
mens qu’on porte fur la Comme des impôts établis
chez différentes nations ; car la quotité numéraire
de ces impôts étant la mefure des comparaifons ,
cette mefure celle d'être exaCte , du moment que
la valeur des chofes n’eft pas la même dans les
deux pays dont on fait le rapprochement.
C ’eft , enfin, félon l’étendue de la portion im-
pofée fur la claiTe la moins fortunée d’ une nation,
que le poids des tributs eft fur-tout aggravant j
ainfi les ménagemens qu’on apporte dans la distribution
des contributions , en modifient l ’eflfence,
& l’on voit qu’en Angleterre la fomme des taxes
auxquelles le peuple participe immédiatement, eft
infiniment moins confidérable qu’en France ; mais
les impôts particuliers aux citoyens aifés, ne font
pas aufîi faciles à établir qu’on le penfe, fe l ’Angleterre
eft fécondée * à cet égard , par la nature
de fon gouvernement.
Il fembleroit, au premier coup d’oe i l , que l ’énergie
de l’autorité , dans les pays monarchiques,
eft un moyen de plus pour augmenter les contributions
des riches , mais cette induction ne feroit
pas jufte j car les droits devant être infiniment di-
verfifiés pour atteindre à tous les objets de luxe
ou de grande aifance , le pouvoir le plus abfolu ,
fans le fecours de l’opinion , ne fauroit communiquer
aux agens du fife , la force néceflaire pour
lutter, dans chaque partie , contre les perfonnes
qui en impofent par leur état. La volonté du fou-
verain ne pouvant pas apparoître dans les détails
d’exécution , ce font alors les moeurs nationales
qui prédominent j & les inquifitiôns domeftiques ,
les exactions dures , ou feulement inciviles , éle-
veroient , félon les perfonnes , des réclamations
de tout genre. Il n’en eft pas de même dans les
pays ou l'homme du fife ne rappelle jamais que la
lo i , fe fe trouve appuyé par l’intérêt que chacun
prend à la chofe publique.
Un très-petit exemple en fo i, rendra cette pro-
pofition plus diftinéte. On a mis en Angleterre un
impôt fur les dés $ tous lçs furveillans imaginables
ne viendraient pas à bout de prévenir la fabrication
clandeftine , ou l’introquétion furtive d’un
objet de fi petit volume 5 cependant ççtte taxe ,
protégée par l’opinion publique, eft comptée parmi
les revenus réels > mais en France, où l‘impôt
eft un ennemi que tour-àtour l’on hait ou l’on
ridiculife , un droit de cette efpèce , ou tout autre
femblabie, ne feroit, pour le fife, qu’ un objet
de dépeafe.
Il faut encore obferver , qu’ en AngîeteVre l’on
ne connoît point toute cette partie aggravante de
l ’impôt, qui tient aux fixations ou aux interprétations
arbitraires 5 la connoiflfance univeifelle du
véritable fens des loix , effet inféparable de leur
difeuflion dans une a tremblée nationale , circonf-
crit les pouvoirs de tous les agens du fife dans
des limites pofitives , & dont ils n’ oferoient jamais
s’écarter.
Enfin , une circonftance adoucit encore , en
Angleterre l’effet des impôts ; c’eft que le prix
du travail n’eft pas autant, qu’en France , à la
diferetion des riches : la nature du gouvernement,
les égards dûs au peuple dans un pays où la constitution
lui donne des droits , les contributions
établies fous le nom de taxe des pauvres , pour
mettre chaque paroifle en état de fubvenir à la
ftagnation du travail & aux momens de néceflité ;
toutes ces circonftances donnent aux ouvriers une
force de réfiftance , qui maintient le cours des fa-
laires dans une jufte proportion, avec le prix de la
fubfiftance à laquelle le peuple Anglois eft accoutumé.
Ainfi , dans un pareil royaume , les riches fe
les gens aifés doivent principalement reffentir les
effets des impôts ; mais ils y ont auffi des confola-
tions particulières , & qui ne font point connues
dans les pays fournis à l’ autorité d’un feul. Les
idées d injuftice & d’oppreffion s’ unifient aifé-
ment à 1 étendue des impôts, toutes les fois que le
rapport des contributions avec les juftes befoins
de 1 Etat, eft abfblument ignoré. Mais une nation
qui examine elle-même , ou par fes repréfentans ,
la nature des dépenfe publiques, qui en difeute
1 utilité, & qui_, au moment où il eft queftion d’y
fatisfaire , fait librement le choix des moyens les
moins onéreux , une telle nation femble difpofer
de la fortune publique, comme un particulier fait
ufage de la fienne propre , ou du moins les idées
d ufurpation & d’abus de pouvoir, s'affoibliflent
fenfiblement.
Il n’en eft pas de même, on ne peut le difiimn-
ler , dans les pays où la nation ne participe d’aucune
manière aux délibérations qui l’intérelfent,
& où la connoiflance même lui en eft interdite;
fe il y 3 une fi grande différence entre les facri-
fices qui font exigés par la feule volonté d’ un
monarque, & ceux qu’une nation s’impofe à elle-
même pour des objets communs dont elle eft juge,
que c’eft une faute de la langue, d’exprimer par le
même mot deux difpofitions fi différentes , fe,
d’obliger 3 mettre en parallèle ce qui ne feTeffem-
ble point.
Cependant, après avoir tracé rapidement les
obfervarions qui peuvent aider à juger fainement
de l’étendue des impôts chez diverfes nations , je
ne dirai pas moins que ceux de l’Angleterre font
maintenant parvenus à un point excefïif ; que le
commerce & les manufactures de ce royaume doivent
en fouffrir ; que beaucoup de propriétaires
de richeffes mobiliaires, feront peut-être combattus
entre l’amour de leur pays & le defir de 1«
procurer de plus grandes joiii flan ces , en dépens
Tant ailleurs leur fortune ; qu’enfin de grands revers
pourront être l'effet de l'exagération des chatges
publiques. Mais les impôts de l’Angleterre fuf-
fent-ils plus onéreux encore , ce fpeétacle devroit
il rendre indifférent à l'étendue des impôts de la
France ? Eft-ce par leurs-défauts ou par leurs malheurs
que les Etats doivent fe comparer , ou chercher
à s’imiter ? C e feroit une fingulière manière
de juftifîer tous les défordres , que d’oppofer fé-
parément chaque partie d’une vafte adminiftration,
à quelque autre plus vicieufe qu’on découvriroit
ailleurs. Ainfi les impôts ruineux d’un pays, dé-
tourneroient l’attention de l’excès des tributs dans
une autre contrée ; ainfi les vexations des Bachas
aideroient à fe calmer fur l’arbitraire de la taille
ou des corvées > ainfi la vente des noirs rendroit
indifférent à l’efclavage de la main-morte ; ainfi,
peut-être encore , les muets de Conftantinople
confoleroient des autres abus de l’autorité , les
autodafés deLifbonne des aCtes moins' rigoureux
d’intolérance , & le fcalpel des Iroquois, de tou-
les horreurs de la guerre.
Certes , de tels raifonnemens rendroient l’ad-
miniftration bien facile, & il ne faudroit pas une
grande érudition pour fe trouver content de foi-
même > & pour devenir indifférent à tous les projets
d’amélioration. Mais ce n’eft point ainfi qu’on
doit mefurer les devoirs des gouvernemens } il
faut bien plutôt chercher ce qui eft le mieux partout
, & s’ efforcer d ’en approcher. A lo rs , chez
les Anglois, ce ne feroit ni leurs impôts exceflifs,
s i leurs paris , ni leurs jachets, que l’on voudroit
imiter ; alors on y remarqueroit plutôt , & ces
inftitutions tutélaires qui affurent, au plus haut
degré, la liberté civile , & cette main fecourable
que la loi tend aux accufés, & ce crédit immenfe
qui Le foutient au milieu des plus grandes agitations
, & cette réunion d’efforts dans l’adverfité,
& ce patriotifme fans chimère & fans illufion , &
cette influence de la nation fur ceux qui gouvernent
, & ce refpedt qu’on eft forcé d’avoir pour
e lle , & tant d’autres effets encore d’une conftitu-
tion q ui, prefque feule dans l’univers , conferve à
l’homme ifolé fa force & fa dignité, & à la fociété
fa puiflance.
Ailleurs auffi, & dans tous les pays, on trou-
veroit des loix de fagefîe ou d’humanité , qu’il fe-
roit utile & glorieux d’imiter 5 & la France, fans
doute , offrirait de grands exemples en plufieurs
genres. Voila les fujets de corn parai fon que les
hommes d’Etat devraient étudier 5 voilà la noble
émulation qui devroit exifter entre les différens
peuples de la terre , & entre les fouveràins qui
font chargés de fi grands intérêts. Ah ! quelle que
foit 1 ardeur , quelle que foit la confiance qu’on
apporte aux- travaux de l’adminiftràcion , on fera
toujours loin de la perfection à laquelle on voudroit
atteindre , a fiez d’obftacles naturels fe présentent
dans cette pénible carrière , fans qu’on
doive encore saffoiblir par imitation , s’exeufer
par des exemples , ou fe rendre indifférent par
fyftême. Heureufement que la r-aifon triomphe de
toutes les erreurs de l’imagination $ heureufement
que l’opinion publique a fon autorité : c’eft elle,
c’eft la voix des nations qui enfeigne hautement
les devoirs des rois j & tandis que l’hiftoire relève
les faits héroïques des guerriers, & l’art des grands
politiques, les larmes des peuples ne vont arrofer
que la cendre des princes qui ont été ménagers
de la fortune publique, inquiets des facrifices de
leurs fujets, tardifs, même dans le malheur, à en
exiger de nouveaux , & dont la renommée, enfin ,
a confacré les vertus bienfaifantes- L ’amour & les
bénédi&ions de la poftérité ne s’attachent qu’à
leur mémoire , & le tems inferit lentement fur
leur tombe , le jugement immuable de tous les
pays & de tous les fiècles.
Le même écrivain, avant d’être devenu homme
d’Etat, a donné fur les impôts des ôbfervatioris
qui ne font pas moins intéreflantes, que les réflexions
' qu’on vient de lire. Il a en même tems
examiné la queftion de favoir, quels font les effets
des impôts fur les productions & fur les çonfom-
mations , & quel eft le genre de ces deux impôts
qui mérite la préférence.
C e morceau ne peut qu’être précieux, & par
le nom de l ’auteur , & par fon rapport avec le
Dictionnaire des Finances. Notes fur Céloge de
Colbert, couronné à l’Académie Françoife en
l 7 7 ô-
L’impôt eft la contribution des citoyens aux
befoins de la fociété. Cette contribution peut avoir
lieu en travail , ou en fubfiftances | ou en d’autres
richefles, ou en argent enfin qui les repréfente
toutes.
La nature des impôts & les dépenfes qui les
occafionnent, ont une grande influence fur le
travail & par conféquent fur les richefles nationales
dont il eft la fource.
Si le fouverain ufe de fa force pour prélever
une grande fomme de fubfiftances ou d’autres
biens repréfentés par l’argent , & qu’ il les applique
à nourrir des hommes oififs ou dévoués à
un fervice inutile, il contrarie les propriétaires
& les hommes induftrieux dans leurs joui flan ces ,
& il diminue la quantité du travail produ&if,
parce que ces fubfiftances ou cet argent, que les
propriétaires payent au fouverain pour les impôts,
auroient été'appliqués par eux en partie à un
travail qui eût accru les richefles nationales.
Enfin fi les impôts qui font établis pour fatis-
faire aux dépenfes' publiques , obligent par leur
complication à entretenir une grande quantité
d hommes employés uniquement à les percevoir,
la fomme du travail utile eft encore diminuée.
La détermination de Y impôt par la loi fe jamais