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merce de la province, qu’on puifie faire valoir
comme une partie de fon commerce ajÉif', lorf-
qu’il eft queftion d'eftimer les effets du tarif.
Que le tarif s'établiflë en Lorraine , ou non ,
cette partie du commerce aélif ne peut être fu-
jette à aucun changement > on ne voit donc pas
à quel propos fauteur des lettres fait ici mention
de notre commerce de iel avec la Suiffe i ni
quelle conféquence il prétend tirer defes observations
fur cela, contre le projet du tarif.
Quant aux marchandifès que nous recevons des
‘Suifl'es , on a vu que fauteur des lettres d it , comme
en pafiant, que nous tirons d'eux des toiles
peintes & blanches , quelques rubans & quelques
merceries. Voilà un expofë bien modefte ; mais
il faut favoir que ces toiles 3 ces rubans & ces
merceries , font des objets de la plus grande importance,
dont l'importation eft infiniment fu-
nefte à la Lorraine 3 & qui font bien plus con-
fidérables que fauteur des lettres ne le prétend.
Ces objets de commerce font la rubannerie
en foie , fleuret & fil j des mouchoirs de foie de
toutes qualités; des fiamoifes trois quarts3 cinq
quarts j toiles à carreaux , toiles de coton 3 de
coton & fil , de coton, brodé , de coton & foie
brochées ; des étoffes de foie unies 3 façon de gros
Tours 5 étoffes damaffées, étoffes de coton &
fo ie , filofelle & foie3 & c. des quincailleries-de
toutes efpèces ; des bonneteries de toutes qualités
, en fo ie , laines peignées & cardées. Voilà
l ’objet du commerce de nos marchands avec la
Suiffe , qui s'augmente tous les jours , & qui fa-
vorife chez nos rivaux , f établiffement d'une infinité
de fabriques, tandis qu'il eft un obftacle
continuel à la profpérité & à la multiplication
des nôtres.
Il eft bien à fouhaiter , pour les interets de la
province , que Je tarif propofé vienne retrancher
les trois quarts & demi de ce ruineux commerce 5
on conferveroit dans le pays des millions que nous .
allons porter aux Suiffes pour des marchandifès
que tout nous invite à fabriquer chez nous , dont
la fabrication nourriroit & entretiendrait des milliers
de familles.
Tous les détails qu'on vient de voir, font très-
direftement relatifs à la queftion que nous trai- .
ton s , & nous fourniflent contre fauteur des lettres
, l'argument fuiyant, qui fuffit pour nous raf-
furer fur les fuites du tarif par rapport à notre
commerce avec l’étranger. Le commerce qu'il eft
le plus important de conferver à la province , eft
fans doute fon commerce aétif, & non un commerce
interlope.
Si le commerce légitime avoit profpéré, on ‘
ferait peut-être autorifé à craindre que le changement
qu'on veut introduire, ne fût funefte à la
Province 5 mais il eft manifefte que la Lorraine 1
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n a que fort peu de commerce aétif, &-qüe foft
commerce paflit eft au contraire infiniment considérable.
Que craint-011 donc du tarif? Ne doit-
on pas efperer au contraire , qu'il procurera à
a la 1 rovince là diminution du commerce paffif,
& 1 augmentation du commerce adrif, la vraie
fource de la richefle & de la force d’un pays.
Nous ne pouvons pas nous difpenfer à ce fu-
jet de relever les contra dînions de £ auteur des lettres
avec lui-même , lorfqu'il parle de l'état du
commerce de \z. Lorraine 3 il en fait deux tableaux
abfolument différens l’un de l'autre.
Lorfqu il veut rendre le tarif odieux 3 & prou*
ver que la Lorraine ne peut pas fe paffer de mar-
chandifes étrangères , il d i t , qu'à Yafpeftdu tarifa
OU' verra difparoître des familles ckajfées par le bt-
foin , 6? qui iront chercher che£ C étranger une fubfifi
tance qu elles ne trouveront plus dans leur patrie 3
lettre IV. Que la pauvreté de la Lorraine ne permet
pas à fes habitans de fe vêtir d'autres étoffes
que de toiles peintes & d'étoffes étrangères, &ci>
dont l'ufage s'accorde mieux, dit-il, avec leur
médiocrité & l’état de leur bourfe.
P un autre cô té , lorfqu’on lui oppofe que le
tarif eft neceffaire en Lorraine pour y favorifer les
progrès de 1 induftrie, qui y eft languiflante, pour
y élever des manufactures, & c . le même écrivain
prétend que le commerce de la Lorraine n'a pas
befoin de ces reffources ; que notre induftrie.a'réar-
lifé le fameux projet de Lucius Férus , de joindre
les deux mers par un canal, entre la Saône <â* la
Mofelle ; que depuis quarante ans i l s'eft établi
dans les deux duchés , un nombre confdétable de
negocians habiles , qui connoijfent avec préci(ion les
lieux ou croijfent & oh fe fabriquent les denrées C?
marchandifès néceffaires a tout genre de confomma-
tion, & qui ont des correfpondances dire fies avet
toutes les plices de l'Europe ; que nos compatriotes
font pafler en Allemagne & en Hollande des
marchandifès de toute efpèce en un mot, que
la Lorraine a un commerce floriffant & plus
floriffant que celui des provinces de France aflu-
jetries au tarif ; cette contradiction f i marquée régne
dans tout, fon ouvrage. Il s'en eft fans doute ap-
perçu ; mais il a cru que fes leéteurs ne s'en ap-
percevroient pas , & il s'eft trompé : de ces deux
tableaux fi différens, le premier eft le feul vrai.
Le commerce aétif de la Lorraine eft dans un état
languiffant, & a befoin d’être ranimé par toutes
fortes de moyens 5 mais fuppofops qu'il eft aufli
confidérable que le prétend l’auteur des lettres ,
& examinons les raifpns fur lefquelles cet écrivain
s'appuie , pour avancer que fa deftrudtion entière
fera l'effet de f établiffement du tarif.
Les étrangers , dit il-, ne recevront plus rien de
nous, fi leurs marchandifès manufacturées font
taxées à l’entrée de la province j ils fe vengeront
de ce que nous auront impofé les leurs 9 en impos
Tant les nôtres , ou même en les prohibant abfolument.
1* . Les différens peuples qui reçoivent les productions
de notre fo l , ou de notre induftrie > les
reçoivent, ou parce qu’ elles font néceffaires à
leur confommation, ou parce qu'elles leur font
utiles pour un commerce qu'ils Font avec un pays’
plus éloigné de nous qu’ils-ne le font eux - mêmes
; ou paçce q u e , fans être ni néceffaires, ni
Amplement utiles , elles leur font agréables. Dans
tous ces cas, la mauvaife humeur , quelque forte
qu'on la fuppofe, ne fera jamais capable de. les
déterminer à fe paffer de nos denrées & de nos
marchandifès : ufi motif aufli puérile ne les engagera
pas à fe paffer de ce qui leur eft neceffaire ,
ou à fe priver de ce qui leur fournit la matière
d'un commerce lucratif, ou de ce qui leur eft Amplement
agréable. Penfer différemment, ce ferait
mal connoître les hommes.
Nous remarquerons à ce fujet, qu’il ne tient
pas à cet écrivain , que les princes voifins ne s'arment
en effet contre le tar if, & ne fe vengent
du miniftère françois, en interdifant à leurs fu-
jets tout commerce avec nous ; c'eft pour cela
qu’il exagère le tort que fera le tarif aux pays
étrangers qui nous avoifînent. Il v a , Tonnant le
toefîn , dans le cabinet de ces princes 5 il les
rappelle aux traités faits entr'eux & les ducs de
Lorraine & de Bar 5 il les fait foiwenir qu'ils ont
aufli le droit de proferire les marchandifès de
France ; il regrette que leurs oppofitions ne fe faf-
fent pas fentir.: en un m ot, tout fon ouvrage ref-
pire par-tout la pajjfion , & un projet formé de ren-
tdre odieufe une des démarches du minifiére les plus
Juges, les plus conformes au bien du commerce 3 6* les
plus ardemment'fouhaitées par tous les bons citoyens,
Mais il fuffit encore ic i , comme fur beaucoup
d’ autres affertions de Y auteur des lettres , de top-
pofer lui-même a lui-même. On vient de voir que ,
félon cet écrivain, l’établiffement du tarif eft tout-
à-fait injufte, par rapport aux nations étrangères 5
que les Allemands , les Suiffes, les Hollandois ,
ne manqueront pas de réclamer & de fermer pour
repréfailles, l'entrée de leurs pays à toutes les
marchandifès de France & de Lorraine. Toutes
ces déclamations fe trouvent dans la feptième lettre,
pag. 175 , 176 & 184. O r , dans la même lettre
le même auteur prétend que les princes voifins ne
feront pas fâchés de l’établiflement du tarif. Que !
depuis l'édit des cuirs , qui a ajfimilé la prévôté de
Sarlouis a la France , quant a cette partie , les A llemands
, nos voifins , font devenus les tanneurs &
les cordonniers de toute la prévôté y que les marchands
de Deux-Ponts & des villes étrangères qui
bordent la Sarre , fe félicitent d'avance de l'établi fi
■ fement du tarif, & fe flattent que leur commerce va
devenir infiniment plus florijfant, &c. Comment
l ’auteur des lettres a-t-il pû fe permettre des coït-
traditions fi groflières ?
Si les princes Allemands ont tant d’avantage
a efperer de l'étabiiflement .du tarif en Lorraine,
ils ne chercheront donc pas à fe venger de la
France j en fermant l’entrée de leurs états aux
denrées & aux marchandifès. des deux duchés ;
ou . s ils ont à fe venger s l’établilFement du tarif
ne leur aura donc pas été avantageux . au préjudice
de la France & de la Lorraine.
Ajoutons une réflexion, qui fera fentir la foi-
r blefîe de cette objetion de l’âuteur des lettres. A
l’entendre, les habitans de Francfort ne voudront
plus prendre nos d e n r é e s f i on impofe un droit
à l'entrée en France fur les marchandifès que nous
achetons aux foires de Francfort. Pour détruire
■ ce raifonnement, il fuffit de remarquer que les
foires de Francfort font formées principalement
par le concours des marchands Suiffes, qui y portent
leurs mouffelines, leurs indiennes , leurs toiles
blanches ; des Saxons , des Brandebourgeois ,
des Bohémiens , qui y conduifent des étoffes de
différentes efpèces & de quantité d’autres peuples
d’Allemagne encore plus éloignés de nous.
Dire donc , avec l'auteur des lettres, que les
habitans de Francfort ne tireront plus nos mar-
chandifes & nos denrées, parce que les mar-
chandifes achetées a leurs foires , feront fujetees
a des droits d’entrée en Lorraine, c’eft prétendre
qu’ils prendront parti pour les Suiffes , les
Saxons, les Bohémiens, les Pruifiens ce cui eft
abfurde.
Enfin, comme les habitans de Francfort achètent
nos denrées, non pas pour nous obliger,
mais bien pour les revendre aux peuples de l’Allemagne,
& que ce tarif n’empêchera pas que ce
commerce ne continue de leur être avantageux
ils le continueront.
Mais ce n’ eft qu’à, la faveur des contre-voitu-
.res, dit l ’auteur des lettres, que les habitans de
Francfort nous enlèvent nos denrées ; ainfi , s’ils
ceffent d’apporter leurs marchandifès en Lor~
raine, ils cefferont d’en enlever les produâions.
C e t auteur fait beaucoup valoir cet argument
qu’il applique aufli à notre commerce avec la
Suiffe.
Nous répondrons j i° . la plus grande partie du
commerce a flif que nous avons avec Francfort
fe fait dans les tems des foires : o r , pour les exportations
que nous faifons aux deux foires de
Francfort, nous ne nous fervons pas de contre-
voitures. Tel eft en particulier notre commerce
de (dentelles deMirecourt, ( q u i , félon le calcul
même de l’auteur, forme l'article le plus confidérable
de notre exportation); nos marchands les
portent eux-mêmes à la foire , pour les vendre
aux commerçans de différentes nations qui y ab®r