
claire qu’elle inftruife parfaitement le peétateur
de tout ce qui doit fe paffer dans la fuite , mais
le lui laiffer entrevoir comme une perlpedtive ,
pour le raprocher par degrés & le dèveloper fuc-
cefllvement, afin de ménager toujours un nouveau
plaifir partant du même principe , quoique varié
par de nouveaux incidents qui piquent & réveillent
la curiofité. Car fi Ton fuppofe une fois
l*efprit fuffifamment inftruit, on le prive du plaifir
de la furprife auquel i l s’attendoit. C ’eft précifé-
ment ce que dit Donat, quand il définit la Pro-
tafe y Primas acius fabaloe , quo pars argumenti
explicatur, p a rs. reticetur, ad populi expecta-
tionem tenendam. ( Voye\ Volfius , Infl. po'étic.
lib. I I , cap. v. )
Les anciens connoiffoient peu cet art : au moins
les latins s’embarraffoient - ils peu de tenir ainfi
l ’efprit des fpeétateurs dans l’attente. Dès léprologue
d’une pièce, ils en annonçoient toute l ’ordonnance
, la conduite, & le dénouaient : témoin
VAmphytrion de Plaute. Les modernes entendent
mieux leurs intérêts & ceux du Public. Principes
pour la lect. des poètes, tom. n .pa g . 336* fu iv .
( A n o n ym e .)
P R O T A T IQ U E , adj. Terme de Poéfie grèque
& latine. C ’éfoit un perfonnàge qui ne paroifioit
fur le théâtre qu’au commencement de la'pièce,
comme Sofie, dans l’Andrienne de Térence. Voflîus,
Jnfl.poët. liv. 11, ch. v .
Chez lès anciens, ces perfonnages protatiques
prenoient peu d’intérêt à l ’aétion ; & ç’étoit un
défaut. Les modernes n’en font pas exempts ; & on
l ’a juftement reproché â Corneille, par le choix
qu’il a fait dans Rodogune, & de Laonice & de
fon frère Timagène pour le récit des évènements '
Ultérieurs à l’aétion ; récit qui fe trouvé interrompu
par l ’arrivée d’Antiochus , & dont Laonice a la
complaifance de reprendre le fil dans la fcène quatrième
du même aéte, toujours pour inftruire fon
frère Timagène , qui ne l ’écoute que par curiofité
& fans intérêt. Corneille eft tombé pîufieurs fois
dans ce défaut, que Racine a toujours évité, par le
foin qu’il a pris de n’introduire que des perfonnages
protatiques intéreffants. Ainfi , dans Iphigénie,
c ’eft Agamemnon ; dans Athalie, Joad & Abner :
dans Britannicus , Agrippine & Burrhus ; c’eft a
dire , les perfonnages lés plus diftingués & qui
influeront le plus fur le relie de la pièce , qui prennent
foin d’inllruire le fpeétateur de tout ce qui a
précédé l’aétion. On fent combien cette différence
efl à l'avantage de Racine , & contribue à la régularité
du fpeétacle : car i l eft naturel de penfer
que ces principaux aéteurs font beaucoup mieux
inftruits des évènements , des intrigues d’une Cour,
& fentent la liaifon qu’elle peut avoir avec l ’évènement
qui va Cuivre & qui fait le fu jet de la
pièce , beaucoup mieux qu’une fuivante ou un capitaine
des gardes, q u i, dans urte pièce, né fervent
jhuvçat qu’à faire nombre. { A n o n ym e * )
(N . ) PR O TO Z EU GM E , f. m. Efpèce
Zeugme, où l ’on n’exprime que dans le premier
membre le mot loufentendu, niais également né-
celfaire dans les autres. Ployez Z e u g m e *
( M . B e a u z é e . )
* PROVERBE , f. m. Littérature. Cambden
définit le Proverbe , Un difeours concis , fpirituel,
fage, fondé fur une longue expérience , & qui
contient ordinairement quelque avis important.
On pourroit, en ce lens, appeler Proverbes ,
tant d’Adages , d’Apophtegmes , & de Maximes
d_çs fept Sages de la. Grèce & des philofophes de
l ’antiquité.: & c’ell dans ce fens qu’on a donné le
nom de Proverbes , à cet excellent recueil de Maximes
qui fait partie des livres de l ’ancien Teftament,
fous le titre de Proverbes de Salomon.
Mais par Proverbes, on entend communément
Une maxime concife & qui renferme beaucoup de
fens , mais énoncée dans un ftyle familier & qu'on
n’emploie guère que dans la converfation; tels que
ceux-ci |jj Qui trop embrajfe mal étreint; Chat
echaude craint Veau tiede ,* Un Tiens vaut mieux
que deux Tu Vduras ; I l fa u t garder une poire
pour la fo if; A père avare enfant prodigue y A bon
chat bon rat ,* &c.
On nous a donné un recueil alphabétique de
Proverbes de cette dernière èfpèce ; mais ce qui
le rend pirefque inutile, c eft qu’on a négligé de
rechercher l ’origine de la plupart de ces manières
de parler proverbiales, ou d’expliquer ce qui y a
donné occafioh. { A n o n ym e .).
( T Je ne fais de quel recueil veut parler l ’Anonyme
: mais j’en ai deux fous les ieux , que j’indiquerai
au leéteur fans les juger. Le premier eft
intitulé , Dictionnaire des Proverbes fra n ço is , <$*
des façons de. parler comiques , burlefques, &
familières, &c. Paris, 1748 , petit m-8°. Le fe^
cond , Dictionnaire comique , fatirique, critique ,
burlefque-, libre, 6 proverbial -, &c y par Philibert-
Jofeph Le R o u x . Amfterdam, 175:0, grandin -8°.
Ce qu’i l faut furtout obfervery c’eft qu’il y a
deux fortes de Proverbes relativement à la forme.
Les uns font des Maximes ou des fentences, énoncées
avec précifion & d’un ton dogmatique : tel
eft ce proverbe italien; Çhi mi f a p iu care^e
che non foie , o m’a ingannato , 0 ingamiar me]
vole ( Qui me fait plus de careffes quil n*a coutume
, qu m’a trompé, ou veut me tromper). Les
autres fe préfentent fous le voile de quelque A llégorie
d’un fens clair & d'une application aifée :
j’en ai cité & expliqué pîufieurs exemples à la fin
de l ’article Allégorie ( voye\ ce mot) , où j’ai
dit quelque chofe de l ’ufage des Proverbes.
( M . B e a u z é e . )
( N.) PSEUDO. Particule prépofitive , qui peut
fervir & qui fert en effet à la cojnpofîtiop de plu-
fieurs mots, où l ’on veut faire entier l ’idée de;.
fauffe té ;
fauffeté; car elle eft tirée du verbe grec
fa llo .
Les grecs nous en ont donné l ’exemple dans
'fyivtf'oJ'tJ'cco'x.ct.Nof, fa u x docteur, ‘\'tvj'o\óyos) menteur
,-v|/tutPo/M.ap'1vp f a u x temoih}"\tvJ'o'sroif^iyos) fauffe
vierge, t fdïtxprophète , ,
fauffement nommé : nous avons -pris d’eux j dans
ce même fens, le mot Pfeudonyme, qui fe dit des
perfonnes & des ouvragés. .
L ’ auteur de l’Année littéraire ( 1 7 7 1 , tom. 1 ,
lett. x , pag. %34 ) a rifqué l ’adjedif Pfeudo-
lyrique , pour dire ; faujfementprétendu lyrique :
pourquoi ne pafferoit-il pas ?. ,
Au lieu de flétrir les noms P h i lofoph ie & P h ï-
lofopher en les appliquant à 'u’né dôélrihe auda-
cieufe & fauffe, &' à ceux qui l ’enfeignent ou qui
l ’adoptent; que n’y fubftitue-t- on les termes de
Pfeudofophifme & de Pfeudofophijîe ? ils font
analogiques quant à la forme , clairs quant au fens,
Sc néceffaires pour la jufteffe & la diftinétion des.
idées. Je crois même-qu’ils vaudroient mieux que
ceux de Philomorie & de Philomore, propofés
dans le Journal de.Berlin. ( M. B e a u z é e . ) - ‘
^ N. ) PU R E T É , C f. La Pureté eft la première
perfection de l ’ élocution , parce qu’elle contribue
néceffairement à la clarté du difeours, cujus
fumma virtus perfpicuitas. Elle eft le réfultat
néceffaire delà propriété des mots & des termes, &
de la corredion grammaticale.
Par la propriété dés mots, on évite les inconvénients
de l ’Archaïfmè &les minauderies du Néo-
logifme ( Voye\ Archaïsme & N éolôg'îsme).
Quiconque connoît les droits & l ’autorité del’Ufage,
loin de recourir aux mots anciens abandonnés par
ce_ fouverain^légiflateur des langues , ou de prévenir
fa décifion en adoptant fans befoin des mots
nouveaux qu’il n’a point encore confacrés , s’ en tient
à ceux qui font conftamment reçus, ne les emploie
que dans le fens autorîfé, & ne fe réfout à franchir
Tune ou l ’autre des bornes preferites que quand
i l y eft forcé par une difette abfolue & un befoin in-
dilpenfable.
Par la propriété des termes , on s’exprime avec
jufteffe , & l ’on évite le vague des idées & Tin-
certitude des applications. voy e\ Propriété.
La correction grammaticale, eft l ’oblèrvation
exaCte des règles que" preferit la Grammaire de
chaque langue , relativement à la déclinaifon, à
la conjugaifon, y la fyntaxe, & à la cônftruCtion-
ufuelle ; elle fe réduit , fur tous ces points, à
Éviter le Solécifme & le Barbarifme ( Voyeq Solécisme
& Barbarisme ). » Il n’y a , dit Vau-
» gelas ( Rem. 545 ) , qu’à éviter le Barbarifme
.» & le Solécifme pour écrire purement ». Cette
expreffion prouve d’importance que Vaugelas atta-
choit à l ’exaCtitude dont il s’ agit : mais il devoit
dire qu’elle fôffifoit pour écrire correctement ; puif-
que , comme on vient de l ’obferver , i l faut y
Gram m . e t Lit t é r a t . Tom J11'
joindre encore la p ro p riété des m ots & des term es ,
pour rem p lir to u t ce qu’exige la Pureté de l’élocution.
Voye\ C o r r e c t io n . ( M. B e a u z é e . )
h - f N» ) P U R IS M E ; f* m. A ffectation exceflive
de p arler ou d’écrire avec Pureté. O n n’a ‘ pas
diftingué p ar une dénom ination p ropre lé foin raisonnable
de p arler purement, & on en a confacré
une p our délïgner l ’affeCtation exceflive de fuir to u t
ce qui po urro it altérer la Pureté du lan g ag e. II
faut bien fe garder d’en conclure que l ’on puiffe
fans conféquence fe perm ettre là-deffus une n é g li-
.gençe tro p marquée.
S’il eft v ra i; com m e on n’en p eu t d o u ter, que
la recherche tro p fcrupuleufe des m inuties gram m
aticales n’elt p ropre qu’à donner à l ’élocution
une m onotonie fatiguante , une sèchereffe fafti-
d ieufe, une langueur lé th a rg iq u e ; il eft égalem ent
inconteftable que le ftyle ne p eut avoir ni agrém
ent ni fuccès , fi la langue n’eft p arlée avec toute
la Pureté. poUèole. » C ar pertbnne , dit C icéron
( HT* • O rut. xjv. qi ) , » n’admire un orateur de
» ce qu’il p arle bien fa langue.: on fe m oque de
» lu i s il ne -le fait pas ; & lo in de lu i croire
» de l ’éloquence , on ne lu i croit pas mêm e de
» la ,ra i fon ». Nemo enim imquam ejl oratorem , quoi, laiinè loqueretur, admiratus : f i efl aliter,
irrident ,• neque eùm oratorem tantummodo , fed
hominem non putant.
D ans q u el fens p eu t - il donc être vrai que le
Purifme énerve la vigueur de l ’e fp rit, l ’entretient
dans la recherche des bagatelles , & l ’em -
peche de s elever ? C ela n arrive que quand on Cs
m êle i d’écrire ou de p a rle r, fans avoir auparavant
étudié à fond la langue dans laq u e lle on veut
s’énoncer : il eft inévitable alors de perdre fon
tem ps à c h erch er, à p e le r, à mefurer chaque
m o t; & ces recherches ralentiffent néceffairem ent
la chaleur de l ’efprit , l ’ouvrage fe reffent de
1 embarras & de la contrainte, de la com pofition.
» C ette Pureté apparente eft un ouvrage de fculp-
» teur , dans leq u el celui-ci raffine & corrige to u—
» jo u rs, jufqu’à ce qu’enfin il l ’affoiblit . . . . .
» L a favante dem oifelle de Gournay, fille a d o p -
.» tive du célèbre Montaigne, difoit de ces gens-
» là , que ce qu’ils écrivoient é to it un bo uillo n
» d eau c la ire , c’eft à dire , fans im pureté mais
» fans fubftance. ( Efpr. de Leibnitz. T o m . i i ,
pqg. 138 . )
I l faut donc fe p réparer à la com pofition, p ar
une étude férieufè & profonde de la langue & des
lo is que lu i preferit la G ram m aire -, & de p lus
par la leéture réfléchie des m eilleurs écrivains en-
profe & en vers : les chofes alors fe préfeuteront
à l ’efprit avec les mots & les tours convenables •
& l ’a u te u r, uniquem ent occupé de l ’objet qu’il
tra ite , dirigera fon élocution avec^^ un fuccès 'd’autan
t p lu s grand , qu’il aura aquis plus de facilité
dans fa lan g u e. Namque O hoc qui fecerit, ei re$