
Au refte, cette définition n’eft pas plus exa&e
que celle du Sujet multiple ou compofé : pour s’en
convaincre , il ne faut que fe rappeler les exemples
que j’ai cités des Sujets Amples ; aucun de ceux
qui font énoncés en plufieurs mots n’eft deftiné à
réunir plufieurs objets différents fous un Attribut
commun, comme l ’exige notre grammairien. C’eft:
qu’en effet la /implicite du Sujet dépend & doit dépendre
, non de l’unité du mot qui l ’exprime, mais
de l’unité de l’idée qui le détermine.
L ’Attribut peut être égalementfimple ou compofé.
L Attribut eft fimple , quand il n’exprime qu’une
'feule manière d’être du Sujet, foit qu’i l le faffe
en un feul mot , foit qu’il en employé plufieurs!
Ainfî, quand on dit, Dieu ejl éternel, Dieu gouverne
toutes les parties de l3univers ; un homme
avare recherche avec avidité des biens dont i l
ignore le véritable ufage ; être fage avec excès
c'ejl être fo u : les Attributs de toutes ces Propos
i o n s font (impies, parce que chacun n’exprime
qu’une feule manière d’être du Sujet :eft éternel
gouverne toutes les parties de Vunivers, font deux
Attributs qui expriment chacun une manière d’être
de D ieu , l ’un dans le premier exemple , l ’autre
dans le fécond ; recherche avec avidité dès biens
dont i l ignore le véritable ufage, c’eft une manière
d’être d’un homme avare ; être fo u , c’eft une
manière d’être de ce que l’on appelle être fage avec
excès.
L Attribut eft compofo , quand i l exprime plu—
fieurs manières d’être du Sujet. Ainfi, quand on dit,
D ieu eft jufie & tout-puijfànt, l’Attribut total
eft compofe parce qu i i comprend deux manières
d’ être de Dieu , la juftice & la toute-puiffance.
Les Propositions font pareillement Amples ou
compofées , félon la nature de leur fujet & de leur,
attribut.
Une Propofition fimple eft celle dont le fujet
; & l ’attribut font également (impies ,. c’eft
« dire, également déterminés par une feule idée
totale. Exemples : La fageffe eft précieufe ; la
puijfance légiftative eft le premier, droit de la
ftouverainetè ; la conjidération quon accorde à là.
vertu eft préférable à celle qu'on rend à la naif-
fance. \ .
Une Propofition compofée eft celle dont le
fujet ou l’attribut ou même ces deux parties font
co mpofées, c’eft à dire., déterminées par différentes
idées totales.
Une Propofition compofée par le fujet peut fe
décompofer en autant de Propofitions (impies qu’il
y a d’idées partielles dans le fujet compofé §J 8c
elles auront toutes le même attribut & des fiijets ’
différents. L'Écriture & la Tradition font les appuis
de là faine Théologie : il y a ici deux fujets,
I:Ecriture 8c la Tradition ; de la ie s deux Propojî-
tions Amples fous le même attribut : i°. l'Écriture
eft un appui de la faine Théologie ; z °. la Tradition
eft un appui de. la faine Théologie...
Une Propofition compofée par l ’attribut peut
fe decompoler en autant de Propofitions (impies
qu il y a d’idées partielles dans l ’attribut compofé ;
& elles auront toutes le même fujet & des attributs
différents. La plupart des hommes font aveugles
& injuftes : il y a ici deux attributs , font
aveugles & font injuftes ; de là les deux Propofitions
(impies avec le même fujet : i°. la plupart
des hommes font aveugles ; 1°. la plupart
des hommes font injuftes. La décompofition eft
prefque fenfible dans cette belle ftrophe d’Horace
( II. Od. vij* )
uîuream quifquis mediocritatem
D i lig i t , tutus caret obfoleti
Sordibus tecli caret invidendA
Sobrius aulâ*
Une Propofition compofée par le fujet & par
1 attribut peut fe décompofer , i° . en autant de Propofitions
, ayant le même attribut compofé qu’il
y a d?idées partielles dans le (ujet; z°. chacune
de ces Propofitions élémentaÎBes peut fe décompofer
encore en autant de Propofitions (impies
qu i l y a d’idées partielles dans l ’attribut compofé
en (orte que chacune des idées partielles du
fujet compofé pouvant être comparée avec chacune
des idées partielles de l ’attribut compofé, & chaque
comparaifon donnant une Propofition fimple ,
le nombre des Propofitions (impies qui fortiront
de celle qui eft compofée par le fujet & par l ’attribut
, eft égal au nombre des Jdées partielles du
fiijet compofé, multiplié par le nombre des idées
partielles de l ’attribut compofé. Les favants &
les ignorants fon t fitjets à fe tromper^ prompts*
a fe décider, & lents à fe rétracter : il y> a ici
deux fujets (impies, T. les favan'ts, z°. les ignorants
; & trois attributs (impies , i °. font fujets
a fe tromper , z°. font prompts à fe décider ,
3°. fon t lents à fe rétracler ; il en fortira donc
deux fois trois, ou fix Propofitions (impies : en les-
comparant entre elles par lé fujet-, trois auront
pour fujet çornmun l ’un des deux fujets élémentaires
, & partageront entre elles les trois attributs
j trois autres auront pour fujet comrnun l ’autre
fujet élémentaire , & partageront de même les trois
attributs : fi > on les compare par l ’attribut, deux
auront pour attribut commun le premier attribut,
élémentaire , deux autres auront le fécond attribut,
les deux dernières lé. dernier attribut; & les deux qui
auront un attribut commun , partageront entre elles
les deux fujets.
i° . Les f avants^ fon tfu je tsd fe tromper.
. z°. Les f avant s font prompts à fe décider...
3°. Les fdvani's font Lents à f e rétracler.
4°. Les ignorants font fujets à f e tromper.
5®. Les ' ignorants foiit prompts à fe décider*
. 6°. Les ignorants font.lents à fe rétracter.
, Jufqy’ici. je n’ai donné d’exemples de Propôfi-
lions, compofées que: de. celles que les. logiciens *
appellent copuldtives, parce que les parties com-
pofantes y font liées par une conjon&ion copu-
iative; mais je n’ai pas prétendu donner l ’exiulion
aux autres efpèces, dont les parties compofântes
font liées par toute autre conjondion : je trois
feulement que les diftindions obfervées en Logique
font inutiles à la Grammaire , qui ne doit
remarquer que ce qui eft néceffaire à la compofition
des Propofitions, & qui n’eft nullement chargée d’en
difeuter la vérité.
i° . Le Sujet eft incomplexe, quand i l n’eft exprimé
que par un nom , un pronom, ou un infinitif,
qui font les feules efpèces de mots qui
puiffent préfeuterà l ’efprit un Sujet déterminé; Tels
font les Sujets des P ropofttiùiîïr fuivantes r Dieu
ejl éternel; les hommes font mortels ; nous naif-
Jons pour mourir; dormir ejl un temps perdu.
I l y a apparence que du Mai fais confondoit le
Sujet incomplexe avec le (impie, quand i l donnoit
de celui-ci une définition qui ne peut convenir
qu’à l ’autre. En effet , ii déficit de. fuite le Sujet
fimple , le Sujet multiple , que j’appelle compofé,
8c le Sujèt complexe , fans en oppofer aucun à
celui qu’il nomme complexe. Il y a cependant une
très-grande différence entre le Sujet (impie & l ’in-
complexe : le Sujet fimple doit être déterminé
par une idée unique, voilà (on effence ; mais il
peut être ou n’être pas incomplexe, parce que
Ion effence eft indépendante de l’expreftion , & que
l ’idée unique qui le détermine peut être ou n’être
pas confidérée comme le réfultât de plufieurs idées
fubordonnées, ce qui donne indifféremment un ou
plufieurs mots : au contraire l ’effence du Sujet incomplexe
tient tout à fait à l ’expreffion, puifou’ii
ne-doit être exprimé que par yn mot.
Le Sujet eft complexe, quand le nom , le pronom
, ou -l’infinitif eft accompagné de quelque addition
qui en eft un complément explicatif ou déterminatif.
Tels font les fujets des Propofitions
fuivantes : Les livres utiles font en petit nombre
; les principes de la Morale méritent attention
; vous qui connoiJft\ ma conduite juge^-
moi;. craindre Dieu eft le commencement de la
fageffe : ou Ton voit le nom livres modifié par
l ’addition de l’adjcdif utiles , qui en reftreint
l ’étendue ; le nom principes modifié par l ’addition
de ces mots de là Morale , qui en eft un complément
déterminatif ; le pronom vous modifié par
l ’addition de la Propofition incidente qui coh-
noijft-ç ma conduite , laquelle en eft explicative;
& l ’infinitif craindre déterminé par l ’addition du
complément objedir Dieu.
On voit » par la notion que je donne ici du Sujet
complexe, que ce n’eft pas feulement une Propo-'
Jition incidente qui le rend te l, mais toute addition
qui. en dèvelope le feus ou qui le détermine'
par quelque idée particulière qu’elle y ajoute. Le
mot principal . auquel eft faite l ’addition , eft
le Sujet grammatical de la Propojition , parce
qu6 c’eft celui qui leu! eît fCUT'? t?. qualité de
Sujet aux lois de la Syntaxe de -chaque langu * \
ce même mot, avec l ’addition qui le rend complexe
, eft le Sujet logique de la P ropojition ,
1 parce que c’eft i ’exprefiion totale de l’idée déterminée
dont l ’efprit aperçoit l ’exiftence intellectuelle
fous telle ou telle relation à tel Attribut.
.1. L ’Attribut peut être également incomplexe ou com-
\ plexe.
L ’Attribut eft incomplexe, quand la relation du
Sujet à la manière d’être dont i l s’agit y eft
exprimée en un feul mot, foii que ce mot exprime
en même temps l’exifteiice intelieffuelle du Sujet ,
foit que cette exiftence fe trouve énoncée féparé-
ment. Ainfi , quand on dit , Je l i s , j e fu is atten
tif, les Attributs de ces deux Propofitions font
incomplexes , parce que dans chacun on exprime
en un feul mot la relation du Sujet à la manière
d’être qui lui .eft attribuée ; lis énonce tout à la
fois cette relation & l ’exiftence du fujet, & il équivaut
à fu is lifiant ; attentif n’énonce que la relation
de convenance du fujet à l ’Attribut.
L ’Attribut eft complexe , quand le mot principalement
deftiné à énoncer la relation du Sujet à
la manière d’être qu’on lui attribue , eft accompagné
d’autres mots qui en modifient la fignifica*-
tion. Ainfi , quand on d it, Je lis avec fo in les
meilleurs grammairiens, & j e fu is attentif ci-
leurs procédés ; les Attributs de ces deux Propofition.
s font complexes , parce que dans chacun le
mot principal eft accompagné d’autres mots qui en
modifient la lignification. L is , dans le premier
exemple, eft (uivi de ces mots , avec f o in , qui
préfentent Tatlion de lire comme modifiée par un
caractère particulier ; & enfuite de ceux - c i , les meilleurs- grammairiens, qui déterminent la même
action de lire par l ’application de cette a dion à
un objet fpécial. A tten tif, dans le fécond exemple ,
eft accompagné de ces mots, à leurs procédés , qui'
reftreignent ridée générale d’attention par l ’idée (pédale
a un objet déterminé.
Les PropofitionsTont également incomplexes ou
complexes, félon la forme de l’énonciation de leur
fujet & de leur attribut.
Une Propofition incomplexe , eft celle dont le
fujet & l ’attribut font également incomplexes. Exemples
: L a fageffe eft précieufe; vous parviendrez ;
mentir efl une lâcheté..
Une P ropojition complexe, eft celle dont le
fujet ou l ’atttibut ou même ces deux parties font
complexes. Exemples : L a puijfance légiflativt
eft refpeclable ; les preuves dont on appuie la-
vérité de ta religion chrétienne font invincibles ;
ce s P ropofitions font complexes par le lujct : Dieu-
gouverné toutes les parties• de VUnivers ; Céfiir
f û t le tyran d'uiie' république dont i l devoit
être le défenfeur ; ces Propofitions font complexés
par l ’attribut : la gloire qui vient de la
vertu ejl plus folide que celle qui vient de lu: