
$22 T E N
de la même cla(Te , & qu’ils ne diffèrent entre eux
que par de très-légères nuances. Il en eft de l’ufage
& des diverfes lignifications de ces Temps, comme
de Temploi & des différents' fens , par exemple ,
des adjectifs fam eux , illu jîr e , célèbre, renommé : tous ces mots marquent la réputation , & l’on
pourra peut-être s’en fervir indiftinétement lorsqu’on
n’aura pas befoin de marquer rien de plus
précis ; mais il faudra choifîr, pour peu que l’on
veuille mettre de précilion dans cette idée primitive
( V . les Synonymes F r a n ç o i s ). M. Harduin
lui-même, en alfignant les cas où il faut employer
le Prétérit qu’il appelle abfolu, plus tôt
que le Temps qu’il nomme Aorijle , fournit une
preuve fufHfante que chacune de ces formes a une
deftination. exclufîvement. propre ; & que je peux
adopter toutes les obfervations pratiques comme
vraies , fans ceffer de regarder ce qu’il appelle notre
Aorijle Gomme un Prefent, & tans être forcé de
convenir que no^re Prétérit exprime plus Souvent
une chofe préfente qu’unechofe paffée. (M . B e a u -
Z É E .)
TENDRESSE , SENSIBILITÉ.Jÿnony/n«.
L a Tendrejfe a fa Source dans le coeur ; la Senji-
bilite tient aux Sens & à l’imagination. La Tendrejfe
fe borne au Sentiment qui fait aimer ; la
Scnfibilité a pour objet tout ce qui peut affeéter
l’âme en bien ou en mal. La Tendrejfe eft un
Sentiment profond & durable ; la Senjibilité n’eft
Souvent qu’une imprelfion paflagère, quoique vive.
L a Tendrejfe ne le manifefte pas toujours au dehors
; la Senjibilite fe déclare par des lignes extérieurs.
La Tendrejfe eft concentrée dans un Seul
objet ; la Senjibilite' eft plus générale. On peut
être fenfible aux bienfaits , aux injures , à la recou-
noiffance , à la Compafïïon , aux louanges , à
l’amitié même , fans avoir le coeur tendre , c’eft
à dire , capable d’un attachement vif& durable pour
quelqu’un : au contraire, on peut avoir le coeur
tendre fans être fenfible à tout ce qui vient d’autre
part que de ce qu’on aime ; on peut même aimer
tendrement, fans manifefter à ce qu’on aime beaucoup
de fenjibilité extérieure. Mais le plus aimable
de tous les hommes eft celui qui eft tout â la fois
tendre & Jenjible pour ce qu’il aime. [M. d ’A lem -
B E R T . )
TÉNÈBRES, OBSCURITÉ, N U IT . Sy non. Les Ténèbres lemblent lignifier quelque choie de
réel & d’oppofé à la lumière. \JObfcuritéeft une
pure privation de clarté. La Nuit eft la celfation du
jour, c’eft adiré, le temps od le Soleil n’éclaire
plus.
On dit des Ténèbres, qu’elles font épaiffes; de
Y Obfcurïté, qu’elle eft grande.; de la N u it , qu’elle
eft Sombre..
On marche dans les Ténèbres , à Y Obfcurité, & peedant la Nuit. ( V abbé G ir a r d . )
T E R
TERME , f. m. Grammaire 8c Logique. On a
montré ailleurs la différence des Mots , des Termes & des Eçsprejfions : voye\ Mot , T erme, Syn, & Mot , T erme , Expression , Syn. 11 s’agit
ici des Termes proprement dits.
Les Ternies fe divifent en plulieurs claffes.
i°. Ils fe divifent en concrets & en abftraits. Les
Termes concrets font ceux qui lignifient les manières
, en marquant en même temps le Sujet auquel
elles conviennent. Les Termes concrets ont
donc effenciellement deux lignifications : l’une dif-
tinéte, qui eft celle du mode ou pianière ; l’autre
confufe , qui eft celle du Sujet : mais quoique J|
lignification du mode Soit plus diftiu&e , elle eft
pourtant indire&e ; & au contraire celle du Sujet,
quoique confufe, èft directe. Le mot de blanc lignifie dire&ement , mais confufément, le fujet;
& indireélement, quoique diftin&ement, la blancheur.
Lorfque, par une abftratHon de l’elprit, on conçoit
des modes , des manières , fans les raporter
à un certain Sujet; comme ces formes fubfiftent
alors en quelque forte dans l’efprit par elles-mêmes,
elles s’expriment par un mot fubftantif , comme
fugeffe » blancheur, couleur : or les noms qui
expriment ces formes abftraites, je les appelle
Termes abjlraits. Comme les formes abftraites
expriment les elfences des chofes auxquelles elles
fe raportent, il eft évident que, puifque nous ignorons
les effences de toutes les fubftances, quelles
qu’elles foient , nous n’avons aucun Terme concret
qui foit dérivé des noms que nous donnons aux
lubftances. Si nous pouvions remonter à tous les
noms primitifs , nous, reconnoitrions qu’il n’y
y a point de fubftantif abftrait qui; ne dérive de
quelque adjeftif ou de quelque verbe. La raifon
qui a empêche les feoiaftiques de joindre des
noms abftraits à un nombre infini de fubftances ,
auroit bien dû auflr les empêcher d’introduire dans
leurs écoles ces Termes barbares d’animalité, ^humanité
, de corporéité, & quelques autres : le bon
fens ne les autorife pas plus à adopter ces Termes , que ceux-ci, aureitas, f ix é ita s , metalleitas ,
ligneitas ; & la raifon de cela , c’eft qu’ils ne
connoiffent pas mieux ce que c’eft qu’un homme ,
un animal , un corps, qu’ils ne connpiflent ce que
c’eft que l’or , la pierre , le métal, le bois. C/eft
â la doétrine des formes fubjlanciellès & à la
confiance téméraire de certaines perfonnes deftituées
d’une connoiffance qu’ils prétendoient avoir , que
nous fommes redevables de tous ces mots iïanimalité
y S humanité, de pétréité, &c: mais, grâce
au bon goût, ils ont été bannis de tous les cercles
polis , & n’ont jamais pu être de mile parmi les
gens raifonnables. Je fais bien que le mot huma-
nitas étoit en ufage parmi les romains, mais dans
un fens bien différent : car il ne fignifioit pas l’ef-
fence abftraite d’aucune fubftance ; c’étoit le nom
abftrait d’un mode, fon concret étant humauus, 8c
T E R
non pas homo : c’eft ainfi qu’en françois, Shumain,
nous avons fait humanité.
Comme les idées générales font des abftra&ions de notre elprit , on Dourroit aufli donner le nom de Termes abjlraits a ceux qui expriment ces idées
univerfelles ; mais l ’Ufage a voulu que ce nom fût
réfervé aux feules formes abftraites.
z°. Les Termes fe divifent en (impies & en complexes.
Les Termes Jimples font ceux q u i, par un feul
mot, expriment un objet quel qu’i l foit : ainfi ,
Rome, Socrate, Bucéphale, homme, ville, cheval,
font des Termes jimples.
Les Termes complexes (ont compofés de plu-
fieurs Termes joints enfemble : par exemple, ce
font des Termes complexes , un homme prudent,
un corps tranfparent, Alexandre, f i ls de Philippe.
Cette addition fe fait quelquefois par le pronom
relatif, comme fi je dis, un corps qui ejl tranf-
parent, Alexandre qui ejl f ils de Philipp e , le
pape qui fe dit vicaire de Jéfus-Chrijl.
Ce qu’il y a de plus remarquable dans ces Termes
complexes, eft que l ’addition que l’on fait
â un terme eft de deux fortes : l ’une qu’on peut
appeler Explication , & l ’autre Détermination»
L’addition eft explicative, quand elle ne fait que
dèyeloper -, ou ce qui étoit enferme dans la com-
préhenfion de l ’idée du premier Terme , ou du
moins ce qui lui convient comme un ^de fes
accidents , pourvu qu’il lui convienne generalement
& dans toute fon étendue ; comme fi je dis , Vhomme
qui ejl un animal doué de raifon , ou / homme
qui défire d’ être naturellement heureux, on Vhomme
qui eft mortel .* ces additions ne font que des explications
, parce qu’elles ne changent point du
tout l’idée d’homme , & ne la reftreignent point â
ne fignifier qu’une partie des hommes; mais qu elles
marquent feulement ce qui convient a tous les
hommes.
Toutes les additions faites aux noms qui marquent
diftinttement un individu , font de cette
forte; comme quand on dit, Jules - Céfar, quia
été le plus grand capitaine du monde ; P a r is ,
qui eft une des plus grandes villes de VEurope ;
Newton le plus grand de tous les mathématiciens
; L o u i s X V I , roi de France ; caries Termes
individuels diftinéfcement exprimés fe . prennent toujours
dans tpute leur étendue , étant déterminés >out
ce qu’ils peuvent 1 etre. .
L ’autre forte d’addition, qu’on peut appeler déterminative
, eft quand ce qu on ajoûte a un mot
général en reftreint la fignification, & fait qu’il
ne fe prend plus pour ce mot general dans toute
fori «tendue , mais feulement pour une partie de
cette étendue; comme fi je dis, les corps tranf-
parents , les hommes favants , un animal rai-
fonnabfe : ces additions ne font pas de fimples
explications , mais des déterminations, parce qu’elles
leftreigiient l ’étendue du premier Terme, en fefant
T E R $ 2 3
que le mot corps ne fignifie plus qu’une partie
des corps, & ainfi des autres; & ces additions font
quelquefois telles , quelles rendent un mot général
individuel, quand on y ajoûte des conditions individuelles
; comme quand je dis, Le roi qui ejl^ au-
jourdhui, cela détermine le mot général de roi a la
perfonne de Louis X V I .
On peut diftinguer de plus deux fortes de
Termes complexes ,• les uns dans 1 expreflion, &
les autres dans le fens feulement. Y»es premiers
font ceux dont l ’addition eft exprimée : les derniers
font ceux dont l’addition n’eft point exprimée, mais
feulement foufentendue ; comme quand nous difoas
en France, le roi , c’eft un Terme complexe dans
le fens, parce que nous navons pas dans le fp r it,
en prononçant ce mot de roi , la feule idée générale
qui répona à ce mot ; mais nous y joignons mentalement
l’idée de Louis X V I , qui eft maintenant roi
de France.
Mais ce qui eft de plus remarquable dans ces
Termes complexes , eft qu’il y en a qui font déterminés
dans la vérité â un feul individu, & qui
ne laiffent pas de çonferver une certaine univer-
felicé équivoque, qu’on peut appeler une équivoque
d’erreur, parce que les hommes, demeurant
d’accord que ce Terme ne fignifie qu’une chofe
unique , faute de bien difeerner quelle eft véritablement
cette chofe- unique , l ’appliquent, les uns
à une chofe , & les autres à une autre ; ce qui fait
qu’il a befoin d’être encore déterminé, ou par
diverfes circonftances, ou par la fuite du difeours,
afin que l ’on fâche précifément ce qu’il fignifie.
Ainfi, le mot de véritable religion ne fignifie
qu’une feule & unique religion : mais parce que
chaque peuple & chaque lette croit que fa religion
eft la véritable , ce mpt eft très - équivoque
dans la bouche des hommes, quoique par erreur^
& fi on lit dans un hiftorietl, qu’un prince a été
zélé pour la véritable religion, on ne fauroit dire ce
qu'il a entendu par la , fi on ne fait de quelle religion
a été cet hiftofien-
Les Termes complexes , qui font ainfi équivoques
par erreur, font principalement ceux qui enferment
des qualités dont les fens ne jugent point,
mais feulement l ’efprit, fur lefquels i l eft facile
par conféquent que les hommes ayent divers fen-
timems. Si je dis, par exemple, Le roi d e P r u fe ,
père de celui qui règne aujourdhui , n’ avoit pour
la garde de fa maifon que des hommes de f ix
pieds ; ce Terme complexe d’hommes de f i x p ieds,
n’eft pas fujet à être équivoque par erreur , parce
qu’i l eft bien aifé de mefurer des^ hommes , pour
juger s’ils ont hx pieds : mais li 1 on eut dit qu ils
étoient tous vaillants, le Terme complexe de vaillants
hommes eût été plus fujet à être équivoque par
erreur. _ _ . ,
Les Termes de comparaifon font autli tort sujets
à être équivoques par erreur ; Le plus grand géomètre
de P a r is , le plus /avant, le p lus adroit j