
S8o T R O
comme fi Ton autorité alloit jufqu’à co minauder-des
choies contradiétoires, & qu’elle dût l ’emporter fur
celle de l ’Analogie ? (M. BEAUZÉE. )
( N. ) TRO CHA ÏQ U E , adj. Cara&érifé par
le pied qu’on appelle Trochée. Comme le Trochée
fe nomme auffi Chorée, le vers trochaïque eft
le même auquel on donne aufli le nom de Choraï-
que. Voye\ Choraïque.
Obfervez, avec l ’auteur de la Méth. lat. deP. R.
que le vers trochaïque ou choraïque n’eft rien
autre chofe que le vers ïambique de même mefure |
auquel il manque une fyllabe au commencement j
d’où il réfulte que chaque fyllabe reculant d’un
rang , les ïambes fe changent en trochées ou chorées.
( M. B e a u z é e . )
T R O CH É E , f. m. C’eft le nom le plus ordinaire
qu’on donne au pied de deux fyllabes, appelé
auffi Chorée. Voye\ Chorée.
L e Trochée eft un ïambe renverfé , & produit
un effet abfolument contraire : l ’ïambe eft vif &
léger ; le Trochée , mou • & languiflant, comme
toutes les mefures qui fautent d’une*fyllabe longue
à une brève. (M . B e a u z é e . )
T R O P È , f. m. Grammaire. Les Tropes ,
dit du Marfais ( Trop. Part. I , art. i ) font
des figures par lefquelles on fait prendre à un
mot une lignification qui n’eft pas précifément la
lignification propre de ce mot. . . Çes figures font
appelées Tropes, du grec rfisros co n verjio, dont
la racine eft rpt-vw, verto. Elles font ainfî appelées,
parce que quand on prend un mot dans le
fens figuré, on le tourne, pour ainfî dire , afin
de lui faire lignifier ce qu’il ne lignifie point dans
le fens propre ( Voye\ Sens ). V o ile s , dans le
fens propre , ne lignifie point vaijfeaux; les voiles
ne font qu’une partie du vaifleau : cependant voiles
fe dit quelquefois pour vaijfeaux. Par exemple,
loilque , parlant d’une armée navale, je dis qu’elle
étoit compofée de cent voiles ; c’eft un Trope,
Voiles eft là pour vaijfeaux : que fi je fubftitue
le mot de vaijfeaux à celui de voiles , j’exprime
également ma penfée , mais il n’y a plus de figure.
Les Tropes font des figures, puifque ce font
des manières de parler q u i, outre la propriété de
faire connoître ce qu’on penfe, font encore diftin-
guées par quelque différence particulière , qui fait
qu’on les raporte chacune à une elpèce a part,
Voye\ Figure,
Il y a dans les Tropes une modification ou
différence générale qui les rend Tropes, & qui
les diftingue des autres figures : elle confîfte en
pe qu’un mot eft pris dans une lignification qui
n’eft pas précifément fa lignification propre . . .
Par exemple , I l 'rfy a p lus de Pyrénées, djt
Louis X IV . . . lorfque fon petit-fils , le duc d’Anjou
, depuis Philippe V , fut appelé à la couronne
4’gfpagne. L ou?s XIV voulojt - i l dire que les
T R O
Pyrénées avoient été abîmées ou anéanties ? nulle«
ment j perfonne n’entendit cette expreffion à la
lettre ’& dans le fens propre j «Lie avoit un fens
figuré. . . Mais quelle eî'pèce particulière de Tropeî
Cela dépend de la manière dont un mot s’écarte
de fa lignification propre pour en prendre une
autre.
I. D e là fubordination des Tropes & de leurs
caractères particuliers (Ibid. Part. I I , art. xxj),
Quinfilien dit que les grammairiens, auffi bien
que les philofophes,. difputent beaucoup entre
eux pour l’avoir combien il y a de différentes claffes
de Tropes , combien chaque claffe renferme d’ef-
pèces particulières, & enfin quel eft l ’ordre qu’on
doit garder entre ces claffes & ces efpèces. Circa
quem ( Tropum ) inèxplicabilis & grammaticis
inter ipfos &. philofophis pugna ejl'j quoe Jint
généra , quoe fpecies , qui s numerus, quis cui
Jubjiciatur ( Inft. orat. lib. v i l l , cap. vj ) . . . .
Mais toutes ces difcuffions font affez inutiles dans
la pratique , & il ne faut point s’amufer à des recherchés
qui fouvent n’ont aucun objet certain.
(D u M a r s A ïs . )
Il me femble que cette dernière obfervation de
du Marfais n’eft pas affez réfléchie. Rien de plus
utile dans la pratique, que d’avoir des notions bien
précifes de chacune des branches de l ’objet qu’on
embraffe j & ces notions portent fur la connoif-
fance des idées propres & diftinétives -qui les
cara&érifent : or cette connçiffance, à l ’égard des
Tropes , confîfte à lavoir ce que Quintilien difoit
n’être encore déterminé ni par les grammairiens
ni par les philofophes: Quoe Jint généra, quoe
Jpecies, quis numerus, quis cui jubjiciatur î &
loin d’infinuer la remarque que fait à ce fujet du
Marfais, Quintilien auroit dû répandre la lumière
fur le fyftême des Tropes , & ne pas le traiter
de bagatelles inutiles pour l ’inftitution de l ’orateur,
omiJJis quoe nihil ad injlituendum orato*
rem pertinent cavillationibus. Une chofe fîngu-
lière & digne de remarque, c’eft que ces deux
grands hommes , après avoir en quelque forte con-
danné les recherches fur l ’affortjment des parties
du fyftême des Tropes , ne fe font pourtant pas
contentés de les faire connoître en détailj ils ont
cherché à les grouper fous des idées communes,
& à raprocher ces groupes en les liant par des
idées plus générales : témoignage involontaire ,
mais certain, que l ’efprit de ,fyftême a pour les
bonnes têtes un attrait prefque irréfiftible, 8c con-
féquemment qu’il n’eft pas fans utilité. Voici donc
Comment continue le grammairien philofopfie (Ib.) ( M . B e a u z é e . )
Toutes les fois qu’il y a de la différence dans
le raport naturel qui donne lieu à la lignification
empruntée , on peut dire que l ’expreffion qui
eft fondée fur çe raport apartient à un Trope particulier.
C’eft le raport de reffemblance qui eft le fondement
de la Catachrèfe & de la Métaphore j on
dit
t r a T R O y s II.
dit au. propre une feuille d'arbre1, & par Cafa-
chrèfe une feuille de papier parce qu’une feuille
de papier eft à peu près auffi mince qu’une feuille1
d’arbre. La Catachrèfe eft la ■ première efpèce de
Métaphore. ( D u M a r s a i s . )
Cependant du Marfais, en traitant de là Gata- •;
chrèfe ( Part. I , art. j ) , dit que la langue ,
qui eft le principal organe efe la parole -, ' à1 donné
fon nom par Métonymie âu mot générique1 dôhf ;
on fe fert pour marquer les idiômés', le langage
des differentes nations, languè\ Tatiiiè, langue i
françoife;■ 8c il donne eet-ufagè du in6t langue' !
comme un exemple de là Catachrèfe. Voila
donc une Catachrèfe qui eft , non une efpèce de Mé-,
taphore , mais une Métonymie. Cette eonfufion
des termes prouve ' mieux que toute autre chofe; !
la néceffité de bien établirlé Tyûêmé-aes Trope si !
» On a rebours à la Catachrèfe par néceffité, quand
» on ne trouve pbint de mot propre pour exprimer
» ce qu’on veut dire ». Voilai fi j e lie ïne trompé',
le véritable caractère diftin&if de la Catachrèfe
une Métaphore, une Métonymie , une Synecdoque,
&c , devient Catachrèfe quand, elle eft employée
par néceffité , -pour tenir lieu d’un mót propre'
qui manque dans la langue. D’où je conclus', que
la Catachrèfe eft moins un Trope particulier t qu’un
afpeét fous lequel tout autre Trope peut être en-
vifagé. ( M. B.EAUZÉE.j
Les autres efpèces de Métaphores fe font par
d autres mouvements de l ’imagination , qui ont
toujours la reffemblance pour fondement. L ’Ironie
au contraire eft fondée,.fur un raport d’oppofîtion,,
de contrariété, dè différence poiir ainfî dire,
fur le contrafte qu’il ÿ a ou blié' nous imaginons
entre un objet. & .up autre : e’eft ainfî que Boileau
a' dit ( Srit. I2Î) 5 Quinault efl. un P ïrgile .JD'u
Ma r s a i s . )
Il me fernble avoir prouvé, art. I ronie, que
cette figure n’eft point un Trope, mais une figuré dé
penfée. ( M, B e a .UZÉR. ) .
La Métonymie & la Synecdoque, auffi bien que
les figures qui ne font que des efpèces de l ’une ou
de l’autre, font fondées fur quelque autre forte de
raport, qui n’eft ni un raport de reffemblance ni un
raport du contraire. T e l eft, par exemple , le rapport
de la caufe à l ’effet j ainfî, dans la Métonymie
dans la Synecdoque,, les objets ne font
confidéiés ni comme femblables; ,ni comme con- >
traites ; on les regarde feulement comme ayant >
entre eux quelque relation, quelque .liai fou, quel-:
que forte.d’union. Mais i l y a cette' différence-,
que, dans, la Métonymie, l ’union n’empêche pas
qu’une chofe ne fubfîfte indépendamment d’une : ;
autre : au lieu que, dans la Synecdoque, les objets
dont l ’un eft dit pour l ’autre , ont une liaifon
plus dépendante j l’un eft compris fous le nom de-1
l ’autre ils formeut un enfemble, un Tout . . .
( D u M a r s a i s . ) \
Je crois que voilà , les principaux çara$ères
G r a m m . e t L i t t Ér a t . *Tome III.
généraùx auxquels on peut raporter les T topes.
Des ufis ' font fondés fur jine forte .de fimiiitude :
c’éft la? Métaphore , quand la figure ne tombe que
fur un; imot ou déàxJî ;& l’Allégorie , quand elle
règne danS 'toute l ’étendue du difcours. Les autres
font fondés fui un raport de correfpondance : c eft
la Métonymie, à laquelle il faut. encore raporter
ce'^qué rdn-défigne par la dénomination luperflue
de Métalepfer Les autres enfin font fondes for un
rapôït dé connexion : c’ eft la Synecdoque avec es
dépendances f & l’Àntoriomàfe n’en eft qu une efpece,
défignée e-ni pürè- perte par une dénomination dit-
férente.
Qu’on y prenne gârde : tout ce qui eft véritablement
Trope eft compris fous l ’une de ces trois
idées' générales ce qui rie peut pas y entrer n eft
ptrint Trope, comme la Périphrafe , 1 Êuphemurne,
l’AllufiOn , la LîtOtb;, l’Hyperbole , l ’Hypotypofe ,
&c.' J’ai ditailleurs à quoi.fe réduifoit l’Hypallage,
& ce qu’il faut penfer'dé la Syllepfe.
La Métaphore , la Métonymie , la Synecdoque ,
gardent ces. noms] généraux , quand elles ne font
dans lé difcours que par ornement ou par energie \
elles font toutes les trois du domaine de la Cata-
chrèfej quand la difette de la langue.s;en fait une
: reffource'inévitable : mais fous cet afpeéfc., la Catachrèfe
doit être- placée à côté de l’Onomatopee ;
i & ce’ font-deux principes d’étymologie-, peut-être
i les deux fourceS qui ont fourni le plus de mots?
aux langues : ni l’une "ni l’autre ne font des Tropes*
II. D e T utilité des Tropes. C’eft du Marfais-
qui va parler ( Part. I , art. vij, f . z). ( M. B e a u -
i des plus fiéquents' ufages des Tropes /
' t’ eft de réveiller une idée- principale , par le moyen
! de quelque idée- accéffoïre : c’eft ainfî qu’on dit y
cent, voiles po.uir- cent vaijfeaux , cènt f e u x pour
' cent maifons , il aime la bouteille pour i l aime:
le vin , le fe r pour- Vépée^ la plume ou le jlyle pour
la manière d'-éçr.irè -, 8$c.
, ï °. Les Tropes donnent plus d’énergie à nos ex-
préflîons^ Quand'1 nous^fommes, vivement frapés de
quelque :.penfé.e-, nous- nous exprimons rarement
avec-fimplicité j l ’objet ; qui nous occupe Te' pré-
fente _ à nous, avec'les-idées acceffoires qui 1 accompagnent
, nous prononçons les noms de ces images
quî npüs'fîà'pent : ainfî, nous, avons naturellement
recours aux Tropes , d’où il arrive que nous fe-
i fons- mieux fentir.;aux autres .ce -que nous fentons
nous-mêmes.; T)e. jà viennent ces façons de parler , -
IL ejî, enflammé, de colère , il eft tombé dans
une erreur grdjjière, flétrir la réputation , s etù-i
vrer deplaifir, &c. (D u Ma r s A ïs .)
Les Tropes , dit le P. Lamy ( Rhét. liv. I l ,
chap. vj ) , font une peinture fenfible de la chofe
■ dont on parle. Quand on appelle un grand capi-
j taine un foudre de guerre, l’image du foudre re-
! pre&nte fenfiblement la forcer avec laquelle ce
capitaine; ^.bjugué des provinces entières 5 la viteffe
E e e e