
infaillible. Je laiffe cette digreffion 3 & je viens à
1’objeétion.
J e r é p o n d s , i ° . q u e c e s f u p p lé m e n ts n e f o n t p a s
t o u t à f a i t in c o n n u s d a n s l a l a n g u e l a t i n e , & q u ’o n
e n t r o u v e r a d e s e x e m p le s & l a p r e u v e d e c e q u e
j e f o u t i e n s i c i f u r l a n a tu r e d u Subjonctif, d a n s le s
e x c e l l e n t e s N o t e s d e P é r i z o n i u s f u r S a n C tiu s m ê m e .
Minerv. I . x iij.
J e r é p o n d s , z ° . q u ’o n d o n n e c e s f u p p l é m e n t s
n o n c o m m e d e s l o c u t io n s u f ité e s d a n s l a l a n g u e ,
m a i s c o m m e d e s dèvelopements' a n a l y t iq u e s d e s
p h r a f e s u f u e l l e s ; n o n c o m m e d e s m o d è le s q u ’i l
f a i l l e i m i t e r , m a is c o m m e d e s r a if o n s g r a m m a t i c a l e s
d e s m o d è le s q u ’i l f a u t e n te n d r e p o u r l e s im it e r à
p r o p o s .
Je réponds , 30. que, dès que la rai fon grammaticale
Ôc analytique exige un lupplément d’Ellipfe ,
on eft fuffifamment autorifé à le donner, quand
même on n’en auroit aucun modèle dans la cohf-
truéÜon ufùelle de la langue. Perfonne aparem-
ment ne s’eft encore avifé ae dire en françois, Je
fouhaite ardemment que le Ciel FASSE en forte
que nous ayons bientôt la p a ix > c’eft pourtant
le dèvelopement analytique le plus naturel & le
plus raifonnable de cette phrafe françoife , F a s s e
le Ciel que nous ayons bientôt la p a ix !
C ’e f t u n e r è g l e g é n é r a le d a n s l a l a n g u e f r a n ç o if e , &
q u i p e u t - ê t r e n ’a p a s e n c o r e é té o b f e r v é e , q u e , q u a n d
u n v e r b e e f t f u iv i d e f o n f u j e t , i l y a E l l i p f e d u
. v e r b e p r i n c i p a l a u q u e l e f t f u b o r d o n n é c e l u i q u i e ft
d a n s u n e c o n f tr u é tio n in v e r f e . O n e n p e u t v o i r d e s
e x e m p l e s ( article Relatif , à la fin ) , d a n s l e s q
u e l s l e v e r b e e f t à l ’i n d ic a ti f ; & l ’o n a v u ( article
Interrogatif ) ,_ q u e c ’e f t u n d e s m o y e n s
q u i n o u s - f e r v e n t à m a r q u e r l ’in t e r r o g a t io n fa n s
c h a r g e r l a p h r a f e d e m o ts f u p e r f lu s , q u i l a r e n d
a i e n t lâ c h e . I l e n e f t d e m ê m e p o u r l e fe n s o p t
a t i f d e l a p h r a f e e n q ü e ftio n * ; & l ’E l l i p f e y e ft
i n d iq u é e , n o n f e u le m e n t p a r l ’in v e rf io n d u f u j e t ,
m a i s e n c o r e p a r l a f o r m e fubjonctive d u v e r b e ,
l a q u e l l e f u p p o f e to u jo u r s , u n a u t r e v e r b e à l ’i n d i c
a t i f , q u i n e p e u t ê t r e ic i q u e l e v e r b e j e fouhaite ;
l ’a d v e r b e ardemment, q u e j’y a jo u te ,^ m e f e m b le
n é c e { T a ire p o u r r e n d r e l ’é n e r g ie d u t o u r e l l i p t i q u e ;
& en forte e f t l ’a n té c é d e n t n é c e f la ir e d e l a c o n jo n c tio n
que , q u i d o i t l i e r l a p r o p o r t i o n fubjonctive à l a
p r i n c i p a l e . ■ ° ?
Pour ce qui concerne les temps du Subjonftif, il en fera parlé ailleurs. Voye-^T emps.
Remarquons en finiffant, que le Subjonctif
un-‘mode mixte, & par conféquent non nëceffaire
dans la conjugaifon. C ’eft pour cela que la langue
hébraïque ne l ’a point admis ;& il eft évident que
M. Lavery fe trompe dans fa Grammaire angloife,
dédiée à madame du Boccage , lorfqu’il veut faire
trouver un Subjonctif dans les verbes anglois : il
ne faut, pour s’en convaincre , que comparer les
temps du prétendu Subjonctif avéc ceux de l'indicatif,
& ' l ’on y verra l ’identité la plus exaCte $ ce
fera la ^iême chofe en comparant le prétendu fécond
Subjonctif avec le prétendu potentiel 5 ils
font également identiques , &. j’ajoute que ni l’un
ni l ’autre ne doit pas plus être compté dans la
conjugaifon angloife , qu’on ne doit compter dans
la nôtre Je'peux dîner, je pouvois dîner, &e ;
je veux dîner, je voulois dîner, & c , j'aime à
dîner, j'aimois à dîner , &c , ou telle autre phrafe
où-entreroit l ’infinitif dîner. 11 me femble.difficile
de bien expofer les. règles d’aucune Grammaire
particulière , quand on ne connoît pas à fond les
principes de la Grammaire générale. \M . B e a u -
ZÉE. )
SUB LIME , adj. & f. m. A r t orat. Poéfie ,
Rhétorique. Qu’eft-ce que le Sublime ? l’a - 1 - on
défini, dit L a Bruyère ? Defpréaux en a du moins
donné la defeription. -
Le Sublime, dit - i l , eft une certaine force de
difeours propre à élever & à ravir l ’âme, & qui
provient, ou de la grandeur de la penfée & de la
nobleffe du fentiment , ou de la magnificence des
paroles, ou du tour harmonieux , v if , & animé de
l ’expreffion, c’eft à dire, d’une de ces chofes regardées
féparément, ou, ce qui fait le parfait Sublime,
de cès trois chofes jointes enfemble.
Le Sublime, félon M. Sylvain (dans un Traité
fur cette matière) , eft un difeours d3un tour extraordinaire
, v i f , & animé , qui, par les plus nobles
images & par les plus grands fentiments, élève
l ’âme-, la ravit, & lui donne une haute idée d’elle-
même.
Le Sublime en général, dirai-je en deux mots,
eft tout ce qui nous élève au deffus de ce que nousr
étions, &qui nous fait fentir en même temps cette
élévation.
Le Sublime peint la vérité, ïnais en-un fujet
noble ; il la peint tout entière dans fa caufe
& dans , fon effet ; i l eft l’expreffion ou l’image la
plus digne de cette vérité. C’eft un extraordinaire
merveilleux dans le difeours , qui frape, ravit, transporte
l’âme, & lui donne une haute opinion d’elle-
même.
Il y a deux fortes de Sublime dont nous entretiendrons
le leCteur; le Sublime des images, & le
Sublime des, fentiments. Ce n’eft pas que les fentiments..
ne préfentent auffi en un fens de nobles
images , puifqu’ils ne font fublimes que parce qu’ils
expofent aux ieux l ’âme &’ le .coeur.; mais comme
le Sublime des images peint feulement un objet,
fans mouvement, & que l ’autre Sublime marque
un mouvement du coeur, il a fallu distinguer ces
deux efpèces par ce qui domine en chacune. Parlons
d’abord du Sublime des images ,• Homère & Virgile
en font remplis.
Le premier', en parlant de Neptune, dit,
Neptune ainfi marchant dans lés vaftes campagnes,
Fait trembler fous fes pieds & forêts & montagnes :
c’eft là une belle image'; mais le.poète eft bien
plus admirable , quand il ajoute ;
L ’enfer s’émeut au bruit de Neptune en furie:
Pluton fort de fon trône, il pâlit V, il s’écrie ;
Il a peur que ce dieu dans cet affreux fejour, ■
D ’un coup de fon trident, ne fafle entrer le jour,
Et par le centre ouvert de là terre ébranlée
Ne fade vo r du Styx la rive défolée,
N e d é c o u v r e aux vivants cet Empire odieux,
Abhorré dès mortels & craint même des dieux.
Quels coups de pinceaux ! la terre ébranlée d’un
Coup de trident ; les rayons du jour prêts à entrèr
dans fon centre ; la rive du Styx tremblante & défolée
; l ’Empire dès morts abhorré des mortels!
voilà du Sublime; & il feroit bien étonnant qu’à
la vue d’un pareil fpe&acle nous ne fuffions tranf-
portés hors de nous-mêmes.
Homère , toujours grand dans fes images, nous
offre un autre tableau magnifique.
Thétis , dans l’Iliade , va prier Jupiter de venger
fon fils, qui avoit été outragé par Agamemnon ;
touché des plaintes de la déefle , Jupiter lui répond
: >» Ne vous inquiétez point, belle Thétis ,
» je comblerai votre fils de gloire ; & pour vous
» en aflurer, je vas faire un ligne de tête, & ce
» ligne eft le gage le plus certain de la foi de
» mes promelTes ». I l dit : du mouvement de la
tête immortelle l ’Olympe eft ébranlé. Voilà fans
doute un beau trait de Sublime , & bien propre à
exciter notre admiration ; ' car tout ce qui pafle
notre pouvoir la réveille : . remarquez encore qu’à
cette admiration il fe joint toujours de l ’étonnement
, elpècê de fentiment qui eft pour nous d’un
grand prix.
N’eft-ce pas encore le Sublime des* images, quand
le même poète peint la Difcorde, ayant
La tête dans les deux & les pieds fut la terre ?
I l en faut dire autant de l ’idée qu’il donne de la
yitefTe avec laquelle les dieux fe rendent d’u>n lieu
dans un autre :
Autant qu’ un homme affis au rivage des mers
Voit d’ un roc élevé d’ efpace dans les airs,
Autant des immortels ies couriers intrépides
En franchilfent d’ un fa u t., ,
Quelle idée nous donne-t-il encore du bruit qu’un
dieu fait en combattant?
Le Ciel en retentit, & l’Olympe en trembla.
Virgile va nous fournir un trait de Sublime fem-
olable à ceux d’Homère : le voici. Les divinités
étant affemblées dans l ’Olympe, le fouverain arbitre
de l ’univers parle ; tous les dieux fe taifept ^
la terre tremble , un profond filenee règne au haut
des airs , les vents retiennent leur haleine , la mer
calme fes flots : Æ n . X . 101.
Eo dicente , dcûm domus alta filejcit,
Et tremefaclu folo tellus, filet urduus cether ƒ
Tum Zephyri pofuerefrémit placida oequora porttuf.
Les peintures que Racine a faites de la grandeur
de Dieu font fublimes. En voici deux exemples»
J’ai vu l’ Impie adoré fut la terré:
Pareil au cèdre, il c a c h o i t dans les deux
Son front audacieux}
Il fembloit à fon gré gouverner le tonnerre,
Fouler aux pieds fe s ennemis vaincus :
Je n’ai fait que paffer , iln ’étoit déjà plus,
: Èjl'her, V, 5.
Les quatre autres vers ,fuivants ne font guère moins
fublimes.
, L’Éternel eft f o n nom , 1e monde eft fon ouvrage ,
Il entend les foiipirs de l ’h u m b le q u ’o n outrage ,
Juge tous les mortels avec d’égales lois,
Et du haut de fon; trône interroge les rois.
Un raifonnement, quelque beau qu’il fo.it, rre
fait point le Sublime ; mais il peut y ajouter quelque
chofe. On connoît le ferment admirable de
Démofthène : il avoit confeillé au peuple d’Athènes
de faire la guerre à Philippe de Macédoine , &
quelque temps après il fe donna une bataille o.u.
les athéniens furent défaits : on fit la paix ; & dans
1 la fuite l ’orateur Efchine reprocha en juftiçe à
Démofthène fes confeiis1 & fa conduite dans cette
guerre , dont le mauvais fuccès avoit été fi funefte
à fon pays. Ce grand homme , malgré fa difgrâce-,.
bien loin de fe juftifier de ce reproche comme
d’un crime, s’en juftifie, devant les athéniens mêmes,
fur l ’exemple de leurs ancêtres qui avoient combattu
pour la liberté de la Grèce dans les occa-
fions les plus périlleufes ; & i l s’écrie avec une har-
diefle héroïque: Non, Me fleurs,yous n ave\point
fa i lli, j'en jure Foye-^ le tefteart. Serment.
Ce trait, qui eft extrêmementJublime, renferme
un raifonnement invincible : mais ce n’eft pas ce
raifonnement qui en fait la fublimité1,- c’eft cette
foule de grands objets, la gloire des athéniens ,
leur amour pour la liberté , la valeur dè leurs ancêtres
, que l ’orateur traite comme des dieux, &
la magnanimité de Démofthène , auffi élevée que
toutes ces chofes enfemble ; enfin ce qui en augmente
la beauté, c’eft qu’on y trouve rafTemblees
en petit toutes les perfections du difeours , la
nobleffe des mouvements , beaucoup de délicateffe,
de grandes images , .de grands; fentiments-, des
figures hardies naturelles , une’force de raifonnement
, & , ce qui e f t plusradmirable çncore , le
coeur de Démofthène élevé au deffus des méchants
J fuccès par une vertu égalé à celle de cçs grands