
Virgules, fi elle eft enclavée dans d’aùfres parties de
la propofition.
Exemple de la première efpèce : Toutes les
vérités produites feulement par le Calcul, on
les pourvoit traiter de vérités d'expérience. ( Fon-
tenelle , ibid ). C ’eft le complément objeétif qui
fe trouve ici àJ.a tête de la phrafe entière.
Exemple de la fécondé efpèce : La verfificà-
tion des grecs & des latins , par un ordre réglé
de fyllabes brèves & longues , donnoit a ta mémoire
une prife fuffifante. ( Théor. des fent.
chap. tij ). Ici c’eft un complément modificatif
qui fe trouve jeté entre le fujet logique & le
„ verbe.
I l n’en eft pas de même dü complément déterminatif
d’un nom ; quoique l’hyperbate en difpofe ,
comme cela arrivé fréquemment dans la Poéfie ,
on n’y emploie pas la Virgule , à moins que le
trop d’étendue de la phrafe ne l ’exige pour le foula-
gement de la poitrine. Le grand prêtre Joad parle
ainfi à Abner ( Athalie , a61. I , fc. i ) :
C e lu i q u i mec un fre in ' à la fureur des flo ts
S a it auffi des méchants arrêter les complots.
Roufleau ( Ode facrée, tirée du Pf. po ) emploie
une femblâble hyperbate :
L e jufte eft in vulnérab le j
D e fan bonheur immuable
L e s anges fo n t les garants.
Remarquez encore que je n’indique l ’ufàge de
la Virgule, que pour les cas où l ’ordre naturel
de la propofition eft troublé par l ’hyperbate ; car
s’i l n’y avoit qu’inverfion , la Virgule n’y feroit
néceftaire qu’autant qu’elle pourroit l ’être dans le-cas
même où la conftruction feroit directe.
D e tant d’ objets d ivers le bifarre affemblage.
Racine.
Je ne fentis point devant lui le dèfordre où.
nous jette ordinairement la préfence des grands
hommes ( Dialogue de Sylla & d’Eucràte ). Il
ne faut -point de Virgule en ces exemples, parce
qu’on n’y en mettroit point fi l ’on difbit fans
inverfion , Le bifarre affemblage de 'tant d'objets
divers ; Je ne fentis point devant lui le dèfordre :
où la préfence des grands hommes nous jette ordi- ,
nairement.
La raifon de ceci eft fimple : le renverfement
d’ordre amené par l ’inverfion ne .rompt pas la
liaifon des idées confécutives j & la Ponctuation
feroit en contradiction aveci’ordre abtuel de la phrafe,
fi l ’on introduifoit des paufcs où la liaifon des idées
eft continue.
6°. I l faut .mçttje entre deux Virgules toute pro-
pofition incidente purement explicative, & écrire
de fuite fans Virgule toute propofition incidente
déterminative'. Une propofition incidente explicative
eft une efpèce de remarque interje&ive, qui
n a ,PaS} aveç l ’antécédent, une liaifon néceftaire,
puilqu on peut-la retrancher fans altérer le fens
de la propofition principale ; elle ne fait pas,
avec 1 antécédent, un tout indivifible ; c’eft plus
i tôt une répétition du même antécédent fous une
forme plus dèvelopée : mais une propofition incidente
déterminative eft une partie eftencielie du
Tout logique quelle conftitue avec l ’antécédent ; '
1 antécédent expiime une idée partielle, là pro- §
pofition incidente déterminative eh exprime une *
autre, ,& toutes deux confticuent une feule idée
totale & indivifible, de manière que la fuppreffion
de la propofition incidente changeroit le fens de
la principale , quelquefois jufqu’à la rendre faufte.
11. y a donc un fondement jufte & ràifonnable ■ à
employer la Virgule^ pour celle qui eft explicative
, & a ne pas s’en fervir pour celle qui eft
determinative : dans le premier cas , la virgule
indique la diverfité des afpe&s fous lefquels eft
préfentée la même idée , & le peu de liaifon de
1 incidente avec l’antécédent ; dans le feçond cas,
; re^ on Virgule indique l ’union intime
&indiftolubie des deux idées partielles exprimées par
1 antécédent & par l ’incidente.
Il faut donc écrire avec la Virgule : Les p a ff
fions y qui font les maladies de l'âme , ne viennent
que de notre révolte contre la raifon.
( Penfée de Cicéron , par l ’abbé d’Olivet. )
Il faut écrire fans Virgule : La gloire des grands
hommes fe doit toujours mefurer aux moyens dont
ils f e fon t fervis pour Vaquérir. (L a Rochefouç.
Penfée 1 5:7.)
Les proportions incidentes ne font pas toujours
amenées par qui , que , d o n t, lequel, duquel,
auquel, laquelle, lefquels , defquels , auxquels
ou , comptent, &c ; c’eft quelquèfois un fimple
adjeétif ou un participe fuivi de quelques compléments
, mais il peut toujours être ramené au tour
bonjônétif. Ces additions font, explicatives , quand
elles^ précèdent l ’antécédent, ou que l ’antécédent
précède le verbe tandis que l ’addition ne vient
qu’après : dans l ’un & l ’autre cas, i l faut ufer de
la Virgule .pour la raifon déjà alléguée» Exemr»
ples ;
Soumis ayec refpe& â fa vo lo n té f a in t e ,
Jç crains D ie u , cher A b n e r , & n ’ ai point d’ autre crainte*
Athalie , a&. I , fc. I#
Avides de p la ifir , nous nous flattons d'en
recevoir de tous les objets inconnus qui fem-
blent nous en promettre. ( Théorie des fentim*
chap. iv. )
L e fruit meurt en n a iffan t , dans fo n germe" infe&é.
Henriade, chant jv .
Lorfque ces additions fuivent immédiatement l ’an-'
téèédent, on peut conclure qu’elles font explicatives,
fi on peut les retrancher fans altérer le fens de la
propofition principale ; & dans ce cas, on doit employer
la Virgule..
D a ign e , d a ign e , mon D ieu , fur M athan & fur elle
Répandre cet efprit d’imprudence & d ’e r r e u r ,
D e la chute des rois funefte avant-coureur.
. Athalie, ack. I , fc. j .
7°. Toute addition mife À la tête ou dans le
corps d’une phrafe & qui ne peut être regardée
comme fefant partie de fa conftitution grammaticale
, doit être diftinguée du refte par une Virgule
mife après, fi l ’addition eft à la tête ; & fi elle eft
enclavée dans le corps de la phrafe, elle doit être
entre deux Virgules. Exemples ':W
Contre une fille qui devient de jour en jour,
plus injolente ^ qui me manque , à moi, quivous
manquera bientôt, à vous. (L e père de famille ,
aft. III , fc. viij. ) Cet à moi & cet à vous font
deux véritables hors-d’oeuvre , introduits par énergie
dans i ’enfemble de la phrafe , mais entièrement inutiles
à fa conftitution grammaticale,
Oculorum , inquit Plato , efi fenfius acerrimus,
quibus fipientiam non. eernipius. ( Cic. De F i-
nibus , II. 1 6.) Ici Ton voie la petite propofition,
inquit P la to , inférée .accidentellement dans la
principale , à laquelle elle n’a aucun raport grammatical,
quoiqu’elle ait avec elle une liaifon lo g ique.
Non , non, bien loin d'être des demi - dieux,
ce ne font pas même des hommes. ( Télémaque,
liv. x v i i . ) Ces deux non, qui commencent la
phrafe, n ont avec elle aucun lien grammatical j
c’eft une addition emphatique, diétée par la vive
perfuafion de la vérité qu’énonce enfuite Téléma-
qàé. .
O Mortels, l'efpérance enivre. ( Méditât, fu r
la F o i, par M. de Vauvenargues. ) Ces deux mots,
ô Mortels , font entièrement indépendants de la
fyntaxe de la propofition fuivante, & doivent en
être féparés par la Virgule ; c’eft le fujet d’un verbe
foufentendu à la feconde^perfonne du pluriel; par
exemple , du verbe écoute\, ou prene\-y garde:
or fi l’auteur avoit d it, Mortels prene\-y garde,
l'efpérance e n i v r e il auroit énoncé deux propo-
filions diftinûes , qu’il auroit dii féparer par la
virgule : cette diftinétion n’eft pas moins nécef-
faire , parce que la première propofition devient
elliptique , ou plus tôt elle l ’eft encore plus, pour
empêcher qu’on ne cherche à raporter à la fécondé un
mot qui ne peut lui convenir.
Il fuit de cette remarque que, quand l ’apof-
trophe eft avant un verbe à la fécondé perfonne ,
on ne doit pas l’en féparer par la Virgule, parce
que le fujet ne doit pas être féparé de fon verbe ; '
i l faut donc écrire fans Virgule : Tribuns cede\ là
place aux confuls. (Révolut. rom. liv. î i . ) Ce--
pendant l ’ulage univerfel eft d’employer la Virgule
dans ce cas-la même ; mais ,e’eft un abus introduit
parle befoin de pojicliLer ainfi dans les occurrences
où l’apoftrophe n’eft pas fujet du verbe , & ces occurrences
font très-fréquentes»
Vous ave% vaincu, Plébéiens ■ ( Ibid. )_ Il faut-
ici la Virgule , quoique le mot Plébéiens foit fujet
de ave"{ vaincu : mais ce fujet eft d’abord exprimé
par vous , mis à fa place naturelle ; & le
mot Plébéiens n’eft plus qu’un hors-d’oeuvre grammatical.
Pour mademoi/elle, elle paroît trop infirùlte
de f a beauté. (Labbé Girard. ) Ces deux mots ,
pour mademoifelle , doivent être diftingués de
refte par la Virgule; parce qu?ils ne peuvent fe
lier grammaticalement avec une autre partie de la
propofition fuivante , & qu’ils doivent en confé-
quence être regardés comme tenant à une autre propofition
elliptique , par exemple, Je parle pour ma-
demoifelle.
8°. Une propofition à la fuite d’une autre commence
quelquefois par un adverbe ou une phrafe adverbiale,
qui n’a aucune, liaifon grammaticale avec le refte
de la proportion ; tels font a in fi, autrement , de
cette manière, d'une autre manière, par exemple
3 &c : alors il faut mettre une Virgule après
ces mots, pour marquer qu’ils apartiennent à une
autre propofition que l ’ellipfe a fupprimée,. Exemples
:
I l n'y a point de véritable bonheur fa n s la.
vertu ÿ ainfi, i l njy a point de pécheur qui fo it véritablement
heureux. ( Reftaut, qui mal à propos-
fait à'ainfi, en pareil cas , une conjonction. ) C’ eft
comme fi l ’on difoit, Puifque la chofe efi ainfi W
La chofe étant ainfi.
S o y e ip lu s fig e ,- autrement, vous vous en
trouverez mal, c’eft à dire , f i vous fa ite s autrement.
■ x r” ,— wuc 1 on pourron
feirefur; lulage d e là V irgu le , en enirant
dans le détail de tous les cas particuliers Mais
je crois qu'il fuffit d'avoir expofé les règles les
plus générales, & qui font d'une néceflfté plus
commune; parce que, quand on en aura compris
le fens , la rarfoa , & le fondement , on faura
tres-bien poncluer dans les autres cas qui ne font
point IC. détaillés : il fuffira de fe rappeler que
la Ponctuation dort marquer, ou repos, ou dif.
tinéhon, ou lun-& l ’autre d la fois, & qu-e]le
dort être proportionnée d la fubordination des
fens.
Mais avant de palier au fécond article ie
terminerai ce lu i-c i par une remarque de l'àbbé
fvlraid, dont j adopte volontiers la doârine fur
ce point, fans garantir le ton dont il l'énonce.
» Quelques perfonnes , dit-il ( Difc. xvj, tom. n „
s»