fus des amendes que les
contrevenans auroient encourus.
L ’ordonnance de 1639 n’avoit rien ftatué fur
l’ ufage & le commerce des eaux de puits, fources
& fontaines falées 5 mais un arrêt du confeil du 6,
novembre 1659 , en ordonnant qu’elle feroit exé-
Tinances. Tome II,
cutée pour ce qui concernoit les eaux de mer ,
avoit formellement défendu à toutes perfonnes de
vendre , acheter ou ufer des' eaux provenant des
puits, fources & fontaines falées ; & pour évitée
les inconvéniens auxquels ces puits , fources 8c
fontaines pourroient donner lieu , il avoit ordonné
qu’elles feroient démolies , ruinées ou bouchées
en préfence des officiers des greniers dans les ref-
forts defquels .elles feroient fituées , de manière
que l’on ne pût fe fervir de leurs eaux, & autorifé
lefdits officiers à procéder extraordinairement contre
les feigneurs ou autres qui y apporteraient em-
pêchemens , fauf à les rendre refponfables de la
perte & relh'tution des diminutions que Jefdites
eaux pourroient occafionner aux droits de gabelles.
L ’article de l’ordonnance du mois de mai 1680 ,
rapporté ci-devant, a été calqué fur ces réglemens ;
mais comme on avoit obmis d’autorifer de nouveau
l’adjudicataire , ainfi qu’il l’avoit été en 16J9 ,
à faire tarir & combler les puits & fontaines fa-
lés , l’arrêt du confeil du 4 août 1699 y a fuppléé , .
en permettant au fermier de faire, à fes frais , les
ouvrages qu’il jugeroit à propos pour le fubmer-
gement & dépérinement des fontaines falées , 8c
de prendre à cet effet, en îndemnifant les propriétaires
, telles portions de terre ou de pré qui feroient
néceffaires. C e t arrêt a en même tems fait
défenfes à toutes perfonnes, à peine de trois mille
livres d’amende , de ruiner | changer ou altérer les
travaux que le fermier auroit fait faire.
On voit par l’arrêt du confeil du 19 janvier 1706,
qu’ un grand nombre de vagabonds & faux-fauniers
s’étoient attroupés , pour enlever & diftribuer à
force ouverte les eaux falées que fourniffoit alors
en abondance une fontaine fituée dans la paroilïb
de Saint-Voye près Vezelay.
C e t arrêt commit M* l’intendant de Paris pour
procéder contre les auteurs de ces attroupemens ,
& un fécond arrêt du 16 du même mois, défendit
à toutes perfonnes d’enlever des eaux de ladite
fontaine , à peine de faux-faunage.
Suivant le préambule de la déclaration du 22 février
1724 , la févérité des peines prononcées par
l’articlê L y i l . du titre 14. de l’ordonnance du
mois de mai 1680, contre les contrevenans à cet
article, avoit produit un effet abfolument contraire
à celui qu’on s’en étoit promis 5 ce qui procédoit
de ce que l’amende de mille livres excédoit fi ex-
ceffivement les facultés du plus grand nombre des
habitans des paroilfes fituées à la proximité de la
mer ou des fources falées , que le fermier qui aurait
vainement tenté de la faire payer , ne cher-
choit pas même à la faire prononcer.
Pour mettre un terme à cet inconvénient, 6e
A