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leurs operations de détail, par les prépoféi du
p rin ce, peuvent-ils faire ombrage à l'autorité
royale ? '
, , Ils, l o g e n t , -dit-on, le, droit de confontir.
J ai déjà dit que je ne difcutois point les droits:
mais le prince peut-il, voudroit-il penfer que c'ell
par force que tous fes fujets, foit qu'ils faifent
corps , foitqu ils foient féparés , contribuent aux
befoins de 1 Etat? le confentement n'ell il pas toujours
fuppofe de fait ? ne l'eft-il pas même de
c r o i t , puifqu on publie des édits, qu'on les envoie
aux différentes cours fouveraines , qu'on les
renouvelle a chaque répartition ? -Une lettre de cachet
fuffirort au prépofé d u r c i , fi l'on ne fuppo-
f e i t , comme de droit, que les fujets appuient de
ieur volonté, 1 execution de celle du maître &•
favent qu'lis paient des impôts & non des contri-
butions.
Mais , dira-t-on , toutes ces formalités font de
pures ceremonies. Et qu'eft-ce en-effet que le consentement
des E ta u ? Ils s'affemblent, ils accor-
C ent, ils remercient , & touteft fait. Mais quand
meme ils ferment des repréfentâtions, eft-ce donc
un fi grand mal pour le prince, que fes fujets puif-
lent quelquefois lui parler des maux qu'ils fouffrent
eu qu ils craignent?
Les reprefentations , ajoute-t-on , poiirroicnt
devenir révolté dans des tems foibles. Sur cela
je pourrons en appeller à l'exemple ; mais prenons
la voie du raifonnement. Que peut craindre réellement
la royauté en France ? Après fon propre
poids & fa pmuance trop abfolue, c'ell: affuré-
ment comme dan? tout autre état, l'ambition des
grands & leur trop grande élévation.
La monarchie.d'abord réunie fous Clovis , fut
partagée dans fes defcendans ; réunie encore fous
elle fe vit démembrée par Jes pré-
pofes du prince , devenus héréditaires pendant Ja
ioiblefle des régnés poftérieurs. De nos jours enfin
, quand elle fut menacée des mêmes malheurs
par la ligue, le leurre du démembrement & de
1 indépendance fut le motif principal de l'engagement
des plus puiffans de cette fadion. Or fi on
avoit a faire reuflîr une pareille chimère lequel
des deux théâtres préféreroit-on ? ou une province
erganifee dans fon adminiflration de façon que
tous les principaux habitans-y ont part & fe
fervent néanmoins de barrières les uns aux autres
ou tout fe réglé par une. forme reçue de tems immémorial,
& fous la proreélion d'un grand prince :
ou tout enfin ne peut perdre que de fon luttre à
voir 1 autorité fouveraïne fé rapprocher : ou bien
une province qui n'a d'exiftence, de territoire &
“ e,.°n t ie r e que par le. nom' j où l’adminiftration
arbitraire de prepofes, toujours nouveaux &c igno-*
rans des ufages, engourdit le coeur à tous les ha-
bitans j ou tout paraît fo r c é , où riçn ne fe son-
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n oît, ne fe fent j où perfonue n’a droit de fe mêler
jamais d affaires.
Il arrive un gouverneur puiflant, un feigneu'r
chéri dans de grandes terres : il ne lui faut, dans
desseins d anarchie, que deux chofes pour être le
maître ; chaffer 1 intendant & arrêter les deniers;
s il y joint un trait de politique, un bienfait moins
attendu ; s il propofe aux notables du peuple de
former des. états, de s'alfembler & de régler tout
par députés, tout.y courra; le voilà reconnu &
appuyé fur le plus ferme dès fondèmens, fur la
furete & 1 avantage public.
Dans un pays d Etats, au contraire, cette afiem-
blee accoutumée à ne dépendre que d'un très-grand
prince, n en voudra pas aflurément accepter un
petit & qui lui eft étranger ; parmi les.membres ,
la jalonne ne permettra jamais que l’égal devienne
le maître. p
Quant au gouvernement républicain, je l'ai dit '
ce n elt. pas.ce que la monarchie Françoife aura
jamais a craindre ; & quant aux frétions fourdes
elles peuvent naître par-tout; mais leur plus'foré
antidote eft une affemblee authentique formée par
la protection & le pouvoir du fouverain, éclairée
par fes prepofés , qui ne peut réfufèr de fè fé-
parer a. imitant où il Torcîonne.
Mais, dit-on, 1 autorité de ces mêmes pré-
pofes eft extrêmement bornée dans ces pays-là 1
C e f f « i que j'en appelle à l'exemple, & que
je demande fi les places de commandans & d'in-
tendans. font moins belles dans les provinces d'états
que dans les. autres ? Ces derniers y font peut-
etre moins redoutés ; mais eft-ce une prétention
qui leur convienne? convient elle même à per-
ionne , fous des princes d’une race dont la bonté
tait le, principal caraétère?
Cette province* au contraire , . organifée de la
forte, eft prête à faire les efforts les plus grands
ex les plus fubits , a rendre Jes fervices les plus
împortans : des exemples, en font foi j & dans les
cas ou le fouverain auroit lieu de fé plaindre , des
notables défîgnés lui répondent de fobéi/Tance de
la province j au lieu qu ailleurs , des mal intentionnés
peuvent barrer bjen des opérations , fans
pouvoir etre pris à partie, s’ ils fe conduifent avec
cjuelque prudence. „
Si d’ailleurs l’habileté du confeîl eft un tréfor
pour le prince, fi le noiijbre d’hommes propres
au gouvernement eft unéSirichefie pour l’état
qu,eft-ce qui peut mieux leur fervir d’école que
ce gouvernement municipal , auquel les principaux
membres des Etats font employés ? On en '
vit de tout tems des exemples : les cardinaux de
Janfon & de Bonzy avouoient s’être formés en
1 rovence & en Languedoc 5 il s’en forme tous
les jours qui feroient propres à être employés
dans Jes les plus (lelicates, & 4ont au moins
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îë« talens ne font pas totalement enfouis s pour la
Société comme ils font ailleurs.
Les bornes que je me fuis preferites ne me permettent
pas d’étendre davantage les détails des
raifons que je viens d’alléguer : c ’en eft ici l’objet
en gros. Paflons au fécond des points que je-me
fuis propofés.
Utilité des états provinciaux relativement
aux financés. '
J’ai déjà dit qu’il falloit que toute impofîtion
f û t , ou don gratuit, ou contributions forcées
telles que les huftards & les croates en fa vent tirer
des malheureufes provinces qui deviennent,
leur proie. Cela p ofé, non feulement ce terme ,
mais la» chofe même ne fera plus fufpeéte au
jprince. Les provinces mettent fous les y eu x ’du
fouverain leurs fonds & leur produits les notables
du pays en corps, rendent les importions foli-
daires, & en répondent à la cai.fîe par leur figna-
ture.; Que' le tréforier fafte banqueroute ou de
'grands profits, ce n’eft point aux dépens dû r o i}
il faut que la fomme foit complette , fixe & -franche
de tous frais & de toute non-valeur : chacun
fait combien la Amplification dans, le maniement
des finances eft un fonds immenfe de richelfes
& d’économie. Je. fuppofe que le royaume fût
divifé en douze grands pays à!Etats, à certains
défquels on fubôrdonneroit d’autres petits , comme
le Gévaudan , îe Velay, les Cévenes , le Viyarais
.le font au Languedoc : quel retranchement de
'frais dès-lors dans la perception de cette portion
de deniers du roi qu’on tire des fonds , des terfes
& autres qui font «compris dans les abonnemens
.des grands pays i ï Etats? Quelle promptitude dans
;le fervice , quelle folidité dans la répartition !
les grêlés , .lés ravagés , îa mortalité des béftiaux ,
■ & autres accidens de certains cantons particuliers
■ deviennent le fait des États 9 & le tréfor royal a
toujours fon revenu fixe 3 que les douze tréfotiers
doivent y vêrfer.
Mais les avantages économiques ne font rien
en comparaifon du.crédit : que dans un cas prèf-
fant le toi emprunte huit millions à chacun des
pays d Ærirx , ils les trouveront aifément fi leur
adminiftratrpn refte' entière & refpe&ée. Voilà
tout-à-coup' eent millions. Quand le prince etn-
prunté des financiers , dont le crédit ne va pas à
Ja dixième partie de cela , il donne foiivent dix
pour cent d’intérêt 5 il n’en d'onneroit que cinq
'aux Etats. ; *
Le Languedoc doit cinquante millions tant aux
Anglois qu’aux Suilfes 3 aux Génois & aux V é nitiens.
Qu’011 fupprime les Etats, & que l’intendant
,oc tous fes ; élu s offrent folidairement leur crédit}
s ils trouvent cinquante inille écus 3 c’eft un fer-
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vide fignalé y cependant cet argent étranger , qui
ne coûte d’intérêt j qu’au taux reçu dans l’état-, 2
peut-être fauve des provinces entières 5 & ne dut-
il être employé qu’au commerce courant 3 il por-
teroit toujours un profit confidérable.
Quand l’intérêt fera trop onéreux} quand on
voudra libérer la province , les deniers que le
prince décidera devoir ÿ"être employés, iront
effèélivemênt à leur déftination > l’adminiftration
toujours fubfiftante , toujours éclairée dans fa conduite
, ne pourra fe difpenfer de remplir l’objet
preferit} les dettes diminueront , les reftources
► croîtront. Qui peut aftîirer qu’il en foit de même
ailleurs ? Sans doute ceux qui voient de près le
miniftre des finances, connoiffent toute fa probité
& fon infatigable vigilance } mais les autres
craignent qu’il ne foit d’autant plus barré
dans fes defteins , qu’ils vont plus dans la droiture
& l’équité , & fe croient tout au moins
fondés à renvoyer au principe du cardinal de Richelieu
, qui connoiffoit le gouvernement, & qui
dit qu’en France , toute opération dont l’exécu-
curfon peut demander dix ans, ne doit point être
entreprife , quelqu’avantageufe qu’elle paroifle ,
attendu que les chofes & Jes efprits ne peuvent y
avoir une telle permanence. C e génie éclairé, Sç
formé par la plus forte expérience, penfoit ainfî
du gouvernement, qui , dépendant de la volonté
du prince, relatif aux affaires étrangères , & fujets
à des changemens de confeil & de miniftres, & à
des vues particulières ,' ne peut fe promettre une
fuite confiante de defteins & d’opérations.
Or , cés variations ifont. de prife fur Fad-
miniftration municipale des États, qu’autant que
le prince , qui'ên eft le premier moteur-, peut accélérer
ou rallentir les arrangemens: Je m’explique.
Le roi peut remettre , par. e.xe.mple , cinq
cens mille livrés, par an, fur le don gratuit du Languedoc
, pour être employées à des rémbourfe-
mens; il peut ordonner la levée extraordinaire de
pareille Comme ; chaque année là province fe libérera
d’autant avec exaêlitude } les béfoins de l ’état
venant à augmenter , on furfeoit les rembour-
femens , fauf à les reprendre dans d’autres tems.
La^ caifîe d’amortiffement eft fermée } point de
frais de levée, point de nouveaux impôts.
En fuppqfant nos douze pays à3Etats qui fe libèrent
de cinq cens mille livres' chacun , voilà fîx
millioBs’ dont l’Etat eft réellement libéré la première
année ; fîx milh’ons qui pôrtoiënt intérêt,
lequel ajouté, la Comme fait bientôt la boule do
neige. Au contraire, une caifle générale d’amor-
tiffèmens fera d’abord obligée à rembourfer un tas
tmmenfè de dettes mortes, des reftes de cornpto
des traitans , *& d’autres dettes qu’on ne peut an-
nuller, fans manquer à la foi des traités, & s’ex-
pofer à n’en trouver que de bien plus onéreux
dans le befoin. Le miniftre peut changer, la crife
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