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marquent évidemment la poftériorité de l ’aétion
qe juger a 1 egard du Temps même où je parle ,
&ront par conséquent ic ii’ofiice d’un Futur aétuei ;
ccft comme lî je difois Amplement, Je redoute
le jugement avenir du Public fu r cet ouvrage.
On trouve quelquefois la même forme employée
dans le fèns d’un Futur poftérieur. Par
exemple, dans s Avec u b i foin r un nouvel cette examen phrafe , S je i je m’y D ois préparerai jam ais
je dois , y ces mots , fu bir, défignent
clairement la poftériorité de l ’aâion de fubir à
1 égard d une époque poftérieure elle - même au
mais temps ou je parle,, & indiquée par le met ja y
ces mots font donc ici l’office de Futur pof-
teneur , & c’eft comme fi je difois , S ’ i l efl jamais un temps où je DEVRAI s u b i r , &c.
IJ. Le Futur antérieur doit exprimer la pofté-
riorite à 1 egard d’une époque antérieure a Patte
delà parole. G’eft ce qu’il eft aifé de reconnoître
dans futuru s e/am (je devois être) , laudaturus
eram ( je devois louer), miraturus eram ( je devois
admirer ) , &c.
Ainfi , quand on dit, je DEVOIS hier SOUPER avec vous, Varrivée de mon frère m’en empêcha y
ces mots, je devois fouper, expriment la pofté-
riorité de mon fouper à l ’égard du commencement
du jour cj Æ/er, qui eft une époque antérieure au
temps où je parle ; je devois fouper eft donc un
r B p antérieur.
Futur poftérieur doit marquer la pofté-
norité a 1 egard d’une époque poftérieure elle-s
meme a Patte de la parole ; & il eft facile de
remarquer cette combinailon d’idées dans futurus
ero ( je devrai être ), laudaturus ero (je devrai
lo u e r ) , miraturus ero, ( je devrai admirer), &c.
Ainfi, quand je dis, Lorfÿue j e DEVRAI SUBIR
un examen , j e m’y préparerai avec foin y i l eft
évident que mon attion de fubir Vexamen, eft
defignée ici comme poftérieure a un temps avenir
defigné par lorfque : j e devrai fubir eft donc en
effet unFutur poftérieur, puifqu’ii exprime lapofté-
riorite a l’égard d’une époque poftérieure elle-même
à l ’atte de la parole.
Art. III. Conformité du fyfiême des T e m p s
avec les analogies des langues. Qu’il nie foit
permis de retourner en quelque forte fur mes pas ,
pour confirmer , par des obfervations générales ,
l ’économie du fyftême des Temps dont je viens
de faire l ’expofition. Mes premières remarques
tomberont fur l ’analogie de la formation des Temps,
6 dans une même langue, & dans des langues
differentes. Des analogiesadoptées avec une certaine
unanimité, doivent avoir un fondement dans
la raifon même; parce que^ comme dit Varron ( De
ling. la t. v i n , five D e Analogia II.), qui into-
quendo confuetudinem , quâ oportet uti, fequitur,
nonjine ea ratione. Il femble même que ce lavant
romain n’ait mis aucune différence entre ce qui eft analogique
& ce qui eft fopdé en raifon jpuifqu’un peu
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plus haut il emploie indifféremment les mots ratio
3c analogia. Sed hi qui in loquendo , dit - il
( Ibid. ) , partim fequi jubent nos confuetudinem
, partim rationem, non tam diferepant y quod
confuetudoüf analogia conjunéliores Junt inter fe
quam hi credunt.
Le grammairien philofophe , car i l mérite ce
titre, ne portoit ce jugement de l’analogie qu’âpres-
l ’avoir examinée & aprofondie : il y avoit entrevu;
le fondement de la divifion des Temps telle que
je l ’ai propofée ; & i l s’en explique d’une manière
fi pofitive & fi précife, que je fuis extrêmement
furpris que perfonne n’ait fongé a faire ufage d’une
idée qui ne peut que répandre beaucoup de: jour
fur la génération des Temps dans, toutes les langues,
voici fes paroles , & elles font remarquables
( ibid. )• : Simili ter errant qui dicunt ex
utrâque parte verba omnia commutare fyllabas
oportere y ut in his , pungo , pungâm, pupugi ÿ
tundo, lundam , tutudi : diffimilia enim corjje-
runt, verba infecla cum perfeclisi Quod f i im-
perfeéla modo conferrent, omnia verbi principia
incommutabilia viderentur y ut in his pungebam ,
pungo , pungam : <£ contra ex utrâque pane com-
mutabilia, f i perfecia ponerent y ut pupugeram ,
pupugi, pupugero.
On .voit que Varron diftingue ici bien nette-
rnent les trois Temps que je comprends fous le
le nom général de Préfents , des trois que je dé—
ligne par la dénomination commune de Prétérits ;
qu’il annonce une analogie commune aux trois
Temps de chaque efpèce, mais différente d’une
efpèce à l’autre ; enfin qu’il diftingue ces deux
efpèces par des noms différents , donnant aux Temps
de la première le nom d’imparfaits , infecla
& à ceux de la fécondé le nom de parfaits, per-
feefa.
Ce n’eft pas par le choix des dénominations que
je voudrois juger de la philofophie de cet auteur :
avec de l ’érudition , de l ’efprit, de la fagacitê
même, il n’avoit pas affez de Métaphyfique pour
débrouiller la complication des idées élémentaires,,
fi je puis parler ainfi, qui conftituent le fens total
des formes ufuelles dtî verbe; ce nfêtoit pas le
ton de fon fiècle : mais î l étoit obfervateur attentif,
intelligent, patient , fcrupuleux même ; & c’eft
peut-être le meilleur fonds fur lequel puiffe porter
la faine Philofophie. Juftifioris celle de Varron par
le dèvelopemént du principe qu’il vient de nous
préfenter. ^
Remarquons.d’abord que, dans la plupart des
langues, il y a des Ternir (impies & des Temps
compo fés.
Les Tem ps fimples font ceux qui ne confident
qu’en un feul mot, & qui, entés tous fur une même
racine fondamentale, diffèrent entre eux par les
inflexions & les terminaifons propres a chacun.
Je dis inflexions & terminaifons y & j’entends
par le premier de ces termes les changements qui
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fe font dans le corps même du mot avant la dernière
fyliabe'; & par le fécond, les changements
delà dernière ou des dernières fyllabes ( Voye\ Inflexion).
Pung-o 8c pung-zm ne diffèrent que par
les terminaifons, & il en eft de même depupuger-o
8c pupuger-am : au contraire, pungo 8c pupugero
ne diffèrent que par des inflexions, de même que
pütigam & pupugeram, puifqu’ils ont des racines
& des terminaifons communes : enfin pungam & pu-
pugero diffèrent & par les inflexions & par les terminai
fons.
Les Temps compofés font ceux qui réfultent
de plufîeurs mots, dont l ’un eft un Temps fimple
du verbe même, 8c le refte eft emprunté de quelque
verbe auxiliaire.
On entend par verbe auxiliaire, un verbe dont
les Temps fervent a former ceux des autres verbes ; &
l ’on peut en diftinguer deux efpèces, le naturel &
l ’ufuel.
Le verbe auxiliaire naturel, eft celui qui exprime
fpécialement 8c effenciellement l ’exiftence,
8c que l ’on connoît ordinairement fous le nom de
verbe fubftantif ; fum en latin tj e fu is en françois,
io fono en italien , yo soy en efpagnol, iàh
bin en allemand , tîfii en grec. Je dis que ce verbe
eft auxiliaire naturel, parce qu’exprimant eflen-
ciellement l ’exiftence , il paroît plus naturel d’ en
employer les Temps, que ceux dé tout autre verbe ,
pour marquer les différents raports d’exiftence qui
caraâérifent les Temps de tous les verbes.
Le verbe auxiliaire ufuel, eft celui qui a une
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lignification originelle toute autre que celle de
l ’exiftence, & (font l ’ufage le dépouille entièrement
quand il fert à la formation des Temps d un
autre verbe, pour ne lui laiffer que celle qui convient
aux raports d’exiftence qu’il eft alors charge
de caraéférifèr. Tels font, par exemple, en fran-
çois, les verbes avoir & devoir: quand on dit,
j ’ai lo u é , j e devois forcir y ces verbes perdent
alors leur fignification originelle ; avoir ne fignifie
plus poffeffion, mais antériorité ; devoir ne marque
plus obligation , mais poftériorité. Je dis que
ces verbes font auxiliaires ufuels , parce que leûr
fignification primitive ne les ayant pas deftinés 2
cette efpèce de fervice , ils n’ont pu y être affu-
jétis que par l ’autorité de l ’Ufage , Quem penès
arbitrium efl & ju s & norma loquendi. (Hor. Ar t.
po 'ét. 7 1 .)
Les langues modernes de l ’Europe font bien plus
d’ufage des verbes auxiliaires que les langues^ anciennes
; mais les unes & les autres font également
guidées par le même efprit d’analogie.
§. 1. Analogie des T e m p s dans quelques
langues modernes de VEurope. Commençons par
reconnoître cet efprit d’analogie dans les trois langues
modernes que nous avons déjà comparées, la
françoife, l ’italienne , & l ’efpagnole.
i° . On trouve, dans ces trois langues, les mêmes
Temps fimples; & dans l ’une comme dans l ’autre,
i l n’y a de fimples que ceux que je regarde comme
des Préfents.
FRANÇ. ITAL.
( indéfini, je loue, lodo,
p , ) antérieur fimple , je louois, lodava
r R E S E N T ^ antérieur périodique, je louai , lodai
£ poftérieur, j e louerai, lodéro,
F S P A G N .
alabo.
alabava.
alabé.
alabaré.
i° . Tous les Temps où nous avons reconnu pour
cara&ère fondamental & commun l ’idée d’antériorité
, & dont / en conféquence, j’ai formé la claffe
des Prétérits, font compofés dans les trois langues;
dans toutes trois, c’eû communément le verbe qui
fignifie originellement pofTeffion, quelquefois celui
qui exprime fondamentalement l ’exiftence , qui eft
employé comme auxiliaire des Prétérits , & toujours
avec le fupin ou le participe paflif du verbe conjugué.
FRANÇ. ITAL. ^ ESPAGN.
f indéfini , j ’ ai, « ho ^ ~ he ^
„ , , 1 antérieur fimple, j ’ avois '5» havévo ^ a v ia ^
P r é t é r i t / antérieur périodique, j ’ eu s hébbi ^ uve ^
C poftérieur, j ’ aurai -havero r>* uviére
50. LesFuturs ont encore leur analogie diftinélive
dans les trois langues , quoiqu’i l y ait quelque
différence de l ’une à l ’autre. Nous nous fervons en
françois de l’ auxiliaire devoir, avec le Préfent de
l ’ infinitif du verbe que l ’on conjugue. Les efpagnols
emploient le verbe aver ( avoir), fuivi de la pré-
pofition de & de l ’infinitif du verbe principal ;
tour elliptique qui femble exiger que l ’on fouf-
entende le nom el hado ( la destination ) , ou
quelque autre femblable. Les italiens ont adopté le
tour françois, &plufieuts autres. Caftelvefro, dans
fes Notes fur le Bembe ( édit, de Nap le s, 17 14 ,
in-40, pag. zxo) , cite , comme expreflions fyno-
nymes, debbo amare ( je dois aimer ) , ho ad
amare ( j’ai à aimer ) , ho da amare ( j’ai d’aimer),
Jono per amare (je fuis pour aimer ) : je crois
cependant qu’il y a quelque différence, parce que
les langues n’admettent ni mots ni phrafès fyno-
nymes ; & apparemment le tour italien , femblable
au nôtre, eft le feul qui y correfponde exa&emenL
S f f a