
l'établiflement du ta r if, les plaintes & les déclamations
de l'auteur feroient encore injuftes.
3°. Enfin , que ce commerce , perdu pour la
Lorraine , peut être remplacé par d'autres commerces
plus avantageux pour la province.
ï . La Lorraine a déjà perdu une partie du
commerce interlope , auquel Y auteur des Lettres
cjl f i attaché, & cela par des caufes abfolument dif-
tinguees de Vétabli(fement du tarif. L'objet principal
de ce commerce étoit » comme on fait , le
verfement des toiles peintes ep France. L'ufage de
ces marchandifes étant défendu dans le royaume
& libre en Lorraine , cette province fervoit d'entrepôt
a toutes celles qu'on introduifoit en France
en contrebande.
Nous convenons avec l'auteur, que ce commerce
a été fort lucratif pour plufieurs de nos marchands.
En 1759 ■> Ie miniftère de France déterminé pa,r
plufieurs motifs très-fages , comme le defir d'établir
des manufactures de toiles peintes, l'impoflî-
bilité d'empêcher la contrebande qui fe faifoit' des
toiles étrangères , &e. a permis la fabrication des
toiles peintes, & même l'entrée des toiles étrangères
, fous un certain droit. Depuis cette époque
il s’eit élevé dans le royaume plufieurs ma-
nufaCtures de toiles ; d'autres , qui étoient établies
depuis peu , comme celle d’Orange, en Provence
, font devenues beaucoup plus floriflantes ,
& la partie , des toiles peintes étrangères qui fe
confomment encore en France , s'achète en droiture
des étrangers , par les marchands François.
La diminution de ce commerce en Lorraine u été
une fuite néceflaire du changement arrivé en France
à cet égard. L ’auteur des lettres fera-t-il aufli
un crime au gouvernement François , d'avoir fait
perdre à nos marchands , le commerce des toiles
peintes en France, en levant la prohibition ? La
perte de ce commerce eft abfolument indépendante
du tarif projetté : que ce tarif ait lieu ou
non , la Lorraine fe trouvera toujours .dans la
meme fituation ou elle eft aujourd'hui, par rapport
à cette contrebande.
z ° . Quand même l'établiflement du tarif feroit
perdre à la Lorraine le commerce d'entrepôt des
marchandifes de contrebande pour la France les
plaintes que l'auteur des lettres fait à ce fftjet, feroient
injuftes : c'eft la deuxième propofitiori que
nous avons à prouver.
La Lorraine fait éventuellement partie du royau-~
me de France : cette province ne peut pas être regardée
aujourd'hui de la mêmp manière qu'avant
le traité de Vienne. Antérieurement à cette époque
, elle étoit, par rapport à la France, province
véritablement étrangère ; les intérêts des deux
Etats étoient abfolument féparcs b & quelquefois
oppofés. Que les habitans des deux duchés fiftent
alors un commerce dé contrebande en France ,
qu’ils attaquaient les. manufactures françoifes par I
des importations défendues par les îoix dé C5
royaume, qu ils cherchaient à y verfer des mar-
cnanciil.es prohibées, rien de pîus.fimple : c'eft là
un état de. guerre innocente entre toutes les na-
tions concurrentes & rivales.
y -Aujourd hui , nous ne formons plus avec -les
rrançois qu un même peuple & une même nation:
cet état de guerre ne peut plus fubfifter ; nos inté-
rets deviennent communs , & les principes d'ad-
nirmrtration doivent être les mêmes.
3 . Enfin , on a vu dans tout le cours de ce
mémoire , les preuves de ce que nous avançons',
qu un commerce avantageux réparera , pour la
Lorraine la perte de ce commerce, que {‘ auteur
des lettres regrette f i fort ; nous ne nous arrêterons
pas davantage fur ce fujec.
.. .... « U rcue p v „ aspunurc , a ce que
ait i auteur des lettres , que des vues d'intérêt per-
Jonnel ont guidé Us personnes qui ont propofé l ’éta-
oltjjement du tarif ; que Le tarif eft une loi burfale
inventée par les financiers ,■ qu'il appelle travail,
leurs en finances ; cet auteur juge que ce font les
travailleurs en finances qui ont enfanté ce projet
parce que le minift'ere , dit-il, propofe 1‘établtjfement
du tarif avec ménagement , & avec de fages précau-
ttons comme fi la fagefTe même du miniilêre
qu il preconüe , n'étoit pas un argument de plus
en faveur du tarrf , & comme fi le miniftère ne
pouvoit propofer avec ménagement que des proje
ts pernicieux. v
D ailleurs, on n’entend pas ce qu’il veut dire
par ce ménagement & ces précautions du minif-
tere j s il veut faire croire que le miniftère fe défie
encore de 1 utilité du projet, on peut alîurer qu’il
le trompe groffierement ; l ’utilité de la libre circulation
des denrées & marchandifes , & de la
fupprefiîon des droits dans l'intérieur du royaume
ne peut pas être encore un problème dans l'efpric
des mipiilres , appuyée qu’elle eft parle voeu gé-,
neral de tous les négocions , & par les fouhaits
de la nation entière.
Les précautions 8c le ménagement, qui font
toujours raifonnables 8c dignes de la fagefTe du
gouvernement , ne tombent que fur les moyens
de concilier l'avantage du commerce, qui fera la
fuite neceffaire de l'établiflement du ta r i f , avec
Ja confervation des revenus du roi ; nous difons
la confervation, & non pas l'augmentation j 8c en
tout état de caufe , il eft abfurde de faire valoir
contre le projet , la fagelfe 2c la précaution de
ceux qui le propofent.
L’auteur des lettres avance aufli, que Je minif-
tre des, finances par le nouveau ta r if, en paroif-
fant diminuer les revenus des fermes , les aug--
mente autant par la quotité du droit , que par la
dimipution des fo is de régie.
Il n'eft pas vrai que le miniftre augmente la quo- I
tité du droit >
i° . Parce que fi certains droits font augmentés,
d’autres feront diminués , & qu'avec cette com-
penfation-, il eft faux de dire que la quotité des
droits foie augmentée.
2°. Parce que loin que la quotité des droits
foit augmentée, les personnes qui travaillent à la
confection du tarif, font convaincues que tout ce .
qu’on pourra faire , fera de fauver les droits du
toi , 8c penfent même qu’au moins dans les premières
années, fa majefté fera à la liberté du commerce
, & au bonheur de fes fujets , un facrifice
confidérable.
3°. Enfin , parce que la quotité des droits n'étant
pas encore déterminée , & le miniftre conful-
tant les commerçans fur cette détermination même
, il eft faux de dire que cette quotité foit augmentée.
Nous ne nous arrêtons pas à réfuter une aütre
prétention de l'auteur des lettres j félon lui ,
jes travailleurs en financés , qui étoient dans la
confidence du projet du nouveau tarif dès 1750,
ont multiplié les abus 8c les embarras de la régie
de la foraine pour la décréditer , 8c fe font attachés
à gêner les communications entre les Evê-
chois 8c nous, pour faire défirer le tarif.
Ces aflertions ne méritent pas une réfutation
férieufe les travailleurs en finances ne fongeoient
certainement pas au tarif en 1750. Des financiers
avides , tels que ceux que nous peint l ’auteur,
n’ont nul intérêt de défirer une régie fimple > &
ceux qui font affe» éclairés pour voir que leur intérêt
fe trouvera réuni avec celui du commerce ,
dans l'exécution du nouveau tarif, ne reflemblent
pas à ceux dont parle l'auteur. Enfin , il eft toujours
abfurde de fuppofer , qu’un projet imaginé
& préparé de loin par les travailleurs en finances,
ait été adopté enfuite aveuglément par toutes les
perfonnesqui font à la tête de l'adminiftration , à
qui les intérêts du peuple doivent être 8c font
plus chers que ceux des financiers , & applaudi
par les comnjerçans même , 8c par tous les écrivains
poiitiqiies-
Nous ne citerons parmi ces derniers, que l'auteur
des Recherches & considérations fur les Finances
j cette autorité ne peut pas être récufëe par
l'auteur des lettres , qui cite fouvent cet ouvrage
utile, & qui n'ignore pas que les principes n'en
font pas favorables aux travailleurs en finances.
Sous les années 1614 8c i é i f , après avoir fait
l'hiftoire de ce qui fe pafla dans Faflemblée des
Etats généraux, tenus la première année de la majorité
de Louis X I I I , il rapporte la demande faite
par les Etats , de la fuppreflion de la traite forain
e , & du tranfp.ort des droits aux extrémités du
royaume , 8c il ajoute : Rien de plus judicieux que
cette demande , défi la nation entière qui Va formée ;
les repréfentations particulières & mal-entendues des
provinces réputées étrangères , doivent-elles f emporter
? Seroit-rce donc entreprendre fur leurs privilèges ,
que de repondre a ce voeu général 3 qui Jubfifte encore
parmi tous les citoyens éclairés & T^élés pour la patrie
? Ou plutôt , eft-il quelque privilège plus facré
que la profpérité du royaume , le travail national 3
& la liberté du commerce ? On a ajfeç attendu que
ces provinces reconnurent leurs vrais intétêts.
On voit que l'auteur des Recherches fur les Finances
, décide la queftion que nous traitons d’une
manière abfolument oppofée aux prétentions de
l'auteur des lettres. Celui-ci trouve que le projet
de fupprimer les droits dans l'intérieur , & de les
tranfporter à la frontière , eft infenfé ; celui-là
avance & prouve que rien n’efi plus judicieux.
L'auteur des lettres prétend queTextenfion de ce
projet à la Lonaine , eft injufte j l'auteur des Recherches
foutient , que les prétentions particulières
& les privilèges des provinces étrangères,y
ne doivent pas Vemporter fur le bien général de la-
nation. L'un repréfente ce même projet, comme
devant entraîner la ruine de la province y l'autre
aflure que les provinces réputées étrangères , qui
oppofent une pareille réfiftance, méconnoijfent leurs
véritables intérêts , &c.
On peut voir aufli fous l'année 1664 , ce que
dit du tarif le même auteur. On y trouvera l'apologie
la plus complette de l'opération qu'entreprend
aujourd’hui Je miniftère, & des principes
diamétralement oppofés à ceux de l'auteur-des
lettres , fi cependant on peut donner le nom de
principes , aux aflertions vagues , découfues & in-
conféquentes de ce dernier.
Nous ne pouvons pas nous difpenfer de remarquer
fur cela , que Fauteur des lettres , qui n'a
pas pu ignorer l’oppofition de fes principes à
ceux de Fauteur des Recherches fur les Finances 3
& qui a ofé le citer en Fa faveur , & en appeller à
fon témoignage , eft néeejfairement coupable , ou
d‘étourderie, ou. de mauVaife fo i. La force de la
vérité nous arrache ce reproche, & nous fommes
perfuadés qu'il fera trouvé jufte par tous nos lecteurs.
Mais ajoutons encore une réflexion décifive
en faveur du tarif, contre la dernière obfervation de-
. Fauteur des lettres 3 8c que lui-même nous fournit^
Ç e t écrivain emploie une partie de fa première
lettre à faire l’éloge du génie vivifiant de M. Colbert
, & .il convient qu'une des opérations de ce
fage miniftre, les plus utiles au commerce, a été
fon tarif de 1664.
Deux obftacles principaux s’oppofoient au ré-
tablîflement du commerce en France 5 Fun étoit
la concurrence des marchandifes étrangères , &
l'autre , les entraves mifes à la circulation des marchandées
nationales dans l ’intérieur, par la multiplicité
des péages , droits 8c impôts. M. Colbert