
<<Sjo Z E U
en grec , où elle valoit JV, c’eft à dire ds. C’étoit
la meme chofe en latin, félon le témoignage de
Viétorin ( De Litterâ ) Z apud nos loco duarum
confonamium fungitur D S ; & félon Prifcien
( Hfi. I ) j elle étoit équivalente à SS : d’où'vient
que toute voyelie eft longue avant Z en latin. En
allemand & en efpagnol, le Z vaut notre T S ; en
italien, il vaut quelquefois notre T S , & quelquefois
notre D Z .
Dans l’anciennne numération , Z fignifie zooo ;
& fous un trait horizontal, Z— iôoo X zooo ou
zoooooo.
Les pièces de monnoie frapées à Grenoble portent
la lettre Z . ( M. B e a u z é e . )
■ Z, Littérature. Gette vingt-troifième & dernière
lettre de 1 alphabet étoit lettre double chez les latins
, auffi bien que le Z des grecs. De £2 fe pronon-
çoit beaucoup plus doucement que l ’X : d’où vient
que iQuintilien l ’appelle molli(Jînium & fuaviffî-
Tïium j neanmoins cette prononciation rf était pas
tout a fait la même qu’aujcuirdhui, où nous ne lui
donnons que la moitié d’une ƒ Elle avoit de plus
quelque chofe du P , niais qui fe prononçoit fort
doucement. Me^endus fe prononçait prefque comme
Medfen dits , &c. Le Z avoit encore quelque affinité
avec le G , a ce que prétend Chapelle:
Z , d it- il, à groecis venit, licet etiam ipfi primo
G gras-ci utebantur ; les jolies femmes de Rome
affeétoient d’imiter dans leur difeours ce G adouci
des grecs j elles difoient délicatement \ figere o-çcula ;
Sc nous voyons auffi que;. dans notre langue , ceux
qui ne peuvent point prononcer le g ou Yj con-
fonne devant e & i , y font fonner un Z , & difent
Je \ibet, des jetons , &c , pour le gibet, des jetons,
Scç. (L e chevalier d e J a u c o u r t , j
ZEU GME | f. m. Grammaire. C’eft une efpèce
d ellipfe , par laquelle un mot déjà exprimé dans
une proposition eft foufentendu dans une. autre qui
lui eft analogue & même attachée : de là vient le
nom de Zeugme, du grec ^(Vyjua. , connexion ,
lien , ajfembiage ; & le Zeugme diffère de l ’el-
lipfe proprement dite, en ce que dans celle-ci le
mot foufentendu ne fe trouve nulle autre part.
L ’auteur du Majiueùlesgrammairiens diftingue
trois efpèces de Z eu g mes : i °. le Proto\eugme ,
quand les mots foufentendu« dans la fuite du difeours
fe retrouvent au commencement, comme vicit pudo-
rem libido , timorem audacia , rationem amenda :
z®. le Méfo\eugme , quand les mots fou (entendus
aux extrémités du difeours fe trouvent dans quelque
phrafe du milieu,comme pudorem libido, timorem
vicit audacia,sationem amenda c ce qui eft l ’efpèce
la plus rare : 30. Y Hypo^eugme , quand on trouve
i la fin du difeours les mots foufentendus au commencement,
commtpudorem libido, timorem audacia ,
rationem..amenda vicit.'
La Jrletldde latine de Port-Royal o-bferve qu'e,
dans chacune de ces trois efpèces de Zeugme , le
jpiQt foufentendu peut l ’être fous_ la même forme ,
Z E U
ou fous une autre forme que celle fous laquelle il
. exprimé j ce qui pour coi l faire nommer le Zeugme
ou fim p le ou com pofé.
Les trois exemples déjà cités appartiennent au
Zeugme fimple, en voici pour le Zeugme compofé.
Changement dans le genre : TJtinam aut hic fur-
d u s, aut hæc muta fa c ta fit. (T e r .; C’eft un
Hypo\eugme où il y a de foufentendu faclus fit.
Changement dans le cas : Quid ille fecerlt ,
quem neque pudet quiùquam, nec metuit quem-
quam , nec legem Je putat tenere ullam ? (Ici )
C’eft un P roto\eugm e où il faut foufentendre qui
avant nec metuit & avant nec legem.
Changement dqns le nombre : Sociis & rege re~
cepto. ( Virg. ) Suppl, recepds avec fociis.
Changement dans les perfoapes : Ille timoré ,
ego ri fit corrui ( Cic. ) 3 c’eft à dire , ille timoré
corruit.
Ces différents afpeéts du Zeugme peuvent aider
peut-être les commençants à trouver les fupplé-
ments néceflaires à la plénitude de la conftruétïon ;
mais i l faut prendre garde auffi que la multiplicité
dés dénominations ne groffifle à leurs ieux les difficultés
, qui n’ont quelquefois de réalité que dans les
préjugés.
L ’erreur pareillement n’a point d’autre fondement;
& je croirois volontiers que c’eft fans examen que
l ’abbé Lancelot avance qu’il eft quelquefois très-
élégant de foufentendre le même mot dans un fens &
une lignification différente, comme colis barbam,
ille pattern: cela eft trop contraire aux vues de
J’Éloçution pour y être une élégance ; & quelle
que foip l ’autorité des auteurs-qui me préfenteront
de pareils exemples, je ne les regarderai jamais
que comme des locutions vîcieufesï
( ^ Le Zeugme eft la figure d’Élocution que
nous nommons en françois Adjonction. ( Voye\
A djonction). Notre langue peut donc en fournir
des exemples, auffi bien que,les langues tranlpofitiver*.
D è s là f dit Mafiülon, VEvangile me FAROÎT
une feule règle; les exemples de défit s - C h u f i ,
mon modèle'; les- terreurs de la piété, des dons
de Dieu ; la fécuriiè des libertins, une fureur
défefpérée; en un mot,. Vinfidélité aux grâces
reçues & les rechiites dans les' premiers de [ordres
, le plu j grand des malheurs & le caractère
des réprouvés.
- Le verbe Paroître , exprime dans le premier
membre , eft fùpprimé dans les quatre'fuivants;. Le
premier & le troifième membre , feuls enfemble,
feroient un Zeugme- iimpie, & les trois autres,
réunis de leur côté, en feroient également un fimp
le ; .parce que d’un côté il n’y auroit de foûfen-
tendu que paraît, & de l?autre il n’y auroit que
paroîffent : les cinq à la fois font un Zeupme
compofé , parce qu?il y a de foufentendu paroît Sc
paroiffent, qui font différentes formes du même
verbe. Observation , je fa i déjà remarqué , de très*
petite epnféquence. ( M . B e a u z é e . )
6 6 1
P LE M E N T
A U X A R T I C L E S DE L I T T É R A T U R E .
Ë L O
E L O Q U E N C E , f. f. Lorfqu’on l’a définie | l’Art de perfuader, on n’a penfé qu’à Y Éloquence du Barreau & de la Tribune. Mais i°. Y É lo quence
étoit un don avant que d’être un art , &.
l’art même en feroit inutile a qui n’en auroit pas
le don. L’Éloquence artificielle n’eft donc que
çYÉloquence naturelle, éclairée & réglée dans l’ufage
, de fes moyens. ( V . Rhétorique ). z°. Perfuader
n’eft pas toujours l’intention de Y Éloquence ; & ni celle du Théâtre , ni celle de la Chaire, n’a
eflenciellement ni habituellement la perfuafion pour
objet. Très-fouvent elle la fuppofe s’en prévaloir. , & ne fait que
Pour donner une idée plus étendue & plus complète
de YÉloquence , je croirois donc pouvoir la
définir la Faculté d’agir fur les efprits & fur les
âmes par le moyen de la parole. Sur les efprits, c’eft le talent d’ihftruire ; fu r les âmes, c’eft le
talent d’intérefler & d’émouvoir: & de ces deux
tfaulaednetrs. réfulte au plus haut point le talent de perIl
eft une expreffion muette, qui- par les ieux
fait pafler à l’âme le fentiment & la penfée ; &
ç eft pour l’orateur un moyen fi puiflant, que non
feulement il fupplée à la foiblesse de la parole,
mais que fans la parole il produit quelquefois tous
les effets de 1 éloquence : auffi dit-on, l’Éloquence
des ieux , l’Éloquence des larmes, l ’Éloquence
du- gefie- ( yye\^ D é c l a m a t i o n ). Mais ici je
ne confidere que YÉloquence de la parole, fans
téagnatr dd em pêomuev aouirx. accents de la voix, qui lui donnent
Par la parole^, une âme agit fur d’autres âmes ;
un efprit, fur d autres efprits. Or l’effet de cette
adtion. eft-de vaincre une réfîftance ; & cette réfif-
tance eft adtive ou paffive. Si elle n’eft que paftive ,
elle eft foiblé ; fi elle eft a&ive , elle eft pl us ou
moins forte ,• félon le degré d’énergie des mouvements
que 1 atrïe ou que l’efprit oppofe au mouvemcheannti
qquue o.n lui veut imprimer. Expliquons cette mé-
f ï>ai' réfîftance paffive , j’entends le doute, l’ir-
réfolution de l’efprit, l’indifférence & le repos de
1 â me j & par la réfîftance âftive, j’entends une
Gr am m . e t L it t é r a t . Tome I I I .
E L O
prévention, une inclination , une réfolution décidée
& contraire.
Si l ’une ou l ’autre réfiftance eft dans l ’entendement,&
n’eft que dans l ’entendement ; pour la vaincre
on 11’a pas befoin des grands moyens de l£ 7o-
quence. J’ignore , je doute, j’héfite, en attendant
que l’on m’éclaire & que l ’on me décide.^ C’eft la
plus foible des réfiftances , l ’éqûilibre de la raifon ;
& pour le rompre, i l fuffira de la vérité, fimple
ou de fa reffemblance : c’eft là ce qu’on appelle
inftruire.
Mais à l’ignorance où je fuis fe joint le préjugé ,
l ’erreur, le faux favoir, une forte préfomption ,
une opinion établie & affermie par l’habitude'.
Alors toutes lesTorces du raifonnement se réuniront
pour la vaincre : c’eft ce qu’on appelle prouver ;
& c’eft l ’ouvrage de la Diale étique, qui eft comme
le nerf de Y Éloquence.
Au lieu de la prévention ou avec e l le , fup-
pofez-moi une langueur, une inertie, une indolence
qui fe refufe à l ’attention que vous me demandez,
une répugnance de vanité pour vos leçons
& vos lumières j dès lors l ’art de m’apprivoifer ,
de m’amufer en m’inftruifant , de me cacher le
deffein de m’inftruire, ou de me rendre Tinftruc-
tion facile , agréable , attrayante, commence à
être nécelfaire. La vérité fimplement énoncée ne
fuffit pas; i l faut l ’animer, l ’embellir : & comme
la réfiftance à vaincre ne tient pas moins à la mol-
leffe de mon âme qu’à l ’indolence de mon efprit ;
il eft befoin que votre langage ait quelque chofe
de piquant, de féduifant, d incéreffant pour elle. Ici
l ’on voit que YÉloquence peut aider la Philofophie
de quelques-uns de fes moyens.
Suppofons a préfent que ma réfiftance foit foible
ou nulle du côté de l ’efprit , mais forte du- côté
de l ’âme. Je fais confufément ce que vous m’allez
dire ; & je veux croire que c’eft le vrai, l ’honnête,
l’utile , ou le jufte. Mais ce vrai répugne à mon
âme ; mais ce qu’il y a d’honnête eft pénible pour
moi; mais ce qu’i l y a d’utile , ou ne me touche
point, ou doit trop me coûter ; mais ce qu’il y
a de jufte eft contraire â mes intérêts, à mes
affections, à l ’inclination qui me domine, à la
p p p p