
pas ; l ’effet en eft perdu. C ’eft un Bridaine, un
DuplefBs qui favoient les faire & les dire. Il n’a-
par tient pas à tout homme , ni même à tout homme
éloquent, de fe montrer oppreffé de douleur, &rde
farler des larmes qui l’inondent & des fanglots qui
ui étouffent-la voix : Sed. fin is f it : neque eninz,
jpree lacrymis, jam loqui pojfum. Cic. pro Mi-
lone. ( M . M a r m o n t e l . )
(N .) PERSONNAG E , RÔLE . Synonymes.
Ces deux termes défignent également l ’objet d’une
repréfentation , foit fur la fcène, foit dans le
monde.
L e terme de Perfonnage eft plus relatif au
caractère dé l’objet représenté; celui de Rôle , à
l ’art qu’exige la repréfentation : le choix des épithètes
'dont ils s accommodent dépend de cette
diftinétion.
Un Perfonnage eft confidérable ou peu important
; noble ou bas ; principal ou Subordonné J
grand ou petit; intéreflant ou froid; amoureux,
ambitieux.., fier , &c. Un Rôle , eft aifé ou difficile
; Soutenu ou démenti; rendu avec intelligence , "
avec goû t, avec feu ; ou eftropié , exécuté mauf-
fadement, froidement, maladroitement, &c.
C ’eft au poète à décider les Perfonnages de
fa pièce & à les caraéfcérifer. C’eft à facteur à
choifir Son R ô le , à l’étudier, & à le~rendre.
I l eft prefque impoffible à un Méchantde faire
long temps , fans fe démentir , le Rôle d’Homme
de bien : ce Rôle eft trop difficile pour lui ;
parce qu’il le tiendroit dans une contrainte d’autant
plus gênante , que l ’aéteur eft plus , loin
de reffembler au Perfojinage qu’i l veut représenter.
( M. B e a u z é e . )
PERSONNAGE A L L ÉG O R IQ U E {Poéfie).
C ’eft tout être inanimé que la Poéfïe perfonnifie.
Les Perfonnages allégoriques que la Poéfie emploie
, font de deux elpèces f il y en a de parfaits,
& d’autres que nous appelons imparfaits.
Les Perfonnage r parfaits font ceux que la
Poéne crée ' entièrement, auxquels elle donne un
corps & une âme, & qu’elle rend capables-de toutes
les a étions & de tous les Sentiments des hommes.
C ’eft ainfi que les poètes ont perfonnifie dans leurs'
vers la Victoire, la Sageffe, la G lo ire, en un mot,
tout ce que les peintres ont perfonnifié dans leurs
tableaux.
Les Perfonnages imparfaits font les êtres qui
exiftent déjà réellement, auxquels la Poéfie donne
la faculté de penfer & de parler qu’ils n’ont pas ,
mais fans leur prêter une exiftence parfaite & fans
leur donner un. être tel que le nôtre. Ainfi, la
Poéfie fait des Perfonnages allégoriques imparfa
i t s , quand elle prête des fentimens aux bols, aux
fleuves , en un mot, quand elle fait parler & penfer
tous les êtres inanimés, ou quand, élevant les animaux
au deffus de leur fphère, elle leur prête plus
de raifon qti’ils n’en ont, & la voix articulée qui
leur manque.
Ces derniers Perfonnages allégoriques, font le
plus grande ornement de la Poéfie, qui n’eft jamais
îi pompeufe que lorfqu’elle fait parler toute la
nature : c’eft en quoi confifte la beauté du pfeaume
1 1 3 , In exitu Ifrael de Æ g y p to , & de quelques
autres. Mais ces Perfonnages imparfaits ne font
point propres à jouer un rôle dans l’aélion d’un
poème, à moins que cette aétion ne foit celle d’un
Apologue : ils peuvent feulement, comme fpeéta-
teurs, prendre part aux aétions des autres Perfonnages
, ainfi que les choeurs prenoient part aux tragédies
des anciens.
Les Perfonnages allégoriques ne doivent pas
jouer un des rôles principaux d’une aélion; mais ils
y peuvent feulement intervenir , foit comme d?s
• attributs des Perfonnages principaux, foit pour
exprimer plus noblement, par le fecours de la fiction,
ce qui paroitroit trivial s’il étoit dit Amplement'.
Voilà pourquoi Virgile perfonnifie la Renommée
dans f Enéide.,
Quant aux aérions allégoriques , elles n'entrent
guère avec fuceès que dans les fables & autres ouvrages
deftinés à inftruire l ’efprit en le divertifianf»
Les converfations que les fables fuppofent entre les
animaux, font des aétions allégoriques ; mais ces
aétions allégoriques ne font point un fujet propre
pour le poème dramatique, dont le but eft de nous
toucher par l’imitation des pallions humaines : ce
piédeftal, dit l ’Abbé Dubos,' n’eft point fait pour-
la ftatue. (Le Chevalier d e J a u c o u r t '.),
(.N.) PERSONNIFIER, PERSONNALISER..
Sjyn. Le dictionnaire deTrévoux' admet ces deux ver-
«bes dans le même fens, en donnant le premier
comme nouvellement confirmé par l’ufage ; &
dans la première Encylopédie on paroît avoir
adopté la même opinion. Cependant dès que l ’u-
fkge autorife l’un fans réprouver l’autre , il me
femble qu’il les juge tous deux néceffaires ; &
ils ne peuvent l ’être tous deux fi ce n-’ eft dans
des fens différents. J’avoue qu’on perfonnalife &
qu’on perfonnifie, en introduifant dans le difeours
des perfonnages .de pure fiction ; c’eft donc également
feindre des perfonnages, & c’eft par là que
ces deux verbes font fynonymes. Mais perfonna-
life r , c’eft feindre des perfonnages quelconques,
pour leur prêter des "attributs qu’on ne
veut pas lai fier -dans une généralité trop vague
& Perfonnifier, c’eft feindre des perfonnages im-
poffibles , en prêtant à des êtres inanimés , phy-
fiques ou abftraits , la figure , le langage , les fen-
timents d’un perfonnage réel : dans le premier cas,
on fait, à des perfonnages feints , l ’application d’une
vérité, d’une maxime générale , afin de faciliter
cette application fur les perfonnages réels auxquels
elle peut convenir ; dans le fécond cas, on tranf-
forme en perfonnages des êtres qui ne le font
point, afin.de donner au difeours plus de prife
fur l ’imagination, par la vivacité des images qui
naiffent de cet artifice.
On perfonnalife une vérité, une maxime, une
inftruétion , en l ’appliquant à des perfonnages
quelconques quoique . feints , dans lefquels elle
' devient plus fenfibie & dès là plus utile , parce
que cette fiétion la tire d’une généralité trop
vague. C ’eft ainfi que La Fontaine, au lieh de dire
Simplement qu’i/ rV efl pas poffible d’en impofer
au Ciel y ce qui ne feroit qu’un vérité triviale
énoncée fans fruit, perfonnalife la maxime dans
fa belle fable intitulée lé Bûcheron & Mercure,
& la rend ainfi très ~ intéreffante & en quelque
manière plus vraie.
On perfonnifie des êtres inanimés , afin de peindre
avec chaleur & de toucher , au lieu de discourir
froidement & d’ennuyer. C’eft ainfi que
les poètes ont perfonnifié la Difcorde , la Renommée
, l ’Avarice , l ’Amour, la Patrie, &c.
L’Allégorie perfonnalife , la Profopopée perfonnifie
: quelquefois les deux figures fe réunifient,
& alors , on perfonnalife & ou perjonnifte tout à
la fois ; ce qui arrive fouvent aux fabuliftes. Voici
une maxime générale :
» Nous prenons bien fouvenc, pour nous faire valoir,
» Des moyens infenfés, qui ne font que mieux voir
» Notre jaloufe infuffifance ».
M. de La Motte la perfonnalife par Allégorie,
en mettant en aétion un perfonnage feint qu’il
met fur la fcène ; & ce perfonnage feint, c’eft la
Lune, qu’il perfonnifie par Profopopée , dans fa
fable de l ’Eclipfe. (M , B e a u z é e . )
P E R S O N N E , ! ; f. Gramm. Il y a trois
relations générales que peut avoir à l ’aéle de la
parole le fujet de la propofition ; car ou il prononce
lui-même la propofition dont il eft le fujet,
o;i la parolé' lui eft adreflee par un autre , ou il
eft Amplement fujet fans prononcer le difeours &
fans être apoftrophé. Dans cette propofition, Je
fu is le feigneur ton 'Dieu ( Exod. xx , z. ) ;
c’eft Dieu qui en eft le fujet , & à qui il eft attribué
d’être le feigneur Dieu d’Ifrael ; mais en
même temps c’eft lui qui produit l ’aéte de la
parole , qui prononce le difeours : dans. celle - ci
( P f k ) , jDieu, aye\ pitié de moi félon votre
grande mijéricorde , c’eft encore Dieu qui eft le
fujet , mais ce (n’eft pas lui qui parle , c’eft à lui
que la parole eft adreiiée : enfin dans celle - ci
( Eccli. xvij. i. ) Dieu a créé l ’homme de
terre & Va fa i t à fon image , Dieu eft encore
le fujet , mais il ne parle point r & le difeours
ne lui eft point adreflé.
Les grammairiens latins ont donné à ces trois
relations générales le nom de Perfonnes. Le mot
latin Perfona fignifie proprement le inafque que
prenoit un aéfceur félon le rôle dont il étoit chargé
dans une pièce de Théâtre ; & ce iïom eft dérivé
de fonare, rendre du fon , & de la particule ampliative
p e r , d’o'ù perfonare , rendre un fon éclatant.
Gabius-Baffus , dans Aulugelie ( V . v i j '\ y
nous apprend' que le ''mafque etoit conftruit de
manière que toute la tete en étoit envelopée ,
& qu’il n y avoit d’ouverture que celle, qui étoit
nécelfaire à l ’émifiîon de la voix ; qu’en confé-
quence tout l ’effort de 1 organe fe porfant vers
cette iffue , les fons en étoient plus clairs & plus
réformants : ainfi,' l’on peut dire que fans mafque
vox fon a b a t, mais qu’avec le mafque , vox per-
fonabati & de là le nom de Perfona donné à
l ’inftrùment qui facilitoit le retentiffement de la
voix, & qui n avoit peut-être été inventé qu’à cette
fin , à Caufe de la vafte étendue des lieux où
l ’on repréfentoit les pièces dramatiques. Le meme
nom de Perfona fut employé enfuite pour exprimer
le rôle même dont l’aéteur étoit chargé ; &
c eft une Métony mie du figne pour la chofe figni-
fiée , parce que la face du mafque étoit adaptée
à l’âge & au caractère de celui qui étoit cenfé
parler , & que quelquefois „c étoit fon portrait
même : ainfi , le mafque étoit un figne non équivoque
du rôle. f
i C ’eft dans, ce dernier feus , de'Perfonnage on
de Rôle , que l ’on donne en Grammaire le nom
de Perfonnes aux trois relations dont on vient
de parler, parce qu’en effet ce font comme autant
de rôles accidentels dont les fujets fe revêtent
fuivant l ’occurrencedans la production de la parole,
qui,eft la repréfentation fenfibie de la penlée.
On ^appelle' première, Perfonne , la relation du
fujet qui parle de lui-même ; fécondé P e fonne ,
la relation du fujet à qui l ’on parle de lui-meme ;
& troifième Perfonne , la relation du fujet dont
on parle , qui ne prononce ou qui n eft pas cenfé
prononcer lui-même le difeours , &aqui il n eft
point adreffé.
On donne au fit le nom de Perfonnes aux différentes
terminaifons des verbes qui indiquent ces
relations , & qui fervent à mettre les verbes en
concordance avec le fujet confidéré fous cet af-
peét : ego amo , tu amas , Petrus amat, voila
le même verbe avec les terminaifons relatives aux;
trois différentes Perfonnes pour le nombre fingu-
lier ; nos amamus, vos. amatis , milites amant,
le voilà .dans les trois Perfonnes pour le nombre
pluriel.
Il y a donc en effet quelque différence dans la
lignification du mot Perfonne , félon qu il eft
appliqué au fujet du verbe ou au verbe même.
La Perfonne , dans le fujet, c’eft fa relation à
l’aéte de la parole ; dans le verbe , c’eft une terminai
fon qui indique la relation du fujet a l ’aéfce
de la parole. Cette différence , de fens doit en
mettre une dans la manière de s’expliquer, quand
on rend compte de l ’analyfe d’une phrafe ; par
exemple , nos autem viri fortes fatisfecijfe vide
mur : il faut dire que nos eft de la première
Perfonne du pluriel , & que videmur eft à la
première Perfonne du pluriel. D e indique quel