
» fut 1 effet d'une divinité particulière ; Prométhée
» vola le feu du ciel j Cérès inventa le blé ;
» Bacchus, le vin; &c. Les recherches exaétes font
» trop pénibles, &ne font pas à la portée de tout
» le monde. Quoi qu’il en foit, Le vulgaire fu -
» perfiitieux, dit le P. Sanadon ( Poéfie d'Horac.
» tom. i , pag. ƒ 04 ) , fû t la dupe des vifionnaires
» qui inventèrent toutes ces fables.
» Dans la fuite, quand les païens commencè-
» rent à fe policer & à faire des réflexions fur ces
» hiftoires fabule ufes, i l fe trouva parmi eux des
» myftiques , qui en envelopèrent les abfurdités
» fous le voile des allégories & des Sens figurés ,
» auxquels les raemiers auteurs de ces fables n avoient
» jamais penfé*
» Il y a des pièces allégoriques en profe & eh.
» vers : les auteurs de ces ouvrages ont prétendu
k quon leur donnât un Sens allégorique ; mais
» dans les hiftoires & dans les autres ouvrages dans
» lefijuels il ne paroît pas que l'auteur ait fongé
» â l allégorie, il eft inutile d'y en chercher. 11
» faut que les hiftoires dont on tire enfuite les
» allégories, ayent été compofées dans la vue de
» l ’allégprie ; autrement, les explications allégo-
» riques qu’on leur donne ne prouvent rien , & ne
» font que des explications arbitraires dont i l eft
\ » libre à chacun de s’amufér comme il lui p la ît,
' » pourvu qu'on n'en tire pas des conféquences dan<*e-
» reufes.
» Quelques auteurs ( Indiculus hifiorico - ckro-
» nologicus , in Fabri Thefauro-) ont trouvé une
» image des révolutions arrivées à la langue latine,
» dans la ftatue que Nabuchodonofor vit en fono-e
» ( Da.1i.ij, 31 ) ; ils trouvent dans cefonge une
» allégorie de ce qui devoit arriver à la langue la-
» tine.
» Cette ftatue étoit extraordinairement grande ; la
» langue latine n'étoit-elle pas répandue prefque
» partout? *
» La tête de cette ftatue étoit d'or : c'eft le fièclè
» d’or de la langue latine ; c'eft le temps de Térence,
a de Céfar, de Cicéron, de Virgile 3 en un mot,,
» c’eft le fiècle d'Augufte.
; » L a poitrine & les bras de la ftatue étoient
d'argent : c’eft le fiècle d’argent de la langue
'» latine ; c'eft depuis la mort d’Augufte jufqu’à
» la mort .de l ’empereur Trajan , c'eft à dire, juf-
» qu'environ cent ans après Augufte.
» Le ventre & les cüifles de la ftatue étoient
» d airain : c'eft le fiècle d'airain de la langue latine,
» qui comprend depuis la mort de Trajan jufqu’à la » prife de Rome par les goths, en 410.
» Les jambes de la ftatue étoient de fe r , & les
» pieds:, partie, de fer & partie de terre : c’eft le
» fiècle de fer de la langue latine , pendant ,lequel
» les différentes incurfions des barbares plongèrent
» les hommes dans .une extrême ignorance j à peine
» la langue latine .fe conferva-t-elle dans le langage
» de TÉglife. , 5 0
» Enfin une p ierre abattit la ftatue : c'eft la
» -langue latine qui ceffa d’être une langue vi-
» vante.
» C ’eft ainfi qu'on raporte to u t aux idées dont on
» eft préoccupé.
» L es Sens allégoriques ont été autrefois fort
» à la mode , & ils le font encore en O rie n t; on
» en trouvoit p a rto u t, jufques dans les nombres.
» M etrodore de Lam pfaque , au raport de T a tie n ,
» avoit tourné H om ère to u t entier en allégories.
» O n aim e mieux aujourdhui la réalité du Sens
» litté ra l. Les explications m yftiques de l’Écriture
» fainte > qui ne font p o in t fixées par les apôtres
» ni établies clairem ent par la révélation , font
» fujettes à des illufions qui m ènent au fanatifme.
» ÿ " H u e t, Origenianor.lib. 11, quoejl. 13 ,
» pag. 17i j & le livre in titu lé , Traité du Sens
» littéral & du Sens myfiique, félon la doctrine
» des Pères ».
3. Sens, anagogique. » L e Sens anagogique
» n’eft g uère en ufage que lérfqu ’il s’a g it des
» différents Sens de l ’É criture fainte. C e m ot Ana-
» gogique vient du grec <xva.ywyvi , q ui veut dire
» élévation : ctvà , dans la com position des m ots ,
» fignifîé fouvent au dejfus, en haut ; àyayri veut
» dire conduite, de «V&>, j e conduis : ainfi , le
» Sens anagogique de l ’É criture faitite eft un Sens
» m yftique , qui élève l ’efprit aux objets céleftes &
» divins de la vie éternelle dont les faints jouïffent
» dans le ciel.
»3 Le Sens litté ra l eft lé-fondem ent des autres
n Sens de l ’Écriture fainte. Si les explications qu’on
» en donne ont raport aux m oe u rs, c'eft le Sens
» m oral,
>3 S i les explications des paffagès de l'ancien
» T eftam ent regardent l ’É g life & les myftères de
» notre relig io n par analogie ou reflem blance.,
» c’eft le Sens allég o riqu e j ain fi, le facrifîce de'
>3 l’agneau p a fc a l, le ferpent d’airain élevé dans le
>3 d é fe rt, étoient autant de figures du faerifice de la
n croix.
>3 Enfin lorfque ces explications regardent l’Eglife
» triomphante & la vie des bienheureux dans le
» c ie l, c’eft le Sens anagogique j c’eft ainfi que
» le Sabbat des juifs eft regarde comme l ’image du
» repos éternel des bienheureux. Ces differents
». S en s , qui ne font point le Sens littéral ni le
» Sens moral , s’appellent auffi en général Sens
» tropologiques , c’eft à dire, Sen s figurés. Mais,
» comme je l'a i déjà remarqué, il faut fuivre,
» dans le Sens allégorique & 1 dans le Sens ana-1
» gogique , ce que la révélation nous en aprend,
» & s’appliquer furtout à l'intelligence du Sens
>3 litté ra l, qui eft la règle infaillible de ce que
» nous devons croire & pratiquer pour être fau- » vés ».
V III. Sens adapté. C 'eft encore.du M arfais qui
va nous inftruire. ( Ibid. art. oc ).
» Quelquefois on fe fert des paroles dé l ’Écriture
» fainte ou de quelque auteur profane , pour en
» faire une application particulière qui convient
» au fujet dont on veut parler, mais qui n’eft pas
» le Sens naturel & littéral de l ’auteur dont on les
>3 emprunte; c’eft ce qu’on appelle S e n s u s ac-
» çommodatitius, Sens adapté.
» Dans les Panégyriques des Saints &. dans les
» Oraifons funèbres, le texte du difcours eft pris
» ordinairement dans le Sens dont nous parlons.
i3 Fléchier , dans fon Oraifon funèbre de Turenne ,
» applique à fon héros ce qui eft dit dans l ’Écriture
» à l ’occafîon de Judas Macchabée', qui fut tué dans
» une bataille.
j? Le P. Le Jeune , de l ’Oratoire, fameux mif-
» fîonnaire , s’appeloit . Jean" ,* il étoit devenu
» aveugle : il fut nommé pour prêcher lé Carême
» à Marfeille aux Acoules ; voici le texte de fon
» premier fermon : Fuit homo mijfus à Deo ,
>3 cui nomen erat Joannes ; non erat ille lu x , fed
» ut tefiimoniumperhiberet de lumine ( J o a n .j, 6)..
» On voit qu’il fefoit allufion à fon nom, & à fon
» aveuglement.
» Il y a quelques paffagès des auteurs profanes
» qui font comme paflq&en proverbes , & auxquels
33 ûn donne communément un Sens détourné, qui
>3 n’eft pas précifément le même Sens que celui
» qu’ils ont dans l ’auteur d’où ils font tirés j en voici
» des -exemples.
1. » Quand on veut animer un jeune homme à
» faire parade de ce qu’il fait, ou blâmer un Sa-
33 - vaut de ce qu’il fe tient dans l’obfcurité , on lui
» dit ce vers de Perfe (fiat. / , 27.) ;
» S cire tuum nihil e jtn iji te ficire hoc fciai aller.
» Toute votre feience n’eft rien , fi les autres ne
» lavent pas combien vous êtes lavant. La penfée
» de Perfe eft pourtant de blâmer ceux qui n’étu-
>3 dient que pour faire enfuite parade de ce qu’ils
» favent. , .
»> "En pallor , Jeniumque .* O mores! ufque adebné
» S cire tuum nihil e jl, niji te foire hoc fciat alter ?
>3 II y aune interrogation & une furprife dans le
» texte , & l ’on cite le vers dans un Sens abiolu.
2.13 On dit d'un bo'mme qui parlé avec emphafe,
» d’un ftyle ampoulé & recherché , que
» Projicit ampullas €r fefquipedalia verba :
» il jette , i j fait lortir dé la bouche des paroles
» enflées & des mots d’un pied & demi. Cependant
» ce vers a un Sens tout contraire dans Horace
» (A r t . po'èt. 97 ). La Tragédie , dit ce poète,
>J ne s’exprime pas toujours d’un ftyle pompeux &
» elevé j Télèphe & Pélée , tous deux pauvres,
» tous deux chaffés de leur pays j ne doivent pas
» recourir à des termes enflés, ni fe fervir de grands
» mots j il faut qu’ils falfent parler leur douleur
» d’un ftyle fimple & naturel, s’ils veulent nous
>3 toucher , & que nous nous inléreflïons à leurmau-
>3 vaife fortune. Ainfi, p ro jic it, dans Horace 3 veut
» dire , i l rejette.
■ » E t tragicus plerumque dolet fermone pedejlri » Telephus & P eleus, quum pauper & exul uterque » Projicit ampullas & fefquipedalia verba ,
n S i curât cor fpeclantis tetigijfe querelâ.
» Boileau ( A r t poét. citant 1 1 1 ) nous donne le
» même précepte :
» Que, devant Troie en flamme ,;Hécuhe défolée,
» Ne vienne pas pouffer une plainte^mpoulée.
» Cette remarque , qui fe trouve dans la plupart
» des commentateurs d’Horace, ne devoit point
» échaper aux auteurs des Diétionnaires fur le mot
» projicere.
3.. » Souvent, pour exculer les fautes d’un ha-
» bile homme , on cite ce mot d’Horace ( A r t.
33 poét. 3 5p) : Quandoque bonus dormitat Ho-
» merus ; comme fi Horace avoit voulu dire
» que le bon Homère s’endort quelquefois. Mais
» quandoque eft là pour quandocumque ( toutes
» les fois que) j ■ & bonus eft pris en bonne part*
33 Je fuis fâché, dit Horace, toutes les fois que
33 je m’aperçois qu’Homère , cet excellent poète 2
» s’endort, fe néglige , ne fefoutient pas.
» Indignor quandoque bonus dormitat Homerus.
» Danets’eft trompé dans l ’explication qu’il donne
33 de ce paflage dans fon Dictionnaire latin-françoic
» fur ce mot quandoque.
» 4. Enfin, pour s’excufer quand on eft tombé dans
» quelque faute, on cite ce vers de T érence (.Heaut. ï»
» J y *5 :
Homo fum , humani nihil a me alienum puto ; /
» comme fi T érence avoit voulu dire, j e fu i s
» homme, j e ne fu is point exempt des foiblejfes
» de T humanité. Ce n’eft pas là le Sens de Té-
» rence. Chrémès, touché de l’affiiétion où il voit
» Ménédème fon voifin, vient lui demander quelle
» peut être la caufe de fon chagrin & des peines
» qu'il fe donne : Ménédème lui dit brufquement,
» qu’il faut qu’il ait biendu loifir pour venir fe mêler
» des affaires d’autrui. Je fu is homme, répond
» tranquilement Chrémès j rien de tout ce qui
33 regarde les autres hommes n e fi étranger pour
» moi y je mintérejfe à tout ce qui regarde mon
» prochain.
» On doit s’étonner, dit Madame Dacïer,. que
33 ce vers ait été fi mal entendu , après ce que
33 Cicéron en a dit dans le premier livre des;
» Offices.
» Voici les paroles de Cicéron ( I . Ojfic. n. zç 5
» aliter i x ) : F J l enirti dijficilis cura rerum