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la peine à nous fauver de l ’impatience & de l ’ennui.
Voye\ Air , Chant , L yrique
( Depuis que cet article a été imprimé pour
la première fois, l ’expérience en a confirmé les principes
par des fuccès multipliés : elle m’a furtout
affermi dans l ’idée où j’étois que, pour le fimple
R é c ita tif j, le ffyle nombreux & périodique de
Quinault efi? préférable au ffyle concis de Mé-
taftafe. Je m’étois aperçu que les fréquents repos
de ces petites phrafes coupees rendoient la marche
du Ré c ita tif pefante & monotone : pefante, à
càufe des repos trop fréquents ; monotone, en ce
que la Mufîque a très-peu de moyens de varier
fes cadences finales : & pour éviter l ’un & l ’autre
de ces défauts , j’ai elfayé de foutenir le fens, & de
donner au ffyle plus de liaifon & plusd’aifance. Cet
effai , que j’ai fait dans l’opéra de Didon & dans celui
de Pénélope, m’a réufli au delà même de mon attente.
L e muficic-n , n’ayant plus à s’arrêter à chaque
inftanc, s’eft dèvelopé plus à fon aife : fa phrafe
articulée & fontenue par des accents plus fenfibles,
plus variés, a pris en même temps plus de rapidité,
de chaleur, & de véhémence. L ’aétrice admirable
qui a joué les rôles de Didon & de Pénélope, s’eft
fentie plus entraînée par i ’impulfion de ce ffyle ;
elle n’a eu qu’à fe liver pour exprimer à grands traits
les fentiments dont elle étoit remplie : & de là
cette facilité , ce naturel, cette expreffion à la
fois fi Ample & fi tragique , qui fait regarder le
R é c ita tif de ces opéra comme le plus vrai ,
le plus .fenfible , le plus parfait qu’on ait entendu
fur'aucun théâtre du monde. ) ( M. M a r -
M O N T E L . )
R É C IT A T IO N , f. f. Poéjie théâtrale. A r t
prat. L a Récitation , dit l ’abbé Dubos, eft une
déclamation fimple , qui n’eft point accompagnée
des mouvements du corps, & que l ’induftrie des
hommes a inventée pour plaire & pour toucher
davantage que ne peut faire la leéture , furtout
quand i l s’agit de Poéfie. En effet, la Récitation
bien faite donne aux vers une force, qu’ils n’ont
pas, quand on les lit foi-même fur le papier où
ils font écrits. L’harmonie des vers quon récite
flatte l ’oreille des auditeurs, & augmente le plaifîr
que le fens des vers eft capable de donner; c’eft
un plaifîr pour nos oreilles, au lieu que leur
leârure eft un travail pour nos ieux ; l ’auditeur eft
plus indulgent que le leéfceur, parce qu’il eft plus
flatté par les vers qu’il entend, que l ’autre par
ceux qu’il lit. Aufli voyons - nous que tous les
poètes, ou par inftinét ou par connoiffance de
leurs intérêts , aiment mieux réciter leurs vers ,
ue de les donner à li r e , même aux premiers con-
dents de leurs produirions. Ils ont raifon, s’ils
cherchent des louanges plus tôt que des confeils
ptiles.
C’étoit par la voie de la Récitation que les
anciens poètes publioient ceux de leurs ouvrages
ou; n’étoient pas compofés pour le Théâtre. On
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v o it, par les Satires de Juvenal, qu’il fe fonnoit
a Rome des affemblées nombreufes pour entendre
réciter les poèmes que leurs auteurs vouloient
donner au Public. Nous trouvons même , dans les
ufages de ce temps - là , une preuve encore plus
forte du plaifîr que donne la Récitation des vers
qui font riches en harmonie. Si donc la fimple
Récitation eft fi flatteufè, il eft facile de concevoir
les avantages que les pièces qui fe repréfen-
tent fur leThéâtre tirent de la déclamation : comme
l ’éloquence du corps ne perfuade pas moins que
celle des paroles , les geftes aident infiniment la
voix à faire fon impreffion. Voye\ D é c l a m a t io n *
( Le chevalier d e J a u c o u r t .)
* RE CONNOISSAN CE , f. f. Littérature.
Dans le Poème épique & dramatique , il arrive
fouvent qu’un perfonnage ou ne fe connoît pas
lui -même, ou ne connoît pas celui avec lequel
il eft en aétion ; & le moment où il aquiert cette
connoiffance de lui-même ou d’un autre, s’appelle
Reconnoijfance. C ’eft ainfi que, dans le poème
du Taffe ,Tancrède reconnoît Clorinde après l’avoip
mortellement bleffée ; c’eft ainfi que , dans la
Henriade, d’A illy , le père, reconnoît fon fils
après l ’avoir tué de fà main ; c’eft ainfi que, dans
Atha liey cette reine reconnoît Joas; que, dans
Mérope, Égifte fe connoît lui - même , & que
Mérope le reconnoît ; que , dans Iphigénie en
Tauride & dans (Edipe, Iphigénie & fon frère
Orefte, OEdipe & Jocafte , fâ mère, fe reconnoifî-
fent mutuellement, & que chacun d’eux fe connoît
lui-même.
On vo it, par ces exemples , que la Reconnoif
fance peut être fimple ou réciproque, & que des
deux côtés, ou d’un fe u l, ce peut être foi que l ’on
reconnoiffe , ou un autre, ou un autre, & foi en
même temps.
On peut confulter la Poétique d’Ariftote & le
Commentaire de Caftelvetro fur ces différentes
combinaifons de la Reconnoijfance , & fur les manières
de la varier , foit relativement à la fituation
& à la qualité des perfonnes , foit relativement aux
moyens qu’on emploie pour l ’amener, & aux effets
qu’elle peut produire...
L a Reconnoijfance à laquelle Ariftote donne
la préférence, eft celle qui naît des incidents de
l ’aftion même , comme dans 17(Edipe : mais je crois
pouvoir lui comparer celle qui naît d’un fîgne
involontaire que l ’inconnu laiffe échaper ; comme
dans l ’opéra de Théféè , où ce jeune prince eft
reconnu, à fon épée au moment qu’ il jure par elle.
Le plus beau modèle en ce genre eft la manière
dont Orefte fe fefoit connoître à fa foeur dans Y Iphigénie
du fbphifte Polydes , lorfque ce malheureux
prince, conduit, aux marches de l ’autel pour y être
immolé , s’écrioit : » Ce n’eft donc pas affez que ma
» foeur ait été fàcrifiée à Diane,il faut que je le fois
» auffi » i
l à
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' L à K^ohnaifance'ioit-dU produire tout e coup
la révolution ou laiffer encore en fufpe'ns le fort
des perfonnages ? Dacier.., qui préféré la plus déci-
five, n’a vu l’objet que d un côté.
Si la révolution fe fait du bonheur au malheur,
elle doit être terrible, & par conféquent tout
changer, tout rcnverfer , tout décider .en .un inf-
tant. Si au contraire la révolution fe fait du malheur
au bonheur & que la Reconnoijfance réuniffe
des malheureux qui s’aiment, comme dans Mérope
& dans Iphigénie; pour que leur réunion
foit attendriffaote, il faut que l ’évènement foit
fufpendu & caché ; car la joie pure & tranquile
eft le poifon de l ’intérêt. L ’art du poète eonfîfte
alors à les engager, au moyen de la Reconnoif-
Jdnce même, dans un péril nouveau , finon plus
terrible, au moins plus touchant que le premier,
par l ’intérêt qu’ils prennent l ’un à l’autre. Mérope
eu eft un exemple rare & difficile à imiter.
I l n’y a point de Reconnoijfance fans une forte
<lè péripétie ou changement He fortune , ne fît-
elle , comme dans la fable fimple , qu’ajouter au
malheur des perfonnages intéreffants. Mais il peut
y avoir des révolutions laps Reconnoijfance ; & quoiqu’
elles ne foient pas auffi belles, les grecs ne les .
dédaignoient pas#
Il y a aucune Reconnoijfance des choies, comme
de l ’innocence d’Hippolyte , de. Zaïre , d’Amé-
n^ïde , de la perfidie de Cléopâtre dans Rodogune,
de l ’empoifonnement d’Inès, &c : & celles-ci ne font
pas les moins pathétiques.
La Reconnoijfance eft précieufe dans la Tragédie
, foit avant foit après le crime ; avant, pour
empêcher qu’il ne foit commis ; après , pour en
faire fentir tout le regret. La Reconnoijfance e ft,
dans le Comique , une lource de ridicules, comme ,
dans la Tragédie, une lource de pathétique : dans
celle-ci, c’eft une ibère qui va tuer fon fils, un
fils qui vient de tuer fa mère ; & qui reconnoif-
fent., Tune le crime qu’elle alloit commettre ,
l ’autre le crime, qu’il a commis : dans celle - là ,
cHéft un vieux jaloux , qui, par erreur, livre à fon
rival fa maitreffe , & ne s’aperçoit de la méprife
que lorfqu’il n’eft plus temps, comme dans Y École
des maris ; c’eft un jeune étourdi qui ne recon-
nbît fon rival qu’après qu’il lui a confié tout ce
qu’i l . a fait & tout ce qu’il veut faire pour lui
enlever fa maitreffe, comme dans. YÉcole des femmes
; c’eft un oncle & un neveu dont l ’un veut
faire enfermer l ’autre , & qui fe trouvent camarades
de troupe-dans une comédie de lociété, comme
dans la Métromanie ; c’eft- un fils diffipateur &
un père ufurier, qui , dans le préteur & l ’emprunteur
qu’ils cherchent réciproquement, fe rencontrent ,
comme dans Y Avare.
On fent combien la méprife qui précède ces
Reconnoijfance s , la furprife , l ’étonnement, l ’embarras
, la révolution qui les fuit, doivent contribuer
à.ce qu’on appelle J.e Comique de fituation :
G r am m . e t L l t t é r a t . Tome ƒƒ£,
É Ê C 2 8 s,
& fi à là Reconnoijfance des perfonnes on ajoute
celle des chofes , c’eft à dire, des bévues & des
erreurs où le perfonnage ridicule eft to m b é , des
pièges où il s’eft laiffé prendre ; on aura l’idée de
prefque tous les m oyens q u i , dans la C om édie „
am ènent les révolutions. ( M. M a rm o n t e l . )
R É C R É A T IO N , A M U S E M E N T , D IV E R T
IS S E M E N T , R É JO U IS S A N C E . Synonymes, '•
.Ces quatre mots font fynonym es , & ont la dif-
fipation ou le plaifir pour fondem ent. Récréation
defigne un term e court de délâffem ent ; c’eft un
fim ple paffe-tem ps pour dillraire l ’efprit de CesM
fatigues. Amufement eft une occupation lé g è re ,
de p eu d’im portance , & qui p la ît. Diverdjfement
eft accom pagné de plaifirs plus vifs , plus étendus.
Réjoüijfance fe m arque par des aétions extérieures ,
des d anfes, des cris de jo ie , des acclamations de
plufieurs perfonnes,
L a C om édie fut toujours la Récréation ou le
délâffem ent des grands hom m es , le Diverdjfe-
ment' des gens p o lis, & Y Amufement [du p eu ple :
e lle fait une partie ùqs Réjoüijfance s publiques dans
certains évènements.
Amufement , fuivant l ’idée que je m ’en fais
encore , porte fur le s occupations faciles & agréables
qu’on prend pour éviter l’ennui. Recréation
apartient p lu s que Y Amufement au délâffem ent
de l’e fp rit, & indique un befoin de l ’âm e p lu s
m arqué. Réjoüijfance eft affe&é aux fêtes p u bliques
du monde & de l ’É g life. Diverdjfement eft
le term e générique qui renferm e Amufementsy
les Récréations , & les Réjoüijfance s p articulières.
L es Diverdjfements de ce pays , dit à fon cher
A fa une péruvienne fi connue par la fineffe de
fon g o ût .& par la jufteffe de fon difcernement ;
» Les Diverdjfements de ce pays m e fem blent auffi
» peu naturels que les m oe urs. Ils confident dans
» une gaîté v io le n te , excitée p ar des ris éclatan ts,
» auxquels ' l ’âme ne p aro ît prendre aucune p a r t;
» dans dès jeux infipidès, dont l ’or fait to u t le
» plaifir ; dans une converfation fi frivole & fî
» ré p é té e , qu’e lle reffem ble bien plus au g a z o u iï-
» lem en t des oiféaux qu’à l ’entretien d’une affem -
» blée d’êtres pènfants; ou dans la fréquentation
» de deux fpeétacles , dont l’un hum ilie l ’h um a-
» nité , & l’autre exprim e toujours la joie & la
» trifteffe indifféremment p ar des chants & des
» danfes. Iis tâchent en vain p a r de tels m oyens
» de fe procurer des DivertiJfements réels , un
» Amufement a g ré a b le ; de donner quelque d if-
» traétion à leurs ch agrin s, quelque Récréation
» à le u r efprit : cela n’eft pas poffible. L eurs
» Réjouijfances mêm e n’ont d’attraits que p our
» le p e u p le , & ne font p o in t confàcrées , com m e
» les n ô tres, au cu lte du S o le il ; leurs regards ,
o leurs difcours , leurs réflexions ne fe tournent
» jam ais à l ’honneur de cet aftrè divin. Enfin leurs
O o