
vernent , polir ne pas venir à bout d'afleoir fon
«mpire j & quand on appercoit? toutes les fautes
graves dont l'autorité fe tire fî légèrement en
France * on ne peut imputer qu'à indifférence ,
la pufillaniraité qu'on a fouvent montrée quand
il s’agiffoit de réformes indiquées parle bon fens,
& follicitées par le bien public.
33 Les arrangemens qui auroient été pris pour la
Bretagne & l'Artois,après la délibération des Etats,
devant néceffairement jeter un grand jour fur les
moyens les plus propres à-remplir les vues générales
du gouvernement , il ne faudroit pas,
avant cette époque , arrêter aucun plan fixe à
l'égard de la partie du royaume qui eft rédimée
de gabelles j mais le principe fondamental feroit
le même pour toutes les provinces privilégiées j
c'eft-à-dire , que le produit du nouvel impôt néceffaire
pour élever le prix du fel à vingt livres
le quintal, devroit être employé au foulagement
de ces provinces j & dans l'exécution de ce plan,
l'on devroit toujours ranger en première ligne l'abolition
des corvées.
La confommation du fel dans les provinces
rédimées , étant déjà foumife à un droit d’extraction
affez fort , fous le titre de convoi & de
traite de Charente, Je prix de la denrée s’en ref-
fent : ainfî fi ne faudroit pas dans ces provinces
une addition d'impôt aufli forte qu'en Bretagne ,
pour venir à bout d'y établir le prix général de
vingt livres j & l'on peut obferver encore que la
partie du royaume, exempte de l'impôt du f e l ,
en vertu d'un rachat, auroit d'autant moins de
raifon de fe plaindre d’une innovation , que le \
fouverain, au nom dji bien de l’Etat, leur de- j
manderoit un facrifice fort au - defious de. celui j
qu'elles ont obtenu pour leur intérêt particulier ,
à l'époque où , par une contribution momentanée
, elles ont été affranchies de l’impôt général
des gabelles. Mais leur fituation préfente feroit
à peine changée , fi l ’on y introduisit le fécond
plan de réforme que j’ai indiqué en parlant de la
Bretagne j puifque l'impôt ne porteroit que fur
l ’excédent des befoins ordinaires, & que fon produit
mettroit à portée de délivrer, ou gratuitement,
ou au-defTous, du moins, des prix actuels
, les quantités ,qui feroient réparties à chaque
paroiffe, en raifon à-peu-près de la confommation
commune.
Il n'y a que de très-petits pays d'Etats dans
l'étendue des provinces rédimées > ainfî ce feroit
principalement aux parlemens & aux cours des
aides du reffort, qu’il faudroit rendre fenfibles
la juftice & l’importance des difpofîtions nouvelles
j & l’on ne devroit fe refufer à aucune des
modifications , à aucune des précautions qui feroient
defirées pour la parfaite tranquillité des
provinces rédimées > & fans doute qu’il feroit
mdifpenfable de donner aux eBgagemens que prendroit
fa majefté , toute la fanétfon néceffaire pour
affurer a ces provinces la confervation de leurs
droits.
Tant de menagemens, diront ici quelques per-
fonnes , tant de conciliations avec les Etats & les
parlemens, ne fervent qu'à rabaiffer l'autorité :
il faut que Je roi écoute les-rapports de fes miniftres
, qu’ il fe rende certain du plus grand bien
de l'E tat, qu'il l’ordonne enfui t e , & qu’il fe
faffe obéir. Ces principes abfolus & généraux
font prefque toujours uue fource d’erreurs : il
eft des cas , & c'eft fans doute le plus grand
nombre, où la marche de l’autorité eft tellement
tracée , qu'elle doit fe garder de l’apparence
du doute & de l'héfitation ; mais fi exifte
aufli des occafions , où 4a prudence & la pâture
des objets exigent une forte d’accord entre l'opinion
publique & la volonté fouveraine ; & c’eft
alors que le gouvernement doit s'eftimer heureux
de pouvoir écarter les alarmes & les faux foup-
çons , en rapprochant de fes penféés & de fes
deflfeins , les corps ref^e&ables qui influent fur ’
la confiance publique. C 'e f t , il eft vrai, pour le
foutien de la raifon que l'autorité doit être déployée
j mais les miniftres les plus' affurés de
Futilité de leurs vues , devroient encore , dans
l’exécution , éloigner avec foin les aéles de violence
: car les formes defpotiques étant toujours
d’une adminiftration ce que les hommes en pouvoir
faififfent le mieux, & imitent le plus facilement
, il feroit bien à craindre que les mêmes
moyens dont on auroit donné l’exemple » ne
fuffent employés en d’autres tems à faire prévaloir
, ou des erreurs, ou de faux fyftêmes,
ou peut-être encore des idées arbitraires & tyranniques.
Je crois donc qu’ une conduite mefurée, carac-
térife particulièrement une adminiftration fage &
paternelle'. C ’eft une adminiftrarion femblable y
q u i, dans tous les grands changemens , dans
toutes les nouveautés importantes ,* ne fe reftife
point à prendre de la peine pour chercher avec
foin , & les moyens de conciliation , & les tem-
péramens affortis aux hommes & aux circonf-
tances. C ’eft une pareille adminiftration qui ne
fe borqe point à commander , mais qui veut encore
guider l’opinion & éclairer les efprits , afin
de diminuer le befoin de la force & de la contrainte.
C ’eft elle encore qui met en ligne de
compte les effets des paflions & de l’ignorance ,
& qui ne dédaigne point d’y condefcendre.
C ’eft elle, enfin qui , calmant fes propres élans
vers le bien , ou fon amour trop ardent de la
gloire , ne rejette point les fecours du tems, &
ne veut point femer & recueillir en un jour. Je
dirai plus encore , •& cette obfervation mérite
d’être remarquée ; les miniftres , qui dans toutes
les affaires ne connoiffent que l’autorité , limitent
de cette manière l’influence du fouverain 5
car en même tems qu’ils dédaignent de préparer
les efprits & de rechercher le moindre concours ,
en même tems-encore qu’ils c'onfidèrent le minif-
tère fur tous les plans d’adminiftration , comme
l ’attribut & le fymbole des idées monarchiques ,
fis renoncent , fans le témoigner , à tous les
projets utiles , dès qu’ils apperçoivent de la difficulté
à les mettre en exécution , par la feule
impulfîon du commandement. Cependant , en
xeftreignant ainfî les volontés du prince dans le
cercle étroit des chofes communes ou particu-
1 lières , n’ell-ce pas concevoir, n’eft-ce pas donner
aux autres une idée imparfaite de la grandeur
& de la pulfîance du monarque !
C ’eft d’après ces principes que j’ envifageois
l’extenfîon des adminiftrations provinciales comme
un grand fecours pour l ’exécution de la réforme
des gabelles j mais les traverfes que ces projets
d’établiffemens ont effuyées , ne doivent pas
empêcher d’exécuter les autres améliorations que
j’avois préparées , & dont je donne ici le développement.
Le bien public eft un champ vafte
qu’il faut en quelque manière défendre de polie
à pofte j & fi les moyens défailloient aux hommes
du tems préfent, ce qui n’eft point à craindre
fi les intentions du roi font fécondées, ce
feroit à ceux de la génération fuivante à fe montrer
en lice j il n’y a point de prefcription pour
les^idées utiles , le courage peut revenir après
l ’abattement, la lumière après l’ignorance , &
l ’ardeur du bien public après le fommeil de l’indifférence.
ce
En réfumant tous les détails qu’on a donnés
fur l’impôt du fe l , on voit que les pays appellés
de grandes gabelles font ceux dans lefquels le prix
du fel ne garde aucune proportion avec la valeur
primitive de cette denrée, qui eft d’environ trois
deniers la livre , tandis qu’elle s’y vend treize
fols.
Les provinces qui compofent ce diftriéfc, font
de toutes parts circonfcrites par des pays de fran-
chife ou de modération dans lefquelles le fel vaut
fept à huit fols la livre. Quel appât pour le con-
fommateur d’un c ô té , s’ il peut fe procurer de ce
fe l , Sz pour le malheureux qui voit dans ce commerce
illicite le moyen de gagner dix fois plus
qu’il ne peut faire en travaillant de fes bras 1
En vain les agens du fifc foudoyent une milice
nombreufe pour furveiller les uns & arrêter
les autres , principalement dans les parties limitrophes
de ces provinces. Ses efforts feroient im-
puififans, & les confommateurs , peu nombreux,
fi la loi n’avoit réglé la cpntribution individuelle
de ces derniers , en forçant quatorze perfonnes
de fe charger d’un minot de fel par année pour
leur ufage journalier, & en obligeant en outre
chaque chef .de famille à prendre dire&e^nent au
magafîn du fifc tout le fel qui lui eft néceffaire
pour des falaifons.
Ainfî , dans les grandes gabelles, voilà deux
obligations diftin&es j la première, qui eft générale
& abfolue , ’ peut être confidérée comme une
véritable capitation , à raifon de fept livres de
fel par tête au-deffus de fept ans, où , ce qui
revient au même, à une fomme de quatre livres
deux fols.
La fécondé eft purement fpontanée , & ne regarde
que les gens aifés en état de faire des pro-
vifions de viandes falées ; ceux qui ne font point
de falaifons en font difpenfés.
Dans les parties limitrophes des pays de fran-
chife , ou de modération, la capitation du fel eft
fixée par paroiffe. Les collecteurs y font chargés
de la répartition de cet impôt ; mais la loi autorife
d’une p art, le fermier à contraindre de prendre
un fupplément de fel les chefs de famille que
les colledteurs n’ont pas impofé à raifon de fept
livres par tête, & de l'autre , elle accorde à ceux
qui font impofés au-deffus de cette proportion ,
la faculté de fe pourvoir devant les juges pour
en obtenir la permiflion d’employer en falaifons
une partie ou la totalité de leur furtaux.
Dans les parties plus éloignées de la franchife,
le devoir de gabelles eft également forcé $ mais
cette capitation ne s’impofe pas : chacun fait qu’il
doit y fatisfaire j perfonne n’en eft difpenfé que
l ’indigent qui eft taxé à trois livres de taille , &
au-deffous.
D ’après ces précautions , on fent que la contrebande
ne peut fournir aux pays ^grandes gabelles
que le fel qui s’y oonfomme au-delà de F07
bligation prefcrite par la loi. C e t excédent doit
être confidérable 5 car fi les proportions établies
font fupérieures à la confommation du pauvre ,
elles font vifiblement inférieures à celles de
l’homme aifé j & prife en maffe , la fixation de
fept livres de fel par tête eft bien au-deffous de
la confommation. effective.
Cependant fi faut bien que cette confommation
ait lieu j ce qu’élle exige eft fourni aux pays de
grandes gabelles avec des rifques terribles , mais
le bénéfice de ce commerce ifiégal en eft la com-
penfation.
D ’ ailleurs , à des peines très-févères y la loi a
ajouté encore des précautions pour éloigner de
l’étendue des grandes gabelles la matière que le
befoin y appelle , & que la cupidité eft toujours
prête à y porter.
Les provinces ou diftri&s des pays francs &
rédimés qui avoifînent les grandes gabelles, font
bornés dans leur confommation : tout commerce
de fel y eft prohibé 5 mais ici la fixation eft de