
te-lligence de ces figures, on verra d’un coup d’oeil
quelle étoit la forme des Vers.
Les pieds de l’hexamètre, du pentamètre, de
l ’afclépiade font tous égaux : feulement, dans le
pentamètre & dans l ’afclépiade, il relie à l ’hémif-
tiçhe une fyllabe longue à fuppléer par un filence,
Sc dans le pentamètre le même vide à la fin du Vers.
Vers pentamètre.
2- 3 4
v u . . . . . . . . . . . . .
Vers afclépiade.
x z 3 4
— '— , — u u , — ; S— u ü j — u \J.
Le Vers hexamètre étoit régulier & plein d’un
bout à l’autre ; & en même temps il étoit fufcep-
tible d’ une variété continuelle, par la liberté qu’on
avoir d’y employer, au gré de l’ore ille, ou le
daétyle , ou le fpondée : le cinquième pied feulement
exigeoit le daétyle , & le fixième le fpondée;
encore, fi le caractère de l ’exprelfion &
l ’harmonie imitative le demandoit , pouvoit - on
mettre au cinquième pied le fpondée, au lieu du
daétyle , qu’on plaçoit alors au quatrième 3 le Vers
alors s’appeloit fpondaïque.
Vers hexamètre.
1 a 3 4 ? 6
f c - y u , — v t j j — o u , — v u ....................... ... .
Vers fpondaïque.
4 1 6
C ’eft l’égalité de ces deux mefures & la liberté
?u’avoit le poète de les combiner à fon gré; c’eft
à , dis-je , ce qui fefoit de l’hexamètre le plus
harmonieux & le plus beau de tous les Vers : auffi
ctoit-il confacré à la Poéfie héroïque.
Le. Vers ïambe au contraire, tout compofé de
mefures inégales , étoit le plus irrégulier & le plus
approchant de la profe : car non feulement il étoit
entremêlé de fpondées&d’ïambes,
1 ' 2, 3 4 $ 6
mais à fes pieds impairs il recevoit le daétyle , ou
l ’anapefte, ou les trois brèves à la place de l ’ïambe ;
& cette marche libre & naturelle l ’avoit faitpréférer
pour la Poéfie dramatique.
Mais ce qui efl une énigme pour notre oreille ,
c’ eft que les Vers employés- dans l ’O d e , & qu’on
appeloit Vers lyriques, étoient prefque tous com-
pofés de mefures inégales , comme les Vers de
gapho & d’Alcée.
Vers Saphique.
Vers alcaîque.
Il falloit donc que le chant de l ’Ode changeât
fans ceffe de mouvement, ou que, par des filences,
-comme le dit S. Auguftin, on occupât les temps
vides de la mefure.
.Quoi qu’il en fort, au moins dans les Vers réguliers,
comme dans l ’hèxamètre, l ’égalité, la
précifion du nombre , eft-elle encore fi fenfible,
même pour notre oreille , que nos Vers rhythmi-
ques n’ont rien de femblable ni d’approchant. )
Dans la baffe latinité, lorfqu’on abandonna le
Vers métrique , c’eft à dire , le vers régulièrement
mefuré , pour lé Vers rhythmique , beaucoup plus
facile , parce que la profodie n’y étoft plus obfer-
vée, & qu’il fuffifoit d’en compter les fyllabes
fans nul égard â leur valeur; les poètes fentirent
que des Vers privés du nombre avoient befoin d’être
relevés par l ’agrément des confonnances : de là
l ’ufage de la rime , introduit dans les langues modernes
, adopté par les provençaux, les italiens, les
françois, & par tout le refte de l ’Europe.
On vient de voir que dans le Vers métrique régulier
la mefure eft conftamment la même, tandis
que le nombre des fyllabes varie. Un hexamètre,
compofé de cinq daétyles & d’un fpondée, eft un
Vers de dix-fept fyllabes , tandis qu’un hexamètre,
compofé de cinq fpondées & d’un daétyle, n’en a
que treize.
Au contraire , nos Vers rhythmiques ont tous,
a l ’élifion près, le même nombre de fyllabes ; &
de mille il n’y en a pas deux dont la mefure foit
égale, à compter le nombre des temps.
Nos Vers réguliers font de douze, de dix, de
huit ou de fept fyllabes ; c’eft ce qu’ôn appelle
mefure: Le Vers de douze eft coupé par un repos
après la fixième; & le Vers de dix, après la
quatrième : le repos doit tomber fur une fyllabe
fonore ; & le Vers doit tantôt finir par une fo-
nore, tantôt par une muette : c’eft ce qu’on appelle
cadence. Toutes les fyllabes du Vers, excepté
la finale muette, doivent être fenfibles à l ’oreille : &
c’eft ce qu’on appelle nombre.
On fait que la fyllabe muette eft celle qui n’a
que le fon de cet e foible qu’on appelle muet ou
féminin ; c’eft la finale de vie & èe. flamme. Toute
autre voyelle a un fon plein.
Dansv le cours du Vers Ve féminin n’eft admis
qu’autant qu’il eft foutenu d’une confonne, comme
clans Rome & dans gloire. S’il eft feul, fans articulation
, comme à la fin de vie & d’année ; il
ne fait pas nombre, & l ’on eft obligé de placer
après lui une voyelle qui l ’efface^ comme vV active,
anné\ abondante : cela s’appelle élifion. L ’ h
in itia l» ,
«Initiale qui n’eft point afpirée , eft comme nulle &
n’empêche pas i’élifion. A
On peut élider IV muet final, quand meme
•il eft articulé & foutenu d’une confonne ; mais on
n’y eft pas obligé. Gloire^ durable , & g loir ecUi-
■ tante, font au cho-ix du poète. , r
Si l’on veut que Ve muet articulé faüe nombre ,
IL faut feulement éviter qu’i l foit fuivi d une
voyelle; comme, fi l’on veut qu il s é lid e , il
fant qu’une voyelle initiale lui fuccede immédiatement.
Dans la liaifon d'hommes illufires, 1 e muet
d’hommes ne. s’élide point; IV finale y met obi-
tacle. '
Le repos de l ’hémiftiChe ne peut tomber que
fur une fyllabe pleine. Si donc le mot finit par
une fyllabe muette , elle doit s’élider, & 1 hémif-
tiche s’appuyer, fur la fyllabe.qui la précède. Voye\
Hémistiche.
Il n’y a d’élifîon que pour Ve muet; la rencontre
de deux voyelles fonores s’appelle H ia tus
t & l’hiatus eft banni du Vers. Je crois avoir
prouvé qu’on a eu tort de l ’en exclure.' Quoi qu’il
en foit, i’Üfage a prévalu. Voye\ Hiatus.
J’ai dit que la finale du Vers eft tour a tour
fonore & muette. Le Vers à finale fonore s appelle
mafeulin : les anglois le nomment Vers à rime
Jimple ; & les italiens, Vers tronqué. Le Vers
ï finale muette s’appelle féminin ; les anglois
& les italiens le nomment Vers à rime double.
Il eft vrai que dans le Vers françois la finale
muette eft plus foible que dans le italien :
mais l ’une eft auffi breve que' 1 autre ; & ceft de la.
durée , non de la quantité des fons , que refulte le
■ nombtè d\i Versi Voye^Mvet. _ U
Cette finale fur laquelle la voix expire, n étant
pas affez fenfible à 1 oreille pour faire nombre ,
-on la regarde comme fuperflue, & 011 ne la compte
pas. Le Vers féminin , dans toutes les langues ,
a donc le même nombre de fyllabes que le Vers
mafeulin , et de plus fa finale muette ou tombante ,
comme difent les italiens.
Les Vers mafculins fans mélange auroient une
marche brufque & heurtée ; les Vers féminins fans
mélange auroient de la douceur , mais de la
molleffe. Au moyen du retour alternatif ou périodique
de ces deux efpèces de Vers , la dureté , de
l ’un & la molleffe de l’autre fe corrigent mutuellement
; & la variété qui en réfui te eft, je crois,
un avantage de notre Poéfie fur celle des italiens,
dont la finale eft toujours cadente, excepté dans les
vers lyriques.
On a voulu jufqu’à préfent que la Tragédie &
l ’Épopée fuffent rimées par diûiques , & que ces
diftiqués fuffent tour à tour mafculins & féminins.
On a permis les rimes croifées au Poème lyrique
, à la Comédie, à tout ce qu’on appelle
Poéfies familières & Poéfies fugitives. Ainfi ,
la gêne & la monotonie font pour les longs
poèmes , & les plus courts ont le double avantage
de la liberté & de la variété. N’eft-ce pas plus tôt
G r am m . e t L i t t é r a t , Tome I J f
to ï poèmes d’une longue .étendue qui! eût fallu
permettre les rimes croifées i Je le croirois plu»
jufte, non feulement parce pue les Vers mafeu-
culins & féminins entrelacés nont pas la fatigante
monotonie des diftiqués , mais parce que lent
marche libre, rapide, & Hure donne du mouvement
au récit, de la véhémence a la â io n , du volume
& de la rondeur à la période poétique On a
pris pour de la majefté la .pefanteur des Vers qui
le tiennent comme enchaînes deux a deux , & qui
fe retardent l’un l’autre : mais la majefte confifte
dans, le nombre, le coloris, l ’ éclat , & la pompe
du ftylc : & le-morceau le plus majeftueux de la
Poéfie francoife, la prophétie deJoad, dans A thalle
, eft écrit en rimes croifées. Voyez dans 1 opéra
de Profennne s’il manque rien a la majelte des
Vers entrelacés dans le début de Plulon. Du refte ,
on fait que la néceflhé gênante & continuelle de
deux rimes accouplées amené fouvent des Vers
foible s & fuperfîus. , • • •.
( q Les Vers à rimes entremêlées font tantôt de la
même mefure, tantôt, de mefure inégale dans
l’un & dans l ’autre cas , ils font ou (ymetrrque-
ment ou librement entrelacés : fymelnquemenf,
comme dans les fiances; librement, comme dans les
pièces de V e r s qui ont pris le nom de poeties
libres. ' . . WÊÊ
Dans les fiances , les Vers de mefure megaler
qui s’entremêlent avec le plus de gtace & d harmonie
, [ font les Vers de douze & de huit, & les
Vers de douze & de fix. La cadence des. Vers de
fept brife celle des Vers de huit , & n eft point
analogue à l ’harmonie du Vers de douze ; les Vers
de fept ont une marche fautiliante qui leur eft propre
, 8c ils veulent être ifoles.
Le Vers de dix fyllabes fe mêle quelquefois au*
Vers de dobze , mais en laiflant une mefure vide .
ce qui eft pénible a 1 oreille ; 8c ce n eft jamais
dans la Stance que ce mélangé doit avoir lieu.
Les Vers de mefure inégale, bien affortis dans
-les poéfies familières, en font l’harmonie & le
charme. ‘ ... • t
Dans le Poème lyrique, & fingnlierement dans
le récitatif, cet art d’entrelacer des Vers d'inégale
mefure, & d’en croifer les rimes pour donner i
la période une forme plus élégante Sc plus harino-
nieufe exige une oreille exercée. C ’étoit l ’un des
fecrets de la magie de Quinault.
Quelqu’un cependant s’eft moqué de l ’attention
qu’on y donnoit, 8c a demandé fi, fans ce mélange
de rimes,, les grecs ne 'fefoient pas de bonne
Mufique'î Que ne demandoit - on dej même f i ,
fans la .forme que Malherbe avoit donnée à nos
ftances françoifes , Pindare & Horace n’avoient pas
fait de belles Odes î Affûrément la rime n’eft pas
plus néccffaire à la Poéfie qu’à la Mufique : mais
ïorfque dans une langue la Poéfie eft telle qu’au
défaut d’une piofodierégulière & fenfible, la rime
en rrvarque la mefure , les inteivalles, & les repos,
L U I