
I l ri*eft pas aifé de voir quelle analogie l'augmen-
tation des loyers peut avoir avec la baille des
intérêts ; 'le fond des maifons augmentera de vale
u r , mais c'eft tout ; & fi cet accroiffement en-
. gage à bâtir de nouvelles maifons, les loyers baifie-
ront. On peut donc conclure qu'il n’y a aucune
-augmentation, à craindre fur les denrées néceffaires,
par une réduction forcée d3intérêts ; il eft probable
qu'il en refultèrbit üne diminution dans les prix.
Dans ces matières , revenons toujours au prin-
. cipe général j la baille de Y intérêt eft-elle favorable
à l'amélioration & au produit des terres ? Vos
: confommations feront moins chères, plus abondantes
y vos ventes extérieures plus faciles , les
gains de votre peuple augmenteront avec le
travail.
La fécondé objeétio.n fouvent réitérée contre
.la baiffe des intérêts, c'eft qu'il faut obferver une .
proportion exaéle entre le produit des rentes &
le produit, foit,des fonds , l'oit du commerce..
C 'e ft une de ces maximes vagues., dont l'explication
embarafle toujours ceux qui en font parade,
fans égard aux circonftances. En quoi confifte cette
exa&itude de proportion ? Si le produit des fonds
& celui du commerce font les revenus primitifs
«le l'État , c'eft à eux à régler l‘intérêt des rentes ,
& non aux produits des rentes à influer fur le
leur.
En cette année (1754) le produit des fonds de
: terre n'eft pas réputé être de trois pour cent net j
i l n’y a donc aucune proportion entre ce produit
:& celui des rentes à cinq pour cent, fuivant Y intérêt
légal ; car la différence de la fureté de l’hy-
pothèque à la fureté du fonds, ne va pas à un
pour cent. Pour preuve, le prêt marchand ne
diffère du prêt hypothécaire que d'un pour cent j
•or j il y a plus d'intervalle entre la fureté de ces
deux prêts, qu'entre celle des terres & de l'hypothèque
de ces terres.
Uintérét légal feroit donc dans une proportion
plus jufte avec le produit des terres , s'il étoit
borné à quatre pour cent. Il eft vraifemblable que
tous les négocia ns du royaume unanimement ,
abandonneroient très-volontiers à d ix . pour cent
le produit de leurs capitaux perfonnels, & ceux
de leur crédit. Cependant le prêt marchand eft à
-fix pour cent 5 & dans tous les pays , l'ufage",
même parmi les cafuiftes les plus rigoureux , eft
d'évaluer le falaire & les rifquçs du commerce,
au double de 13intérêt payé.
_ O r , tant que les rentés feront légalement à
einq.pour cent , le prêt marchand fubfiftera à fix
pour cent : il n'y a donc plus de proportion entre
le produit du commerce & le produit des rentes.
. . Auffi l ’examen de cette objection contre la baille
des i/néré«,conduit à penfer qu'il convient de bailler
I*intérêt légal , Iorfqwe le produit des fonds & du
commerce baiflfe naturellement : car cette baiffe du
fonds fe verra toujours accompagnée de la bailfe du
cours naturel de l'argent.
Le meme ouvrage dont l'auteur nous a fourni
les reflexions qu'on vient de voir fur la réduction
des intérêts , préfente encore'un mémoire lu au
confeil de la régence fur cet objet j mais la plus
grande partie des obfervations & des faits qu'il contient,
étant applicable à la fituation du moment, 8c
aux circonftances du teins, on fe contentera de l'indiquer.
,On préfère d'inférer ic i, comme généralement
plus içtérelfant, le difcours de M. Hume*
fur la même matière.
Rien ne palfe pour un ligne plus certain de l'état
florilfant d'une nation, que la modicité de Y intérêt
de l'argent, & c'eft avec raifon, quoique
je penfe que la caufe eft un peu différente de celle
que l'on fuppofe communément. La modicité de
Y intérêt eft généralement attribuée à l'abondance
delJ argent j cependant l'argent, quoiqu'abondant*
;n'a d'autre effet, fi le fonds en eft toujours le
même , que d'augmenter le prix du travail.
L'efpèce d'argent eft plus commune que celle
d'ori ainfi vous en recevrez une plus grande quantité
pour les mêmes commodités ; mais porte-t-elle
un moindre intétêt ? L'intérêt, à Batavia, à la Jamaïque",
eft à dix pour cent ; en Portugal, à fix ,
quoique ces pays, comme on le fait, abondent
beaucoup plus en or & en argent que Londres
ou Amlterdam.
Si tout l'o r , en Angleterre , étoit anéanti â la
fo is , & que l'on fubftituât vingt-un fchellings~à
la place de chaque guinée , la monnoie feroit-elle
plus abondante , ou Y intérêt plus bas? Non , affu-
rément > feulement nous nous fervirions cj.’argent
au lieu d'or. -
Si l'or devenoit auffi commun que l'argent, 8c
que l'argent le devînt autant que le cuivre *Ja monnoie.
feroit-elle plus abondante,, ou Y intérêt plus
bas ? Nous pouvons en sûreté faire la même ré-
ponfe. Nos Ichellings alors feroient jaunes 3 nos
fous feroient blancs , & nous n'aurions point de
guinées. Voilà tout ce qui en arriveroit. Le commerce,
les manufactures, la navigation & Y intérêt
n'en fouffriroient aucune altération, à moins que
nous n’imaginions que la couleur du métal eft de
quelque conféquence.
O r , ce qui eft fi vifible dans ces extrêmes variations
de rareté ou d'abondance de ces précieux
métaux, doit arriver en proportion dans les plus
petits changemens.’ Si l'on peut multiplier quinze
fois l'or &. l'argent fans produire de différence,
à plus forte raifon lorfqu’on ne fait que le doubler
ou le tripler. Toute augmentation n'a d'autre effet
que de hauffer le prix du travail & des commode
*és, 8c même "cette augmentation n'eft guère que
celle d'un nom.
Dans les progrès de ces changemens, l'augmentation
peut avoir quelque influence en excitant l’in-
duftrie 5 mais après que les prix font arrêtés proportionnellement
à la nouvelle abondance d'or &
d'argent, elle n'a plus aucune forte d'influence.
Un effet garde toujours uog proportion avec fa
caufe. Les prix ont à-peu-près quadruplé depuis la
découverte des Indes 5 il eft cependant probable
que l’or 8c l'argent ont multiplié beaucoup plus 5
mais l’intérêt n'eft guère tombé que de moitié. Le
prix de Y intérêt ne vient donc pas de la quantité de
«es métaux.
L'argent n’ayant qu'une valeur fictive, que la
convention des- hommes lui a donnée , fi nous
confidéross une nation en elle-même, il lui importe
peu qu'elle en ait une plus ou moins grande
abondance. Lorfque la monnoie eft une fois fixée,
en quelque abondance qu’elle foit, elle n'a d’autre
effet que d'obliger chaque particulier à donner un
plus grand nombre de ces brillantes pièces de méta
l, pour fes habits , fes meubles , ou fes équipages
, fans qu'elle puiffe augmenter les aifances
de la vie de qui que ce foit.
Si un homme emprunte de l’argent pour bâtir
une maifon, il rapporte alors chez lui une plus
grande charge , parce que la pierre , le bois , le
fer & le plomb, & c . avec le travail des maçons
& des charpentiers , font repréfentés par une plus
grande quantité d’or & d'argent.
Mais ces métaux ne devant être confidérés que-
comme des. repré Tentations , leur volume ou leur
quantité , leur poids ou leur couleur, ne peuvent
opérer aucun changement fur leur valeur réelle ou
fur leur intérêt.
Le même intérêt, dans tous les cas, porte la
même proportion avec la fomme. Si vous me prêtez
tant de travail & tant de commodités, à.cinq
pour cent, vous recevez toujours un travail &
des commodités proportionnées, foit que la chofe
foit repréfentée par des pièces jaunes ou blanches,
par une livre ou par une once. Il eft donc inutile
de chercher ce qui fait hauffer ou baiffer Y intérêt,
dans la plus grande bu la moindre quantité d’or 8c
d'argent qui eft fixée en chaque nation.
Trois circonftances font hauffer Y intérêt 5 une
grande demande pour emprunter 5 peu de richeflfes
pour répondre à cette demande, 8c de grands profits
provenans du commerce. Ces circonftances
-font la preuve la plus claire du peu de progrès du
commerce & de l'induftrie, 8c non de la rareté
de l’or 8c de l'argent.
De l'autre c ô té , des circonftances toutes contraires
font baiffer Y intérêt j une petite demande
pour emprunter ; de grandes richefles pour fup-
pléer à cette demande , & de petits profits dans le
commercer. Toutes ces circonftances font lie'es en—
femble, & naiffent de l’augmentation, de (’industrie
& du commerce, 8c non de celle de l ’or &
de.l’argent. Oh va tâcher de prouver ces différens
points.
Lorsqu'un peuple commence àfortirde l’état de
barbarie , & qu’il devient plus nombreux qu’il n’é-
toit originairement, il faut qu’ il arrive auflï-tôt
une inégalité de poffeffions ; tandis que les uns
font maîtres d’une grande étendue de pays, d'autres
font refferrés dans des limites très-étroites, &
quelques-uns même font abfolumenc fans aucun*
terre.
Ceux qui poffèdent plus de terre qu’ils n’en peuvent
cultiver, font travailler ceux qui n’en ont
point, 8c conviennent de recevoir une partie déterminée
du produit. De là l'intérêt des propriétaires
de terres eft immédiatement établi , & il
n’y a aucun gouvernement, quelque grolfier qu'il
puiffe être, où les chofes ne foient pas fur ce
pied-là. ■ .
De ces.propriétaires de terre, quelques-uns pen-
fent différemment des autres s & tandis que l’un
voudroit emmagafiner, pour l’avenir, le produit ds
fa terre, l’autre defireroit de confommer à pré-
fent ce qui fuâiroit pour plufieurs années j mais
celui qui ne feroit que dépenfer fon revenu, vi-
vroit entièrement fans occupation ; & les hommes
ont tellement befoin de quelque chofe qui les fixe
& les engage , que les plaifirs, quels qu'ils foient,
feront toujours recherchés de la plus grande partie
des propriétaires de terre, 8c, parconféquent les
prodigues feront toujours auffi plus communs que
les avares.
Ainfi dans un Etat ou 1 on ne connoît d’autre
intérêt^ que celui des terres , comme il y a peu de
frugalité, les emprunteurs doivent être nombreux
8c le prix .de 1 ‘intérêt eft en proportion. La différence
ne dépend pas de la quantité d'argent, mais
des uPages 8c des moeurs qui prévalent. C 'eft ce
dernier article feu} qui augmente ou qui diminue
la demande pour emprunter. Où l’argent abonde
affez pour qu’ un oeuf fe vende fix fous , auffi Ion°-
tems qu’ il y aura feulement des poffeffeurs de terre
8c des laboureurs pour la cultiver, les emprunteurs
doivent être nombreux, 8c l’intérêt eft plus cher -
la rente pour la même ferme pourroit être plus
forte ; mais la pareffe du feigneur de la terre , 8c
les prix plus hauts des commodités la diffiperoient
dans le même.tems , & de la même néceffiré ré-
iulteroit la même demande pour emprunter.
Le cas eft le même à l’égard de la féconde cir-
conftance, à favoir, le plus ou le moins de ri-
cheffe pour fatisfàïre à cette demande. C e t effet
dépend auffi des moeurs 8c des manières de vivre