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ABELLEj f. £ en latingabella3eï\bîiffèlatinité
giàlum , gabulum y & même par contra&ion gau-
tumy ligmnoitj anciennement, toute forte d'impo-
îtion publique. Guichard tire l'étymologie de ce
niot * de 1 hebreu gab , qui lignifie la même chofe.
Ménagé, dans fes origines de la langue françoife,
a rapporté diverfes opinions à ce fujet 5 mais l'éty-
jnologie la plus probable , eft que ce mot vient
J?“ u x p n g tM j qui lignifie tribut. §§Jp| le glof-
Jaire de Ducange, au mot G ab lum .
En effet* les différentes-impolîtions ont été Iong-
tems, en France, délignées par le mot gabelle j il
y a voit la gabelle des vins.
\}~ZfÂa^e^e ^es ^raPs 3 qui s'affermoit par féné-
chauflée.
La gabelle de Tonniéu ou de Tonlieu ; fur la
vente des beftiaux.
L edit de Henri I I , du ipfeptembre 15^49, veut
que les droits de gabelle , fur les épiceries & drogueries
foient levés & cueillis , fous la main du
r o i , par les receveurs & contrôleurs établis à cet
effet.
Enfin , on donna auflî le nom de gabelle, à Tim-
pofïtion qui fut, établie fur le f e l , & on l'abpella L
gabelle du fel
Dans la fuite, le terme de gabelle eft demeuré
propre & unique , pour délîgner l'impôt du fel
ou-fur le fel.
L'origine de la gabelle, ou de l'impolition fur te
f e l , remonte aux Romains, à ce qu'il paroît. L'hif,
toire nous apprend , que les fàlines , après avoir
' é té , quelque tems , pofledées par des particuliers
qui fàifoierit librement le commerce de f e l , fu5
rent enfuite , pour liibvenir aux befoins de l'Et
a t , mifes dans la main du file , & chacun fut
contraint de fe pourvoir de f e l , de ceux qui les
tenoient à ferme : on prétend que cet arrangement
fut fait par Ancus Martius, quatrième roi des
Romains, & par l’entremife des cenfeurs Marcus
L iv iu s , & C . Claudius , q u i, fuivant Tite-
Lrve & Denis d'Halicarnaffe, firent appelles de-
la Jalinatores.
Athenée rapporte auffi que Lyiîmaque ,.ro i de
T h r a c e , mit un impôt fur le f e l , qu'il" étoit
jufques-là , permis- d'enlever fans payer aucun
tribut.
L'obfcurité des premiers tems de la monarchie
françoife ne permet pas de remonter à l'origine
des droits de gabelle ; mais on en apperçoitTexif-
tence , avant l'érabliffement des aides. L'auteur du
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ï “ lre J P°ur Ia C0Ilr des aides, fur les conflits
eleves entre cette cour & la chambre des comptes,
-obferve, avec raifon , pag. ,6 , qu'on ne peut
guère , a cet egard, que former dès conjeftures.
“tune-denrée de première nêceffité,
f habrltans de a plupart des provinces du
royaume font peu a portée de fe procurer, le
prince a dû, fans doute , employer fes foins &:
ion autorité, foitpouren pourvoir les provinces
éloignées des falines & des marais falans , foit
pour prévenir les monopoles, dans des tems, fur-
tou t, oü Jes verfemens étoient difficiles , & où le
commerce avoit peu dlaftivité. Cette efpèce de
police, ou de furveiilance, en mettant la denrée
ous la main du roi a pu fervit de prétexte, même
Jegnime, a 1 etabhflement des premiers droits fur
le ie l; ces droits ne pouvoient,- alors, être regardes
comme impôts, puifqu'ils n'avoient pour ob-
i,tU Su? de. fubvemr aux frais de cette partie-
d admimftration 5 mais le paflige du- droit légitime
a 1 impôt , eft fi facile à franchir ! Auffi nos.
rots ont ils quelquefois ufé de cette rcffource
dans des tems difficiles , fans prendre , comme
pour les autres ftibfides, le confentement de la
natton. Les Etats s'en plaignoient on leur promenant
que la gabelle , ou impofition fur le fel
ceiieroit, & qu elle ne feroit jamais réunie au domaine
; mais les befoins de l'Etat en: ont ordonné
autrement; ou plutôt,l’autorité s'eft accrue par des
: tou)ol,1's fubfittantes , & elle
s eft- dcployee dans tous- les feus, pour exécuter
tout ce- qu elle a jugé néceflaire au maintien de
les interets. ^ hiftoire nous en fournit la preuve,
& il en a déjà été queftion dans lë difeours préliminaire,
qui eft à. la tête du. premier volume de
cet ouvrage p. 37.
Pour revenir à la gabelle , on. croit qtt’ elle n‘é-
toit pas encore établie en France, dans le neuvième
îiecle. On fabrique« du fel en Lorraine &r
en Franche-Comté: chacun s'approvifionnoit où il
fugeoit a propos , .& fouvent dans un royaume-
voiiin de celui qu il habitoit. C e n’étoit pas feulement
un droit royal ,* les feigneurs haut-jufticiers
fe 1 etoient , en.quelque forte, approprié „ & Foin
a vu long-tems , fous la troifîème race de* nos '
rois y de fïmples feigneurs haut-jufticiers , Fexer-
cer fur leurs vaffàux. 11 y en a plufîeurs exemple»,
dans le recueil des anciennes coutumes de Berry
de M. de la Thaumaftiere.
Nos rois fe font long-tems contentés de favo-
rifer ÿ d une prote&ion ffngulière , ceux de leurs*
fujets qui s’appliquoient à faire du fel. Charlemagne
£ réferva à lui-même la connoiffance de
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tous les différens qui naîtroient entre eux 3 pour
raifon de leurs falines. De terra in littort maris 3
ubi falem facient , volumus ut aliqui ex eis ventant
ad placitum nofirum , & ratio eorum audiatur, ut
tune fecundiim equitatem 3 inter eos definire volea-
mus. Capitul. regum Francorum 3 lib- 4 3 cap. 8.
Le fel fe vendoi.t alors à Paris 3 comme les autres
denrées 5 il y étoit amené , des marais falans , par
la rivière , & vendu par les marchands forains à
des marchands faulniers de la ville.
Il ne paroît pas que les rois 3 dé la première &
de la fécondé race * fe foient attribué aucun droit
fur le fel. Les hiftoriens ne font mention de la
gabelle que fous les rois de la troifîème race , encore
ne peut-on"ni fixer, d'une manière précife ,
le tems de cet établiffement s ni défigner le monarque
qui 3 le premier 3 a mis cet impôt au
rang des reflources propres à fubvenir aux befoins
de l'Etat. •
Plufieurs écrivains, & notamment Mezeray 3
prétendent que.c'efi: Philippe le Bel ; d'autres j
nomment Philippe le Long j & quelques - uns 3
Philippe de Valois.* On cite un ancien manuferit 3
qui s'exprime de la manière fuivante : En ce
même an 3 13 4 2 , mit 3 le roi 3 une exaction au fe l ,
laquelle eft appelée gabelle , dont le roi acquit Vin<-
dig nation & mal-grâce des grands comme des petits ,
& de tout le peuple. Veyeç le glofiaite de Du-
«cange, au mot Gabelle du Sel..
Il paroît confiant, que le premier établiffement
de la gabelle remonte au-delà de cette époque 3
puifqu'il en eft parlé dans les coutumes ou privilèges
que S. Louis donna à la ville d'Aiguemortes 3
en 124(5 : Sed neque 'gabélis, falis 3 feu alterius mar-
cimonii pojjïnt ibi .fieri contra homines villa.. L'on
voit 3 par l'article X X X j des lettres' de Philippe
de Valois , du mois de février 1.3 <jO 3 concernant
les privilèges de la même ville d'Aigues-
rnorteSj que ces lettres confirment celles de Philippe
I , du. mois d’ août 10795 & que celles de
S. Louis 3 du mois de mai 12.46 3. font prefqu'en-t
tierement conformes à celles de Philippe I.
S il n'eft pas prouvé j par ces titres j qu'on
levât alors une gabelle en cette ville j parce que
la coutume le défend5 ii s'enfuit, du moins 3 que
cette gabelle étoit connue 5 qu'apparemment on
la levoit ailleurs 3 ou qu'on l'avoit levée précé-
demmment.
Au refte , il paroît certain, que 3, fous Philippe
le B e l, le fel fe vendoit encore librement à Par
is , comme toutes les autres denrées, & que la
gabelle du fel n'avoit pas lieu du tems de Louis ■
Hutin j fon fils 5- car ce prince , dans des lettres
qu'il donne à Paris , le 25 feptembre 131 y , touchant
la recherche & la vente du f e l , ne parle
d'aucune impofition fur le fel, qui alors étoit marchand.
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C e roi fe plaint feulement de ce que quelques
particuliers en faifoient des amas eonfidérables,
il commet, en conféquence , certaines perfonnes
pour faire la vifite des lieux ou il y aura du fel
caché , & les autorife à le faire mettre en vente à
jufte prix.
La première ordonnance que Fon trouve , touchant
la gabelle du f e l , eft celle de Philippe V
dit le Long , du 25 février 1318. Elle fuppofe
que la gabelle étoit déjà établie 5 car ce prince dit
que, comme il étoit venu à fa connoiffance ,
» que la gabelle du fel étoit moult déplaifante à.
» fon peuple ». Il fit appeller devant lui les prélats
, barons, chapitres & bonnes v ille s , pour
pourvoir, par leur confeil , fur ce grief & quelques
autres.
Et fur ce que fes fujets penfoient que la gabelle
du fel étoit incorporée au domaine , & devoir
durer à perpétuité , le roi leur fit dire, que fou
intention n'étoit pas que cette impofition durât
toujours , ni qu’elle fût incorporée au domaine 5.
mais que pour le déplaifir qu'elle caufoit à fon peuple,
il voudroit que Fon trouvât quelque moyen
convenable pour fournir aux frais de la guerre , 8c
que ladite gabelle fût abattue pour toujours..
On voit par-là que la gabelle étoit une aide extraordinaire
, qui avoit été mife à Foccafîon de la
guerre contre les Flamands , 8: qu'elle ne devoit
pas durer toujours : on croit que cette première
impofition.ne fut que d’un double, ou deux deniers
pour livre. Le règne de ce prince fut fi court,
8c fi traverfé de troubles , qu'il y a beaucoup
d'apparence que cet impôt eontinua.
Ducange, en fon gloffaire, au mot GaBella falis ,
dit que dans un regiftre de la chambre des comptes
de Paris , cotté B , commençant en Fannée 13 30 ^
& finiffant en 1340 , fol. 15 6 , il y a une ordonnance
du roi Philippe (le Long) , de Fannée 1331,
fuivant laquelle, pour être en état de fubvenir aux
frais de la guerre , il établit , dans Je royaume ,
des greniers à fel , dont les juges furent nommes
fouverains-c©mmiffaires0conduêteurs & exécuteurs
defdits greniers & gabelles.
Mais , comme l'obferve le rédacteur de l'article
gabelle dans Fancienne Encyclopédie , cette ordonnance
ne fe trouve point dans- le recueil de
celles de la troifîème race 5 ce qui donne lieu de
croire que Fon a voulu parle,r de celle de Philippe
le Long, du 25 février 1.318, ou de celle de Philippe
de Valois, cb 15 février 1345. Ces deux ordonnances
de 1318 & 1345 , contiennent en. effet*
prefque mot pour mot , la même choie 5 ce qui
pourroit faire penfer, que la fécondé n'a été
qu'un renouvellement de la première*
Les guerres continuelles que Philippe de Valois
eut à fôutenir contre les Angloisy l'obligèrent à