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forme ces tons doit être fufceptible de tontes les
variations qui peuvent y répondre. î^ous favons
d ailleurs que, pour former un ton grave, il faut
plus d’air que pour former un ton aigu ; la trachée
pour laifler pafler cette plus grande quantité d’air,
doit fe dilater ■ & fe raccourcir ; & au moyen de
ce raccourciflement, le canal extérieur, qui eû le
canal de la bouche & du nez , à compter depuis
la glotte jufqu’aux lèvres ou jufqu’aux narines, fe
trouve alongé : car le raccourciflement du canal
intérieur , qui eft celui de la trachée, fait defcendre
le larynx & la glotte ; & par conféquent fa dif-
tance de la boucne , des levres ^ & du nez devient
plus grande : chaque changement de ton & de
demi-ton opéré un changement dans la longueur
de chaque canal ; de forte que l ’on n’a point de
peine à comprendre que le noeud du larynx haufle
& baifle dans toutes les roulades ou fecoufles de la
V o ix , quelque petite que puifle être la différence
du fon.
Comme la gravité du ton d’un hautbois répond
à la longueur de cet inftrument ; ou» comme- les
plus longues fibres du bois , dont les vibrations
forment la réfonnance , produifenf toujours les vibrations
les plus lentes, & par conféquent le ton
le plus grave ; il paroît probable que la concavité
de la bouche , en s^longeant pour les tons, graves
-& en fe raccourcifîant pour les tons aigus, peut contribuer
à la formation des tons de la Voix,
Mais M. Dodart obferve que dans le jeu d’-oro-ue ,
appelé la V o ix humaine, le plus long tuyau eft
-de fîx pouces, & que, malgré cette longueur , il
ne forme aucune différence de ton ; mais que le
ton de ce tuyau eft précifément celui de fon anche :
la concavité de la bouche d’un homme qui a la
Vo ix la plus grave , n’ayant pas plus de fix pouces
de profondeur, il eft donc évident qu’elle ne peut
pas donner, modifier, & varier les tons.
4 C ’eft donc la glotte qui forme les tons aufli
bien que les fons ; & c’eft la variation de fon ouverture
qui eft caufe de la variation des tons. Une
pièce de méchanifme fi admirable mérite bien que
nous l ’examinions ici de plus près.
L a glotte humaine , repréfentée dans les planches
a Anatomie , eft feule capable d’un mouvement
propre , favoir , de rapprocher fes lèvres ;
en conféquence les lignes de fon contour marquent
trois différents degrés d’approche. Les anjatomiftes
attribuent ordinairement ces différentes ouvertures
de la glotte à l ’a&ion des mufcles du larynx ;
niais JVl. Dodart fait connoître*, par leur pofition ,
dire&ion , &c , qu’ils font deftinésà d’autres ufages,
& que l ’ouverture & la fermeture de la glottç fe
fait par d’autres moyens , favoir , par deux cordons
ou filets tendineux renfermés dans les deux lèvres de
l ’ouverture.
En effet, chacune des deux membranes femi-
circulairçs, dont Tinterftiçe forme la glo tte , eft
v o ï
pliée en double fur elle-même ; & au milieu de
chaque membrane ainfi pliée fe trouve un paquet
de fibres , q u i, d’un côté , tient à la partie antérieure
du larynx, & de l ’autre côté, à la partie
poftéricure. Il eft vrai que ces filets reflèmblent
plus tôt à des ligaments qu’à des mufcles , parce
qu’ils font formés de fibres blanches & membra-
neufes , & non pas de fibres rouges & charnues :
mais le grand nombre de petits changements qui
doivent le faire néceflairement dans cette ouverture,
pour former la grande variété de tons, demande
abfolument une efpèce de mufcle extraordinaire,
par les contractions duquel ces variations puiffent
s’exécuter j des fibres charnues ordinaires , qui
reçoivent une grande quantité de fang , auroient été
infiniment trop matérielles pour des mouvements fi
délicats.
Ces filets, qui, dans leur état de rélaxation, forment
chacun un petit are d’une ellipfe, deviennent
plus longs & moins courbes à mefure qu’ils fe
retirent ; de forte que dans leur plus grande contraction
, ils font capables de former deux lignes
droites , qui fe joignent fi exactement & d’une manière
fi ferrée, qu il ne fauroit échaper entré deux
un feul atome d’air qui partiroit du poumon , quelque
gonflé qu’il puifle être, & quelques efforts que
puiffent faire tous les mufcles du bas-ventre contre le
diaphragme, & le diaphragme lui-même contre ces
deux petits mufcles.
Ce font donc les différentes ouvertures des lèvres
de la glotte, qui produifent tous les tons différents
dans les différentes parties de la Mufique vocale,
favoir , la baffe , la taille , la haute - contre, le
bas-deffus, & le deffus nière. ; & voici de quçlle maNous
avons fait voir que la V o ix ne peut fe
former que par la glotte ; & que les tons de la
V o ix font des modifications de . la V o ix , qui ne
peuvent être formées non plus que par les modifications
de la glotte. S’il n’y a que la glotte
qui foit capable de produire ces modifications par
1 approche & l’éloignement réciproque de fes lèdvirfefsé
r, einlt se.ft certain que c’eft elle qui forme les fons
Cette modification renferme deux circonftances;
la première & la principale , eft que les lèvres
de la glotte s’étendent de plus en plus en formant
lpelsu tso nasig ,uà. commencer depuis le plus grave jufqu’au
La faconde , que, plus ces lèvres s’étendent, plus
elles fe rapprochent l’unè de l’autre.
Il s enfuit de la première circonltance, que les
vibrations des lèvres deviennent promptes & vives
à mefure qu’elles approchent du ton le plus aigu ;
que la V o ix eft jufte quand les deux lèvres
font égalêment étendues , & qu’elle eft faufle quand
les lèvres font étendues inégalement ; ce qui s’accorde
pcoarrdfaesit*ement bien avec la nature des inftruipents à
V o i
Il s’enfuit de la fécondé circonftance que ; plus
les tons font aigus, plus lés lèvres s’approchent
l’une de l ’autre : ce qui s’accorde auflî parfaitement ;
avec les inftruments à vent, gouvernés par anches
ou languettes. . .
Les degrés de tenfîon dans les lèvres font les
premières tk: principales caufes des tons , mais leurs
différences font infenfibles ; les degrés d’approche
np font que les conféquences de cette tenfion,
niais il eft plus aifé de rendre fenfîbles ces différences.
Pour donner une idée exaéle, de la chofe, nous
ne pouvons mieux y réuflïr, qu’én dilant que cette
modification confifte dans une tenfion, de laquelle
réfuite une ample fubdivifion d’un très-petit intervalle
;car cet intervalle, quelque petit qu’il fo it, eft
cependant tufceptible , physiquement parlant , de
fubdivifîons à l ’infini.
Cette do&rine eft confirmée par les différentes
ouvertures que l ’on a trouvées en difféquant des
perfonnes de différents âges & des deux fexes ; l’ouverture
eft plus petite, & le canal extérieur eft
toujours plus bas dans les perfonnes du fexe ,
& dans celles qui chantent le deffus. Ajoutez à
cela que l ’anche du hautbois, féparée du corps de
l ’inftrument, fe trouvant un peu preflee entre les
lèvres du joueur , rend un fon un peu plus ai<ni
que celui qui lui eft naturel ; fi on la prefle davantage
» elle rend un fon encore plus aigu ; de forte
qu’un habile muficien lui fera faire ainfi fucceilîve-
ment tous les tons & demi-tons d’une oélavé.
Ce font donc les différentes ouvertures, qui produifent
ou du moins qui accompagnent les tons
différents dans certains inftruments à vent, tant
naturels qu’artificiels ; & la diminution ou contraétion
de ces ouvertures haufle les tons delà glotte aufli bien
que de l ’anche.
La raifon pourquoi la confra&ion de l’ouverture
haufle le ton, c’eft que le vent y paffe avec
plus de vélocité ; & c’eft pour la même raifon que,
lorfqu’on fouffle trop doucement dans l ’anche de
quelque inftrument, il fait un ton plus bas qu’à l’ordinaire.
“ ' •
En effet, i l faut que les contractions & dilatations
de la glotte foient infiniment délicates : car
i l paroît par un calcul exaét de M. Dodart, que ,
pour former tous les tons & demi-tons d’une
V o ix ordinaire , dont l ’ étendue eft de douze tons ,
pour former toutes les particules & fubdivifîons
de ces tons en commas & autres temps plus,
courts , mais toujours fenfîbles, pour former toutes
les ombres ou différences d’un ton , quand on le
fait réformer plus ou moins fort fans changer le
ton même, le petit diamètre de la glo tte , qui
n’excède pas la dixième partie d’un pouce, mais
q u i, i dans cette petite 'étendue , varie à chaque
changement, doit être divifé actuellement en5)631
parties, lefquelles .font encore fort inégales, de
iorte q u il y en a beaucoup parmi elles qui ne
G R AMM, e t L i t t é r a t , Tome I I I ,
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font point la partie d’un pouce. On ne
peut guère comparer une fi grande déiicatefle qu’a
celle d’une bonne oreille, qui, dans la perception
des fons, eft affez jufte pour fentir diftinCtement
les différences de tous ces tons modifiés , & même
celles dont la bafe eft beaucoup plus petite que
la 5*63 zoo* partie d’un pouce.
La diverfité des tons dépend - elle uniquement
de la longueur des ligaments de la glotte , longueur
qui peut varier fuivant que le cartilage feu-
tiforme eft plus ou moins tiré en devant , & que
les cartilages aryténoïdes le font plus ou moins
en arrière ? Suivant cette l o i , les tons qui fe ,
forment lorfque ces ligaments font très-tendus,
doivent être très-aigus, parce qu’ils font alors de,
plus , fréquentes vibrations j c’eft ce que quelques'Modernes
ont voulu confirmer par l ’expérience.
» Ce n’eft pas à moi, dit Haller ( Phyfique,
§• 331 ) , à décider une queftion que mes expé-1
xiences ne nvont pas encore éclaircie : mais la
glotte immobile, cartilagineufe , & offeufe des
oifeaux, & qui en conféquence ne peut s’étendre;
la V o ix plus aigue dans le fîfflement, qui
trèsj- certainement dépend du feul rétrécifîement
des lèvres 3 l ’exemple des • femmes , qui ont la
V o ix plus aiguë que les hommes , quoiqu’elles
ayent la glotte & le larynx plus courts ; les
expériences qui confiaient que les fons les plus
aigus fe forment par les ligaments de la glotte ,
approchés l*un de l ’autre autant qu’ils le peuvent
être ; l ’incertitude des nouvelles expériences
confirment ce fyftême ; le défaut des machines
propres à tirer le cartilage feutiforme en devant ;
le foupçon évident que l ’auteur de l ’expérience:
a cm que le cartilage feutiforme étoit porté en
devant , tandis qu’il étoit certainement élevé 3
toutes ces chofes font naître des doutes très-
grands. Il paroît donc qu’on doit examiner de
plus près cette obfervation, fans cependant blâmée
les efforts de l ’auteur -, & fans adhérer trop précifé-
menr à fon fentiment.
Rapprochons fous les ieux le morceau qu’on
vient de lir e , pour faciliter au leCteur avec plus
de précifion l’intelligence de ce phénomène merveilleux
qu’on nomnte la V o ix , & qui eft fi nécef-
faire aux hommes vivants en (ociété.
On fait que la partie fupérieure de la trachée-
artère s’appelle larynx , lequel êft compofé de
cinq cartilages; au haut du larynx eft une fente
nommée la g lo tte , qui peut s’alonger , fe raccourcir,
s’élargir, s’étrécir, au moyen de plufieurs
mufcles artiftement pofés ; i l y â d’autres mufcles
qui font monter cette flûte, & d’autres qui la font
defcendre : l’air, venant heurter contre^les bords ,
fé brife & fait plufieurs vibrations qui forment le
fon de la Voix ,• plus l ’ouverture de la glotte eft
étroite , plus l ’air y pafle avec rapidité, & plus
le fon eft aigu. On voit par là que ceux qui
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