
difficultés nont-ils pas à vaincre J quels pièges
cl éviter ! que de maux à fouffrir ! ( xêlémaque,
1. x iv . ) S entim ents d'adm iration, de p itié, d’horreur,
J ’ajoutetai e n te re un exem ple pris d’une lettre
de Madam e de Sévigné, dans le q u e l on verra Fufiige
des^ tro is P oints to u t à la fois : En effet, des
epu elle parut .• Ah ! mademoifelle , comment Je
porte M. mon frère? Sapenfée n’ôfa aller plus loin.
Madame , il fe porte bien de fa bleffiire. Et mon
fils ? On ne lui répondit rien. Ah f mademoi-
fclle ! mon fils ! mon cher enfant 1 fêpondej-
moi i efi - il mort fur le champ? n’a-t-il pas
eu un j'eul moment l Ah ! mon Dieu ! quel Sacrifice
i 'i J
J e me fois p eut-être affez étendu for la Ponctuation
, pour p âroître prolixe à bien des leéieurs.
M ais ce qu’e n ont écrit la p lu p art des gram m airiens
m a paru fi fupetficiel, fi peu ap p rofon d i, fi
v a g u e , que j’ai cru devoir effayer de pofer du
m oins quelques principes généraux , q ui pufferst
le rv ir de fondem ent à un art , qui n’eft tien moins
q u ’indifférent , & q u i, com m e to u t autre , a fes
hnefies. J e ne m e flatte pas de les avoir-toutes
■ faifies, & j’ai été contraint d’abandonner bien des
chofes à la -decifion du g o ût , mais j’ai ôfé p réten
d re à l’éclairer. Si je m e fuis fait illufion à moi-
m êm e , com m e cela n’eft que tro p facile ; c’eft
u n m a lh e u r, mais ce n’eft qu’un m alheur. A u reffe,
en fefant dépendre la Ponctuation de la p ro p
o rtio n des fens p artiels com binée avec celle des
re-pos néceffakes à l’organe , j’ai pofé le fondem
ent n aturel de tous les fyftêmes im aginables cje
Ponctuation : car rien n’eft p lus aife que d’en
im aginer d ’autres que celui que nous avons adopté ;
o n p o u rra it im aginer plus de cara&ères & plus
d e degrés dans la fufeordination des fens partiels ,
& p eut-être l ’expreflîon écrite y g agneroit-elle p lu s
de netteté.
L ’ancienne Ponctuation n’avoit pas les mêmes
figues que la notre ; celle des livres grecs a encore
parm i nous quelque différence avec la vulgaire :
& celle des livres hébreux lu i reffem ble bien peu .
« L es anciens , fo it grecs foit latin s , dit la Méthode
grèque de P o rt-R o y a l ( liv. v i l , introduit.
§• 3 ) > » n’avoient que le P o in t p our toutes çes
*» différences , le plaçant feulem ent en diverfes m a-
» nières , pour m arquer Ja diverfité des paufes.
» P o ur m arquer la fin de la période & la diftinc-
» tion p a rfa ite , ils m ettoient le P oint au hau*t
» du dernier m o t : p o ur m arquer la m édiation, ils
» le m ettoient au m ilieu : & pour m arquer la ref-
» piration , ils le m ettoient au bas & prefque
» fous la dernière lettre ; d’ou vient qu’ils a p p e-
» lo ie n t cela Subdifiinélio ». J ’aimerois autant
cro ire que ce nom éto it re la tif à la foudiftin&ion
des fens fubalternes , te lle que je l ’ai préfentée
ci d e v an t, qu’à la pofition du eara&ère d iftin& if :
car cette gradation des fens fubordonnés a dii influer
de bonne heure fur l ’art de ponctuer, quand même
on ne l ’auroit pas envifagée d’abord d’une manière
nette, précifc, \& exclufive. Quoi qu’il en foit,
cette Ponctuation des anciens eft atteftée par Diomède
( lih. Tl) ; par Donat (édit.prim. cap. uli.) ;
par S. Ifidbre ( Orig. I , .ip ) j & par A’iftedius
\Encyclop. liv. v i , De Gramm. lac. cap. 19 ) y
& cette manière de ponétuer fe voit encore dans de
très-excellents maouferits,
« Mais aujourdhui, dit encore Fauteur de la
» Méthode, là plupart des livres grees imprimés
» marquent leur médiation en mettant le Point au
» haut du dernier mot, ,& le fens parfait en
» mettant le point au bas ; ce qui eft contre la
» coutume des anciens, laquelle M. de Valois a
» tâché de rappeler dans fon Eusèbe : mais pour
» le fens imparfait, il fe fert de la virgule comme
» tous les autres. L ’interrogation fe marque en
» grec au contraire du latin : car au lieu qu’en
» latin on met un Point & la,Virgule deffus ( ? ) ,
» en grec on met le Point & la Virgule deffous ,
» a iu lf ( .;)» •
Voflius, dans fa petite Grammaire latine (p. 173)5
deftine le Point à marquer les fens indépendants &
abfolus j & il veut , fi les phrafes font courtes ,
qu’après le Point on ne mette pas de lettres capi -
taies. L ’auteur de la Méthode latine de Port-
Royal adopte cette règle de VofEus, & cite les
mêmes exemples que ce grammairien. C’étoit apparemment
1 ufage des littérateurs 5c des éditeurs
de ces temps-là : mais on l ’a entièrement abandonné
; & il n’y a plus que les phrafes interrogatives
ou èxclamatives dans le ftyle coupé , après
lefquelles on ne mette point de lettres capitales.
Lancelot a, encore copié, dans le même ouvrage
de Voflius , un principe feux fur l ’ufage du point
interrogatif : ,c eft que f i le fens va f i loin que
/ interrogation qui paroiffoit au commencement
vienne a s ’alentir & à perdre f a forcé , on ne
la marque plus ; ce fout les termes de Lancelot,
qui cite enfuite le même exemple que Voflius.
Pour moi, i l me femble que la raifon qu’ils allèguent
pour fupprimer le Point interrogatif, eft au
contraire un motif de plus pour le marquer : moins
le tour ou la longueur de la phrafe ell propre 9
rendre fenfible l ’interrogation, plus il faut s’attacher
au cara&ère qui la figure aux ieux ; il fait
dans l ’écriture le même effet que le ton dans la
prononciation. Le favant Louis Çapel fentoit beaucoup
mieux l ’importance de ces fecours oculaires
pour l ’intelligence des fens écrits • & il fe plaint
avec feu de l ’inattention des Mafforèthes , qui, en
inventant la Ponctuation hébraïque , ont négligé
d’y introduire des Agnes pour l ’interrogation & pour
l ’exclamation. (Lih. 1 , De Pun&oium antiquitate,
cap. x v j i , n°. 16. j
Finiffons par une remarque que fait Mafclef au
fujet des livres hébreux , & que je généraliferai
davantage : c’eft qu’i l feroit à fouhaiter que , dans
quelque langue que fuffent écrits les livres que
Fon imprime aujourdliui, les éditeurs y introduifif-
fent le fyftême de Ponctuation qui eft ufiîé dans
nos langues vivantes de l’Europe. Outre que l’on
diminueroit par là le danger des méprifes , ce fyf-
iême fournit abondamment à toutes les d'iftiuétions
poffibles des fens, furtout en ajoutant, aux fix caractères
dont il a été queftion dans cet article 1 le
ligne delà Parent h èfe , les trois Points fufpenfifs,
les Guillemets, &les Alinéas* Voyez Parenthèse,
P oint , G uillemet , A linéa.
( ^ Afin de mettre fous les ieux du ie&eur un
exemple complet de tout le fyftême des Ponctuations
, depuis la Virgule jufques & compris les
Alinéas, je vas tranftrire ici, d’après les règles
preferites , un morceau tiré d'unfermon furie refpeét
humain.
Je fa i s ( c’eft Maffillon qui parle ) qu’ i l efi des
bienféances inévitables , que la piété la plus attentive
ne peut refufer aux ufages ; que ia Charité
efi prudente & prend différentes formes ,*
qu’i l fa u t favoir quelquef ois être foible avec les
f 'oibles; & qu’i l y a fouvent de la vertu & du
mérite à favoir être à propos , pour ainfi dire ,
moins vertueux & moins parfait : mais j e dis ,
que tout ménagement qui ne tend qiâà perfuader
au monde que nous approuvons encore fe s abus
& fe s maximes, & qu’à nous mettre a couvert
de la réputation de ferviteurs de J. C. comme
d’un titre de honte & d’infamie, efi une diffi-
mulatipn criminelle , injurieufe à lu majeflé de
la Religion , & moins digne d’exeufe que le dérèglement
ouvert & déclaré.
Car je ne vous dis pas , que c’efl un outrage
que vous fa ite s à la grandeur du Dieu que
toutes les créatures adorent. Quoi ! vous ne le
reconnaîtriez pour voire Dieu qu’en cachette ?
vous affeclerie\ de le méconnoître devant les
hommes ? i l ne feroit p lus que votre divinité
fecrète, tandis que le monde auroit vos hommages
Q'votre culte public & déclaré ? O Homme !
le Dieu du ciel & de la terre ne feroit donc plus
qu’ un Dieu domeflique ; & le confondant avec
les idoles , renfermées autrefois dans le foyer &
dans l’enceinte de chaque fam ille , vous vous
contenteriez , comme Machet, de le cacher dans
votre tente & de Vadorer à Vinfu de vos frères !
Je ne vous dis pas , que ç’ejl même une ingratitude
envers la Grâce qui vous éclaire , qui vous
touche, qui vous dégoûte du monde & des pouffions.
Quoi l vous auriez honte d ’être cftçifi de
Dieu comme un vafe de mifériçprde ? d’ être dif-
eerné de tant de pécheurs , quipériffent tous les
jours à vos ieux en fe laiffant emporter aux
charmes des fens & des plaijirs ? vous auriez
honte d’être l’objet de La clémence & delà bonté
divine ? vous rougiriez des faveurs dit Ciel ? &
le bienfait qui a guéri votre âme de fe s plaies
vous f eroit p lus de eonfufion, que ns vous en
fefozt autrefois "l’infamie de vos plaies mêmes ?
O Homme ! un bon coeur rougit - i l d’ aimer fon
■ bienfaiteur 1 & efl-ce ainfi que vous reconnoiffe\
le don de D ie u , en vous fe ja n t même une honte de
1’,avoir re cul.
Je ne vous dis p a s , que c’eft une fe in te , indigne
même d’un coeur noble & généreux. Car f i
vous êtes touché de la vertu 6* de la jufiiee ,
pourquoi trahir Là-deffus vos fentiments ? pourquoi
diffimuler lâchement ce que vous êtes ? pourquoi
devenir en quelque forte un impofleur p u blic!
Une âme née avec quelque élévation fa it -
elle ainfi fe contrefaire ! Si vous êtes ami de
Jéfus-Chrifl, pourquoi vous en ca ch e z-v o u s?
Quand même nous vivrions encore dans ces fiè -
cles infortunés oît on le regardoit comme un
féducleur, & où les rois & les magijlrats étaient
foulevés contre lui & contre fon culte ; il feroit
f i beau d’ avoir le courage de fe déclarer pour
'un ami perfécuté & abandonné, i l y auroit tant
de bajfejfe à le défavouer en public : & ici où
vous ne rifquez rien , vous" feignez de u’êtrepoint
à lui ! La générojité toute feule ne fouffre-t-elle
p as de cette duplicité ? O Homme l vous vous
piquez ailleurs de tant de grandeur d’âme, &
de foutenir, par un procédé noble, franc , généreux
, toutes vos démarchés ; & dans la Religion
vous êtes plus fa u x , p lus fo ib le , p lus lâche
que la plus vile populace !
Enfin j e n ajoûte pas , que c’efi un fcarulale
même, & une occafion d’erreur que vous préparez
4 vos frères : car ces exemples de ménagement
entre le monde & Jéfus-Chrifl deviennent plus
dangereux , que les exemples mêmes dé une dif-
folùtion déclarée. En effet, la vie Ucencieufe d’ un
pécheur lui attire p lus de cenfeurs de fa conduite,
que d’imitateurs de fe s excès ; mais les plaijirs
& les abus du monde , autorifés par une vie
d’ailleurs régulière & mélée même d’actions pieu-
f e s , forment une féducïion prefque inévitable.
P lu s vpu.s évitez les grands défordres, en vous
permettant (L’un autre côté tous les amufements
& tous les abus que le monde autorife : p lu s
vous devenez dangereux à vos frères ; p lus vous
leur perfuadez que le monde n’ efl pas f i incompatible
qu’on le penfe avec le fa lu t ; p lus vous
nous préparez des auditeurs incrédules & prévenus
, lorfque nous annonçons qu’ on ne peut
fervir deux maîtres ; plus enfin vous multipliez
dans VEglife les faiiffes pénitences, en devenant
le modèle de mille pécheurs touchés , qui ne fe
figurent dans la vertu rien au delà de ce que
vous fa ite s , 6* qui auroient pouffé p lu s loin la
grâce de leur ççnyerfion , Ji votre lâcheté ne les
avait portés à croire, que tout ce qu’ils voient
de plus dans les autres efi outré & ex ce ffif, &
que vous feu l J avez éviter L’ indïfcrétiçn , vous en
tenir 4 l ’ejfençiel, & être homme de bien comme
i l fa u t l ’ être dans le monde. O Homme ! encore
une fo i s , nétou-ce p a s affez i ue vos dérègle