
c-e Solécifme dans le roman de Z aide (Part. I l ) :
Les vaiffeaux furent revenus d'Afrique avant
que Z a ï de eût recouvert f a faute. J’obferverai,
en pafiant, que fa eft de trop, parce que Z aide
ne pouvoit recouvrer une autre fanté que la tienne ;
i l falloit donc dire, avant que Zaïde eût recouvré
la feinté?
Nos prétérits font compofés de l ’un des auxiliaires
avoir ou être; & c’eft un Solécifme de ne
pas fe fervir de celui des deux que l ’Ufage ou le
liens autorife. Le célèbre roman de la rrinceffe
de Clèves , dont M. du Trouflet de"Valincourt a
fait une critique pleine de raifon & de goû t, nous
fournira l'exemple de cette efpèce de Solécifme.
Que M. de Nemours y ait jamais entré, pour
y foit jamais entré ; & dans un autre endroit,
M. de N emours a entré deux nuits de fuite dans le
jardin , pour eft entré.
.On pourroit s’imaginer que des fautes de cette
efpèce n’éçhapent pas aifément à de bons écrivains :
.mais outre que le roman dont il s’agit vient de
très-bonne main, qui pourra fe promettre de ne
pas tomber dans quelque incorrection , quand on
entendra le même Solécifme faire une tache à l ’onc-
t.ueufe éloquence de Mafliilon ? Il.femble , dit - i l ,
que Jéfus-Çhrijl n’auroit p as rejfufcité tout entier.;
pour ne feroit p as rejfufcité.
Un Solécifme contre la Conjugaifon, que bien
des gens commettent en parlant, c’efLjle dénaturer
la première perfonne fîngulière du préfent- antérieur
du fubjonétif, par la fuppreflion de la fyllabe
finale Je : on leur entend dire , I l vouloit que
j’allas che^ lu i, I l fa llo it que je lui tins parole,
On attendoit que je fortîs de cette maifon, Quoique
j’eûs payé, I l faudrait que je connus votre
affaire., au lieu de j ’allaffeffe tinffe, j e fortiffe ,
j'euffe , j e connujfe. C ’eft apparemment l ’affon-
nance de la troitième perfonne qui trompe ceux
qui parlent ainfî ; i l a llâ t , i l t în t , i l fo r t ît , i l
eût , i l connût, les induit à dire j 3a lla s , je tins,
j e fortîs , j ’eus , je connus: faufle analogie, dont
le remède eft l ’étude rigoureufe des règles de la
Conjugaifon.
III. La Concordance des mots corrélatifs ayant
lieu à plufieurs égards, il eft poffible de faire fur
ce point de^ Solécifmes en planeurs manières,.
i° . Contre le genre des noms. J. J. Roufleau
( Émile , liv. 1 ) fait un Solécifme de genre, quand
i l dit , Leurs pleurs font bonnes ; Les longues
pleurs d’un enfant, Elles ne font point Vouvrage
de la nature. Les mots bonnes, longues, elle s,
font au féminin, quoiqu’ils fe raportent Xpleurs, qui
pft un nom mafçuîin.
P. Corneille ( Pompée, I I I , 1 ) fait dire par
A-chorée, parlant de l ’arrivée de Céfar en Égypte,
ll'v eno it à plein voile : c’eft un Solécifme contre
le genre, puifque voile de vaifléau a toujours été
féminin , & que c’eft voile pour couvrir qui eft
gufculin,
t°. Contre le nombre. Dans la phrafe que je
viens de citer de P. Corneille , il y a encore un
Solécifme contre le nombre; car on ne dit & l ’on
ne doit dire qu’au p lu r i e lAller^ Vejiïr, Vagiter
à pleines voiles , parce que cette expreflion fuppofe
toutes les voiles déployées & en quelque forte
pleines du vent qui les enfle en les pourtant. .
S. R éa l, dans la Conjuration des efpagnols
contre la république de Venife , dit, en parlant
de Renault , que fon âge & fa profe(fond3 homme
de cabinet plus tôt que d’homme de guerre le
rendoit incapable de partager avec le capitaine
la gloire de l’exécution. Le fingulier rendoit eft
un Solécifme, parce qu’ il a raport à deux fujets
finguiiers, fon âge & fa profeffion , qui fait pluralité.
I l eft toutefois des cas où un fingulier fe raporte
fans Solécifme à plufieurs noms finguiiers : c’eft
lorfqu’il y a pluralité de noms.fynonymes où apro-
chants , qui ne préfentent pas pluralité d’idées.
Ainti, Boffuet a pu dire, L ’ ignorance & l ’aveugle-
ment s’étoit proaigieufement accru depuis le temps
£ Abraham.
Quand les noms ne feroientpas fynonymes, notrè
langue permet quelquefois aux poètes de mettre
le fingulier en raport avec tous, parce qu’on peut
rendre raifon par l ’Ellipfe de ce qui paroît alors
irrégulier. Ainti , Malherbe a ufé de cette licence en
commençant fon Ode à Henri ÎV^ fu r la pvifi de
Marfeille ;
Soit que de .tes la u r ie r s la grandeur pourfuivant
D'un coeur où l’î?e juft.e 5c la gloire commande : -
c’eft comme s’il y avoit, D ’un coeur oit l ’ire
ju jle commande & où la gloire commande.
Mais les profateurs ne peuvent ufer- de cette
licence, fans faire un véritable Solécifme contre la
Concordance, toujours plus préeieufedans une langue
amie de la perfpicuïté , que les hardieflès qui peuvent
l ’altérer.
30. Contre les temps. D.C alme td it : D e n is ,
informé de la marche d’Héloris , le furprend de
grand matin, avant quxl eût pu ni ramaffer ni
ranger fon armée. Le temps antérieur i l eût p u ,
au fubjon&if , ne doit être fubordonué qu’a un
temps antérieur du verbe précédent; & il eft ici
filbordonné à furprend, qui n’eft point antérieur 3
e’eft un Solécifme ; il falloit dire , ou furprit an
premier verbe, ou qu’ il ait pu au fécond.
IV . C’eft faire un Solécifme contre le Régime,
de njettre le complément d’un m.ot fous une autre
forme que celle que la Syntaxe a décidée.
Le premier jour que fa lla i parler a vous ( Roman
de Z a ide ) , Solécifme de Régime ; la Syntaxe
françoife veut j ’allai vous parler.
On dit dans le meme livre, en parlant des fenêtres
d’une chambre : Je crus un jour de les avoir
entendues ouvrir. I l y a là deux Solécifmes de Régime*
Régime. î ° . Laprépofition de eft de trop ; le verbe
‘Croire ne régit pas un infinitif par l ’entremife d’une
prépofition, il le régit immédiatement. z°. Les
.( fenêtres ) eft le complément Couvrir, & non pas
Savoir entendu ; or le participe des temps compofés
d’un verbe aétif ne fe met en- concordance
qu’avec fon complément qui le précède , & con-
lequemment entendues pèche contre cette règle de
Syntaxe : il falloit dire , Je crus un jour les avoir
entèndu ouvrir. '
Partout la charue avoit' laiffé des creux f i l ions.
(Télémaq. V ). D e s veut dire de les ; &.
notre Syntaxe ne veut pas l ’article indicatif avec
d e , quand l ’adjeétif précède le nom ; il falloit dire,
de creux filions.
Nous avions craint que quelque étranger vien-
' droit faire la conquête de Vile de Crète. (Ibid.)
Double Solécifme : i° . le verbe Craindre régit le
fubjonétif, &ne fouffre pas le fuppofitif; z°. Craindre^
, étant affirmatif, exige ne avec le Tubjonétif
qu’il régit : il falloit donc dire, Nous avions
craint^ que quelque étranger ne vînt faire la
conquête de Vîle de Crète. La phrafe de Fénelon eft
un gafconifme.
L ’exemple commun qui les autorife, dit Maf-
fillon , èn parlant des moeurs du tièd e, prouve
feulement que la vertu eft rare, mais non pas
que le défordre eft permis. Dans cet exemple,
mais non pas lignifie mais ne prouve pas ; &
ce vérbe négatif régit le fubjon&if : que le défordre
eft permis , eft donc un Solécifme de Régime , &
l ’orateur devoit dire,. mais non p as que le défordre
foit permis.
Je ne prétends pas accumuler ici des exemples
de tous les Solécifmes poffibles : il me fuffit d’avoir
indiqué les principaux chefs , auxquels on peut ra-
porter les différentes règles dont ce genre de faute
eft la tranfgreffion ; & d’en avoir pris des exemples
dans des ouvrages juftement eftimés du Public, moins
pour les cenlurer, que pour infpirer , à ceux qui écrivent,
la eirconfpeelion la plus fcrupuleufe & la mo-
deftieda plus vraie. )
Théophrafte & Chryfippe avoient fait chacun
un ouvrage intitulé rifpi s-oMiKispuv : ce qui prouve
1 erreur d Aulu - C e lle ( Lib• cap. xx ), qui
prétend que les écrivains grecs qui ont parlé purement
le langage attique , n’ônt jamais employé ce
mot, & qu’il ne l’a vu dans aucun auteur de réputation.
On le trouve pourtant dans Ariftote.
( M . B e a u z é è . )
SO L ILO Q U E , f. m. Littérature. C ’eft un rai-
lonnement & un difeours que quelqu’un fe fait à lui-
même.
Papias dit que Soliloque eft proprement un dif-
cours en forme de réponfe à une queftion qu’un homme s eft faite à lui-même.
I f°nt bien communs fur
le Iheâcre moderne : il n’y a rien cependant de
IrRAMM. ET LlTTÉRA T. Tome 111.
fi contraire à l ’art & à la nature , que d’introduire
. fur la Scène un aôleur qui fe fait de longs difeours
pour communiquer fes penfées , & c , à ceux qui
l ’entendent.
Lorfque ces fortes de découvertes font nécertaires,
le poète devrait avoir foin de donner à fes aéleurs
des confidents à qui ils puflent, quand il le faut ,
découvrir leurs penfées les plus fecrètes ; .par ce
moyen , les fpeârateurs en feroient inftruits d’une
manière bien plus naturelle : encore eft-ce une ref-
ti>urce dont un poète exaét devroit éviter d’avoir
befoin.
L ’ufage & l ’abus des Soliloques font bien détaillés
par le duc de Buckingham , dans le partage fui-
vant : » Les Soliloques doivent être rares , extrê-
» mement courts , & même ne doivent être em-r
» ployés que dans lapaffion. Nos amants , parlant
» à eux-mêmes , faute d’autres, prennent les murail-
» les pour confidents : cette faute ne feroit pas encore
» réparée, quand même ils fe confieroient à leurs
» amis pour nous le dire ».
Nous n’employons en France que le terme de
Monologue , pour exprimer les difeours ou les
fcènes dans lefquelles un aéteur s’entretient avec lui-
même , le mot de Soliloque étant particulièrement
confacré à la Théologie myftique & affective. Ainti,
nous difons les Soliloques de S. Auguftin ; ce font
des méditations pieufes., ( A NON y ME .
* SOMME, SOMM EIL , f. m. Synorrymes.
L ’un & l ’autre expriment cet état d’àffoupiffe-e
ment & d’inaélion, qui,
. . . . Quand l’homme accablé fent de fon foible corps
- Les organes vaincus, fans force & fans refforts.
Vient par un calme heureux fecourir la nature ,
Et lui porter l’oubli des peines qu’elle endure.
Henriade V I I . )
( M. B e a u z é e . )
Il y a quelquefois de la différence entre ces deux
mots.
Somme fignifîe toujours le Dormir , ou l ’ efpace
de temps qu’on dort. Sommeil fe prend quelquefois
pour l ’envie de dormir.
On eft preffé du Sommeil en été après le repas.
On dort d un profond Somme après une grande fatigue.
[L e chevalier d e J a u c o u r t .)
( ^ Sommeil exprime proprement l ’état de
l ’animal pendant raffoupiffement naturel de tous
fes fens ; c’eft pourquoi l ’on eu fait ufage avec
tous les mots qui peuvent être relatifs à un état ,
à une fituation. Etre enfeveli dans le Sommeil ;
Troubler, rompre , interrompre, refpeéter le Sommeil
de quelqu’un; Un long, un profond Sommeil
; Un Sommeil tranquile , doux, paifible,
inquiet , fâcheux ; La mort eft un Sommeil de
fer ; L’oubli de la Religion eft un Sommeil fu-
nèfte.
F f f