
l'Académie ( au mot Ç a ) , jDeçà marque (ou
exprime ) le côté, du point que l'on (pécifie , le
plus proche de celui qui parle ; & D e là , le côté
le plus éloigné ; eniorte que , quand je dis au deçà
ou au delà de la rivière , c’en: comme fi je difois
au côté le plus proche ou au côté le p lus éloigné
de la rivière, où l ’on voit l ’exaéte (ynonymie de
deçà avec côté le plus proche, & de delà avec côté
le p lu s éloigné.
Quand ces mots font fuivis immédiatement d'un
nom , i l y ,a , entre deux , ellipfe de la Prépofi-
tjpn d e : par deçà les monts, par delà les P y rénées
, c’eft à dire , par le deçà de les monts
ou des monts ) , par le deçà de les Pyrénées
ou des Pyrénées ) ; comme on dit hôtel D ie u ,
palais Bourbon , églife S . Louis , pour hôtel de
Dieu , palais de Bourbon'', églife de S. Louis :
les mots De çà & Delà ne font pas plus Pre -
pojitions dans les premiers exemples , que ne le
font les mots h ô te l, p a la is, églife , dans les derniers
; ce font des noms d’un côté comme de
l ’autre.
Quand Deçà & Delà ne font fuivis d’aucun
complément, c’eft qu’il eft foufentendu ; car ce
font des mots néceffairement relatifs : c'efi bien
encore par deçà ou en delà ^ c’eft a dire , par
le deçà ou en delà du terme dont on a parlé
auparavant.
L ’Académie écrit D e -çà , D e - là , ou ~De çà ,
D e là , en deux mots & avec l ’accent grave. Je
conviens qu’originairpmeut chacun de ces noms peut
avoir été formé du mot de & du mot çà ou là ;
mais aujourd'hui chacun eft un nom , & conféquem-
ment un mot unique qui doit s’ écrire en une pièce
& fans accent, afin qu’i l n’ait pas l ’air d’un mot
indéclinable. I l eft pourtant des cas ou i l faut
écrire en deux mots D e çà & D e là y parce que
çà & là font des mots diftinéts qui lignifient à
peu près un lieu & un autre lieu : ainfî, comme
on dit, i l court çà & là , on doit aufli dire &
écrire, i l court de çà & de là ; c’ eft a dire, en
un lieu & en un autre y de lieu en lieu. On doit
écrire encore D e là , quand on foufentend un nom
avant là , comme quand on d it, D e là vinrent
les peuples qui inondèrent V Pur ope , c’ eft à dire ,
De ce pays-/ft; D e là fons nées les guerres de
Religion ; c’eft à dire, D e ces caufes-Zd ; D e là
i l à 'enfuit, c’ eft à dire , De ce principe-là : le
mot là y dans ces exemples, "eft une particule démonf-
trative.
p. 10. Dedans & Dehors, ii.. iz. Derrière
& Devant. 13. 14. Dessous & Dessus. Ce
font des noms : car , i° . ils reçoivent l ’article indicatif
le y les i z °. ils font quelquefois modifiés
par des adjeétifs phyfîques j 30. ils deviennent com?
pléments des Prépofitions ; 40. ils en deviennent
même les termes antécédents, pour être déterminés
par des compléments. Le dedans de la maifon ;
les dedans du château font magnifiques ; le
dedans ne répond pas au dehors ; cette place ne
vaut rien , quoiqu elle ait de beaux dehors ' fur
les derrières de Varmée y en devant de la maifon ;
un beau devant d'autel ; aller au devant de
quelqu'un, au devant du mal ; prendre les devants
: le dejfous des cartes ; au dejfus ou au
deffous de Paris ; i l a eu du dejfous ; elle aura
le dejfus; mette\-en par dejfous & par dejfus ;
j 'a i vu le dejfus de la lettre ; les dejfous de
ces ornements font prefque aujfi riches que les
dejfus.
Les fuppléments de l’ellipfe ramèneront encore
ces mots à la même deftjnatjon , dans Je cas où
on les croit Prépofitions ou adverbes. N i dedans
ni dehors la v ille , par dedans Véglife, pour
dehors l'enceinte, i l efi dehors , rejlex dedans ;
Derrière Vautel, devant la portey marchez derrière
, retirez-vous de devant nous; Dejfus ou
dejfous la table, par dejfous la porte , de dejfus
la voûte y monte\ dejfus , cachez - vous dejfous :
c eft à dire, N i en dedans ni en dehors de la
ville y par le dedans de Véglife , pour le dehors
de l'enceinte , i l efi en dehors , refiez en dedans ;
A u derrière de l'autel y au devant de la porte,
marchez en derrière y retirez-vous de le devant
de nous ; A u dejfus ou au dejfous de la table,
par le dejfous de la portey de le dejfus de la
voûte y montez au dejfus, cachez - vous au deffous.
15. D evers. C’eft également un nom, puifo
qu’il eft très-fouvenf à la fuite des P répofitions
DE & PAR y comme leur complément : i l vient
de devers L y on , il a quelque argent par devers
f o i , nous pajfâmes par devers Nanci. C’eft donc
un nom partout, & il fuppofe la Prépofition D%
après foi : i l vient de le devers de L io n , i l $
quelque argent pat£ le devers de fo i , nous paffames
par le-devers de Nanci.
Envers. Les grammatiftes vont jeter letr grands cris , en voyant retrancher ce mot du cata?
logue des P répofitions ; & ils obferveront que
l’on réunit par la conjonction copulative fos mots
Envers & Contre, comme homologues , envers Cf
contre tous; & ils en concluront que l’un de
ces mots étant Prépofition , l’autre l’eft donç aulfi.
Je réponds, 1?, que l ’ufage , ayant autorifé
l ’ufage à Envers avec un complément immédiat (ans
l ’intervention d’aucune Prépofition, a pu peut-
être dû autorifer l ’union à'Envers & de Contre
avec un complément commun, parce que la conjonction
copulative réunit des parties fimilaires ;
d’ailleurs l ’opinion où l ’on a été jufqu’ici qu\£7z-
vers eft une Prépofition, a aù allez naturellement
amener cette réunjon : mais un fait de l ’erreu*
ne doit pas fervir à la confirmer.
Je réponds t° . qu’Envers, n’étant pas un mot
primitif, ne peut être Prépofition , puifque les
Prépofitions doivent être des mots 'Amples U
/
rimitifs : or i l eft évident q\i Envers eft compofé
é èn & de vers , celui-ci marquant tendance, &
celui-là y ajoutant quelquefois l ’idée accefloire
d’oppofition y d’où vient même qu’on a été amené
à dire envers & contre tous y parce que les deux
mots' réunis marquent également oppofition.
Je réponds 30. qu 'Envers eft quelquefois un nom,
de 1 aveu de tout .le monde’, comme quand on
dit l 'envers d'une étoffe y d'une, robe, d'une manchette;
i l a mis J'es bas_ à Venvers ; il avoit
l ejprit à l'envers : or ii eft hors de doute que
la nature des... mots eft immuable, comme celle des
êtres ; par contecçitni Envers , une fois nom , eft
toujours nom. Charitable envers les pauvres, c’eft
donc à dire charitable à Y envers de les pauvres, à
l ’égard des pauvres.
• 17. 18. Excepté. Hormis. Je joins ces deux
mots,- & parce qu’ils font à peu près fynonymes ,
& parce qu’ils font pareillement dérivés : Excepté
eft le participe paflïf du verbe excepter ; & Hormis
y qui s’écrivoit il n’y a pas long temps hors-
mis y eft compofé de l’adverbe (impie hors & de
mis y participe paflïf du verbe mettre. Le prétendu
complément de ces mots en eft le fujet j & comme
le fujet ne vient qu’après, les participes font aifé-
ment devenus indéclinables, ce qui a beaucoup
contribué à les faire prendre pour ce qu’ils ne
font pas. Excepté quelques méprifes, hormis deux
ou trois fuffrages , c’eft à dire , quelques me-
prifes exceptées , deux bu trois fuffrages mis
hors.
ip. Hors. Je viens de le dire , Hors eft un
adverbe eftenciellement relatif à l’étendue ou à la
durée , & à tout ce qui peut fe mefurer par l ’un
ou par l ’autre 5 i l fignifie à peu près eti dehors y
& c’eft à caufe du nom dehors compris dans fa
lignification', qu’i l eft ordinairement (uivi de de :
comme hors de la ville, hors de fa ifo n , hors de
raifon , hors de péril.
Quelquefois, i i eft vrai, ce mot s’emploie de
manière qu’il reflemble à une Prépofition , & les
grammairiens n’ont pas manqué de s’y méprendre :
par'exemple, La loi de Mahomet permet tout
hors le vin. Mais on vient de voir que c’eft un
jadverbe ; il l ’eft donc partout , & l’analyfe l’ y
ramène au moyen de l’ellipfe : L a loi de Mahomet
permet tout y fi on met le vin hors des chofes
per miles.
Hors vient du latin Foras, qui en eft l ’équivalent
: le feul changement de ƒ en h eft commun
au paflage d’une langue à une autre \ & c’eft ainfi
que les espagnols ont tiré hado de fa tum , hablar de
fa b ula ri, &c.
zo. Durant, zi. Joignant, zz. Moyennant.
z3. Pendant. ^4! Suivant, zç. Touchant. Ce
font évidemment les participes aétifs des verbes
durer y joindre.» moyennes , pendre { dans le fens
d'exijler, comme quand on dit qu'une caufe efi
pendante au parlement ) yfuivre, & toucher ( à peu
près dans le fens de concerner)."
Durant la p a ix , durant les troubles : ceft
une (impie inverfionj la p a ix durant , les troublés
durant : on dit même fans inverfion , il en jouira
fa vie ' durant.
Sa maifon efi joignant la mienne : cette phrafë
eft dans l'ordre ; le participe eft indéclinable comme
à l ’ordinaire. Si au lieu d’ûn complément objeélif
primitif', 011 lui en . donne un fécondaire , ou fi
on l’emploie fans complément j jo ig n a n t, avec le
même fins -, devient alors adjeétif & te décline : une
maifon-joignante a La mienne , les maifons j o i—
- gnantes ont été brûlées.
Moyennant la grâce de Dieu , moyennant
cinquante pijloles : c’eft ure inverfion; la grâce
de Dieu moyennant , cinquante pifioles moyennant
y ( devenant le moyen j.
Pendant la p a ix , pendant le fermon : encore
inverfion; la p a ix pendant, le Jermon pendant,
: ( exiftant ). - . .
Suivant la loi : i l y a ici ellipfe ; en fuivant la
loi.U
n traité touchant les bornes de la Critique :
phrafe dans l ’ordre naturel ; un traité qui touche,
qui concerne les bornes de la Critique. I l m'a
entretenu touchant vos affaires : eliipfe ; i l m a
entretenu de propos touchant vos affaires ( qui
L touchoient, qui concernoient vos affaires ).
z 6. Jusque ou Jusqués. Ce mot, regardé par
Vaugelas {Rem. 514 } & par l ’Académie même,
comme une Prépofition , & par l ’abbé Girard
( Difc. xij ) comme une conjonélion, eft en efFét
un adverbe de quantité,/ qui marque principalement
une tendance fans difeontinuation ou fans
exception ' vers un terme. Travailler depuis le
matin jufq ua u fo i s , i l efi allé ju j,qu'à Rome,
i l aime jufqu'à fe s ennemis ; c’eft: à dire , avec
une tendance continue vers le foir , vers Rome
avec tendance fa n s exception vers fes ennemis.
C’eft à caufe de Cette idée de tendance , qui eft
eflenciellement relative, que ce mot exige toujours
à (a fuite , ou un autre adverbe , ou une
Prépofition avec fon complément, qui ferve à
exprimer le raport de tendance & le terme confé-
quenc : jufque hors des murs, ju j qu'à dtmain ,
jufque dans la maifon, juj'que fu r l'autel y jufque
vers midi.
Cette néceflité de donner un complément à ju f -
que y eft précifement ce qui i ’a fait prendre pour
une Prépofition. Mais j’ai déjà remarqué que le
complément immédiat d’une Prépofition eft nécef
faire ment un nom , un pronom , Ou un infinitif*
au lieu que jufque n’eft fuivi immédiatement que
d’un adverbe ou d’une phrafe adverbiale
On répliqué a la vérité, que nous avons bien
d’autres exemples de Prépofitions fuivi es immédiatement
par d’autres F répofitions ; par exemple.