
» je me* contenterois de rendre la penféè à notre
» maniéré; par exemple,, mittere, envoyer ; mitte
» irarn} retenez votre colère; mittere' epiftolam
» aticui i écrire une lettre à quelqu’un... i° . Mais
» lorfque la façon de parler latine eft trop éloi-
» gnée de la fiancoite , & que la lettre n’en peut
» pas .être ai Cément entendue , lés Diétionnaires
» devroient l'expliquer d’abord littéralement, dé
» enfuite ajouter la phrafe françoife qui répond à
» la latine. Par exemple, laterem crudum lavare,
» laver' une brique crue, c’eft à dire, perdre fon
» temps & fa peine, perdre fon latin; qui laveroit
» une brique avant qu’elle fut cuite, ne feroit que
» de la boue, & perdroit la brique. On ne doit
>> pas conclure de cet exemple, que jamais lavare
» ait lignifié en latin perdre, ni dater, temps ou
» peine »<
II. S en s déterminé, S en s indéterminé. Quoique
chaque mot ait néceffairement dans le difcours
une Signification fixe & une Acception déterminée,
i l peut néanmoins avoir un Sens indéterminé , en
ce qu’il peut encore laitier dans l ’efprit quelque
incertitude fur la détermination précife & individuelle
des fujets dont on parle, de.s objets que l ’on dé-
ligne; ; _ .•
Que l ’on dite , par exemple , Des h o m m e s
ont cru que les animaux font de pures machines ;
Un h o m m e d’une naïjfance incertaine je ta
les premiers fondements de la capitale du monde :
le nom homme, qui a dans ces deux—exemples
une Signification fixe , qui y eft pris fous une A c ception
formelle & déterminative , y conferve encore
un Sens indéterminé; parce que la détermination
individuelle des fujets qu’il y défigne n’y eft
pas allez complète ; il peut y avoir .encore de
l ’incertitude fur cette détermination totale , pour
ceux du moins qui ignoreroient l ’hiftoire du Carté-
ffanifme & celle de Rome ; ce qui prouve que la
lumière de ceux qui ne refteroient point indécis à
cet égard après avoir entendu ces deux propofï-
tions, leur viendroit d’ailleurs que du Sens même
«lu mot homme.
Mais fi l ’on d i t , Les C A R T É S IE N S ont cru
que les animaux fon t de pures machines ; R o -
m u L U s je ta les premiers fondements de la capitale
du monde : ces deux propofitions ne laiffent
.plus aucune incertitude fur la détermination individuelle
des hommes dont i l eft queftion ; le Sens
en eft entièrement déterminé.
III. S e n s a c t i f , Se n s paffif. Un mot eft
.employé dans un Sens aétif, quand le fujet auquel
il fe raporte - eft envifagé comme le principe
de l ’aélion énoncée par ç.e mot ; i l eft employé
dans le Sens paffif, quand le fujet auquel i l a
raport eft confidéré comme le terme de l ’impreifion
produite par l ’aétion que ce mot énonce. Par
exemple, les mots aide & fecours font pris dans
an Sens aétif, quand on dit, Mon A I D E , ou
jnon S E C O U R S vous eft inutile ; car c’eft comme
fi l ’ on d ifo it , V a i d e o u le SE C O U R S que j e
vous donne rois vous eft inutile: mais ces mêmes
mo ts font dans un Sens p a f f i f , fi l ’ on d it , A c coure
j à mon A ID E , vene\ à mon S E C O U R S ;
car ces mots marquent a lo rs Y aide ou l e fecours
qu è l ’ on me donnera , dont je fuis l e terme & non
pas l e p r in c ip e ( Voye\ V a u g e la s , Rem. 541 )•
Cet enfant s e g A t e , p ou r dire qu’ i l tache fes
hardes , eft une ph rafe o u le s deux mo ts fe gâte
ont l e Sens a é t if , pa rce q u e Venfant, au q u e l i ls .
fe rap ortent , eft e n v ifa g é com m e p r in c ip e de
l ’ aétion de gâtera Cette robe su g â t e , eft une
autre ph rafe o ù le s deux mêmes mots ont le Sens
p a f f i f , p a r c e qu e l a robe, à la q u e lle ils ont r a p o r t ,
eft confidérée com m e l e te rme de l ’ im preffion p ro -
d u ite.p a r l ’ aé tion de gâter. Voye\ P a s s i f .
» Simon, dans l ’Andrienne ( I. i j , 17 ) , rap-
» pelle à Sofie les bienfaits dont il l ’a comblé :
» Me remettre ainfi vos bienfaits devant les
» ie u x , lui dit Sofie, c’eft me reprocher que je
» les ai oubliés (Ifthæc commemoratio quàfi ex-
» probatio eft' immemoris beneficii ). Les inter-
» prêtes, d’accord entre eux pour le fond de la
» penfée, ne le font pas pour le Sens à’inime-
» moris : fe doit-il prendre dans un Sens aétif
» ou dans un Sens paffif ? Madame Dacier dit
» que ce mot peut être expliqué des deux ma*
» nières : exprobatio mei IMMEMORIAL, & alors
» immemoris eft aétif; ou bien exprobratio be-
» ne f cii IM M E M O R I S , le reproche d’un bienfait
» oublié , & alors immemoris eft paffif. Selon
» cette explication, quand immemor veut dire
» celui qui a oublié, i l eft pris dans un Sens
» aétif ; au lieu que quand il fignifie ce qui eft
» oublié , il eft dans un Sens paffif, du moins
» par raport à notre manière de traduire » littéralement.
{ Voye\ du Marfais, Trop. part. 111
art. iij. ) Cicéron a d it, dans le Sens aétif,
Adeône im m e m o r rerum à me geftarum effe
videor ; & Tacite a dit bien décidément dans le
Sens paffif, immemor beneficium. C ’eft la même
chofe du mot oppofé memor. Plaute l ’emploie
dans l e Sens aétif , quand il dit fa c fis proiniffi
MEMOR (Pfeud. ) ; & MEM OR EM mones (Capt.)V
au contraire Horace l ’emploie dans le Sens paffif *
lorfqu’il dit :
Imprejjît memo r em dente labris notam.
i. od, i j . ;
D u Ma r fa is ( loc. c i t . ) t i r e ,/ de ce d ou ble Sens
de ces mo ts, une con féq uence qu e je ne crois p o in t
ju f t e ; c’ eft qu ’en la tin ils fe ro ien t dans un Sèns
neutre. I l me fem b le qu e cet h a b ile g rammairien
o u b lie ic i l a Signification du m o t neutre, c’eft
à dire ; fé lo n lu i -m êm e , ni a é t i f ni p a f f i f : o t
on ne p e u t pa s dire q u ’un mo t qu i peut fe prendre
a lte rn a tiv em en t dans un Sens a é t if & dans un Sens
p a f f i f , a i t un Sens n e u t re ; de même- qu’ on ne
p e u t pa s dire qu ’un noir» , com m e f in i s , tan tô t
mafeulin & tantôt féminin > foit du genre neutre.
I l f a u t d ir e q u e d a n s t e l l e p h r a f e l e m o t a u n
Sens a é t i f , d a n s t e l l e a u tr e u n Sens p a f f if ,, & q u ’e n
l u i - m ê m e i l e f t fufceptible d e d e u x fiens ( utri/f-
que , & n o n p a s neutrius ). C ’e f t p e u t - ê t r e a l o r s
q u ’i l f a u t d ir e q u è l e Sens e n e f t p a r l u i - m ê m e
in d é te rm in é , & q u ’i l d é v ie n t d é te rm in é p a r l ’u fa g ç
q u e l ’o n e n f a it .
D ’après les notions que j’ai données du Sens
aétif & du Sens paffif, fi l ’on vouloit reconnoître
un Sens neutre , il faudroit l’attribuer à un mot
effencielleraeht aétif, dont le fujet ne.feroit envifagé
ni comme principe ni comme ternie de ,
l ’aétion énoncée par ce mot : or cela eft abfolu-
ment impoffible, parce que tout fujet auquel fe
raporte une aétion en eft néceffairement le principe
ou le terme.
Une des caufes qui a jeté du Marfais dans cette
• méprife , c’eft qu'il a confondu Sens & Signification
; ce qui eft pourtant fort différent : tout mot,
pris dans une Acception formelle a une Signification
aétivè ,*ou paffive, ou neutre , félon qu’il
exprime une aétion , une paffion , ou quelque
chofe qui n’eft ni aétion ni paffion ; mais i l a cette
Signification par lui-même & indépèndamment
des cil confiances des phrafes : au lieu que les mots
fufceptibles du Sens aétif ou du Sens paffif, ne le font
qu’en vertu des ciuconftances de la phrafe ; hors de
là ils font indéterminés à cet égard.
IV. S e n s abfolu , S e n s relatif. J’en ai parlé
ailleurs, & je n’ai rien à en dire de plus. Voye-^
R e l a t i f , art. II.
V . S e n s collectif S e n s difiribütif. Ceci ne
peut regarder que les mots pris dans une Acception
univerfelle : or i l faut diftinguer deux fortes d’uni-
verfalité, l ’une métaphyfique, & l ’autre morale.
L ’univerfalité eft métaphyfique, quand elle eft fans
exception; comme tout h o m m e eft mortel.
L ’univerfalité eft morale , quand elle eft fufeep-
tible de quelque exception; comme tout V IE IL L
A R D loue le temps pajfé. C’eft donc à l ’égard
.des mots, pris dans une Acception univerfelle,
, qu’i l y a Sens colleétif ou Sens difiribütif. Ils*
font dans un Sens colleétif, quand ils énoncent la
totalité des individus , Amplement comme totalité ;
ils font dans un Sens difiribütif, quand on y en-
vifage chacun des individus féparément. Par exemple
, quand on dit en France que les É V Ê Q U E S
jugent infailliblement en matière de f o i , le nom
évêques y eft pris feulement dans le Sens colleétif,
.parce que la propofition n’eft vraie que du
corps épifcopal, & non pas de chaque évêque en
particulier , ce qui feroit le Sens difiribütif. Lorfque
l ’univerfalité eft morale , il n’y a de même que
le Sens colleétif qui puiffe être regardé comme
vrai ; le Sens difiribütif y eft néceffairement faux
a caufe des exceptions : ainfi, dans cette propofition,
tout v i e i l l a r d loue le temps p a jfé , il
»’y a de vrai que le Sens colleétif, parce que cela
eft allez-: généralement v r a i, ut plurimum ; le Sens.
difiribütif en eft faux , parce qu’il fe trouve des
vieillards, équitables qui ne louent que ce qui mérite
d’être loué. Lorfque l ’univerfalité eft méta-r
phyfique & qu’elle n’indique pas individuellement
la totalité , il y a vérité dans le Sens colleétif
& dans,,le. Sens difiribütif, parce que l’énoncé eft
vrai de tous &.de chacun des individus ; comme, tout
H O m m E eft mortel. * \
VI. Sens compofé; se n s divifé. Jeyasrtranfcrire
ici ce qu’en a dit du Marfais, Trop. part. I I I ,
art. viij.
» Quand l ’Évangile - dit ( Mat. x j , 5 j j Les » a v e u g le s voient, les BOITEUX marchent i
» ces termes, les aveugles ", les b o i t e u x fç
» prennent en cette occalion dans le Sens divifé ;
» c’eft à dire que ce mot aveugles fe dit là dé
» ceux qui étoient aveugles f 8c qui ne le font plus ;
» ils font divifés, pour ainfi dire , de leur dveugie-
>5 ment , car les aveugles, en tant qu’aveugles ( ce
» qui feroit le Sens compofé ) , ne voient pas.
- » L ’Evangile [Mat. x x v j , 6) parle d’un certain
» Simon, appelé le-Lépreux, parce qu’il l ’avoit
» été ; c’eft le Sens divifé.
» A in f i, quand S. Paul a dit ( I . Cor. v j , 9) ,
» que les IDOLATRES h’entréront point daris
» le toyaume des d eu x , il a parlé des idolâtres
» dant le Sens compofé , c’ eft à dire, de ceux
»> qui demeureront dans l ’idolâtrie. Les idolâtres,
» en tant qu’idolâtres , n’entreront pas dans le
d royaume des çieux ; c’eft le fiens compofé : mais
» les-idolâtres qui auront quitté l ’idolâtrie & qui
» auront fait pénitence, entferofit dans le royaume
» des cieux ; c’ eft le Sens divifé.
» Apélle ayant expofé , félon fa coutume , un
d tableau à la critique du Public, un cordonnier
» cenfura la chauffure d’une figure de ce tableau :
» Appelle réforma ce que le cordonnier avoit
» blâmé. Mais le lendemain, le cordonnier ayant
» trouvé à redire à\une jambe, Apelle lui dit
» qu’un cordonnier ne devoif juger que de la
» chauffure ; d’où eft venu le proverbe, Ne futor
» ultra crepidam , fuppléez judicet. L a réenfa-
» tion qu’Âpelle fit de ce cordonnier étoit plus
» piquante que raifonnable : un cordonnier , en
» tant que cordonnier , ne doit juger que de ce
» qui eft de fon métier ; mais fi ce cordonnier a
» d’autres lumières , i l ne doit point être réeufé ,
» par cela feul qu’il eft cordonnier : en tant que
»' cordonnier ( ce qui eft le Sens compofé ) , il
» juge fi un foulier eft bien fait & bien peint ;
» & en tant qu’i l a des connoiffances fupérieures à
» fon métier, il eft juge compétent fur d’autres
» points, il juge alors dans le Sens divifé, par ra*-
» port à fon métier de cordonnier.
» Ovide, parlant du facrifice d’Iphigénie ( Met. xij>
I » 29. )', dit que Vintérêt public triompha de La
» tendrejfe paternelle [ & que ] le roi vainquit
» le père ; poftquqm pietatem publiça caufa y
B b b z