
, Les chofes ne relièrent que trois ans 8c quelques
mois fur ce pied : un édit du mois de février
1770 les remit dans l’état où elles étoient
en 1766. Voici fes motifs;
« Louis, 8cc., à tous préfens & à venir ,falut:
*> Pour établir une proportion entre le revenu de
» l’argent;8c les différens objets de commerce de
notre É ta t, nous avons , par notre édit du
3s mois de juin 1766 , fixé le denier des confti-
» tutions de rente au denier vingt-cinq du ca-
» pital ; nous devions nous attendre qu’une opé-
» ration auffi avantageufe pour nos fujets ne
»> gêneroit point la circulation des efpèces qui eft
3» nécefTaire entre les particuliers. Mais le publie 3
•s depuis ce temps 3 a préféré de garder fort argent 3
» plutôt que de le donner a un denier qui ne lui
30 paroijfoit pas ajfeç avantageux j en forte que ceux
30 dont les befoins étoient les plu§ preffans , ont
•» été forcés de vendre leurs effets à des prix
30 fort au deffous de leur valeur , ou à s’engager
•o à des ufures encore plus ruineufes.
» Et voulant lever toutes les difficultés qui
30 pourroient s’oppofer à la liberté du commerce
*> de l’argent dans notre royaume 3 8c en faciliter
as de plus en plus la circulation , nous nous fom-
oo mes déterminés à rétablir le denier de la confti-
3o tution fur le pied du denier vingt du capital ®
*> tel qu’il exiftoit avant notre édit du mois de
V juin 1766.
30 A ces caufes 3 8cc. 3 8cc.
Cinq années n’ étoient pas encore expirées ,
que Yintérêt de l’argent tomba naturellement à
quatre pour 'cent : e’ étoit l’effet de différentes
opérations d’un nouveau miniftre des finances 3
dont l’adminiftration commencée avec un nouveau
règne 3 étoit parvenue à rétablir la confiance
3c le créd it, en montrant un grand refped pour
les engagemens de l’État , & en ne faifant que
les promeffes qu'elle avoir véritablement le defir
d’acquitter. On voit par les lettres - patentes du
21 odobre 1775 3 que le clergé-fk avec facilité
un emprunt de feixe millions à quatre pour cent
pour rembourfer la même fomme qui lui avoit
précédemment été prêtée à cinq.
Les États de Bourgogne, ceux de Languedoc
& de Provence, a qui orr ojfroit également de
groffes fommes au même intérêt y furent auto-
xi fes aies recevoir par les lettres-patentes du 16
décembre 1775 > Par 1£S' arrêts des 19 février &
10 mars 17765; 8c ces provinces rembourrèrent des
capitaux dont elles payoient cinq pour cent.j
• Dès l’année fuivante, des circonftances politiques
ayant amené une guerre maritime, l’État
eut des befoins 5 il fit des emprunts, & 13intérêt
de l’argent remonta à cinq pour cent, où il eft
encore en 178y.
C ’eft ici le lieu de placer le chapitre X X I de
Traité de V Adminifl ration des Finances , concernant
Y intérêt de l ’argent.
I.e premier , qui par prudence ou par avarice,
voulut échanger une partie des productions de
fa terre ou de fon travail 3 contre une petite
augmentation future de revenu , donna l’idée de
ce qu’on appelle aujourd’hui 3 Y intérêt de l’argent
Ces tranfadions auroient pu précéder l’in—
trodudion même des monnoies 5 car le cultivateur
qui eut befoin de cent feptiers de bled pour
femer fon champ, dût les demander à celui qui
en avoit une quantité fuperflue 5 8c dans le nombre
des conventions auxquelles ces fervices mutuels
donnèrent naiffance , l’idée de payer une redevance
annuelle en échange des avances qu’on fol-
Ik ito it , fe préfenta naturellement. Cette manière
Ample de lier enfemble la convenance des prêteurs
, 8c celle des emprunteurs , a multiplié les
moyens de travail, & concouru fans doute efficacement
à cette activité générale, qui eft maintenant
répandue dans toutes les fociétés.
La mefure de Y intérêt de l’argent eft fondée fur
le rapport qui exifte entre la fomme des fonds
qu’on cherche à placer , & le nombre ou l’avantage
des .emplois 5 mais il y a au Ai une habitude
qui donne de la Habilité au taux généralement
adopté. La fomme des capitaux qu’on prête &
qu’on emprunte ; dépend & de la quantité, du
numéraire , 8c de la rapidité de la circulation.
Le nombre. 8c l’avantage des emplois, tiennent
à l’étendue & à la fécondité du foi , à la multiplicité
des établiffemens d’induftrie, à la diver-
fité des commerces, & à la grandeur de la dette
publique.
Les intérêts du commerce 8c ceux qui réfultent
du prix courant ries effets royaux , font les plus
fufceptibles de variation. Les engagemens des
négocians font tellement inftans 8c"' rigoureux ,
que les prêteurs peuvent profiter des momens de
rareté ou de pénurie, pour élever un peu Y i n térêt
ordinaire; & le prix des fonds du gouvernement,
dépendant de la mefure du crédit, les
variations dans h. confiance , doivent néceffaire-
ment en occafionner dans Y intérêt de ces fortes
de placement Les terres en J rance , quand le
propriétaire n’eft pas à portée d’ y donner des foins
affidus, ne rendent communément que deux 8c
demi pour cent,.. déduction faite des frais & des
impoutions les prêts hypothécaires entre particuliers,
font ftipulés à cinq pour cent; mais les
emprunteurs étant autorifés à retenir fur Y intérêt
dont ils font redevables , la même quotité de
vingtièmes impofée fur leurs immeubles, cet intérêt
fe trouve réduit au-deffous de quatre & demi
pour cent.
Le bas intérêt de l’argent, eft un des grands
moteurs de toutes les entreprifes utiles; c’ eft a
la faveur d’un pareil avantage , que les proprietaires
de terres ' trouvent des fecours à un prix
modéré, 8c peuvent fe livrer à de nouvelles cultures;
c'eft alors encore, que le négociant Se le
rnanufadurier fe contentent d’ un moindre bénéfice
, 8c luttent avec plus de fuccès contre 1 in-
duftrie étrangère.
Xes prêteurs , confidérés en général, ne font
que. des propriétaires inadifs ; les emprunteurs ,
au contraire , ont un b u t, un mouvement dont
la fo'ciété profite de quelque manière j ainfi le
gouvernement doit defirer, que dans les contef-
tations fur le prix de Y intérêt , l'avantage leur
appartienne : mais comme les rapports qui déterminent
ce prix font plus puiffans que l’autorité
même , les fouverains ne peuvent jamais efpérer
de le gouverner par des Ioix impérieufes. Cependant
il ne faut pas, en fe jettant dans un autre
extrême , oublier le voeu politique du gouver-
nernement, 8c abandonner abfolument le cours
de Y intérêt, au réfultat vacillant de toutes les
combinaifons particulières. Ainfi, c’eft une précaution
très-fage , que d’adopter un intérêt légal
, pour tous les contrats d’hypothèque , 8c pour
tous les ades publics : cette règle , qui contient
les écarts de la cupidité, ne nuit en aucune manière
à la circulation : car les bénéfices de la culture,
& ceux de toutes les entreprifes qui'ne font
pas uniques & privilégiées; ne pourroient fup-
porter la dépenfe d’ un intérêt au-deffus des ufages
ordinaires ; 8c ce n’ eft point aider l’ induftrie, que
de fâvorifer la licence dans les prétentions des
prêteurs."
Cependant, c’eft par des difpofitions générales,
que le fouverain peut fur-tout atteindre au but
qu’ il doit fe propofer. Et comme tous les grands
avantages d’adminiftration fe tiennent par des rapports
fenfibles , 8c qu’on ne peut travailler au
bien public dans une partie, fans féconder indirectement
toutes les autres , le gouvernement
contribue efficacement à la baiffe de Yintérêt de
l ’argent, par les mêmes foins 8c les mêmes attentions
qui accroiffent la profpérité du royaume :
ainfi , la protection accordée au commerce, les
traités politiques qui le favo.rifent, les encoura-
gemens procurés à l’induftrie, 8c toutes les dif-
pofîtions qui , en augmentant l’avantage national
dans les échanges , introduifent en France une
plus grande fomme d’or 8c d’argent, influent d’une
manière favorable fur le prix de Yintérêt.
Les principes de juftice concourent encore à
la même fin ; puifque c’eft en ajoutant à la fûrete
des prêteurs , qu’on les engage à fe contenter
d’une rétribution plus modérée : ainfi les loix qui
.affurent la Habilité des hypothèques ; celles qui
préviennent les chicanes 8c les faux fuyans de la
parç des débiteurs , font d’une importance infinie.
L ’efprit de judicature eft fouvent oppofe ,
fur ce point, à l'efprit d’adminiftration.^Le p1^-
mier ne v o it , dans les rapports des preteuis
des emprunteurs , que des queftions ifolees o£
femblables à toutes celles qui s’agitent devant les
tribunaux. L’efprit d’adminiftration , au contraire »
doit appercevoir le lien politique qui exifte entra
ces queftions, 8c cette adivité de circulation ,
dont l’influence eft fi grande fur le prix de 1 intérêt
'8c fur la profpérité du royaume. II faut donc
que le gouvernement prenne fa place, 8c remplme
les fondions qui lui appartiennent , en s’occupant
d’une légiflation qui fimplifie 1 adion des
créanciers hypothécaires , contre leurs debiteurs
inexads, 8c qui la rendent plus rapide & moins
difpendieufe. Quelques emprunteurs en fouffn-
ront ; mais la malle générale y gagnera; mais le
bien de l’É ta t, étroitement uni à cette communication
de fecours qui repofe fur la confiance^,
en recevra un accroiffement, dont on ne peut determiner
l’étendue.
On a dit fouvent , que l’adminifl-ration des
finances devoit voir avec plaifîr les difficultés qui
accompagnoieat les tranfadions entre particuliers,
puifqu’on étoit d’autant plus »engagé a diriger £ês
capitaux vers les emprunts du gouvernoment. C en:
là fûrement une petite vue : l’argent,qui ne fort
point du royaume , eft toujours ramene , par la
circulation , aux divers emplois qui font utiles
aux capitaliftes ; 8c fi la variété de ces emplois le
fait revenir un. peu plus lentement aux effets
royaux, i f féconde, dans fon cours, toutes les
entreprifes qui font la première fource des richeffes.
C e n’eft donc qu’en de certains momens que les
emprunts des particuliers peuvent rivalifer avec
ceux du gouvernement ; mais dans 1 etpace des
tems , les reffources de la finance s’acroiffent avec
les progrès de la fortune publique : ^ainfi, un
gouvernement qui feroit jaloux des prêts 8c des
emprunts fur les terres, 8c qui dans çet efprit
laifferoit fubfifter les entraves propres à dégoûter
de ces tranfadions , auroit peut-être une
politique femblable à celle qui détermineroit à
contrarier les travaux utiles, pour faciliter les en-
rôlemens, ou pour foudoyer des foldats a plus
bas prix.
Enfin , il eft encore une confidération à la portée
de tous les regards : la dette publique eft aujourd’hui
fi confîdérable, que les conditions auxquelles
ont peut placer fes capitaux dans les effets du
gouvernement, influent, d’une manière plus ou
moins direde , fur Yintérêt commun de l’argent.
Un écrivain plus verfé dans la fçience du droit
public , 8c dans celle des origines des gouver-
nemens , que dans les matières d’adminiftration ,
a publié une.critique de l’ouvrage dont nous venons
d’emprunter ces dernieres reflexions fur 1 in~
térêt de l’argent, en la donnant pour fervir dç
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