
Quoique la fuppreflion générale des entrepôts
eût été prononcée en 1688, ainfi quJon l’a d it*
cependant on a jugé que le commerce de l ’Inde,
celui de Guinée & des ifles de rAmérique , exi-
geoient des Faveurs particulières pour en afîîirer
raccroifTement , & pour en lier la profpérité à
celle du commerce national. En conféquence , le
gouvernement a accordé aux négocians, la faculté
de mettre en entrepôt pendant un an * toutes les
marchandifes qui feroient deftinéespour ces pays.,
& toutes celles qui en proviendroient.
Il ne s'agit donc plus que de traiter ici des entrepôts
de cette fécondé efpèce * & de parler des
formalités auxquelles ils obligent. Afin de répandre
plus de jour fur cette matière , on examinera
ce qui fe pratique à Bordeaux , qui eft le port, du
royaume où fe fait le commerce le plus confide-
rable avec l'Amérique.
Il faut d’abord diftinguer toutes les marchandifes
fufceptibles de l'entrepôt, en trois claffes.
io. Les marchandifes du royaume deftinées
pour ces trois commerces privilégiés * & venant
tant par eauque par terre.
20. Les boeufs falés * les lards, beurres* fuifs,
chandelles & faumons falés , qu'il eft permis de
tirer des pays étrangers en exemption de tous
droits * pour les ifles * fuivant l'article^ 11^ des
lettres-patentes du mois d avril 17*7 j ^ ^ arrêt du
21 août 1748.
Cette fécondé clafle comprend auflî les marchandifes
apportées des pays étrangers pour le
commerce de Guinée.
Enfin * dans la troifieme clafTe font toutes les
marchandifes apportées des ifles dans le royaume.
Les marchandifes de la première claffe doivent
avoir été plombées au bureau du lieu de l'enléye-
ment* finon au premier bureau de la route qu'elles
ont tenue * & expédiées par acquit à caution.
Quelquefois cependant elles arrivent fans être
plombées , & ce défaut n'eft point un obftacle à
la faveur de l'entrepôt. Celles qui font plombées*
font feulement vérifiées par le nombre des ballots*
leur poids, & par l'état des plombs quelles
portent , fans quon faffe l'ouverture des balles
ou ballots qui les contiennent. Au contraire, les
marchandifes qui n’ont point reçu de plomb doivent
être vérifiées exa&ement par l’ouverture des
caiffes & balles * & on y appofe un plomb, qui
doit être repréfenté fain &■ entier lorfqu'elles fartent
de l'entrepôt.
En donnant la déclaration de ces marchandifes *
le négociant à qui elles appartiennent doit ex-
preffément faire mention du magasin où il entend
les renfermer $ &, du moment qu’elles y font entrées
* il ne peut plus, en difpofer fans en avertir
les commis du Fermier.
S'il veut en faire fortir une petite partie pour
les expédier aux ifles , il faut en déclarer de nouveau
la quantité * la qualité & le poids , faire fa
foumiflion de rapporter un certificat de la fortie
de la ville * & de la vérification des plombs s'il
s’agit de marchandifes plombées. Enfin * pour les
unes & les autres * cette déclaration doit encore
contenir l'obligation de juftifier du chargement
des marchandises en telle partie du quai * par l'at-
teftation des employés défîgnés pour être préfens à
ce chargement.
Mais dans le cas où cette partie de marehan-
difes eft deftinée pour la co.ofommation du royaume
* dans lequel elle n'eft pas cenfée entrée, tant
qu'elle eft en entrepôt : après en avoir fait déclaration
au bureau de recette * le propriétaire'én
doit les droits depuis le lieu de l ’enlèvement, juf-
qu’à fon arrivée à fa deftination.
Il en eft ufé à-peu-près de même pour les marchandifes
des fécondé & troifieme claffes , fauf
les modifications qu'exigent les circonftances de
l'origine & de la deftination de ces marchandifes.
A l’égard des marchandifes du crû des ifles *
qui paffent en pays étranger * indépendamment des
formes à obferver pour procéder à leur fortie de
l’entrepôt * le négociant eft encore obligé de faire
fa faumiflion de rapporter , dans un «délai fixé ,
l'acquit à caution dont elles font accompagnées *
revêtu d’ un certificat des confuls ou officiers publics
des lieux étrangers dans lefquels il a expédié
fa marchandife. Cette précaution^ pour objet,
d’empêcher que * fous prétexte d’une deftination
en pays étranger * on ne puiffe verfer les iharchan-
difes fur les côtes du royaume en fraude des
droits.
L'arrêt duconfeil du 2$mai 1723, rendu en interprétation
des articles X X . & X X X . des lettres-patentes
du mois d’avril 1717 * avoit fixé à un an
l’entrepôt tant des marchandifes apportées des
ifles dans le royaume * que de celles qui en for-
tent pour ces ifles > ce terme eft toujours le même
* excepté en tems de guerre** où*il eft ordinairement
augmenté de fix mois ou d’un an.
C et arrêt ordonnoit * que' les magafins fervant
d'entrepôt feroient choifis par les négocians & à
leurs frais , & fermés à trois clefs ,. dont l’une fe-
roit remife au fermier des cinq groffes fermes * la
fécondé au fermier du domaine d’occident, & la
troifieme * entre les mains du prépofé des négocians
j mais ces-difpofitions ne s’ exécutaient qu’à
l'égard des cafés. Le fermier laiffoit ordinairement
aux négocians la liberté de faire l’entrépoc des
marchandifes dans leurs propres magafins U fans en
demander une clef. Il s’enfuivit plufieurs abus* qui
furent réprimés par l’arrêt du 6 mai 1738 * revêtu
de lettres-patentes en.regiftrées en la cour des
aides de Paris le 17 juin dç la même année.:.On
peut voir * dans le préambule de ce réglement *
en quoi confiftoient ces abus. Nous ne nous arrêterons
qu’au difpofitif* qui fait aujourd’hui loi
fur cet objet. Voici ce qu'il porte :
« Dans le cas où le fermier permettra aux ne*
» gocians d’entrepofer dans leurs propres maga-
ü fins , foit les marchandifes du crû des ifles &
» colonies Françbifes , foit celles deftinees pour
« lefdites ifles & colonies * lefdits négocians fe-
» ront tenus de déclarer au commis du fermier le
« magafîn où ils entendent les renfermer , & de
».donner dans les bureaux.* leur foumiflion cau-
» tionnée, de les repréfenter en même qualité &
» quantité* toutes les fois qu ils en feront requis*
» fous les peines ci-après.
» .Fait fa majfcfté défenfes auxdits négocians ,
» de faire fortir lefdites marchandifes des magafins
» où elles auroient d’abord été entrepofées * &
» même de les changer d'un magafîn à l'autre *
» qu’après en avoir fait leur déclaration dans les
» bureaux * & y avoir pris un congé du fermier,
» pour le mettre en état de fuivre * foit le paie-
» ment des droits.en cas de vente & de confom-
» mation * foit l'embarquement & le départ, foit
'«w le nouveau magafîn d'entrepôt. «=
» Permet fa majefté au fermier & fes commis
» de faire le récénfement defdites marchandifes,
»» toutefois & quantes * fans attendre le terme fixé
*» .pour la durée de l'entrepôt. Ordonne fa ma-
» jefté * .qu’en cas de fouftrattion , lefdits négo-
» cians feront co/idamnés à la confifcation de la
» valeur des marchandifes manquantes * & en ou-
*> tre en l ’amende de cinq cens livres, & ce * fur
» les procès-verbaux qui feront drefles par lefdits
» commis & prépofés ; & qu’en cas de fimple
» mutation d'un magafîn à l’ autre fans l'avoir de-
» claré , ils demeureront * fans autre formalité ,
» déchus du bénéfice de l'entrepôt * & afiujettis au
»» paiement de tous les droits.ce
Tous les entrepôts dont il vient d'être queftion*
reçoivent le nom d’entrepôts fi&ifs * parce qu'étant
établis chez les négocians * ils ne font que la
repréfentation des véritables entrepôts dont le
fermier â une cle f, & qui font diftingués des premiers*
par le nom d’entrepôts réels.
Cette' dernière efpèce d’entrepôt ne fert que
pour quelques efpèces de marchandifes étrangères*
dont l’entrée dans le royaume eft fujette à des
droits confidérables Y ou même prohibée , & qu’il
eft néanmoins permis de charger pour le commerce
de Guinée , ou pour une autre deftination
étrangère * à la charge d’être renfermées dans les -
magafins , dont le fermier doit avoir une cle f juf-
qu’ à leur embarquement.
L ’entrepôt réel pendant jîeuxyins des taffias ou
eau-de-vie extraites des firopsw melaffes * a été |
permis par une déclaration du rSî du 6 mars 1777, *
Financés, Tome JJ,
fous la condition d’être réexportée à l'étranger *
&Ie confeil s'eft réfervé de fratuer Air le fort des
taffias * qui* dans cet efpace de deux années, n’auront
pu être expédiés à l’étranger* pour caufe d’empêchement
légitime.
L'entrepôt réel des cafés a fubfifté à Bordeaux
jufqu'en 176 7, qu’il a été rendu fictif comme pour
toutes les autres marchandifes du crû des ifles *
d’après la délibération du bureau du commerce
du 14 mai * prife fous l’autorité du confeil * & à
la réquifition de la ferme générale , à caufe de l’abondance
du café qui fe trouvoit à cette époque
en ce port * & des embarras que donnoit la fuite
d'une multitude d’entrepôts réels dans lefquels il
étoit emmagafîné.
L'entrepôt * confîdéré dans fon eflence & dans
fes effets , eft un moyen allure de faire fleurir
une branche de commerce * & d'étendre la navigation.
Il eft à préfumer qu'aéluellement que les
droits de traites font en régie * & qu'il n'y a plus
d'indemnité à difeuter & accorder aux fermiers du
fi Ce * le gouvernement fera un ufage fréquent de
ce moyen pour étendre notre commerce de réexportation.
On a cru devoir indiquer au mot C u ir *
combien il feroit utile de permettre l’entrepôt de
ceux qui viennent en poil du Bréfil & de la Barbarie.
.
On voit que ceux qui furent établis en 1664 par
le grand C o lb e r t , & confirmés encore par l’ordonnance
de 1687 * dont le miniftre avoit ordonné
la rédaction * peu de tems avant fa mort arrivée en
1683 * n'avoient d’aütre but que ce commerce de
réexportation. Les motifs que l'arrêt de 1688
donne à leur fuppreflion * & qu'on peut regarder
comme des prétextes * n'auroient fûrement pas
échappé au miniftre qui avoit établi ces entrepôts
* après avoir fait l'expérience de leur utilité
pendant dix-huit ans * s'ils euflent été réels j &
dès-lors il n'auroit pas confirmé leur établififement
en 1682 & 1683 * tems où l'on rédigeoit * par fés
ordres , l ’ordonnance qui ne fut publiée qu'én
1687. Il faut donc reconnoître que le génie de
Colbert * qui avoit conçu le plan des entrepôts &
fenti tout l’avantage dont ils dévoient être * étartt
une fois difparu * fes grandes vues ne pouvoient
plus être embraffées* ni fuivies dans leur exécution j
que dès-lôrs il parut plus fimple de renoheer aux
avantages des entrepôts * que de rechercher les
moyens propres à en réprimer les abus , ou même
que de calculer fi les petits inconvéniens attachés
à leur établiflement* n'étoient pas largement com-
penfés * par le grand bien qui en réfultoit polir le
commerce général & pour la navigation.
En 1780 il s'éleva , au fujet des entrepôts * une
queftion qu'il n'eft pas inutile de rapporter ici ,
parce qu’elle pourroit être renouvellée.
Il s’agifloit de plufieurs efpèces de iharchandifés