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gences du langage familier font ennemies de la
précifion. F lu x a & labriça res fermo humanus ,
dit Platon. Vouloir qu'une langue ait aquis par
l ’ufage feul une Profodie régulière & confiante ,
c’eft vouloir que les pas fe Ibient mefurés d’eux-
mêmes fans être réglés par le chant.
Chez les anciens la Mufîque a donné fes nombres
a la Poéfie : ces nombres , employés dans
les vers & communiqués aux paroles, leur ont
donné telle valeur ; celles-ci l'ont retenue 8c
1-ont aportée dans le langage ; les mots pareils
l ’ont-adoptée , & par la voie de l ’analogie le fyf-
tême profodique sert formé infenfiblement. Dans
les langues modernes, l'effet n’a pu précéder la
caufe • 8c ce ne fera que long temps après qu'on
aura prefcrit aux vers les lois du nombre & de
la mefure, que la Profodie fera fixée 8c unanimement
reçue.
En attendant, elle n’a , je le fais , que des règles
défeétueufes ; mais ces règles, corrigées l ’une par
l'autre > peuvent guider nos premiers pas.
i° . L ufage , confulté par une oreille attentive
& jufte, lui indiquera , ïïnqn la valeur exaéte des
Ions , au moins leur inclination a la lenteur ou à la
vitefle.
z°. La déclamation théâtrale vient à l'apui de
l 'ufage, & détermine ce qu’il laifle indécis.
3°. La Mufîque vocale habitue depuis long temps
nos oreilles à faifîr de juftes raports dans la durée
relative des fons élémentaires de la langue ; Ôc
le chant mefuré , dont nous fentons mieux que jamais
le charme, va rendre plus précife encore la
juftefle de ces raports. Ainfî, des obfervations faites
fur l ’ufage du monde , fur la déclamation théâtrale,
& fur le chant mefuré, de ces obfervations reçifeil-
lies avec foin , combinées enfemble & rectifiées
l ’une par l ’autre, peut réfulter enfin un fyftême de
Profodie fixe, régulier ,8c complet. ( M. M ARMONT
E L . ) :
PR O SO D IQ U E , adj. Q ui concerne la P rofodie
, Qui apartient à la Profodie. L ’accent profodique
> CaraClères profodiques.
I. C’eft par cette épithète que l ’on diftingue
l ’efpèce d’accent qui eft du reffort de la Profodie,
des autres modulations que l ’on nomme aufli A c cents
; ainfi , l ’on dit l ’Accent profodique , l ’A ccent
oratoire, l ’Accent miifiçaf l ’Accent national
, &c. Voyei Traite' de la Profodie/ran-
çoife, par l ’abbé d’Olivet ( art. z j , 8c le mot Accent.
L ’accent profodique eft cette efpèce de modulation
qui rend le fon grave ou aigu, « La diffé-
» rençe qu’il y a entre l ’accent profodique & le
» mufical, dit Duclos, dans fes Remarques ma-, » nufçrites fur la Profodie de l ’abbé d’Olivet,
» c’eft que l ’accent mufical ne peut aujourdhui
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» élever ni bailler moins que d’un demi-ton, fle
» 8c que le profodique procède par des tons qui
» feroient inappréciables dans la Mufîque , des
» dixièmes , des trentièmes de ton. Il y a , ajoûte-
» t-il , bien de la différence entre le fenfibie 8c
» l ’appréciable ». L’accent profodique diffère de
l ’accent oratoire, en ce que celui-ci influe moins
fur chaque fyllabe d’un mot, par raport aux autres
fyllabes du même mot , que fur la phrafe
entière, par raport au fens. Cette remarque eft
encore de Duclos j 6c j’y ajouterai, que faccent
profodique des mêmes mots demeure invariable
au milieu de toutes les variétés de l ’accent ora--
toire , parce que , dans le même mot, chaque fyllabe
conferve îa même relation méchanique avec les
autres fyllabes, 6c que le même mot, dans différentes
phrafes , ne conferve pas la même relation
analytique avec les autres mots de ces*phrafes.
II. Outre les caraétères élémentaires ou les lettres
qui repréfentent fans aucune modification les
éléments de la. parole , favoir, les voix 6c les articulations
; on emploie encore , dans l ’Orthographe
de toutes les langues, des caractères que j’appelle
profodiques : piufieurs de ces caractères doivent
être ainfi nommés, parce qu’ils indiquent en effet
des chofes qui apartiennent à l ’objet de la Profodie
; les autres peuvent du moins, par extenfion,
être appelés de même , parce qu’ils fervent à diriger
la prononciation des mots écrits, quoique ce
foit à d’autres égards que ceux qu’envifage la Profodie.
Il y en a de trois fortes : i °. des caraétères profodiques
d’expreffion ou de fîmple prononciation :
z°. des caraétères profodiques d’accent : 30. des
caraétères profodiques de quantité.
Les caraétères de fîmple prononciation font la
Cédille , Y Apojlrophe y le Tiret, 6c la Diérèfe ( Voye\ Cédille , Diérèse, & Apostrophe,
pour ce qui concerne ces trois caraétères ). Pour ce
qui eft du Tiret , on lui donne communément
le nom de Divifion. Il me femble que oe nom
porte dans l ’efprit • une idée contraire à celle de
l ’effet qu’indique ce caractère , qui eft d’unir au
lieu de divifer ; c’eft pourquoi j’aime mieux le nom
de Tiret, qui ne tombe que fur la figure du ligne :
ôc j’aimerois encore mieux, fi l ’Ufage l ’autoriloit,
le nom ancien d’Hjyphen, mot grec de w V , fub ,
6c de y unumy ce qui défîgnoic bien l ’union de
deux en un» VoyeffYi^'s.T:.
Les caraétères d’accent font trois; favoir, Y accent
aigu , l’accent grave , ôc Y accent circonflexe ;
ils n’ont plus rien ne profodique dans notre Orthographe,
puifqu’ils n’y marquent que peu ou
point ce qu’annoncent leurs noms : l ’ufage orthographique
en a été -détaillé ailleurs. Voye\ Accent.
Les caraétères de. quantité font trois : “ au
dcflus d’une voyelle marque qu’elle eft longue 5
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*v lignifie qu’elle eft brève ; v indique qu’elle eft
douteufe. On ne fait aucun ufage de ces lignes ,
vraiment profodiques , que quand on parle expref-
fement le langage de la Profodie. ( M\ B e a u -
ZÉE. y
* PROSONOMAS 1E , f. f. Iïpo<rMvo/x.aer/ot ,
du verbe 'fffoo-uvojudÇu , infuper nomino. C eft
ün autre nom de la figure appelée ordinairement
Paronomafc }. ’■ ( M . É EAU ZÉE. )
Figure de Rhétorique, par laquelle on fait al-
lufion à la reffemblance du fon qui fe trouve entre
différents noms ou différents mots , comme dans
ces phrafes : 1s verè conful efl qui Reipublicce
fa lu ti confulit ; Çuumleclumpetis de letho cogita.
Voye\ Paronomase. ( A n o n y m e . )
( N. ) PROSOPOGRAPHIE , f. f. Efpèce
particulière de Defcription , qui a pour objet les
traits extérieurs, la figure, 6c le maintien d’une per-
fonne ou d’un animal.
Fénelon met dans la bouche de Télémaque cette
Profopographie , pour intéreffer en faveur de T er-
mofiris ( Liv. I l ) : Ce vieillard avoit un grànd
front chauve & un peu ridé : une bdrhe blanche
pendoit ju fq u à fa ceinture : f a taille étoit haute
& majejîueufe : fon teint étoit encore fra is &
vermeil ; fe s ieux, vifs & perçants : fa voix étoit
douce ; fe s paroles ,fimples & aimables. Jamais
j e n a i vu un fi vénérable vieillard.
Le même peintre, dans un autre Profopogra-
phie ( Liv. XXIII ) , amène ainfi fous les ieux
du leéieur le fanglier qui mit en danger la vié
d’Antiope : Ses longues foies étoient dures &
hérijfées comme des dards ; fe s ieux étincelants
étoient pleins de fa n g & de feu ; fon fouffle fe
fe fo it entendre de loin , comme le bruit fourd
des vents féditieux, quand Êole les rappelle
dans fon antre pour appaifer les tempêtes ; fe s
défenfes, longues & crochues comme la fa u lx
tranchante des moiffonneurs, cotipoient le tronc
des arbres : tous les chiens qui ôfoient en apro-r
cher étoient déchirés ; les p lus hardis chaffeurs,
en le pourfuivant, craignoient de l ’atteindre.
P rofopo graphie eft un mot d’origine grèque,
qui lignifie Defcription de la perfonne (perfonæ)
ou de la face extérieure, npoo-cû-wo^petcp/st, de <zzrpaV<a-
•wov , faciès , 6c de ypd<pa , pingo ; en forte que
c’eft littéralement faciei piàura. Terme excellent
, 6c qui tranche à merveille avec celui d’Étho-
pée , qui eft la Defcription, fi je peux le dire,
des traits moraux 6c de la phyfîonomie de l ’âme.
( Voye\ É t h o p é e ). Les deux figures réunies donnent
le Portrait complet. Voye\ P or,t r a i t .
(M . B EAU Z É E . )
(N .) PRO SO PO P É E , f. f. Figure de penfée
par mouvement , qui confifte â prêter , aux chofes
jjnfenfibles, de i ’aétion, des penfées , des fenti-
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m e n ts, des pallions ; à leu r adrefTer la p aro le >
comme fi elles entendbiëht'; à la , le u r p rêter ,
comme fi elles en âÿôièiit la fa cu lté; â rendre
préfentes les perfonnes abfentes, ou à faire revivre
celles qui font m o rte s, foit en le u r adreflant la
parole , fo it en les fefant p a rle r elles-m êm es.
I. L e prem ier degré de la Profopopée confifte
a attribuer le fentim ent aux chofes infenfibles 6c
inanim ées, en p arlan t d’e lles com m e on p arie ro it
des êtres animés 6c fcnfibles : effet n atu rel des
pallions , qui cherchent à fe répandre au d e h o rs,
6c qui po rten t l’âme qu’elles ag itent à chercher
dans to u t ce qui l’environne les objets 8c le s affections
dont e lle eft elle-m êm e frapée ,* to u t p a ro ît
trifte à une âm e plongéb dans la trifteffe , to u t
eft g ai 8c ria n t pour c elle qui nage, dans la jo ie ,
to u t fait des reproches a un crim inel. T e l eft le
fondem ent du langage ordinaire des poètes ; écoutons
B oileau :
J ’ entends, dé j a frémir les deux: mets étonnées
De voir leurs flots unis aux pieds des P y r én é e s ;
il p arle du fameux canal de L anguedoc. I l d it dans
un autre endroit :
Sous les fougueux courtiers l ’ o n d e écume 8c fe plaint»
P a r une fiction fem blable, R acine fait dire à T h e -
ram ène :
L e flo t qui l ’apocta recule épouvanté ;
vers adm irable , diété par la paffion 8c par l’effroi
dont T héram ène n’eft pas encore revenu ; 6c p ar
là m êm e , q u oi qu’en ait p u dire L a M o tte ,
très-naturel dans fa fituation oti fe trouve cet
aéteur.
D ans le mêm e p o è te , P h è d re , déchirée par fès
rem o rd s, d it à fa confidente :
I l me femble déjà que ces murs -, que ces rou tes
. V o n t prendre la parole , & , prêts a m’ accufer ,
Attendent mon époux pour le défabufer :
ici la figure eft m odefte 8c adoucie par le corre& if
i l me femble.
L es profateurs im iten t fouvent le hardieffe p o étique.
P lin e l ’ancien dit que « L a terre fe réjouif-
» fo it d*obéir à un foc couronné de la u rie rs, 8c
» d’être cu ltiv ée'p ar un triom phateur » : G audente
terra vomere laureato lit triumphali aratore
( Lib. I I I , capy 3. )
Vous fave\ que naturellement la viéloire eft
cru elle ,in fo len te, im pie ; M. de Turenne la ren-
doit douce , raifonnable , 6c religieufe. ( F léch ier. )
Sd beauté n'a-t-elle pas toujours été fous la
garde de la plus fcrupuleufe vertu ? ( B o fluet, )
L a raifon conduit V homme ju fq u à une entière
conviéüon des preuves hiftoriques de la religion
K k a